Michele ALBORETO
 M.ALBORETO
Ferrari
Gerhard BERGER
 G.BERGER
Ferrari
Eddie CHEEVER
 E.CHEEVER
Arrows Megatron

464e Grand Prix

LIX Gran Premio d'Italia
Ensoleillé
Monza
dimanche 11 septembre 1988
51 tours x 5.800 km - 295.800 km
Affiche
F1
Coupe

Le saviez-vous ?

Pilote
Constructeur
Moteur

Réorganisation de la Scuderia et départ de Piccinini

Quelques jours avant le Grand Prix d'Italie, Jean-Marie Balestre se rend à Modène en compagnie de Piero Lardi-Ferrari pour se recueillir sur la tombe d'Enzo Ferrari. Il y dépose en guise d'hommage un coussin de roses rouges, « le rouge Ferrari », précise-t-il. Dans le même temps, la transition au sommet du groupe Ferrari pilotée par Fiat arrive à son terme. Vittorio Ghidella, l'administrateur délégué par Gianni Agnelli, s'est rendu une douzaine de fois à Maranello depuis la disparition du Commendatore. Il suit de près l'élaboration de futur V12 atmosphérique et de la nouvelle F1 préparée par John Barnard. Gerhard Berger a couvert 57 tours à Monza à son volant.

 

Le matin du samedi 10 septembre, à l'occasion du traditionnel petit-déjeuner offert par Ferrari à la presse, Marco Piccinini annonce son départ de la direction sportive de la Scuderia, après dix ans de bons et loyaux services. Il est promu « conseiller d'administration » auprès de Ghidella qui dévoile ensuite le nouvel organigramme. Pier Giorgio Capelli prend le titre de « manager général ». Pierpaolo Gardella di Ottavello, jusqu'ici lieutenant de Piccinini, devient secrétaire logistique tandis que Franco Gozzi, fidèle serviteur d'Enzo Ferrari, est dorénavant chargé des relations avec la presse. Celle-ci regrette le départ de Piccinini dont la bonne humeur et l'affabilité ne furent jamais prises en défaut.

 

Valse des ingénieurs: Larrousse et Ligier débauchent

Le 7 septembre, Gérard Larrousse officialise le recrutement de Gérard Ducarouge au poste de directeur technique qu'il occupera dès la fin de l'année. La première tâche de Ducarouge sera de resserrer les liens entre Larrousse & Calmels, Lola et Lamborghini. Les deux Gérard ont déjà collaboré ensemble avec succès au début des années 70 lors de l'épopée Matra, mais leurs chemins en Formule 1 ne s'étaient jusqu'ici jamais croisés. Voilà une anomalie réparée. « Mieux vaut tard que jamais ! » disent-ils aux journalistes en leur sevrant du champagne.

 

Après la défection de Frank Dernie, Guy Ligier cherche désespérément un nouveau concepteur pour la saison 89. Son bras droit Dany Hindenoch a courtisé Alan Jenkins, l'ancien ingénieur de McLaren et de Penske, mais celui-ci préfère s'engager avec Mike Earle dont l'écurie Onyx se lancera l'an prochain en Formule 1. Une bonne nouvelle tout de même du côté de Magny-Cours: la prolongation du contrat de René Arnoux. A 40 ans, le Grenoblois espérait naïvement que son expérience lui offrirait le baquet de la seconde Williams-Renault. Mais malheureusement, « Néné » s'est encroûté chez Ligier et n'est plus considéré que comme un pilote de seconde zone, en fin de carrière. De son côté, Stefan Johansson se demande toujours ce qu'il venu faire dans cette galère bleue et cherche activement un autre volant.

 

Finalement, Ligier parvient à débaucher Andy Williams, l'informaticien en chef de McLaren. Ne doutant de rien, il fait une offre à Steve Nichols, le concepteur de la MP4/4, dont la position au sein de son équipe est fragilisée depuis quelques temps. Furieux, Ron Dennis vient frapper vendredi matin, à neuf heures pétantes, au mobile-home du constructeur français. L'entretien est houleux. Dennis s'emporte: « Tu n'as pas le droit d'agir ainsi ! Ces méthodes de recrutement sont indignes de la F1 ! Si tu continues, tu auras de mes nouvelles ! » « Œil pour œil, dent pour dent ! » réplique un Ligier furibard qui, depuis la « trahison » de Dernie, met tous les Britanniques dans le même sac...

