Ferrari éjecte René Arnoux
Le mardi 16 avril, René Arnoux se rend insouciant à Maranello à l'invitation de Marco Piccinini, pour ce qu'il imagine être une entrevue de routine. Mais en quelques secondes, le ciel lui tombe sur la tête. Le « cardinal » lui annonce en peu de mots son licenciement immédiat. Arnoux ne comprend pas. Il est si abasourdi qu'il n'a même pas la force de se récrier. Piccinini l'introduit ensuite dans l'austère bureau d'Enzo Ferrari. Le vieillard se montre chaleureux, reconnaissant, argue qu'il ne peut pas faire autrement. Arnoux l'écoute à peine. Il était si viscéralement attaché à Ferrari qu'une telle éviction lui fend le cœur. A la déchirure s'ajoute l'humiliation. Une heure plus tard, il est contraint par Ferrari de publier un communiqué annonçant son départ pour « raisons de santé ».
Le motif du limogeage d'Arnoux demeure mystérieux car le principal intéressé a toujours gardé le silence à ce sujet. Il exact que depuis l'été 84, ses performances étaient devenues médiocres, bien inférieures à celles de Michele Alboreto. En fait, le Grenoblois souffrait d'une légère hypertrophie des muscles de la jambe droite. Il s'est fait opérer en catimini au cœur de l'hiver à Lannion et n'a averti Ferrari qu'une fois l'intervention réalisée. Selon certains, cela aurait servi de prétexte au Commendatore pour pointer du doigt le « manque de forme » de son pilote. Mais lors du premier Grand Prix de la saison au Brésil, « Néné » a accompli une spectaculaire course-poursuite qui l'a mené à la quatrième place. Comment un pilote affaibli aurait-il pu supporter un tel rythme ? Pour d'autres, il était déjà menacé en août 84. Ferrari et Ligier se seraient mis d'accord pour procéder à un échange avec Andrea de Cesaris. Arnoux aurait fait capoter l'affaire, préférant évidemment rester chez les Rouges plutôt que s'embarquer dans la galère bleue...
D'après les rumeurs circulant dans le milieu du sport automobile, Arnoux aurait en vérité été évincé pour des raisons purement extra-sportives, mais impliquant tout de même la famille Ferrari. Faute de preuves et surtout par respect envers les personnes concernées, il ne nous appartient pas de développer cette hypothèse.
René Arnoux est remplacé par Stefan Johansson, un protégé du comte Zanon qui a déjà permis le recrutement d'Alboreto. Le jeune Suédois était sous contrat avec Toleman mais Alex Hawkridge n'a fait aucune difficulté pour le libérer. Pour cet habitué des fonds de grille, recevoir une Ferrari est un don du ciel. C'est tout intimidé qu'il se rend à Maranello pour parapher son contrat. « Même si je n'avais pas reçu le volant, le seul fait de rencontrer M. Ferrari, de parler avec lui m'aurait suffi. J'étais aussi ému que si j'avais rencontré la reine d'Angleterre », affirme le blond Scandinave.
Présentation de l'épreuve
Six mois se sont écoulés depuis le Grand Prix du Portugal 1984. Le revêtement du tracé d'Estoril a entretemps été refait à neuf, supprimant les bosses dont se plaignaient les conducteurs. En marge de cette course se déroule la troisième manche du nouveau championnat international de Formule 3000, remportée par le Danois John Nielsen.
Les voitures n'ont pas pu être modifiées en profondeur depuis le GP du Brésil. Chez Renault, Tambay hérite à son tour du nouveau moteur EF15 et les RE60 copient les Lotus en adoptant des déflecteurs dans le passage d'air des roues avant. Cette nouvelle configuration a été testée sur un aérodrome par Jean-Pierre Jaussaud. Williams apporte de nouveaux turbocompresseurs IHI dont les conduits d'alimentation se situent dans les flancs des pontons, comme c'est désormais l'usage.
Après une prestation brésilienne calamiteuse, les Alfa Romeo ont été retouchées : nouveau dessin de l'extracteur, nouvelles prise d'air, aileron inédit, suspension avant modifiée etc. L'ambiance au sein de l'équipe italienne est absolument détestable : Eddie Cheever et Riccardo Patrese, en froid depuis le carambolage de Brands-Hatch l'an passé, se couvrent d'injures par personnes interposées.
