Le scandale de la « voiture aspirateur »
Le grand événement de cette course est l'apparition tant attendue - et redoutée - de la Brabham BT46B imaginée par Gordon Murray. Elle se distingue par un énorme ventilateur à hélices installé verticalement à l'arrière de la voiture. Cette turbine est associée à un radiateur d'eau améliorant le refroidissement très problématique du Flat 12 Alfa Romeo. Officiellement là est son seul intérêt. En fait Murray s'intéresse depuis des mois à l'effet de sol généré par les Lotus 78 et surtout 79. Or du fait de la largeur du moteur Alfa, la Brabham ne peut pas adopter les pontons déporteurs de la Lotus 79. En revanche le ventilateur situé à l'arrière de la BT46B, combiné à des jupes fixées sous le châssis, provoque un effet de succion « collant » la voiture au sol comme une ventouse. D'où le nom d' « effet aspirateur ». Ce système produit donc un effet de sol mécanique, là où Colin Chapman a créé un effet de sol « dynamique » sur sa Lotus 79. Murray s'est inspiré de la célèbre Chaparral 2J... dont le procédé de dépressurisation avait été interdit en 1970 par la CSI. Après avoir rencontré des problèmes de sous-virage lors d'essais à Brands-Hatch, l'équipe est parvenue à améliorer la tenue de route de l'ensemble. A Anderstorp, la voiture semble bien au point. Murray dira des années plus tard qu'elle « était capable de rouler au plafond » !
Bien sûr cette monoplace révolutionnaire suscite l'ire des autres équipes. Le ventilateur est en effet un élément aérodynamique mobile interdit par le règlement. Une coalition de managers comprenant Teddy Mayer, Colin Chapman, Ken Tyrrell et John Surtees dépose une réclamation auprès de la CSI. Murray se défend et jure aux commissaires que sa turbine n'a aucune vocation aérodynamique et est seulement destinée au refroidissement. Bernie Ecclestone et son bras droit Herbie Blash le soutiennent vivement et finalement, malgré les grincements de dents de leurs rivaux, la BT46B est admise au départ...
Arrivée du professeur Sid Watkins
Bernie Ecclestone ne se contente pas de défendre son équipe. Quelques semaines auparavant, il a contacté un neurochirurgien britannique renommé, Sid Watkins, afin d'en faire le médecin officiel du championnat du monde Formule 1. Il est en effet conscient de l'importance de bénéficier d'une équipe médicale compétente quel que soit le circuit, et la meilleure solution est d'en confier la direction à un spécialiste reconnu. Watkins n'est pas un inconnu dans le monde du sport automobile puisqu'il a déjà travaillé sur les circuits américains et officie depuis 1970 sur le Rallye de Grande-Bretagne.
Il prend ses fonctions officiellement à partir de ce GP de Suède. Si cette initiative est saluée par les pilotes, elle déplaît aux organisateurs qui y voient un nouvel empiétement de la FOCA sur leur autorité.
Présentation de l'épreuve
L'équipe Theodore n'est pas au départ. La TR1 s'avère trop lourde pour le moteur Cosworth et après plusieurs échecs en qualifications Teddy Yip décide de mettre en parenthèse son investissement en Formule 1. Sa voiture restera pourtant dans les annales de la F1 grâce à la victoire de Keke Rosberg à l'International Trophy.
ATS s'est séparé d'Alberto Colombo qui a échoué deux fois à se qualifier. Il est remplacé par Keke Rosberg laissé sans volant par le forfait de Theodore.
Renault Sport arrive en Suède avec un moral gonflé à bloc. En effet une semaine plus tôt la Renault Alpine A442 a triomphé aux 24 heures du Mans aux mains de Didier Pironi et de Jean-Pierre Jaussaud. Après ce succès dans la Sarthe, la Régie peut se consacrer pleinement à la Formule 1 et au développement de son moteur turbocompressé. La RS01 de Jean-Pierre Jabouille apparaît passablement modifiée avec notamment de nouvelles suspensions. Le moteur turbo possède aussi de nouvelles pièces. Jabouille est confiant puisqu'il a ramené sa voiture à l'arrivée lors des trois dernières épreuves, certes avec quelques difficultés...
D'autres voitures sont modifiées. La Copersucar arbore un nouveau support d'aileron arrière et l'Ensign des disques de frein d'une taille étonnante. La McLaren M26 est dotée d'un carénage des roues arrière qui ne donnera pas satisfaction. Enfin Patrick Depailler pilote une voiture toute neuve, la 008/5.
