Ayrton SENNA
 A.SENNA
McLaren Honda
Nigel MANSELL
 N.MANSELL
Williams Renault
Alain PROST
 A.PROST
Ferrari

512e Grand Prix

LXII Gran Premio d'Italia
Légérement nuageux
Monza
dimanche 8 septembre 1991
53 tours x 5.800 km - 307.400 km
Affiche
F1
Coupe

Le saviez-vous ?

Pilote
Constructeur
Moteur

Benetton chipe Schumacher à Jordan

Le 2 septembre 1991, Eddie Jordan est à son usine de Silverstone en compagnie de son adjoint Ian Phillips et de son avocat, Me. Rogers. Ils attendent trois visiteurs: Jochen Neerpasch, Willi Weber et Michael Schumacher. Après ses premiers pas tonitruants en Formule 1, ce dernier doit parapher un contrat de deux ans avec l'écurie irlandaise, en échange de quelques millions de marks garantis par Mercedes. Hélas, les Allemands se font attendre une heure, deux heures... Jordan commence à s'inquiéter, surtout lorsqu'il apprend que Neerpasch a fait escale à Londres, au siège de l'International Management Group. Lorsqu'enfin Neerpasch et Weber débarquent à Silverstone, c'est en compagnie de Julian Jakobi, l'homme qui gère les carrières d'Ayrton Senna et d'Alain Prost, entre autres, et sans Schumacher qui s'est fait porter pâle. Ceux-ci présentent un contrat qui n'a rien à voir avec celui rédigé par leur interlocuteur. La rupture est consommée. Jordan tombe des nues. Cet Irlandais roublard s'est fait rouler dans la farine comme un débutant.

 

Et voici comment. Jochen Neerpasch désire avant tout offrir un excellent volant à Schumacher, pour que celui-ci soit déjà un champion aguerri lorsque Mercedes débarquera en F1, en 1993 ou 1994. Pour cela, quelques jours après l'épreuve de Spa, il sollicite les deux patrons de Benetton, Flavio Briatore et Tom Walkinshaw, pour savoir s'ils seraient intéressés par le jeune Allemand. Or ceux-ci rêvent évidemment d'engager sur la vedette de demain. Satisfait, Neerpasch leur garantit qu'aucun contrat ne lie le pilote à Jordan. Dans le même temps, Walkinshaw confie à Willi Weber que Ford ne motorisera plus Jordan en 1992. Puis, à l'occasion d'essais privés, Schumacher apprend par la bouche de Trevor Foster, le team manager de l'équipe irlandaise, que cette dernière utilisera vraisemblablement l'an prochain les médiocres V12 Yamaha. Bref, le prodige risque de se retrouver sur une voie de garage ! Walkinshaw met le marché dans les mains de Weber: si Schumacher veut rejoindre un top-team, à savoir Benetton-Ford, et toucher un copieux salaire (au lieu d'être un pilote payant...), c'est maintenant ou jamais ! Le businessman n'a pas grand peine à convaincre son client. Schumacher dit banco. Briatore et Neerpasch confient à leurs avocats la rédaction d'un juteux contrat.

 

Aussi, lorsque Neerpasch rencontre Jordan, Schumacher est à Witney en train de mouler son baquet ! Reste à éliminer un gêneur: Roberto Moreno, l'actuel occupant de la Benetton n°19. Briatore se charge de lui signifier son congé de la façon la plus inélégante possible. Le Brésilien se repose tranquillement dans son appartement monégasque lorsqu'il apprend qu'il est licencié « pour incapacité physique et morale à piloter » ! Le 4 septembre, Schumacher teste la Benetton 191 à Silverstone. Il signe avec Benetton un contrat de cinq ans, qui précise néanmoins que Mercedes pourra le récupérer entretemps si elle se lance en F1. Bien évidemment, les parties lésées n'en restent pas là. Eddie Jordan porte plainte devant la Haute Cour de Londres en se fondant sur une lettre d'intention signée par le pilote allemand avant Spa. Moreno se tourne lui devant le tribunal de commerce de Milan. Les deux actions ne mènent à rien. Jordan est débouté, aucun contrat en bonne et due forme ne le liant à Schumacher. Les juges italiens se déclarent incompétents sur le cas de Moreno mais condamnent Briatore à lui verser 500 000 dollars en guise de dédommagement. Nelson Piquet s'en mêle: furieux de voir son copain Moreno viré comme un malpropre, il s'en prend violemment à Briatore, lequel menace de le licencier sur le champ !