Les Arrows-BMW sont munies d'une suspension arrière à voie élargie qui suscite l'enthousiasme de leurs pilotes. Si Ligier n'a toujours pas renouveler son contrat avec Gitanes, elle bénéficie cependant de l'appui financier de Candy. Merci de Cesaris... Du côté de Minardi, le Cosworth est encore de sortie, pour la dernière fois avant l'adoption du turbo Motori Moderni. La nouvelle Toleman est là ainsi que John Watson, son pilote attitré. Problème : malgré les efforts d'Alex Hawkridge, aucun accord n'a été trouvé avec Goodyear, Pirelli ou même Avon, sollicité en désespoir de cause. Faute de pouvoir rouler sur les jantes, Watson restera spectateur.
Stefan Bellof retrouve son volant chez Tyrrell après que son manager Willy Maurer et « Uncle Ken » se sont réconciliés. Ce retour se produit aux dépens de Philippe Streiff qui était sur le point de parapher un contrat parrainé par Elf.
Nous assistons aux grands débuts de l'écurie allemande Zakspeed. Fondée en 1968 par Erich Zakowski, cette officine a obtenu de nombreux succès dans le championnat allemand de voitures de tourisme en engageant des Ford Escort et Capri. En 1982 elle s'est lancée en Endurance, toujours en partenariat avec Ford qui lui a confié ses C100 de Groupe C. Fin 1984, Zakowski commande la réalisation d'une Formule 1 à l'ingénieur Paul Brown. Naît ainsi la 841 en fibre de carbone, propulsée par un quatre cylindres turbocompressé « fait maison ». La boîte de vitesses est dérivée de la Hewland mais porte aussi l'étiquette Zakspeed. C'est donc un véritable team d'usine qui fait son apparition. Il est soutenu par des capitaux allemands mais son sponsor principal est le cigarettier américain West. La voiture est confiée au jeune Anglais Jonathan Palmer qui espère enfin émerger après une saison très difficile chez RAM.
Les qualifications
La pluie perturbe les essais du vendredi, et c'est donc le samedi que les pilotes réalisent leurs meilleurs chronos. Senna domine ces deux séances et décroche la première pole position de sa carrière, battant de sept dixièmes le meilleur temps réalisé par Piquet en 1984. Les efforts de de Angelis pour rejoindre son équipier en première ligne sont anéantis par une panne de turbo. Il se contente du quatrième rang. C'est Prost qui suit immédiatement Senna malgré plusieurs problèmes de fiabilité. Mécontent de la tenue de route de sa voiture, Lauda (7ème) concède plus de deux secondes au Français. Les Williams sont frappées par une foule de pépins. En outre, le V6 Honda est si rugueux qu'il envoie les bolides dans d'impressionnants travers à chaque sortie de virage. Malgré tout Rosberg se classe troisième. Mansell est seulement neuvième après s'être accroché avec Cheever. Chez Ferrari, Alboreto (cinquième) se plaint d'un manque de motricité tandis que Johansson (onzième) a dû emprunter le mulet adapté aux mesures de son équipier. Les Renault manquent d'adhérence, et si le style généreux de Warwick (6ème) fait des miracles, Tambay (12ème) déplore une terrible instabilité de sa monture. Il troque son moteur EF15 contre un 4bis surmonté de gros turbos.
Chez Pirelli, on s'étonne que les lourdes Ligier soient plus rapides que les Brabham. On suggère que leur poids leur permet justement de monter plus facilement leurs gommes en température. De Cesaris décroche en tout cas une très belle huitième place, dix rangs devant Laffite qui a été retardé par une panne d'embrayage. Les Brabham-BMW (Piquet 10ème, Hesnault 19ème) sont confrontées à des problèmes de moteur. Les Alfa Romeo de Patrese et de Cheever occupent la septième ligne. Malgré l'amélioration de la tenue de route de leurs Arrows, Boutsen (16ème) et Berger (17ème) ne brillent pas. Chez RAM, on découvre avec stupeur que les Pirelli de course sont plus efficaces que ceux de qualification. Winkelhock (15ème) se met en évidence tandis qu'Alliot (20ème) est accablé d'avaries. Les Tyrrell de Bellof et de Brundle sont sur la onzième ligne devant la nouvelle Zakspeed de Palmer. Baldi, Martini et Ghinzani peuplent le fond de la grille. Les temps réalisés samedi par l'Italien d'Osella ont été annulés à cause d'un aileron arrière fixé trop haut.