 

Honda annonce ses choix pour 1989

Marlboro accueille Ayrton Senna et Alain Prost comme invités de luxe à l'Hôtel de la Villa d'Este, au bord du lac de Côme. Un lourd programme les attend puisqu'ils doivent prendre part à un duplex exceptionnel réalisé par Fuji TV à l'intention des millions de téléspectateurs de l'archipel nippon, de plus en plus férus de compétition automobile. C'est le moment que choisit Osamu Goto pour annoncer qu'Honda ne fournira en 1989 qu'une seule écurie : McLaren. A l'heure où d'autres constructeurs nippons comme Yamaha (avec Zakspeed) ou Subaru (avec Motori Moderni) entrent en F1, il s'agit pour Honda de réaffirmer sa prééminence. Ron Dennis pavoise comme un paon. « En 1989, nous reprendrons de plus belle notre chasse aux records ! » claironne-t-il. Cette phrase irrite les Italiens qui l'interprètent comme une provocation à l'égard de Ferrari.

 

Honda rend aussi publique la fin attendue et logique du partenariat avec Lotus. Le bilan provisoire de cette saison est en effet des plus cruels pour la firme de Ketteringham Hall qui n'a inscrit que 17 points contre 147 pour McLaren, à moteur égal... Un désastre ! Lotus ne bénéficiera donc pas du futur V10 Honda atmosphérique récemment dévoilé lors d'une séance de démonstration par Ayrton Senna (qui a d'ailleurs rapidement détruit sa machine...).

 

Peter Warr devra se rabattre sur le V8 Judd de 1988, la version 89 étant conçue en exclusivité pour le compte de Leyton House-March. La motorisation du pauvre, par conséquent... En outre, la rupture avec Honda devrait entraîner le départ de Satoru Nakajima. Warr désirait le remplacer par Derek Warwick mais celui préfère rester chez Arrows qui devrait lui offrir un meilleur moteur. Du moins, c'est ce que Jackie Oliver lui a promis... Selon d'autres bruits, Nelson Piquet aurait mis son veto à la venue de Warwick chez Lotus, à l'instar de Senna en 1985. Le Carioca restera en tout cas dans la place en 1989, assuré de jouir d'un énorme salaire payé par Camel. Il en a besoin puisqu'il est l'heureux papa de deux nouveaux enfants... nés de mères différentes !

 

J-L. Schlesser, le débutant quadragénaire

Toujours pas remis de l'infection sanguine consécutive à sa varicelle, Nigel Mansell se fait à nouveau porter pâle pour ce GP d'Italie. Frank Williams rappelle donc Martin Brundle pour le remplacer comme en Belgique. Mais Tom Walkinshaw, le patron de l'équipe TWR-Jaguar, décide de consigner celui-ci qui n'est pas apparu sous son meilleur jour lors des 1000 kilomètres du Nürburgring, huit jours après Spa. Du coup, Williams se rabat sur le Français Jean-Louis Schlesser qui fut longtemps son pilote d'essais, nanti in extremis d'une super-licence signée par Yvon Léon. A 40 ans, cet éternel touche-à-tout taillé comme une armoire à glace est un étrange néophyte. Il a certes déjà conduit une RAM-March en 1983 sur quelques week-ends, mais sans jamais pouvoir se qualifier. Depuis il a surtout piloté en Endurance et en Super-Tourisme.

 

Schlesser savoure cette opportunité inespérée, et peu importe s'il peine à entrer dans le cockpit de la FW12. « Ne me demandez pas pour combien de temps je suis là ! » lance-t-il aux journalistes. « J'y suis et c'est épatant ! »

 

Présentation de l'épreuve

A Spa-Francorchamps, Ayrton Senna (75 points) a officiellement pris les rênes du championnat au détriment d'Alain Prost (72 pts). Mais ce classement n'a qu'une valeur indicative car, à cause du barème qui ne retient que les onze meilleurs résultats de la saison et de l'incroyable constance des pilotes McLaren, la couronne mondiale reviendra cette année au concurrent ayant amassé le plus de lauriers. Et Senna possède ici un net avantage sur Prost avec sept succès contre quatre. Le Français doit ainsi absolument empêcher la victoire de son équipier à Monza. S'il n'y parvient pas, ses chances de titre seront anéanties puisqu'il devra alors absolument remporter les quatre derniers Grands Prix... sans que Senna n'inscrive plus de six points ! Ce GP d'Italie peut donc s'avérer décisif.