 

Bernie Ecclestone entre alors en scène pour calmer les esprits. Le jeudi 5 septembre, veille des premiers essais à Monza, il convie les protagonistes à la Villa d'Este, sur le lac de Côme: Eddie Jordan, Ian Phillips, Willi Weber, Flavio Briatore et Tom Walkinshaw. Les négociations durent une bonne partie de la nuit. Moreno fait le pied de grue dans une antichambre. Schumacher, lui, est parti se coucher. Finalement Ecclestone obtient un règlement à l'amiable: Jordan abandonne Schumacher à Benetton, moyennant un engagement financier de principe. Mieux, Moreno remplacera l'Allemand dans la monoplace verte à Monza et percevra l'indemnité promise par la justice italienne...

 

Affaire Schumacher et réactions du paddock

La scandaleuse mise à pied de Roberto Moreno et le curieux marchandage auquel se sont livrés Flavio Briatore et Eddie Jordan, avec la complicité de Bernie Ecclestone, soulève l'indignation dans le milieu de la Formule 1. Beaucoup se scandalisent de voir les pilotes  achetés ou échangés comme du bétail. Ayrton Senna est révolté: « Nous autres n'avons aucune protection contre ce genre de tractation. Cette insécurité de l'emploi est inadmissible. » Nelson Piquet fait également part de sa colère, mais il est rappelé à l'ordre par Briatore. Comme le triple champion du monde célèbre par ailleurs à Monza son 200ème Grand Prix, son patron lui offre une petite fête avec un mini-carnaval brésilien. Piquet accepte d'y participer mais ses sourires sont forcés. L'arrivée de Michael Schumacher lui fait non seulement perdre son compère Moreno, mais le pousse lui aussi vers la sortie. Quant au jeune Allemand, il démontre que sa langue de bois est aussi aiguisée que son coup de volant: « L'écurie Jordan était sans doute un peu étroite pour moi. Dans ma grande famille Benetton (sic), je suis certain de disposer de tous les moyens pour assurer ma carrière. »

 

Vendredi matin, pendant que le pauvre Moreno découvre sa nouvelle équipe et enfile une combinaison prêtée par Andrea de Cesaris, Éric Silbermann, l'attaché de presse de Honda, se fend d'un ironique communiqué au nom de son employeur: « L'équipe McLaren-Honda est heureuse d'annoncer qu'elle aligne ici les mêmes pilotes qu'à Spa, MM. Ayrton Senna et Gerhard Berger. » Flavio Briatore n'apprécie pas cet humour et boude Ron Dennis durant tout le week-end !

 

Crise chez Ferrari: Fiorio rallume l'incendie

Quatre mois après son éviction, Cesare Fiorio réapparaît dans le paddock, invité par Frank Williams. Officiellement, il vient promouvoir le Destriero, bateau dont il est le préparateur et qui va prochainement s'attaquer au Ruban bleu. En fait, il règle ses comptes avec Ferrari. Il lâche ainsi une bombe devant la presse: « J'avais engagé Senna à la place de Prost l'été dernier, c'était fait ! » Comme on pouvait s'y attendre, Alain Prost est abasourdi par cette révélation et exige des explications à Piero Fusaro, qui dément formellement. Mais Ayrton Senna confirme partiellement les propos de l'ancien directeur sportif: « Fiorio est venu me voir l'an passé au GP de France, et j'étais très bien disposé. J'ai été déçu d'apprendre plus tard que la situation était bloquée. Sans cela, j'étais prêt à partir chez Ferrari ! » Intox ? Quoiqu'il en soit, Prost a compris qu'il ne pouvait faire aucune confiance à ses employeurs et se saisit de cet argument, avec l'intention de s'en servir, le moment venu... 