Incident économico-diplomatique samedi soir : Paddy McNally, l'associé d'Ecclestone, fait gommer l'inscription « Autodromo do Estoril » qui surplombe le circuit car les organisateurs ont oublié de payer pour que ce nom apparaisse à la télévision ! Furieux, la propriétaire de l'autodrome Fernanda Pires da Silva fait occulter de son propre chef le sigle de l'Automobile Club du Portugal... Cela vexe les commissaires, salariés de l'instance sportive, qui se mettent en grève... La course est menacée alors que le premier ministre Mário Soares doit assister à l'épreuve ! Ecclestone et McNally comprennent qu'ils sont allés trop loin dans la mesquinerie et ordonnent que soient repeintes les inscriptions litigieuses...
Le Grand Prix
Dimanche matin, l'échauffement se déroule sur le sec. Prost signe le meilleur temps. Mais peu avant le départ, de gros nuages noirs s'amoncellent dans le ciel. Une terrible averse s'abat sur l'autodrome déserté par le public (11 000 spectateurs recensés...) et bientôt noyé sous les eaux. C'est donc à une course très difficile que se préparent les pilotes, d'autant plus qu'aucune amélioration météorologique n'est annoncée. Mansell et Martini se laissent surprendre lors de leur tour d'installation sur la grille et endommagent quelque peu leurs bolides. Tous deux partiront depuis les stands, rejoints par Cheever qui monte dans son mulet à cause de soucis de turbo. Malgré les conditions climatiques déplorables, le directeur de course Amédée Pavesi et le starter Derek Ongaro refusent de retarder le démarrage. Tout le monde s'élance évidemment avec des pneus rainurés.
Départ: Senna démarre parfaitement, suivi par de Angelis qui double un Prost hésitant. Suivent Alboreto, Warwick et Lauda. Aux prises avec son moteur très pointu, Rosberg cale et reste immobilisé en plein milieu de la piste. Tout le monde l'évite, excepté Palmer qui endommage sa suspension avant-droite contre la Williams. Le Finlandais parvient à s'élancer une fois que tout le peloton est passé, avec l'aide des commissaires.
1er tour: Parti des stands, Mansell fait un tête-à-queue et chute au vingt-troisième rang. Senna mène devant de Angelis, Prost, Alboreto, Warwick, Lauda, de Cesaris, Tambay, Piquet et Johansson. Palmer s'arrête à son garage pour changer ses roues et redémarre.
2e : Deux secondes entre Senna et de Angelis. Rosberg s'arrête au stand Williams pour faire vérifier sa Williams touchée par Palmer.
3e: Senna s'envole et possède déjà trois secondes et demie d'avance sur de Angelis. Prost est à huit secondes. Lauda dépasse Warwick. Johansson et Patrese menacent Piquet. Palmer revient à son stand pour renoncer.
4e: Le moteur noyé de Hesnault coupe par intermittence. Surpris dans un virage, le jeune Français exécute un tête-à-queue et échoue dans le gazon. Roulant derrière Berger, Alliot part en aquaplanage et atterrit dans le rail de sécurité.
5e: Tambay efface de Cesaris. Piquet, Johansson et Patrese sont en lutte pour la neuvième place. Au troisième virage, Patrese glisse sur une flaque et heurte la Ferrari du Suédois. Tous deux partent en tête-à-queue. Johansson parvient à repartir mais pas le Padouan. Surpris par ce désordre, Bellof et Winkelhock s'accrochent. L'Allemand de RAM se retrouve en travers de la piste. Les deux pilotes parviennent à se sortir de cette périlleuse situation.
6e: Senna précède de Angelis (6.4s.), Prost (11s.), Alboreto (12.5s.), Lauda (26s.), Warwick (30s.), Tambay (36s.) et de Cesaris (37s.). Piquet perd trois places au profit de Boutsen, Berger et Cheever.