Le magazine italien Autosprint assure quelques jours avant le Grand Prix que James Hunt a signé un contrat avec la Scuderia Ferrari pour 1979. Il est vrai que le champion du monde 1976 n'est plus vraiment en odeur de sainteté chez McLaren. Depuis le début de la saison il multiplie les sorties de piste et accrochages et n'a inscrit que quatre points. La situation est grave pour l'équipe de Teddy Mayer car les McLaren sombrent peu à peu dans l'anonymat du peloton.
Les qualifications
Dès ses premiers tours de roue, la Brabham BT46B étonne. Lorsque Niki Lauda enclenche le contact, elle s'affaisse de deux centimètres ! Mais elle provoque surtout l'irritation des autres pilotes. Tout d'abord parce que sa tenue de route semble formidable, jamais vue en Formule 1. Mais de plus, le fameux ventilateur projette une pluie de petits projectiles, notamment des cailloux, qui rend le pilotage très ardu pour les poursuivants. La situation est même franchement dangereuse. Les directeurs d'équipe, Chapman en tête, s'en plaignent à la CSI.
Brabham est en tout cas responsable d'une situation assez absurde. En effet Ecclestone, Blash, Murray, Lauda et Watson savent que la BT46B leur offre un avantage incomparable sur la concurrence, même sur les Lotus. Mais de peur de provoquer une fronde contre une monoplace qui demeure fondamentalement illégale, Ecclestone ordonne à ses pilotes d'éviter à tout prix de réaliser la pole position. La mission est accomplie puisqu'Andretti hisse la Lotus 79 en pole pour la troisième fois consécutive. Watson et Lauda viennent ensuite à une distance respectable, tandis que Peterson est quatrième. La bataille Lotus versus Brabham est donc engagée. Patrese obtient une très belle cinquième place avec l'Arrows. Suivent Scheckter sur Wolf et les Ferrari de Villeneuve et de Reutemann. Jones est neuvième devant la Renault de Jabouille qui a fait des progrès. Laffite et Depailler occupent la sixième ligne.
Les McLaren ne sont qu'en septième ligne. Hunt a dû se qualifier avec son mulet suite à une fuite d'essence sur sa voiture de course, et Tambay a été ralenti par un accident. Les deux Shadow parviennent cette fois à se qualifier. Rebaque, Merzario, Rosberg et Stommelen ferment la marche.
Keegan, Lunger et Ickx ne sont pas parvenues à se qualifier.
Le Grand Prix
Jacques Laffite a utilisé la Ligier JS9 durant la majeure partie des essais, mais suite à la rupture d'un point d'ancrage d'une suspension, il se rabat sur le mulet pour la course, c'est-à-dire la JS7/9 à empattement long.
Le roi de Suède Charles XVI Gustave et son épouse la reine Sylvie sont présents à Anderstorp et effectuent un tour d'honneur du circuit en automobile.
Départ : Andretti part bien au contraire de Watson. Lauda jaillit depuis la deuxième ligne et prend la deuxième position. Il se place à l'extérieur mais n'a pas la possibilité de doubler Andretti. Watson est troisième. Patrese a doublé Peterson. Rosberg loupe complètement son envol et part avec du retard.
1er tour : Andretti mène devant Lauda, Watson, Patrese, Peterson, Scheckter, Reutemann, Jones, Villeneuve et Depailler.
2e : Patrese et Watson franchissent côte à côte la ligne de chronométrage. L'Italien passe le Nord-Irlandais au premier virage.
3e ; Une seconde sépare Andretti et Lauda qui semblent bien plus rapides que le reste du peloton. Patrese, Watson et Peterson sont en bagarre pour la troisième place.
4e : Reutemann prend la sixième position à Scheckter.
5e : Andretti mène devant Lauda (1.6s.), Patrese (4.3s.), Watson (4.8s.), Peterson (5.3s.), Reutemann (7.3s.), Scheckter (10.2s.), Jones (10.8s.), Villeneuve (11s.), Depailler (11.5s.) et Jabouille (11.8s.).
6e : Jones double Scheckter.
7e : Andretti a maintenant deux secondes d'avance sur Lauda. Celui-ci cache son jeu, toujours afin de ne pas trop mettre en avant la Brabham aspirateur...Villeneuve dépasse à son tour Scheckter.
8e : A la sortie de la courbe Södra Brambilla commet une faute et s'accroche avec Pironi. Il est expédié dans les grillages de protection tandis que Pironi repart avec une crevaison à l'arrière droit.
