Ayrton SENNA
 A.SENNA
McLaren Honda
Alain PROST
 A.PROST
McLaren Honda
Michele ALBORETO
 M.ALBORETO
Ferrari

459e Grand Prix

LXXIV Grand Prix de France
Légérement nuageux
Le Castellet
dimanche 3 juillet 1988
80 tours x 3.813 km - 305.040 km
Affiche
F1
Coupe

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Ligier à l'heure anglaise !

En avril, Guy Ligier a chargé Jean-Pierre Paoli et Dany Hindenoch de dénicher un ingénieur de renom afin d'épauler Michel Tétu, rattraper le cuisant échec de la JS31... et sauver son écurie d'une inexorable décadence. Les deux hommes jettent leur dévolu sur Frank Dernie, l'expérimenté adjoint de Patrick Head.

 

Tenu à l'écart des pourparlers avec Renault par un Frank Williams méfiant, Dernie accueille favorablement leurs avances. Le 24 juin, il rencontre Ligier, Paoli et Hindenoch et paraphe son contrat avec l'équipe vichyssoise. Ligier le « patriote » recrute un ingénieur britannique ! L'affaire n'est néanmoins pas tout à fait conclue car Dernie doit un préavis de douze mois à Williams. Or, ce dernier est bien décidé à marchander l'allègement d'une telle contrainte. Une fois arrivé au Castellet, Ligier délègue Hindenoch auprès du maître de Didcot pour négocier. Celui-ci n'accorde que de petites concessions. « Décidément, Williams joue bien avec les Français... » soupire le père Ligier. « Il va nous prendre de l'argent à propos de Dernie et il recevra gratuitement les moteurs Renault... »

 

Ferrari : l'interrègne se prépare

Petite révolution dans le stand Ferrari: John Barnard reprend la direction des opérations sur le terrain, sous les regards méfiants, voire hostiles, des journalistes transalpins. Il remplace Harvey Postlethwaite qui a remis sa démission pour devenir directeur technique chez Tyrrell à compter du 1er août. Par ailleurs, Fiat, représentée ici par Vittorio Ghidella, renouvelle l'organigramme de la Scuderia et révèle le nom du successeur de Piero Lardi-Ferrari à la direction générale. Il s'agit de Pier Giorgio Capelli, un ingénieur de la firme de Turin, chargé de cornaquer Marco Piccinini qui devrait être bientôt « appelé à d'autres fonctions », comme on dit pudiquement.

 

En outre, selon les derniers bruits du paddock, le remplaçant de Michele Alboreto sera bel et bien Nigel Mansell, très apprécié en tant que pilote par Enzo Ferrari. L'Anglais devrait signer son contrat dans les jours à venir. Son baquet chez Williams pourrait échoir à Alboreto ou à Thierry Boutsen. Ce dernier, auteur d'un excellent travail chez Benetton, aurait la faveur des ingénieurs de Renault Sport car il est francophone et bon metteur au point.

 

Présentation de l'épreuve

Les infrastructures du Castellet sont encore améliorées cette année. Une troisième hauteur de rail est installée dans la ligne droite du Mistral tandis que plus de dix mille vieux pneus font office de remparts de sûreté. Une plate-forme pour hélicoptères est également inaugurée. Avec deux villages en toile, les VIP sont gâtés. Mais pour financer tout cela, Philippe Gurdjian taxe les visiteurs à tout-va. Et comme l'argent n'a pas d'odeur, l'accès aux toilettes du circuit est désormais payante pour tout le monde, mécaniciens compris !

 

Le rapide tracé du Paul-Ricard est légèrement situé en altitude (500 mètres), ce qui donne un petit avantage aux moteurs turbo sur les aspirés. Le revêtement très abrasif est aussi un atout pour les blocs suralimentés qui peuvent ainsi « passer » toute leur cavalerie au sol. Cependant en cas de forte chaleur, l'usure prématurée des pneumatiques peut créer quelques surprises...