7e: Les deux Lotus-Renault s'échappent en tête de la course. Prost est menacé par Alboreto. Winkelhock s'arrête chez RAM pour changer un pneu crevé dans la collision avec Bellof.
9e: Prost et Alboreto se rapprochent de de Angelis. Baldi fait un tête-à-queue et repart. Laffite entre au stand Ligier pour changer ses pneus. Les Pirelli n'offrent aucune adhérence sur sol humide.
10e: Senna est premier devant de Angelis (12.8s.), Prost (13.1s.), Alboreto (14.7s.), Lauda (30.9s.), Warwick (35.6s.), Tambay (39.4s.), Cheever (1m. 08s.), Mansell (1m. 12s.), Berger (1m. 16s.), Boutsen (1m. 18s.) et Johansson (1m. 19s.). Martini glisse dans l'herbe mais repartira. Après une excursion dans la pelouse, de Cesaris fait changer ses Pirelli.
12e: Prost tente de passer de Angelis dans le premier virage, sans succès. Alboreto est semé par ces deux pilotes.
13e : Senna accroît méthodiquement son avance sur de Angelis qui atteint quinze secondes.
14e: Tambay dépasse Warwick. Berger part en tête-à-queue, effectue une pirouette dans le gazon et doit abandonner.
15e: Senna mène devant de Angelis (17.5s.), Prost (17.8s.), Alboreto (23.5s.), Lauda (48.2s.) et Tambay (49.5s.). Viennent ensuite Cheever, Mansell, Johansson et Boutsen. Senna signe le meilleur tour de la course: 1'44''121'''.
16e: La pluie redouble d'intensité. Prost harcèle de Angelis mais ne trouve pas d'ouverture car son V6 Porsche concède quelques chevaux au Renault à l'accélération. Mansell s'empare de la huitième place aux dépens de Cheever.
17e: Johansson s'apprête à dépasser Winkelhock lorsque celui-ci glisse sur une flaque d'eau et se met à l'équerre. Il harponne la Ferrari qui dérape le gazon. Les deux pilotes peuvent tout de même repartir. Jugeant sa Ligier impossible à piloter, Laffite décide de rentrer à son garage plutôt que de risquer un accident.
18e: Johansson est aux stands pour changer ses pneus et faire réparer son museau. Rosberg part en tête-à-queue à la Parabolique et sa voiture gifle les rails. Un retour de volant fracture un os du pouce gauche du Finlandais. La Williams reste en travers de la piste et il faut tout le courage des commissaires pour la dégager sans incident. Martini est dans les stands pour faire vérifier son moteur qui ratatouille.
19e: De Angelis s'affaiblit car un de ses pneus avant est mal gonflé. Cela permet à Prost de se rapprocher. Warwick dépasse Lauda. Baldi effectue un passage aux stands pour changer de pneus.
20e : Senna domine devant de Angelis (30.6s.), Prost (31.3s.), Alboreto (36.7s.), Tambay (1m.), Warwick (1m. 16s.), Lauda (1m. 17s.), Mansell (1m. 32s.) et Cheever (1m. 34s.).
21e: Warwick sort de la route et endommage sa Renault. Il regagne son garage pour effectuer des réparations et changer ses Goodyear. Martini rejoint les stands et renonce.
22e: Brundle s'arrête sur le bas-côté. Son levier de vitesses lui reste dans la main ! Warwick redémarre avec un tour de retard.
24e: Prost est toujours bloqué derrière de Angelis tandis qu'Alboreto remonte sur lui. Piquet est aux stands pour troquer son jeu de pneus Pirelli contre un autre plus frais. Mais les enveloppes italiennes n'ont vraiment aucune adhérence dans ces conditions climatiques.
26e: Senna compte trente secondes d'avance sur de Angelis. Winkelhock est encore bloqué aux stands, cette fois-ci pour faire dégripper un étrier de frein.
27e : Lauda concède un tour à Senna. L'Autrichien est handicapé par des freins peu efficaces.