9e: Lauda se rapproche d'Andretti.
10e : Peterson prend la troisième place à Patrese. Pironi s'arrête sur un bas-côté avec un pneu déchapé..
En fin de tour Andretti mène devant Lauda (0.8s.), Peterson (10.8s.), Patrese (11.5s.), Watson (11.7s.), Reutemann (13.3s.), Jones (16s.), Villeneuve (17.6s.), Jabouille (21.8s.) et Scheckter (22.4s.).
12e : Peterson est victime d'une crevaison et s'arrête au stand Lotus. Il n'est décidément pas verni devant son public. Après avoir fait changer la roue défectueuse il repart en seizième position entre les Shadow de Regazzoni et Stuck.
13e : Watson est juste derrière Patrese tandis que Jones menace sérieusement Reutemann.
15e : Andretti mène devant Lauda (0.5s.), Patrese (20.2s.) Watson (20.5s.), Reutemann (24.3s.), Jones (24.9s.), Villeneuve (26.6s.), Jabouille (30s.), Scheckter (34.7s.) et Depailler (36.4s.).
17e : Scheckter regagne le garage Wolf. La rupture d'une conduite d'eau le contraint à l'abandon, son cinquième en huit courses.
18e : Watson se fait de plus en plus pressant derrière Patrese mais ce dernier lui résiste parfaitement.
20e : A la sortie de la courbe Norra, Watson déborde Patrese par l'extérieur mais à la sortie dérape dans la poussière et part en tête-à-queue. Il se retrouve en plein milieu de la piste et cale. Villeneuve doit faire un écart dans les graviers pour l'éviter. Watson parvient à se relancer et regagne les stands au ralenti.
21e : Subissant une crevaison, Depailler entre aux stands et fait changer ses pneus arrière. Watson abandonne : lors de la sortie de piste son radiateur a ingurgité une grosse quantité de particules qui entravent le fonctionnement du moteur. Le responsable est le fameux ventilateur...
22e : Andretti et Lauda sont aux prises avec les retardataires. Peterson a doublé Fittipaldi, Hunt et Regazzoni et pointe au dixième rang.
23e : Dans le même tour Peterson double Tambay puis Laffite et se retrouve huitième. En délicatesse avec ses pneus Michelin, Reutemann perd le contact avec Jones et est rattrapé par son équipier.
24e : Jones prend la quatrième place à Reutemann. Lauda perd un peu de temps en prenant un tour à Stuck.
25e : Le classement est le suivant : Andretti devant Lauda (0.9s.), Patrese (35.1s.), Jones (44.1s.), Reutemann (47.2s.), Villeneuve (47.8s.).
27e : Passage aux stands pour Rosberg.
28e : Lauda ne cède pas un pouce de terrain à Andretti, attendant qu'il fasse une faute.
30e : Andretti et Lauda sont dans le trafic et prennent un tour à Fittipaldi (12ème) puis à Hunt (11ème). Patrese a quarante-quatre secondes de retard sur le duo de tête. Le moteur Renault de Jabouille casse et le Français regagne les stands tout en répandant de l'huile sur la piste.
31e : Andretti est gêné par Regazzoni au virage de Gislaved. Lauda se décale pour passer la Lotus, sans succès. Finalement c'est lui qui va perdre le plus de temps derrière Regazzoni tandis qu'Andretti a déjà doublé Tambay.
32e : Jones se rapproche de Patrese. Laffite concède lui aussi un tour de retard aux deux leaders.
33e : Meilleur tour en course pour Lauda : 1'24''836'''. Grâce à l'abandon de Jabouille, Peterson se retrouve septième et rattrape facilement les Ferrari de Villeneuve et de Reutemann.
34e : Peterson prend la sixième place à Villeneuve.
35e : Peterson dépasse Reutemann. Il a gagné onze places en vingt-trois tours.
36e : Andretti mène devant Lauda (0.4s.), Patrese (52.5s.), Jones (55.6s.), Peterson, Reutemann et Villeneuve à plus d'une minute. Suivent Laffite, Tambay, Regazzoni, Hunt et Fittipaldi, roues dans roues, avec un tour de retard.
37e : Lauda est maintenant tout proche d'Andretti. Il essaie de le déborder à chaque tour devant les stands mais l'Italo-Américain ferme régulièrement la porte.