 

Les Lotus 100T reçoivent des amortisseurs Bilstein à auto-réglage électronique. C'est un système beaucoup moins sophistiqué que la suspension active de 1987, puisque nécessitant moins de capteurs. Les amortisseurs sont munis d'une sorte de by-pass contrôlé par l'extérieur qui permet de doser le degré d'amortissement par la circulation de fluides entre les corps hauts et bas. Tout cela est censé accroître le confort du pilotage. Les Lotus abandonnent l'entretoise moteur-boîte qui rallongeait l'empattement.

Les Ligier possèdent de nouveaux conduits d'eau et d'huile afin d'améliorer le confort du V8 Judd, ainsi que quatre petits radiateurs pour éviter les fréquentes surchauffes du V8 Judd. La Williams arbore quant à elle deux grosses ouïes. Les Lola LC reçoivent des pontons en deux pièces tandis que leur empattement est réduit de vingt millimètres. Enfin les Benetton utilisent de nouvelles jantes Speedline, plus légères, et d'un nouvel aileron arrière.

 

Claude Galopin vit son dernier Grand Prix chez Ligier en tant qu'ingénieur d'exploitation. En désaccord avec le « boss », il préfère partir avant le déménagement définitif à Magny-Cours. Son successeur sera François-Xavier Delfosse, un ancien de la Régie, responsable notamment de Renault-Alpine lors de la victoire au Mans en 1978.

 

Essais et qualifications

Prost crée ce qu'il faut bien appeler une surprise en obtenant la pole position, sa première depuis deux ans ! Il devance Senna vendredi (1'08''111''' contre 1'08'456''') comme samedi (1'07''589 contre 1'08''067'''). Il met ainsi un terme à la série de six positions de pointe consécutives réalisée par son coéquipier. Les Ferrari occupent la seconde ligne. Berger, furieux d'avoir été gêné par Larrauri samedi, précède Alboreto. Mais les machines italiennes consomment toujours beaucoup trop d'essence. Les Benetton-Ford (Boutsen 5ème, Nannini 6ème) réalisent une fort belle performance en ne concédant que deux secondes aux McLaren. Elles font surtout mieux que les Lotus-Honda (Piquet 7ème, Nakajima 8ème), toujours décevantes. Les Williams-Judd (Mansell 9ème, Patrese 15ème) souffrent d'un manque d'adhérence. Capelli place sa March au dixième rang, loin devant Gugelmin (16ème) qui a cassé un moteur.

 

Les Arrows-Megatron (Warwick 11ème, Cheever 13ème) sous-virent excessivement et font de la figuration. De Cesaris décroche une superbe douzième place avec la vaillante Rial. Caffi réalise un autre exploit en installant la Dallara, dotée d'un nouveau capot arrière, au quatorzième rang. Côté français, l'AGS de Streiff (17ème) précède les deux Lola d'Alliot (18ème) et de Dalmas (19ème). Modena (20ème) parvient à qualifier son Eurobrun, contrairement à Larrauri (27ème). Ce circuit favorisant les turbos, les Zakspeed (Schneider 21ème, Ghinzani 22ème) échappent au couperet. Les Minardi (Martini 23ème, Pérez-Sala 26ème) sont en queue de classement avec la Tyrrell de Palmer (24ème) et l'Osella de Larini (25ème).

 

L'écurie Ligier subit un énorme affront à domicile: ni Arnoux (28ème) ni Johansson (30ème) ne parviennent à se qualifier. Le comportement de la JS31 est absolument calamiteux. « Même en se crevant la paillasse, on n'arrive à rien... » s'agace Arnoux, dépité. Bailey (29ème) est éliminé, tout comme Tarquini et sa Coloni, sortis dès la pré-qualification à cause de soucis de moteur.

 

Ghinzani est finalement exclu par la direction de course pour ne pas avoir s'être présenté au contrôle de pesée. Cela permet à Larrauri d'être admis au départ.

 

L'épreuve de Formule 3 se conclut par un doublé des Martini-Volkswagen de l'écurie BSL. Lionel Robert l'emporte devant son équipier Didier Artzet, tandis que la troisième place revient à Éric Chéli sur Dallara.