 

Sur l'avis de Patrick Head, Frank Williams a finalement choisi de prolonger d'un an le contrat de Riccardo Patrese, pourtant donné partant depuis quelques semaines. Williams aurait préféré engager Michele Alboreto, mais Head souhaitait que son équipe bénéficie d'un point de référence à l'aube d'une saison 1989 où toutes les données seront différentes du fait de l'arrivée de Renault. Par conséquent, Alboreto pourrait finalement revenir chez Tyrrell, une perspective peu séduisante pour un pilote habitué à jouer les premiers rôles avec Ferrari depuis cinq ans.

 

L'écurie Eurobrun vit peut-être ses dernières heures car Walter Brun révèle à Monza tout le mal qu'il pense de l'entreprise de son acolyte Giampaolo Pavanello. « Le matériel est mauvais, nous n'avons pas d'ingénieur, l'organisation est déplorable... » Brun n'envisage pourtant pas de quitter la Formule 1 et est en pourparlers avec Hazel Chapman afin d'intégrer le capital du Team Lotus. Il s'intéresse aussi de près à l'ex-écurie Brabham.

 

Alfa Romeo présente ici sa Silhouette 164 V10 préparée par Brabham. Une belle réalisation qui marque aussi le terme de la mission dévolue par la firme milanaise à Motor Racing Developments. Que va devenir cette officine ? Selon certaines rumeurs, son ex-propriétaire Bernie Ecclestone chercherait à la sauver en trouvant un autre repreneur qui pourrait à terme permettre son retour en Formule 1, en 1989 ou 1990. On l'a dit, Walter Brun est sur les rangs.

 

Bien sûr, dans ce temple de la vitesse toutes les voitures (sauf l'Eurobrun, faute d'argent...) montent des mini-ailerons. On voit aussi fleurir des moustaches aux dérives latérales venant lécher l'intérieur des jantes, selon la dernière mode. La Lola LC d'Alliot reçoit une entretoise rallongeant l'empattement de 12 cm afin d'accroître la vitesse de pointe et la stabilité. Le mulet Ligier possède une nouvelle carrosserie élaborée par Michel Beaujon et inspirée par la Rial. Malheureusement, Johansson qui en héritera samedi s'apercevra très vite que le refroidissement du moteur est gravement altéré par cette enveloppe. La Coloni hérite quant à elle de nouveaux ailerons et de pontons raccourcis d'une cinquantaine de centimètres. La Minardi arbore une suspension avant inédite, un empattement rallongé et une boîte à air toute neuve, fruits des travaux des deux nouveaux ingénieurs en chef de l'écurie, Tommaso Carletti et Aldo Costa. Giacomo Caliri a en effet été mis sur la touche par Giancarlo Minardi.

 

Honda apporte la troisième version 88 de son V6 turbo, l'XE3, spécialement adapté pour développer une puissance maximale grâce à un régime de rotation augmenté. Toutes les McLaren en sont pourvues, contre une seule Lotus, le mulet de Piquet. Comme sa consommation d'essence est inconnue, ce moteur est remisé pour la course et remplacé par l'XE2.

 

Du côté d'Arrows, Heini Mader fait redessiner la chambre à combustion du quatre cylindres Megatron et déplace la pop-off valve qui a créé de nombreux problèmes ces temps-ci, notamment à Warwick en Belgique. Cette ultime évolution du moteur allemand doit apporter un gain de trente chevaux.

 

Essais et qualifications

Cette piste ultra-rapide est évidemment un terrain privilégié pour les moteurs suralimentés. Les blocs « aspirés » Ford-Cosworth et Judd ne s'attendent qu'à faire de la figuration.

 

Senna réalise sa dixième pole position de la saison (1'25''974''') et fixe ainsi un nouveau record. Le Pauliste se démène néanmoins pour devancer un Prost menaçant (1'26''277''') et, dans un style généreux, se signale en escaladant hardiment les vibreurs de la première chicane. Les Ferrari de Berger et d'Alboreto occupent comme d'habitude la seconde ligne malgré plusieurs problèmes de transmission. Les améliorations apportées par Mader au moteur Megatron portent leurs fruits puisque les Arrows (Cheever 5ème, Warwick 6ème) monopolisent la troisième rangée. Les pilotes Lotus (Piquet 7ème, Nakajima 12ème) pataugent à cause de mauvais réglages. Les Benetton-Ford (Boutsen 8ème, Nannini 9ème) sont les plus rapides de la catégorie atmosphérique mais rendent près de trois secondes aux McLaren.