 

La crise qui frappe Ferrari déborde largement des murs de Maranello. En vérité, les deux frères Agnelli se livrent à une véritable « guerre des chefs ». Le cadet, Umberto, reproche à l'aîné, Gianni, d'avoir donné le poste d'administrateur délégué à Cesare Romiti au détriment de Vittorio Ghidella. Il conteste par ailleurs la politique sportive de Ferrari, et Fiorio pourrait bien être son agent d'influence... Fragilisé, Gianni Agnelli souhaite se débarrasser de Piero Fusaro qui a largement démontré son incompétence. Celui-ci essaie néanmoins de remettre ses troupes en ordre. Il confirme ainsi qu'Alain Prost et Jean Alesi seront bien en rouge en 1992. «  Nos pilotes ont des contrats précis qui seront respectés. Je n'ai jamais cru aux changements, aux révolutions », assène-t-il.

 

Présentation de l'épreuve

Avec vingt-deux points d'avance sur Nigel Mansell à cinq manches de la fin du championnat, Ayrton Senna peut entrevoir sans excès d'optimisme sa troisième couronne mondiale. Il est cependant désappointé de voir les portes de Williams-Renault se fermer devant lui, car il pressent que l'écurie franco-britannique sera irrésistible l'an prochain. Néanmoins, c'est sans arrière-pensée qu'il négocie son futur contrat à la Villa d'Este en compagnie de Ron Dennis, de Mansour Ojjeh, ainsi que de Walter Thoma et John Hogan, les représentants de Philip Morris. Sa seule exigence: pouvoir passer deux mois de vacances chaque hiver au Brésil.

 

Pendant ce temps-là, le clan Williams se réunit à l'hôtel Fossari, à Canonica Lambro, la retraite italienne préférée du chef. « Il faut jouer la carte de l'équipe », rappelle Frank Williams à Nigel Mansell et Riccardo Patrese. Précision inutile car les deux hommes s'entendent désormais parfaitement. L'Italien sait qu'il n'a plus aucune chance de remporter le titre mondial et est prêt à aider le Britannique. Lorsqu'il regagne son hôtel, Mansell est entouré d'une armada de tifosi qui lui réclament des autographes. Bien qu'il ne soit plus chez Ferrari, « Il Leone » conserve en effet toute sa popularité en Italie.

 

Renault apporte un nouveau moteur RS3B destiné à tourner à plus haut régime. Ce bloc est en phase d'évaluation et ne sera utilisé qu'aux essais. Agip apporte encore un nouveau carburant à Ferrari afin de revitaminer le V12 qui sera très sollicité dans les grandes pleines charges de Monza. Dans le bas de la grille, Olivier Grouillard a reçu un nouveau châssis Fondmetal mais il l'a détruit lors des essais préliminaires... Enfin, on aperçoit dans le stand Benetton le sympathique et infortuné Sandro Nannini qui peut à nouveau se servir de sa main droite, près d'un an après son terrible accident d'hélicoptère. Mais sa rééducation est encore longue et il exclut tout retour à la compétition.

 

AGS lève le voile sur la JH27, la dernière création de Christian Vanderpleyn. Cette élégante machine arrive tardivement dans la saison et, qui plus est, n'a pas effectué un seul tour de roue ! Elle n'est disponible qu'en un seul exemplaire destiné à Gabriele Tarquini. En coulisses, Patrizio Cantù négocie avec Gérard Larrousse une possible fusion des leurs écuries. Les démarches semblent bien avancer. « Ce regroupement est inéluctable », avoue Larrousse. « Comme la nôtre, AGS n'est pas une grande affaire, l'intégration sera facile, et relativement complémentaire. » Les deux directeurs techniques, Michel Tétu et Mario Tollentino, se disent prêts à collaborer. Restent à trouver les vingt millions de dollars qu'exige le programme 92. Même à deux, ce ne sera pas une sinécure.

 

Essais et qualifications

Comme à l'ordinaire, les Brabham-Yamaha dominent les pré-qualifications. Elles sont suivies par la Fondmetal de Grouillard et la Footwork d'Alboreto. Caffi échoue à cause d'un sérieux sous-virage. Tarquini étrenne l'AGS JH27 qui s'immobilise au bout d'un tour ! Il reprend la JH25B, et ni lui ni Barbazza ne peuvent se qualifier. Chaves ne prend même pas la piste: son V8 expire dès que ses mécaniciens le mettent en route ! Et comme Coloni ne dispose pas de mulet...