 

Le Grand Prix

Il se déroule sous un ciel voilé. Prost réalise le meilleur temps du warm-up, malgré un tête-à-queue, devant Senna. Les Ferrari partiront avec une faible pression de turbo afin de pouvoir terminer l'épreuve, ce qui les interdit d'ores et déjà de menacer les McLaren. En outre, les pneus de Berger et d'Alboreto donnent des signes de fatigue au bout de cinq tours... La Scuderia s'attend à un après-midi pénible.

 

Départ: Excellent envol de Prost qui conserve la première place. Berger surprend Senna, mais le Brésilien « pique » à l'intérieur au premier freinage et reprend l'avantage sur l'Autrichien. Alboreto reste quatrième tandis que Piquet court-circuite superbement les Benetton.

 

1er tour: Prost mène devant Senna, Berger, Alboreto, Piquet, Boutsen, Nannini, Mansell, Nakajima et Warwick.

 

2e: Prost compte une longueur d'avance sur Senna, menacé par Berger.

 

3e: Prost devance Senna d'une seconde et demie, Berger de trois secondes. Alboreto et Piquet sont distancés.

 

4e: Berger suit la trace de Senna, mais sans beaucoup d'espoirs pour la suite des événements puisque le V6 Ferrari boit trop de carburant et devra très tôt être ménagé.

 

5e: Prost devance Senna (3.3s.), Berger (3.8s.), Alboreto (6s.), Piquet (10s.), Boutsen (11s.), Nannini (12s.), Mansell (13s.), Nakajima (14s.), Warwick (15s.), Cheever (16.5s.) et Capelli (17s.).

 

7e: Senna flirte avec les bordures et commence à décramponner Berger.

 

8e: L'intervalle diminue entre les McLaren et se chiffre maintenant à trois secondes. Berger et Alboreto perdent pied derrière les MP4/4.

 

10e: Prost est en tête devant Senna (2.7s.), Berger (6.7s.), Alboreto (10.1s.), Piquet (17.7s.), Boutsen (21s.), Nannini (23s.), Mansell (24.5s.), Nakajima (28.1s.), Warwick (28.9s.), Cheever (29.3s.) et Capelli (30.1s.).

 

12e: Warwick part en tête-à-queue à la sortie des S de l'École. Il s'immobilise contre le rail et cale. C'est le premier abandon du jour.

 

13e: Prost compte deux secondes et huit dixièmes d'avance sur Senna. Berger et Alboreto calquent strictement leur rythme sur leur consommation d'essence et rendent dorénavant une seconde aux McLaren à chaque passage.

 

14e: Prost précède Senna (2.1s.), Berger (7.5s.), Alboreto (11s.), Piquet (22s.), Boutsen (26s.), Nannini (28s.) et Mansell (29s.). Larini effectue une halte aux stands pour retirer un objet abandonné qui traînait dans son cockpit...

 

16e: Prost arrive sur les premiers retardataires. Son avance sur Senna chute à neuf dixièmes. Patrese s'arrête chez Williams pour changer ses pneus.

 

17e: Boutsen entre dans les stands avec un moteur qui hoquette. Il reprend la piste après une minute d'arrêt.

 

18e: Prost et Senna se fraient un chemin parmi les attardés. Senna agit avec une grande autorité, quitte à faire peur aux autres pilotes. Il fait ainsi l'intérieur à Martini en contre-braquant à la sortie de Signes.

 

19e: Schneider s'arrête chez Zakspeed pour prendre des pneus neufs et faire examiner son moteur qui émet un bruit rauque.

 

20e: Prost devance Senna (0.7s.), Berger (11.5s.), Alboreto (17s.), Piquet (31s.), Nannini (43s.), Mansell (44s.), Nakajima (46s.) et Cheever (48s.). Boutsen rejoint pour la seconde fois son stand. Ses mécaniciens vont lui fixer une nouvelle centrale de gestion

 

21e: Streiff renonce car l'essence envahit son cockpit, suite à la fuite d'une canalisation.

 

22e: Berger manque un changement de rapport et effectue un tête-à-queue aux S de l'École. Il repart aussitôt mais entretemps Alboreto s'est emparé de la troisième place. L'Autrichien entre en fin de tour à son stand pour remplacer ses pneus abîmés (7.7s.). Il repart sixième, sous le nez de Mansell qui poursuivait Nannini.