 

Les March-Judd (Capelli 11ème, Gugelmin 13ème) ne bénéficient pas ici d'un bon équilibre. Patrese place sa Williams au dixième rang. Le courageux Schlesser assure l'essentiel, sa qualification, et se positionne au vingt-deuxième rang, malgré une panne de moteur et une sortie de piste. Après leur déconvenue spadoise, les Minardi (Martini 14ème, Pérez-Sala 19ème) renaissent et se qualifient aisément. Les Zakspeed (Schneider 15ème, Ghinzani 16ème) usent de leur turbo pour obtenir leurs meilleures positions de la saison. De même, Larini et son Osella se classent dix-septièmes grâce à l'antique V8 suralimenté Alfa Romeo. De Cesaris n'est que dix-huitième avec sa Rial à cause de soucis d'embrayage. Alliot (20ème) et Dalmas (25ème) qualifient péniblement leurs Lola LC qui manquent complétement d'adhérence.

 

On retrouve aussi en fond de grille la Dallara de Caffi (21ème), l'AGS de Streiff (23ème) et la Ligier d'Arnoux (24ème). Bailey (26ème) arrache in extremis son ticket d'entrée aux dépens de son collègue Palmer (27ème), immobilisé par une sortie de route. Johansson (28ème) reste sur le carreau, tout comme Tarquini (29ème), trahi par son moteur. Dépourvues d'ailerons spécifiques, les Eurobrun de Modena (29ème) et Larrauri (30ème) ont la vitesse de pointe la plus faible et sont donc éliminées.

 

Le Grand Prix

Il fait un temps splendide mais un peu frais ce dimanche 11 septembre 1988. Lors du warm-up, Senna ne devance Prost que de huit millièmes. Le Français n'est cependant pas rassuré car son boîtier électronique fonctionne mal et son châssis est assailli par des vibrations. Schneider réalise un joli neuvième temps. La Zakspeed semble mieux fonctionner depuis le recrutement de Gustav Brunner.

 

Lorsqu'il quitte les stands pour gagner la pré-grille, Berger s'aperçoit que son moteur ratatouille. Il repasse en hâte par son garage pour changer de bougies et pourra prendre le départ. Les tifosi ont eu chaud... Gugelmin brise son moteur et part avec le dernier Judd disponible qui se montre très poussif. L'affaire est encore plus grave pour Nannini qui a cassé un capteur d'accélérateur. Il est encore dans son garage lorsque le starter donne le départ.

 

A noter qu'avec Alboreto, Patrese, Nannini, de Cesaris, Caffi, Ghinzani, Larini, Martini et Capelli, ce ne sont pas moins de neufs Italiens, soit un tiers du plateau, qui prennent part à leur course nationale. Et encore, manquent à l'appel Tarquini et Modena...

 

Départ: Prost prend un meilleur envol que Senna et s'empare le commandement, mais pour quelques mètres seulement. Son équipier se glisse en effet dans son sillage et lui fait l'intérieur à la première chicane. Suivent Berger, Alboreto, Cheever, Boutsen et Piquet. Patrese se frotte à Capelli tandis que Martini s'appuie contre de Cesaris.

 

1er tour: Patrese dépasse Piquet en sortant de la parabolique. Senna mène devant Prost, Berger, Alboreto, Cheever, Boutsen, Patrese, Piquet, Capelli et Warwick.

 

2e: Senna compte deux secondes d'avance sur Prost. Les Ferrari sont déjà repoussées à cinq secondes. Piquet repasse devant Patrese. Nannini quitte les stands avec une boucle de retard.

 

3e: Senna prend un second tour à Nannini tandis que Berger, très agressif, revient sur Prost. Patrese reprend l'avantage sur Piquet. Larini s'arrête dans la pelouse avec un moteur cassé.

 

4e: Cheever est sous la menace de Boutsen. Plus loin, Patrese, Piquet, Capelli, Warwick et Gugelmin se tiennent en quelques secondes.