 

Senna obtient la pole position (1'21''114''') mais n'est pas satisfait car il n'a pas pu améliorer ses chronos le samedi. Berger (3ème) ne rend que de deux dixièmes à son équipier. Victime de soucis de freins le vendredi, Mansell arrache le lendemain le second temps avec son mulet qui ne dispose pas du nouveau V10 Renault. Patrese est quatrième malgré quelques soucis de boîte de vitesses. Ces quatre premiers se tiennent en vingt-cinq centièmes. Les Ferrari (Prost 5ème, Alesi 6ème) sont sur la troisième ligne à sept dixièmes de la pole. Du côté de Benetton, Schumacher (7ème) fait sensation en précédant son nouvel équipier Piquet (8ème) lors de chaque séance. De même, Moreno (9ème) s'accommode parfaitement d'une Jordan qu'il découvre et devance très nettement de Cesaris (14ème).

 

Martini amène sa Minardi-Ferrari au dixième rang. Son collègue Morbidelli (17ème) rencontre quelques pannes et sort de la route. Blundell (11ème) continue à bien figurer avec la Brabham-Yamaha tandis que Brundle (19ème), pourtant plus expérimenté, patauge dans ses réglages. Les Leyton House cassent plusieurs moteurs Ilmor. Capelli se classe douzième, Gugelmin dix-huitième. Les Tyrrell-Honda (Modena 13ème, Nakajima 15ème) ont une bonne vitesse de pointe mais peu de grip. La Scuderia Italia vit un très mauvais week-end: les châssis sont mal réglés et les moteurs Judd serrent facilement. Pirro est seizième sur la grille, Lehto vingtième. Piètres prestations des toujours fragiles Ligier-Lamborghini (Boutsen 21ème, Comas 22ème). La Lamborghini se comporte beaucoup mieux qu'à Spa. Larini (23ème) arrache sa qualification, contrairement à van de Poele, accablé de pannes électriques. Bernard (24ème) sauve sa Larrousse, contrairement à Suzuki qui casse deux Cosworth-Hart. Häkkinen est vingt-cinquième avec sa Lotus-Judd. Son collègue Bartels est éliminé. Grouillard (26ème) entre sur la grille malgré deux blocs explosés. Alboreto est encore une fois refoulé car sa Footwork est trop instable.

 

Le Grand Prix

Le warm-up se déroule sous un ciel couvert, mais le vent balaie les nuages et un timide soleil éclairera le Grand Prix. Côté pneus, tous les clients de Goodyear prennent des pneus A ou B pour faire une course sans arrêt. Pirelli étrenne une nouvelle enveloppe, la 035, qui en théorie doit ramasser moins de gomme en fin d'épreuve.

 

Tour de formation: Häkkinen cale à cause d'un souci d'embrayage. Il parvient à démarrer mais s'élancera dernier, ce qui ne le fait reculer qu' d'un rang.

 

Départ: Senna conserve l'avantage de la pole. Mansell est deuxième, suivi par Berger, Patrese, Alesi, Prost et Schumacher. Martini double Piquet. Aucun incident n'est à signaler.

 

1er tour: Piquet repasse Martini dans la Parabolica. Senna mène devant Mansell, Berger, Patrese, Alesi, Prost, Schumacher, Piquet, Martini et Capelli.

 

2e: Alesi attaque Patrese à la première chicane mais loupe son freinage. Il traverse les graviers et regagne le bitume devant Prost, mai endommage son aileron avant dans l'aventure. Il entre aux stands en fin de tour pour réparer. Capelli double Martini. Surpris par un freinage intempestif de Brundle, Boutsen part en tête-à-queue dans le bac à graviers de la Variante Ascari et y restera.

 

3e: Senna compte une seconde d'avance sur Mansell qui retient Berger et Patrese. Brundle exécute une figure à la première chicane. Il peut repartir mais devra changer ses pneus. Lâché par ses freins, Moreno part en vrille au virage Ascari et s'enlise dans le sable. Alesi reprend la piste en dernière position.

 

4e: Les quatre premiers sont proches les uns des autres. A quelques encablures de là, Schumacher menace Prost.