28e: La pluie est encore plus forte que précédemment. Piquet est de nouveau aux stands pour changer de pneus. Sortie de piste de Baldi qui se retrouve en tête-à-queue en plein milieu de la piste. C'est terminé pour l'Italien qui naviguait à neuf tours du leader...
30e : Senna est toujours premier devant de Angelis (37.3s.), Prost (38.1s.), Alboreto (42.9s.), Tambay (1m. 24s.), Lauda (-1t.), Mansell (-1t.), Cheever (-1t.), Bellof (-1t.) et Warwick (-1t.).
31e: Prost tente de déborder de Angelis dans la ligne droite principale mais glisse sur une rigole d'eau et perd le contrôle de sa McLaren. Celle-ci part en toupie et finit sa course contre le muret extérieur. C'est l'abandon pour le Français.
32e: Piquet met pied à terre car sa Brabham est tout bonnement inconduisible. Boutsen rentre aussi à son garage et abandonne, moteur noyé.
33e: Bellof prend la septième place à Cheever.
34e: De Cesaris abandonne devant l'impossibilité de maintenir sa Ligier en piste.
35e: Senna mène devant de Angelis (47.5s.), Alboreto (53.1s.), Tambay (1m. 25s.), Lauda et Mansell à un tour. Les autres pilotes encore en course sont Bellof, Cheever, Warwick, Johansson, Ghinzani et Winkelhock.
37e : Senna commet sa seule erreur de l'après-midi et met quatre roues dans l'herbe. Par chance, la Lotus revient toute seule sur l'asphalte... et le Brésilien poursuit comme si de rien n'était !
38e: Les conditions climatiques sont désastreuses et la piste est complètement trempée. Alboreto remonte pourtant sur de Angelis. Cheever abandonne à cause d'une bougie cassée.
40e: Après être revenu à moins d'une seconde de la Lotus n°11, Alboreto perd deux secondes sur celle-ci.
42e: Alboreto est à nouveau derrière de Angelis.
43e: Alboreto attaque et déborde de Angelis par l'intérieur du premier virage. Le Romain tente de rester dans le sillage de la Ferrari, dérape et quitte la route au troisième virage. Il revient aussitôt en piste mais Alboreto s'est envolé.
44e : La marge de Senna sur Alboreto dépasse la minute.
45e : L'averse redouble. On ne distingue plus les voitures à dix mètres. Dans les garages, on se demande si les commissaires vont brandir le drapeau à damiers. Mais Amédée Pavesi reste impassible : l'épreuve ira à son terme.
46e: Mansell double Lauda dont le moteur agonise.
47e: Bellof dépasse à son tour Lauda.
49e : Senna mène devant Alboreto (1m. 06s.), de Angelis (1m. 33s.), Tambay (-1t.), Mansell (-1t.), Bellof (-1t.), Warwick (-2t.), Johansson (-4t.) et Ghinzani (-5t.). Après avoir cédé à Warwick, Lauda regagne les stands.
50e: Lauda abandonne avec un piston cassé. Winkelhock quitte la route dans le premier virage mais il parvient à repartir.
51e : L'autodrome est noyé sous les eaux. A chacun de ses passages, Senna brandit le poing à l'intention de Pavesi qui demeure stoïque.
52e : Tambay se lance à la poursuite de de Angelis. Curieusement, personne chez Lotus ne s'avise de changer les pneus de l'Italien.
54e : Gérard Ducarouge et Niki Lauda se rendent au bureau des commissaires pour demander l'interruption de l'épreuve, mais ils trouvent porte close.
56e: Senna prend un tour à de Angelis, lui-même gêné par Mansell. Piquet revient en piste avec plus de vingt tours de retard.
58e: Tambay est revenu à huit secondes de de Angelis. Après avoir parcouru inutilement deux tours à vitesse réduite, Piquet revient à son garage, cette fois-ci pour de bon. Piloter sur cette piste gorgée d'eau avec des Pirelli est une tâche impossible.
59e: A dix tours du but, il apparaît que les pilotes ne couvriront pas la distance prévue car la limite des deux heures de course approche.
60e : Senna est leader devant Alboreto (1m. 17s.), de Angelis (-1t.), Tambay (-1t.), Mansell (-2t.) et Bellof (-2t.).