 

5e: Senna précède Prost (3.6s.), Berger (3.9s.), Alboreto (4.8s.), Cheever (11.5s.) et Boutsen (12s.). Pérez-Sala exécute un tête-à-queue à la sortie de la seconde chicane. Il redémarre avec l'aide des commissaires, puis rejoint ensuite son stand pour prendre des pneus neufs.

 

6e: Prost allonge sa foulée pour se détacher de Berger, tout en restant mesuré car sa consommation est excessive.

 

7e: Nannini évolue toujours entre les McLaren. Prost améliore le record du tour et roule en 1'30''947''', mais Berger se cramponne. Alboreto est en revanche distancé car sa quatrième vitesse saute par instants.

 

8e: Prost et Berger se défont de Nannini. Cheever résiste toujours fermement à Boutsen.

 

9e: Senna réplique à Prost et signe un chrono d'1'30''578'''.

 

10e: Prost reprend son record (1'30''507'''). Senna précède Prost (3.5s.), Berger (4.8s.), Alboreto (8s.), Cheever (16s.), Boutsen (17s.), Patrese (22s.), Piquet (23s.), Capelli (24s.), Warwick (25s.), Gugelmin (30s.), Schneider (36s.) et Nakajima (37s.).

 

12e: Prost prend un peu de champ sur Berger. Privé d'embrayage, Piquet part en tête-à-queue à la première chicane et atterrit dans les graviers. La course est finie pour le champion du monde. Son coéquipier Nakajima prend la onzième place à l'étonnant Schneider.

 

13e: Senna devance Prost (3.7s.), Berger (6.5s.), Alboreto (9s.), Cheever (19s.) et Boutsen (20.5s.). A vingt-cinq secondes vient le trio des furieux: Patrese - Capelli - Warwick.

 

14e: Pérez-Sala a probablement endommagé sa transmission lors de son tête-à-queue. Il abandonne car sa commande de boîte ne répond plus.

 

15e: Nakajima abandonne après une nouvelle panne de son V6 Honda, peut-être due à la défaillance d'un piston.

 

16e: Cheever a semé Boutsen. Warwick dépasse Capelli. Ce dernier rencontre de sérieuses vibrations à l'avant de sa March, conséquences de sa touchette avec Patrese au départ.

 

17e : Martini abandonne suite à une panne de moteur. Il se battait avec Caffi et Ghinzani pour la quatorzième place.

 

18e: Senna compte quatre secondes d'avance sur Prost. Berger préserve ses pneus et son essence et concède maintenant dix secondes au leader. Capelli tente à plusieurs reprises de prendre l'aspiration derrière Warwick, mais son V8 Judd aspiré capitule face au quatre cylindres suralimenté Megatron.

 

19e: Capelli fait l'extérieur à Warwick dans le Rettifilo Centrale. Mais il n'a pas assez de chevaux pour pousser son avantage, et son adversaire reste devant à l'abord de la Parabolica. Dalmas s'arrête à son garage car il a perdu l'usage de son troisième rapport. Les hommes de Daniel Champion s'aperçoivent alors que son radiateur d'huile est percé. Le Varois renonce.

 

20e: Senna mène devant Prost (3.8s.), Berger (13s.), Alboreto (18s.), Cheever (30s.), Boutsen (34s.), Patrese (40s.), Warwick (41s.), Capelli (41.7s.) et Gugelmin (56s.).

 

21e: Warwick double Patrese devant les stands et s'empare ainsi de la septième place.

 

22e: L'intervalle entre Senna et Prost grimpe à quatre secondes et six dixièmes. Tous deux sont pris dans le trafic. Berger et Alboreto surveillent leur consommation de carburant et sont maintenant très distancés. Capelli attaque Patrese entre Lesmo et la Curva del Vialone. Le Padouan verrouille toutes les portes.

 

24e: Ghinzani ralentit car son moteur est en train d'expirer.

 

25e: Senna devance Prost (4.6s.), Berger (19s.), Alboreto (23s.), Cheever (44s.), Boutsen (48s.), Warwick (52s.), Patrese (53s.) et Capelli (54s.).

 

26e: Prost abaisse le meilleur tour en course (1'29''674''') et grappille une seconde à son équipier. Caffi renonce, moteur en panne suite à un court-circuit. De Cesaris s'arrête chez Rial pour faire contrôler son fond plat et repart.