 

5e: Senna, Mansell, Berger, Patrese, Prost et Schumacher forment maintenant un seul train. Une seconde environ sépare chacun d'eux. Piquet emmène le second peloton comprenant cinq Italiens: Capelli, Martini, de Cesaris, Modena et Morbidelli.

 

6e: Mansell réduit son retard sur Senna. Le Brésilien se dépense pour contenir son adversaire et ne peut ainsi ménager ses gommes.

 

7e: Berger commet une légère erreur dans la Curva Grande et Patrese en profite pour lui subtiliser la troisième place. Prost attaque ensuite l'Autrichien dans le Rettifilo Centrale, en vain. Gugelmin perd trois minutes au stand Leyton House afin de changer sa centrale de gestion.

 

8e: Prost et Schumacher se blottissent derrière Berger. La Ferrari du Français survire à la seconde chicane. Schumacher s'infiltre à l'intérieur et tente de passer avant le premier Lesmo, mais Prost lui barre la route. Plus loin, Capelli suit Piquet comme son ombre.

 

9e: Patrese est revenu sur le duo Senna - Mansell. Berger et ses deux poursuivants sont désormais relégués à quatre secondes du leader. Privé de freins, Martini perd l'arrière à la Variante della Roggia et s'échoue dans le sable. C'est terminé pour le pilote Minardi.

 

10e: Senna mène devant Mansell (0.7s.), Patrese (1.6s.), Berger (4.3s.), Prost (5.6s.), Schumacher (6.6s.), Piquet (10.6s.), Capelli (11.6s.), de Cesaris (18s.), Morbidelli (18.8s.), Modena (24s.) et Blundell (27s.).

 

12e: Patrese se montre dans les rétroviseurs de Mansell. Mais l'Anglais n'entend pas céder à son équipier. Berger prend du champ sur Prost et Schumacher.

 

13e: Senna continue de résister aux Williams. Celles-ci ont moins d'appuis que la McLaren et glissent beaucoup. En fond de classement, Alesi gagne quelques places. Larini stoppe chez Modena pour faire colmater une fuite d'huile et repartira quelques minutes plus tard.

 

14e: Senna précède Mansell (0.3s.), Patrese (0.9s.), Berger (3.3s.), Prost (4.4s.), Schumacher (6.8s.), Piquet (12s.) et Capelli (15s.). Le trio de tête arrive sur Gugelmin qui perd son sang-froid et tire tout droit à la première chicane. 

 

15e: Les leaders prennent un tour à Häkkinen qui conduit sans embrayage. Piquet met les quatre roues dans la poussière à la Variante del Rettifilo, mais parvient à repartir sous le nez de Capelli.

 

16e: Berger et Prost refont la jonction avec le trop de tête. Contact entre Blundell et Nakajima à la Variante della Roggia: le Japonais traverse les gravillons et perd deux places.

 

17e: Berger passe dans les graviers à la première chicane. Il reste devant Prost mais perd le contact avec le premier groupe.

 

19e: Patrese déborde Mansell à l'entrée de la parabolique. Il part à son tour à la chasse de Senna.

 

20e: Patrese essaie vainement de prendre l'aspiration derrière Senna. Mansell demeure en embuscade derrière son équipier.

 

21e: Senna mène devant Patrese (0.4s.), Mansell (1s.), Berger (6s.), Prost (6.8s.), Schumacher (9.6s.), Piquet (23s.), Capelli (24s.), de Cesaris (26s.) et Morbidelli (39s.). Pirro s'arrête aux stands et change de pneus.

 

22e: Le moteur de Bernard explose dans la ligne droite principale. Le jeune Français s'arrête sur le bas-côté tandis qu'une épaisse fumée envahit la piste.

 

24e: Senna contient Patrese de plus en plus difficilement. L'écart n'excède jamais la demi-seconde. Mansell reste dans la roue de son équipier.

 

26e: Patrese se place dans l'aspiration de Senna à la sortie de Lesmo. A l'abord de la Variante Ascari, il le déborde par l'intérieur et s'empare du commandement. Nakajima renonce car sa commande d'accélérateur est grippée par du sable. Changement de pneus pour Lehto.

 

27e: Patrese semble enfin tenir l'occasion de gagner son Grand Prix national. Mais sa boîte de vitesses le trahit au virage Ascari. La Williams part en toupie mais reste sur l'asphalte. Senna et Mansell passent, et Patrese se relance sous le nez de Berger.