 

24e: Berger déborde Nannini devant les stands. Nakajima double Mansell au bout de la ligne droite.

 

25e: Prost compte deux secondes d'avance sur Senna. Boutsen reprend la piste.

 

27e: Prost est leader devant Senna (1.9s.), Alboreto (27.9s.), Piquet (42.9s.), Berger (47.7s.), Nannini (58.4s.) et Nakajima (1m.).

 

28e: Berger est désormais aux trousses de Piquet.

 

29e: Senna n'amuse pas le terrain et rattrape un début de dérapage au premier virage. Dalmas et Larini chaussent des gommes neuves. L'arrêt du Varois s'éternise car il doit refixer son harnais qui s'est détaché.

 

30e: Prost précède Senna (1.3s.), Alboreto (29.3s.), Piquet (45.5s.), Berger (46s.), Nannini (1m. 03s.), Nakajima (1m. 04s.), Mansell (1m. 05s.), Cheever (1m. 06s.), Capelli (1m. 07s.) et de Cesaris (1m. 08s.).

 

31e: Berger déborde Piquet dans la ligne droite du Mistral. Le voici quatrième. Nannini, Nakajima et Mansell luttent pour la sixième place.

 

33e: Prost distance Senna d'une seconde et demie. Changements de pneus pour Nannini et Mansell. Ils repartent respectivement treizième et quatorzième. Patrese repasse par les stands pour faire contrôler sa suspension active.

 

34e: Senna choisit de stopper aux stands, pensant que des « semelles » neuves lui permettront de faire la différence. L'opération dure neuf secondes. Alboreto change aussi ses pneus (7.7s.) et redémarre derrière Piquet. Pérez-Sala s'arrête chez Minardi pour remplacer son boîtier électronique.

 

35e: Grâce à ses pneus frais, Senna reprend deux secondes à Prost sur ce tour. Nakajima prend des pneus frais (8.5s.).

 

36e: Prost est premier devant Senna (21.8s.), Berger (41.8s.), Piquet (51.4s.), Alboreto (56s.) et Capelli (-1t.). Cheever change ses gommes. Arrêts pneus également pour Palmer et Alliot. Pérez-Sala stoppe encore à son stand, cette fois-ci pour remplacer ses bougies.

 

37e: Prost entre dans les stands pour chausser de nouveaux pneus. L'arrêt est un peu long (10.6s.) à cause de l'écrou de la roue avant-gauche qui se bloque. Le Français redémarre derrière Senna ! Patrese renonce après avoir perdu son répartiteur de frein.

 

38e: Senna mène désormais avec trois secondes et demie d'avance sur Prost. Boutsen s'arrête à l'entrée des stands, moteur muet suite à une panne d'allumage.

 

39e: Prost garde le contact avec Senna et réduit même l'écart à deux secondes et demie.

 

40e: Arrêt de Piquet (7.3s.). Le triple champion du monde repart en cinquième position.

 

41e: Senna et Prost sont bloqués dans un groupe qui comprend Gugelmin, Larrauri et surtout Caffi et Nannini, en bagarre pour la huitième place. La Benetton finira par doubler la Dallara. De Cesaris arrive au stand Rial pour changer ses roues, mais les mécaniciens allemands rencontrent un problème avec un pistolet pneumatique. Le temps d'en trouver un de rechange, le Romain repart avec deux minutes de retard...

 

42e: Senna devance Prost (2.3s.), Berger (32.5s.), Alboreto (36.9s.), Piquet (1m. 01s.), Capelli (-1t.), Nannini (-1t.), Caffi (-1t.), Gugelmin (-1t.), Nakajima (-1t.) et Mansell (-1t.). Palmer se gare sur le bas-côté, moteur cassé.

 

43e: Senna repousse Prost à plus de trois secondes. Alboreto menace Berger.

 

45e: Prost réalise le meilleur tour en course (1'11''737''') et réduit derechef l'écart avec son équipier. Nannini prend la sixième place à Capelli. Nakajima dépasse Gugelmin qui a choisi de courir l'épreuve sans stopper. Changement de pneus pour Caffi.