 

27e: Prost semble passer à l'attaque: il ne concède plus que deux secondes et demie à Senna.

 

28e: Warwick remonte sur Boutsen dont le moteur a quelques ratés. Capelli prend enfin le meilleur sur Patrese. De Cesaris regagne pour de bon son stand avec un échappement cassé. Ghinzani s'arrête sur le bas-côté, moteur muet.

 

29e: Senna réagit et tourne en 1'29''569'''. Après un bon début de course, Schneider rejoint le garage Zakspeed avec un quatre cylindres hors d'usage.

 

30e: Le moteur de Prost émet un bruit curieux et ne tourne plus rond: en fin de parcours, le Français rend neuf secondes au leader ! Warwick prend la cinquième place à Boutsen.

 

31e: Senna devance Prost (9.5s.), Berger (23s.), Alboreto (34s.), Cheever (50s.), Warwick (55s.), Boutsen (56s.), Capelli (59s.), Patrese (1m. 03s.) et Gugelmin (1m. 18s.)

 

32e: Le V6 Honda de Prost mugit de façon épouvantable. L'intervalle entre les McLaren est désormais de douze secondes.

 

33e: Dix-huit secondes entre Senna et Prost. Berger et Alboreto se rapprochent de celui-ci. Streiff roulait en douzième position mais il doit abandonner après avoir cassé son moyeu d'embrayage.

 

34e: Senna compte vingt-trois secondes d'avance sur Prost, désormais menacé par Berger. Alliot renonce suite à la rupture de son V8 Ford-Cosworth.

 

35e: Prost ouvre la voie à Berger puis rentre aux stands. Ses mécaniciens démontent son capot et examinent le moteur. Un piston en céramique a cédé, comme sur le bloc de Nakajima. Prost retire con casque. C'est la première défaillance technique d'une McLaren en course cette année. Capelli dépasse Boutsen.

 

36e: Senna devance Berger (25.6s.), Alboreto (36s.), Cheever (50s.), Warwick (53s.), Capelli (57s.) et Boutsen (1m. 01s.). Grâce à l'abandon de Prost, Senna est en mesure, s'il gagne, de quasi s'assurer du titre mondial.

 

38e: Senna compte vingt-cinq secondes de marge sur Berger. Mais sa consommation est plus élevée que d'habitude et il doit lever le pied. Pour leur part, Berger et Alboreto ont sauvegardé suffisamment de carburant pour attaquer en cette fin de course.

 

40e: Senna est premier devant Berger (23s.), Alboreto (30s.), Cheever (46s.), Warwick (48s.), Capelli (53s.), Boutsen (58s.), Patrese (1m. 10s.), Gugelmin (1m. 24s.) et Nannini (-1t.) qui a tracé son chemin dans le peloton.

 

41e: Berger « met le paquet » pour rattraper Senna et réduit l'écart à vingt secondes. Warwick remonte sur Cheever et convoite la quatrième place.

 

43e: Les ingénieurs de Honda recommandent à Senna de baisser sa pression de suralimentation et d'accroître la richesse du carburant, par crainte que son moteur ne subisse le même sort que celui de Prost. Berger revient à dix-huit secondes.

 

44e: Senna suit les consignes de son stand, mais comme son moteur a reçu une cartographie pour une « pression maxi », il réagit mal aux fluctuations de la pression d'essence et consomme de manière anarchique. Un souci de plus pour le leader. Alboreto fixe le meilleur tour en course à 1'29''070'''.

 

45e: L'hémorragie se poursuit en tête de la course: Senna ne devance plus Berger que d'onze secondes, Alboreto de seize secondes.

 

47e: Senna n'a que sept secondes d'avance sur Berger, encouragé par les tifosi. Alboreto se rapproche sensiblement de son équipier et le contraint ainsi à cravacher davantage. Bien plus loin, Warwick est dans la roue de Cheever.

 

48e: Senna précède Berger (5s.), Alboreto (9s.), Cheever (40s.), Warwick (40.7s.), Capelli (55s.), Boutsen (1m. 03s.), Patrese (1m. 17s.), Gugelmin (-1t.) et Nannini (-1t.)

 

49e: Berger compte maintenant moins de cinq secondes de retard sur Senna. L'intervalle diminue aussi avec Alboreto, tandis que Cheever se démène pour résister à son coéquipier.