 

28e: Senna retrouve la première place mais Mansell est à ses trousses. L'Anglais porte une estocade à la Parabolica, sans succès. Pendant ce temps-là, Patrese s'arrête à la Variante della Roggia, en panne de boîte de vitesses. Gugelmin change de pneus.

 

29e: Senna mène devant Mansell (0.4s.), Berger (5.1s.), Prost (6.9s.), Schumacher (11.6s.), Piquet (29s.), Capelli (30.5s.), de Cesaris, (33s.), Morbidelli (47s.), Modena (49s.) et Comas (54s.). Alesi est douzième. Second arrêt de Brundle.

 

30e: Capelli exécute un « tout-droit » et laisse passer de Cesaris. Le moteur d'Alesi part en fumée dans la Parabolica. Le Français rallie son garage pour renoncer.

 

31e: Senna et Mansell arrivent sur Grouillard, à la lutte avec Pirro. Le Toulousain bloque les leaders sur près de la moitié du tour. 

 

32e: Changements de pneus pour Morbidelli et Blundell. Modena se retire suite à une panne de moteur.

 

33e: Mansell harcèle Senna sans pitié. Le Pauliste allume ses freins à la première chicane et fait ainsi un méplat sur son pneu avant-gauche. Plus loin, Prost poursuit Berger qui rencontre du survirage, peut-être à cause d'un amortisseur défaillant.

 

34e: Senna monte derechef sur ses freins à la Variante del Rettifilo. Cette fois ce sont les deux pneus avant qui sont touchés. Mansell est collé à l'arrière de la McLaren. Il lui fait l'intérieur dans la Curva del Serraglio et s'impose en tête. Derrière ce duo, Prost exploite une nouvelle faute de Berger pour lui chiper la troisième place. A la fin de ce tour, Senna s'arrête à son stand pour changer de pneus (6s.). Le champion du monde estime qu'il vaut mieux engranger quelques points que de finir dans le décor.

 

35e: Mansell est désormais leader devant Prost (7.7s.), Berger (10.7s.), Schumacher (14.4s.), Senna (15.9s.), Piquet (31.5s.), de Cesaris (33s.) et Capelli (36s.).

 

36e: Mansell améliore le record du tour (1'26''948'''). Grâce à ses pneus neufs, Senna remonte rapidement sur Schumacher. Dans la Parabolica, il se colle à l'arrière de la Benetton mais est gêné par... Grouillard. Piquet change de pneus (6.4s.) et ressort huitième, laissant sa place dans les points à de Cesaris.

 

37e: Senna déborde Schumacher à la Variante Ascari. Lehto rejoint lentement son stand suite à une crevaison à l'arrière-gauche.

 

38e: Douze secondes entre Mansell et Prost. Senna revient sur Berger. Lehto met pied à terre car son moteur a surchauffé.

 

40e: Senna est dans la roue de son équipier Berger.

 

41e: Berger laisse passer Senna avant la première chicane. Le Brésilien s'attribue ensuite le meilleur chrono du jour: 1'26''061'''. Les nouveaux Pirelli se dégradent trop facilement: Brundle en change pour la troisième fois.

 

42e: Mansell compte quatorze secondes de marge sur Prost dont la Ferrari tangue lors des freinages. Senna rattrape le Français. Piquet remonte comme une balle sur Capelli.

 

43e: Senna n'est plus qu'à deux secondes de Prost. Piquet fait l'intérieur à Capelli au premier freinage. Le Milanais est en délicatesse avec ses pneus et tire droit dans le sable, avant de revenir en piste. Piquet est maintenant aux trousses de de Cesaris.

 

44e: Pirro prend la dixième place à Comas qui a perdu l'usage de son embrayage.

 

45e: Mansell devance Prost (15.8s.), Senna (16.9s.), Berger (22.2s.), Schumacher (26.6s.), de Cesaris (49.3s.), Piquet (52s.), Capelli (57s.), Morbidelli (-1t.), Pirro (-1t.) et Comas (-1t.).

 

46e: Senna dépasse Prost à la Variante della Roggia. Le Français ne résiste pas outre mesure. Piquet attaque de Cesaris.