61e: Tambay double de Angelis et s'empare ainsi du troisième rang. Le Romain demeure en piste malgré la crevaison lente qui affecte un de ses pneus.
63e : Une minute quinze secondes sépare Senna et Alboreto.
65e: La direction de course décide que l'épreuve va s'arrêter au soixante-septième tour, après deux heures de course.
66e : Un panneau annonce à Senna qu'il n'a plus que deux boucles à couvrir.
67ème et dernier tour: Ayrton Senna remporte la première victoire de sa carrière avec plus d'une minute d'avance sur Alboreto, seul pilote à ne pas lui avoir concédé un tour. Tambay monte sur la troisième marche du podium après une course très sérieuse. De Angelis termine quatrième devant Mansell. Bellof décroche le point de la sixième place avec sa modeste Tyrrell à moteur atmosphérique, prouvant une nouvelle fois tout son talent dans des conditions météorologiques difficiles. Warwick finit septième suivi par Johansson à cinq tours. Ghinzani concède six tours au vainqueur mais est le seul coureur chaussé de Pirelli à rallier l'arrivée. Un exploit. Enfin, Winkelhock termine avec dix-sept tours de retard...
L'éclosion de Magic Senna
Malgré cet enfer humide, les hommes en noir, Peter Warr, Gérard Ducarouge, Bob Dance etc. bondissent de joie pour saluer Senna. Le Brésilien de 25 ans a survolé les débats au cours de cette épreuve dantesque, sans doute l'une des plus difficiles de l'histoire de la Formule 1. C'est ce jour-là que naît la légende de « Magic Senna », le roi de la pluie. De plus cette victoire est la première de Lotus depuis le décès de Colin Chapman. Sa veuve Hazel, qui a pris les commandes de l'entreprise, peut être fière de ses hommes. En outre, c'est le premier succès du moteur Renault depuis le Grand Prix d'Autriche 1983. Il met un terme à la série de huit victoires consécutives des McLaren-TAG-Porsche depuis le GP de Grande-Bretagne 1984.
Ayrton Senna grimpe sur le podium, heureux comme un enfant : « Je n'attendais que ça, gagner un Grand Prix, un rêve de toujours ! » Gérard Ducarouge l'observe avec admiration tout en allumant fébrilement une de ses éternelles Gauloises : « Quel type ! Quel type... Il sera aussi bon sur le sec, je vous le promets... » « Cette course fut beaucoup plus difficile pour moi que celle de Monaco, confie le Pauliste, car ici les conditions changeaient à chaque tour. A la limite du danger, il devenait de plus en plus difficile de maintenir la voiture sur la bonne trajectoire [...] Je roulais simplement à ma main et en fonction des possibilités de ma voiture. Homogène, parfaitement équilibrée, elle était fantastique. »
Quelques pilotes grognent contre le directeur de course Amédée Pavesi qui selon eux aurait dû interrompre une course trop périlleuse. « Les dangers sont suffisamment grands en Formule 1, pourquoi en rajouter ? tonne Niki Lauda. La visibilité était nulle, la piste recouverte de flaques d'eau... Stupide... » Il n'y a aucune McLaren à l'arrivée pour la première fois depuis un an. Alain Prost a pourtant admirablement piloté... jusqu'à sa sortie de route. De Angelis l'a-t-il bloqué ? « Non pas du tout, répond le Forézien. Je pensais pouvoir le doubler à la régulière mais sa Lotus était un tantinet plus rapide que moi en ligne droite. C'était le jeu. J'ai perdu le contrôle de ma voiture sur une flaque d'eau. Je me suis bien senti partir en travers, mais impossible de redresser... Ces courses sous la pluie sont totalement stupides, dingues. Ma sortie n'est pas grave en soi, mais sa cause me déplaît. » Pour sa défense, Pavesi affirme que les chronos ont peu augmenté au fur et à mesure de l'épreuve, ce qui prouve que les conditions climatiques n'étaient pas si horribles.
Grâce à ses deux secondes places, Alboreto prend la tête du championnat et totalise douze points. Prost et Senna comptent neuf points chacun, contre sept à de Angelis et six à Tambay. Lotus-Renault s'empare du commandement du classement des constructeurs avec seize points, soit un de mieux que Ferrari.
Tony