 

50e: Senna aborde le freinage de la première chicane derrière Schlesser, pressé de s'en défaire. Surpris par l'impétuosité du Brésilien, le Français se range à l'extérieur, roues arrière bloquées, escalade la bordure et met deux roues dans la terre. Sans attendre, Senna se glisse à gauche, négocie le virage, entame le droit suivant... et coupe la trajectoire de Schlesser qui revient en piste ! La roue arrière-droite de la McLaren escalade l'avant-gauche de la Williams. Senna part en tête-à-queue et se retrouve en bascule sur la bordure, moteur calé... C'est l'abandon ! Explosion de joie dans les tribunes: Berger mène le Grand Prix, deux secondes devant Alboreto !

 

51e et dernier tour: Alboreto a presque complétement refait son retard sur Berger, mais il ne l'attaquera pas pour ne pas mettre en péril cet inespéré doublé Ferrari.

 

Gerhard Berger remporte le GP d'Italie une demi-seconde devant son équipier Alboreto. C'est le premier doublé Ferrari à Monza depuis 1979 ! Cheever conserve in extremis la troisième place devant Warwick. Capelli termine cinquième, Boutsen sixième. Patrese, Gugelmin, Nannini, Schlesser, Bailey et Arnoux coupent aussi la ligne d'arrivée.

 

Après la course: triomphe ferrariste

La foule italienne chavire dans la liesse. Des drapeaux Ferrari flottent au vent tandis que des tifosi extatiques envahissent l'autodrome. Ce succès survient un mois à peine après le décès d'Enzo Ferrari et prend évidemment une dimension particulière. « C'est dommage qu'il n'ait pas vécu assez longtemps pour vivre une telle joie » déclare Michele Alboreto qui s'est transcendé pour son dernier Grand Prix d'Italie en rouge. Gerhard Berger est lui effrayé par la frénésie des supporteurs. C'est entouré de gardes du corps qu'il parvient à gravir les marches du podium, où il retrouve Alboreto et Eddie Cheever, Américain élevé à Rome. C'est un véritable triomphe transalpin.

 

Une fois réfugié dans son mobile-home, Berger revient sur cette victoire quelque peu chanceuse. « Senna n'était pas intouchable. J'ai d'ailleurs eu plusieurs fois l'envie de l'attaquer mais je devais surveiller Alboreto qui est revenu très rapidement derrière moi. Je m'interrogeais également sur ma consommation, un brin élevée durant la première partie de la course. » Il dédie tout naturellement cette performance à la mémoire d'Enzo Ferrari. « Je viens de vivre le plus beau jour de ma vie et de ma carrière ! » conclut le grand Autrichien.

 

McLaren manque le grand chelem

Pendant ce temps-là, c'est un Jean-Louis Schlesser tout penaud qui vient présenter ses excuses à Ayrton Senna.... Par pure convenance, car le Lorrain ne s'estime pas coupable de l'accrochage qui a coûté la victoire au Brésilien. « Je ne pouvais vraiment pas faire mieux », explique-t-il. « J'ai mis mes deux roues droites sur la terre, je ne pouvais raisonnablement y mettre les quatre ! Et moi aussi, je devais prendre le virage. » On ne peut que lui donner raison. Comme à l'accoutumée, Senna a joué avec le feu en doublant les attardés, et cette fois a payé « cash » sa précipitation. Il le reconnaît d'ailleurs partiellement. « Je me suis trouvé au mauvais endroit au mauvais moment... Quelqu'un là-haut n'a pas voulu que je gagne ! » dit-il en pointant son index vers le ciel. « C'est un vrai gentleman » confie Schlesser aux journalistes français peu après leur échange.

 

Alain Prost a quant à lui assisté à la fin de la course dans le stand McLaren en compagnie de Lisa Dennis, l'épouse de Ron. L'abandon de son coéquipier le soulage puisqu'il lui laisse une petite chance de remporter le titre mondial. Ce n'est toutefois qu'un sursis puisque Senna reste à une victoire de la consécration. Enfin, Ron Dennis plaisante avec ses pilotes, et même avec Schlesser, afin de cacher son amertume. Il n'oublie pas qu'il vient de perdre son pari de remporter tous les Grands Prix de cette saison 88...

Tony