 

48e: Dix-sept secondes séparent Mansell et Senna. Prost demeure sur les talons du Pauliste. Piquet dépasse de Cesaris dans la ligne droite principale. Grouillard abandonne suite à une rupture de son moteur.

 

50e: A trois tours du but, Mansell est premier devant Senna (17s.), Prost (19.5s.), Berger (27s.), Schumacher (33s.), Piquet (53s.), de Cesaris (55s.) et Capelli (1m.).

 

52e: Senna baisse son rythme car son ordinateur lui signale qu'il est au bord de la panne sèche. Prost se rapproche du Brésilien mais ne l'attaquera pas. Blundell menace Comas pour le gain de la onzième place. Il échouera pour treize millièmes.

 

53ème et dernier tour: Nigel Mansell remporte pour la première fois le GP d'Italie. Senna obtient une satisfaisante deuxième place. Prost sauve l'honneur de la Scuderia en finissant troisième. Berger termine quatrième puis tombe en panne sèche sitôt la ligne franchie. Schumacher est cinquième et inscrit ainsi ses deux premiers points en Formule 1. Son équipier Piquet arrache le dernier point. De Cesaris, Capelli, Morbidelli, Pirro, Comas, Blundell, Brundle, Häkkinen, Gugelmin et Larini figurent aussi à l'arrivée.

 

Après la course

Très applaudi par les tifosi, Nigel Mansell laisse libre court à son allégresse. Il embrasse ainsi Ayrton Senna et Alain Prost et crée ainsi une joyeuse ambiance sur le podium. « La course a été tellement excitante que je n'ai pas eu le temps de penser au championnat ! » ment-il effrontément. Mansell bénéficiait certes de la meilleure voiture, mais il a su faire preuve de tactique en laissant au malchanceux Patrese le soin de titiller Senna. « Je savais que Riccardo allait faire passer un mauvais quart d'heure à Senna », explique-t-il. « Il l'a obligé à malmener ses pneus. Moi, je pouvais ainsi préserver les miens. D'autant que mon auto était délicate à conduire avec le plein. Dès que je la remettais dans le sillage de la McLaren, je perdais mes appuis. » Cette quatrième victoire en 1991 lui permet de réduire son retard au championnat, mais il rend encore dix-huit points à Senna, à seulement quatre manches du terme de la saison. Cependant Mansell préfère savourer l'instant. Il reçoit en outre les amicales félicitations de Juan Manuel Fangio, accompagné par deux autres champions à peine moins prestigieux, Sir Jack Brabham et Phil Hill.

 

Ayrton Senna se contente de bonne grâce de cette seconde place: « Mes réglages n'étaient pas formidables et mes pneus se sont vite dégradés. A un certain moment, mon pneu avant-gauche s'est mis à vibrer... J'ai préféré m'arrêter. Bonne décision car sans cela je n'aurais pas fini deuxième ! » Toutefois, les deux McLaren ont encore une fois failli manquer d'essence pour atteindre le drapeau à damiers. Akimasa Yasuoka rejette néanmoins toute responsabilité et accuse Berger (non Senna...) d'avoir dépassé sa moyenne. Quoiqu'il en soit, McLaren-Honda repart de Monza avec neuf points contre dix pour Williams-Renault. Un moindre mal.

 

Chez Ferrari, on préfère retenir le beau podium d'Alain Prost et non la panne de moteur qui a frappé Jean Alesi. Mais l'atmosphère demeure pesante, d'autant que Prost critique maintenant la 643: « Cette voiture est meilleure que la 642, mais elle possède les mêmes défauts. Parti avec peu d'appuis, j'étais sensiblement plus rapide que Berger, mais j'étais incapable de le doubler par la faute des turbulences et, surtout, du moteur Honda qui possède d'excellentes accélérations. C'est un bon résultat, mais il reste beaucoup de travail à accomplir, surtout sur le moteur. »

 

Enfin Flavio Briatore peut être ravi de son hold-up: le jeune Schumacher a réglé son compte au vieux Piquet en un week-end. L'horizon du Carioca se bouche de plus en plus: après une telle gifle, il ne peut plus décemment réclamer six à sept millions de dollars à un éventuel employeur. Son seul point de chute plausible est Ligier, ce qui peut le faire frémir...

Tony