 

46e: Prost ne concède plus qu'une seconde et un dixième à Senna. La bataille entre les deux hommes s'annonce féroce. Alboreto rattrape Berger qui doit réduire sa consommation. Capelli et Modena passent par les stands pour prendre des Goodyear frais.

 

47e: Voulant prendre un deuxième tour à Dalmas, Senna allume ses roues au premier virage. Son pneu avant-droit n'apprécie pas. Alboreto déborde Berger par l'extérieur dans le double droit du Beausset.

 

48e: Il n'y a plus qu'une seconde entre les McLaren. Senna a du mal à passer ses vitesses. Larrauri revient chez Eurobrun pour réparer sa pédale d'embrayage qui colle au plancher. Alliot met pied à terre après une défaillance de son boîtier électronique.

 

50e: Senna précède Prost (1.3s.), Alboreto (42.4s.), Berger (44.4s.), Piquet (1m. 07s.), Nannini (-1t.), Nakajima (-1t.), Gugelmin (-1t.), Cheever (-1t.) et Capelli (-1t.). Mansell stoppe dans les graviers. Un triangle de suspension arrière s'est brisé sur sa Williams.

 

52e: Prost fait la jonction avec Senna. Martini et Schneider changent leurs enveloppes.

 

53e: Prost se place dans les échappements de Senna mais ne l'attaque pas pour le moment. Il profite de cette situation pour économiser de précieux litres de carburant. Le Pauliste accroît sa pression de suralimentation pour le semer.

 

55e: Senna mène devant Prost (0.8s.), Alboreto (49s.), Berger (53s.), Piquet (1m. 13s.) et Nannini (-1t.).

 

56e: Senna rétrograde avec peine à cause d'un second rapport capricieux. Il est ainsi handicapé au freinage et allume une seconde fois sa roue avant-droite à la Bretelle. La pression que lui inflige Prost finira-t-elle par payer ?

 

58e: Une demi-seconde entre Senna et Prost. Le Français cherche une ouverture et pousse sa molette de pression de suralimentation au « maxi ».

 

60e: Senna et Prost sont roues dans roues tandis qu'ils reviennent derrière Piquet. Schneider renonce, boîte de vitesses cassée.

 

61e: Piquet laisse passer Senna dans la ligne droite du Mistral. Prost est dans le sillage de son équipier. Senna bute ensuite sur Martini qui se fait doubler par Caffi. La McLaren vibre, victime des turbulences générées par la Minardi, et prend une trajectoire très large à Signes. Malin, Prost serre la corde à l'intérieur. Senna court vers le Beausset, toujours gêné par Martini. Prost saisit l'opportunité, plonge en piqué et double coup sur coup Martini et Senna ! Il recueille ainsi le commandement de l'épreuve.

 

62e: Blessé dans son orgueil, Senna ne s'avoue pas vaincu et reste sur les talons de Prost.

 

63e: Senna ne lâche pas prise et ne compte qu'une seconde et demie de retard sur Prost. Mais son ordinateur lui indique qu'à cette cadence il n'aura pas assez de carburant pour rallier l'arrivée...

 

64e: Larini abandonne après la rupture d'un demi-arbre de roue. Il comptait huit tours de retard sur les McLaren.

 

65e: Senna commence à lever le pied pour conserver de l'essence et laisse ainsi la victoire à Prost.

 

66e: Prost est leader devant Senna (2s.), Alboreto (1m.), Berger (1m. 06s.), Piquet (-1t.), Nannini (-1t.), Nakajima -1t.) et Gugelmin (-1t.).

 

67e: Larrauri renonce après son embrayage a rendu l'âme.

 

69e: Senna perd du temps en doublant Cheever. Capelli prend la neuvième place à l'Américain dont les pneus arrière sont abîmés.

 

70e: A dix tours du but, Prost devance Senna (2.4s.), Alboreto (1m. 06s.), Berger (1m. 11s.), Piquet (-1t.), Nannini (-1t.), Nakajima (-1t.), Gugelmin (-1t.), Capelli (-2t.), Cheever (-2t.) et de Cesaris (-2t.).

 

72e: Prost sème Senna au rythme de deux secondes par tour.