39e : Dans la dernière courbe, Andretti glisse sur l'huile répandue par Jabouille et part à l'extérieur. Lauda dont la Brabham reste parfaitement dans la trajectoire en profite pour le déborder et s'empare du commandement. Merzario s'arrête à son stand pour réparer son câble d'accélérateur.
40e : Lauda s'échappe immédiatement devant Andretti. La « Brabham aspirateur » montre enfin de quoi elle est capable. L'Autrichien prend un tour aux Ferrari, tout comme Andretti, mais celui-ci a plus de difficultés, notamment en doublant Reutemann.
42e : Lauda a trois secondes d'avance sur Andretti qui peine à la suivre. De son côté Peterson remonte sur Jones, lui-même aux prises avec Patrese.
44e : Reutemann s'arrête au stand Ferrari pour changer ses pneus Michelin qui de nouveau n'ont pas tenu la distance. Il repart en douzième position. Depailler arrive à son stand au ralenti : un bris de suspension le contraint au retrait. C'est le premier double abandon pour Tyrrell en 1978.
45e : Jones tente de déborder Patrese qui lui ferme la porte. Les deux voitures se touchent et Jones part en tête-à-queue dans la terre. Il parvient à repartir mais entretemps Peterson lui a chipé la quatrième place.
46e : Cinq secondes séparent Lauda et Andretti.
47e : Quelques mètres après avoir franchi la ligne de chronométrage, Andretti ralentit. De la fumée s'échappe de sa Lotus. Il est abandonné par son moteur pour la première fois de l'année. Il s'arrête dans l'herbe et les commissaires se précipitent pour éteindre le début d'incendie.
48e : Lauda roule vers la victoire avec plus d'une minute d'avance sur Patrese. Jones regagne son garage avec un souci de roulement de roue sur sa Williams, conséquence de sa touchette avec Patrese. Encore une superbe course de l'Australien qui n'est pas récompensée... et encore un accorchage dans lequel Patrese est impliqué.
49e : Brièvement quatrième, Villeneuve s'arrête chez Ferrari pur changer lui aussi ses gommes. Il repart dixième derrière Reutemann.
50e : Lauda mène devant Patrese (1m.), Peterson (1m. 10s.), Laffite (1t.), Tambay (1t.), Regazzoni (1t.), Hunt (1t.) et Fittipaldi (1t.). Ces cinq derniers pilotes se tiennent en quelques secondes. Suivent les Ferrari de Reutemann et de Villeneuve.
53e : Lauda ne lève pas le pied. Son avance sur Patrese est désormais d'une minute et cinq secondes. Peterson est à six secondes du jeune Italien.
55e : Fittipaldi prend la septième place à Hunt.
56e : Laffite, Tambay et Regazzoni sont toujours en lutte pour la quatrième place.
58e : Laffite est sous la pression de Tambay, ce qui n'est pas sans rappeler leur bataille à Long Beach qui s'était achevée en collision.
60e : A dix tours du but, Lauda mène devant Patrese (57s.), Peterson (59s.), Laffite (1t.), Tambay (1t.), Regazzoni (1t.), Fittipaldi (1t.), Hunt (1t.), Reutemann (1t.) et Villeneuve (1t.).
62e : Lauda soulage la mécanique dans ces derniers tours. Son avance sur Patrese diminue en conséquence.
63e : Villeneuve prend la neuvième place à Reutemann.
64e : Peterson est maintenant juste derrière Patrese et compte bien lui prendre le deuxième rang. Mais le pilote italien change régulièrement de trajectoire pour bloquer le Suédois.
66e : L'avance de Lauda sur le deuxième et le troisième est descendu sous les cinquante secondes.
67e : Patrese a maintenant une seconde et demie d'avance sur Peterson, bien qu'il ait eu du mal à prendre un tour à Hunt.
69e : Peterson est de retour juste derrière Patrese. L'allumage de la Ligier de Laffite coupe soudainement au niveau de la ligne de chronométrage. Il redémarre au bout de quelques secondes mais entretemps Tambay, Regazzoni et Fittipaldi sont passés devant la voiture bleue.
70ème et dernier tour : Niki Lauda remporte sa première victoire pour Brabham-Alfa Romeo, et ce dès la première course de la BT46B. Sur la ligne de chronométrage, Peterson tente de déborder Patrese, mais il est trop tard : l'Italien le devance de neuf centièmes. C'est le premier podium pour Arrows. Tambay termine quatrième, son meilleur résultat depuis le début de l'année. Regazzoni entre dans les points de la deuxième fois de la saison. Fittipaldi inscrit son premier point depuis son podium au Brésil. Laffite échoue au septième rang. Il précède les Ferrari de Villeneuve et de Reutemann, puis Stuck, Rebaque, Mass, Stommelen et Rosberg. Merzario n'est pas classé. C'est néanmoins la première fois que le petit Italien au Stetson blanc rejoint l'arrivée avec sa voiture.