 

74e: Huit secondes séparent dorénavant les pilotes McLaren. Jo Ramirez brandit le panneau « boost » qui leur ordonne de maintenir leurs positions... afin de préserver du carburant.

 

75e: Les ingénieurs de Honda demandent à Senna de ralentir car sa consommation d'essence est excessive. Le Pauliste s'exécute.

 

77e: Senna s'écroule et rend maintenant dix-huit secondes à son équipier. Il laisse passer Gugelmin, Martini et Caffi.

 

78e: Prost prend un tour à Berger. Senna perd maintenant l'usage de ses derniers rapports de boîte.

 

79e: Le réservoir de Senna est presque à sec. Ayrton prie pour conserver le verre d'essence qui lui permettra de franchir la ligne d'arrivée. Prost roule trente-et-une secondes devant.

 

80ème et dernier tour: Alain Prost remporte le Grand Prix de France pour la troisième fois de sa carrière. Senna termine deuxième et stoppe sitôt la ligne d'arrivée franchie, en panne sèche ! C'est le quatrième doublé consécutif pour McLaren-Honda. Alboreto est troisième et se satisfait de terminer dans le même tour que les McLaren. Berger se classe quatrième avec l'autre Ferrari. Piquet et Nannini entrent aussi dans les points. Nakajima, Gugelmin, Capelli, de Cesaris, Cheever, Caffi, Dalmas, Modena et Martini viennent ensuite. Pérez-Sala concède dix tours à Prost et n'est pas classé.

 

Après la course: Prost, prophète en son pays

Cette victoire est importante pour Alain Prost qui a prouvé que lui aussi pouvait faire preuve d'une audace « à la Senna » tout en ménageant ses pneus et sa consommation. « Je crois avoir choisi les bons réglages à tous niveaux », explique-t-il. « Cela m'a permis d'être un peu plus rapide que Senna. Peut-être d'un dixième, c'est suffisant. Notre unique inquiétude aujourd'hui concernait les pneus et l'essence. J'ai constamment cherché à les préserver. En attendant l'occasion... » Ayrton Senna reconnaît sportivement sa défaite et met en avant ses problèmes techniques: « Ma commande de boîte devenait de plus en plus spongieuse au fil des tours, et à la fin, je demandais si mes 2ème, 5ème et 6ème rapports étaient encore là. » Du reste, il n'avait aucun intérêt à violenter encore un peu plus la mécanique avec un moteur aussi glouton.

 

Prost salue le chaleureux public français avant de rejoindre le podium. Alors que se font entendre les premières notes de la Marseillaise, il échange quelques mots avec son équipier, mais est sèchement rappelé à l'ordre par Jean-Marie Balestre qui souhaite que les pilotes écoutent les hymnes au garde-à-vous... ce qui fait bien rire Michele Alboreto. Puis, Ron Dennis perturbe le protocole en surgissant sur l'estrade en plein God save the Queen ! Le patron anglais est fier comme Artaban. Ses voitures ont empoché les sept premiers Grands Prix de la saison, du jamais vu depuis la domination des Ferrari 500 au début des années 1950 !

 

Prost achève néanmoins cette belle journée sur une fausse note. A cause de la grève des contrôleurs aériens, il ne peut quitter le Castellet pour la Suisse que tard dans la soirée, alors qu'il devait intervenir en direct à 20 heures 30 au journal télévisé de TF1. Le présentateur Bruno Masure, non averti de ce contretemps, l'accuse à l'antenne de « manquer d'élégance » et d'être « comme son homonyme Proust, à la recherche du temps perdu... » L'intéressé ne goûte guère aux à peu près du pitre cathodique, et entame une assez longue brouille avec les journalistes de la première chaîne française.

 

Alain accroît en tout cas son avance son championnat du monde. Il compte 54 points contre 39 à Senna et aborde donc avec sérénité les épreuves de l'été. Au classement des constructeurs, McLaren-Honda (93 pts) exerce une complète hégémonie. Ferrari (34 pts) vivote au second rang devant Lotus-Honda (13 pts), Benetton-Ford (12 pts) et Arrows-Megatron (9 pts).

Tony