Après la course
Niki Lauda a gagné de manière plus aisée qu'il n'y paraît car il n'a pas cherché à attaquer outre mesure Mario Andretti en début de course, suivant en cela les conseils d'Ecclestone et de Blash. Cette victoire est aussi la première d'un moteur Alfa Romeo depuis 1951. Une victoire malgré celui-ci, disent les détracteurs d'Autodelta...
Toujours est-il que le triomphe de la « Brabham aspirateur » écœure la concurrence. Andretti soutient qu'elle est illégale, affirmant que la turbine est bien trop puissante pour assurer le seul refroidissement du moteur. Pince-sans-rire, Ronnie Peterson affirme que Lauda a remporté « une victoire à l'aspiration ». Il met aussi en avant le danger que représentent les particules rejetées par le ventilateur.
Mais Peterson en veut surtout à Riccardo Patrese qui selon lui l'a bloqué au-delà du raisonnable en fin de course. Comme à son habitude, le Suédois évite les éclats de voix mais tremble de rage. Lorsqu'à la descente du podium Patrese le toise, narquois, il serre les poings pour ne pas les lui mettre dans la figure. Ainsi, malgré sa seconde place, l'Italien vient de se forger une bien mauvaise réputation parmi ses pairs. Mario Andretti affirme qu'à la place de son équipier, il aurait « corrigé » le jeune insolent... Quant à Peterson, au moins a-t-il la consolation de recevoir une ovation de la part de son public, enchanté par la splendide remontée de « Super Swede ».
Le championnat apparaît quelque peu relancé puisque Andretti n'a plus que six points d'avance sur son équipier Peterson. Grâce à sa victoire Lauda grimpe à la troisième place du classement et revient à onze longueurs d'Andretti. En ce qui concerne la coupe des constructeurs Brabham prend la deuxième place à Tyrrell et compte dix-huit points de retard sur Lotus. Tyrrell est reléguée à 24 points, Ferrari à 27.
Ecclestone sacrifie la BT 46B
Après la course, Colin Chapman et Teddy Mayer déposent une réclamation contre Brabham. Les commissaires s'en tiennent à leur décision de la veille et la rejettent. Les deux directeurs vont alors à la rencontre de Bernie Ecclestone pour lui enjoindre de retirer lui-même la « Brabham aspirateur ». Trois raisons les motivent : l'illégalité manifeste de l'énorme ventilateur, élément aérodynamique mobile formellement interdit ; les cailloux qu'il renvoie en piste, mettant les poursuivants en danger ; et surtout l'incroyable supériorité de cette voiture... Lauda a déclaré en effet que sa tenue de route était telle qu'il avait l'impression de conduire sur des rails ! Ecclestone résiste un temps à ses collègues, persuadé qu'avec son influence il pourra convaincre la Commission sportive internationale de la légalité de la Brabham. Cependant Chapman et Mayer ont un atout de taille entre leurs mains : si Ecclestone ne cède pas, ils lui retireront son soutien dans sa charge de président de l'association des constructeurs. Et les autres équipes adhérentes seront avec eux. Cette fois-ci Ecclestone ne peut plus fanfaronner et s'incline. Le soir même de la course, il déclare à un Gordon Murray très déçu que sa formidable création ne courra plus. Ainsi Brabham abandonne une chance unique de remporter le championnat du monde pour sauvegarder les intérêts politico-financiers de son patron...
De toute façon, la BT46B est condamnée à court terme. Une semaine plus tard à Paris Jean-Marie Balestre, qui était le représentant officiel de la CSI en Suède, remet son rapport au président Pierre Ugeux. S'appuyant sur les éléments ayant justifié l'interdiction de la Chaparral 2J, il conclut à l'illégalité de la « Brabham aspirateur » puisqu'elle dispose d'un élément mobile ayant manifestement un intérêt aérodynamique. La CSI bannit la voiture mais confirme la victoire de Niki Lauda, sans doute pour ménager Bernie Ecclestone. Ce dernier, toujours malin, accepte évidemment la décision mais pose une autre question : si les éléments aérodynamiques mobiles sont proscrits, pourquoi tolérer la Lotus 79 ? Affaire à suivre...
Tony