Le Grand Prix de France a lieu pour la deuxième fois sur le circuit de Dijon-Prenois. Le principe de l'alternance entre Le Castellet et le tracé bourguignon s'applique de nouveau. Mais les pilotes regrettent assez largement la Côte d'Azur...
Comme en 1974, il y a un imbroglio au sujet du nombre de pilotes admis au départ à Dijon-Prenois. Le vendredi, le chiffre est fixé à vingt-quatre, mais le lendemain il est ramené à vingt-deux, ce qui provoque l'irritation des plus petites équipes qui perdent ainsi leurs chances d'être qualifiées.
Après leur victoire en Suède, Jacques Laffite et Ligier-Matra abordent le Grand Prix de France dans les meilleures conditions possibles. On se prend à rêver à un succès devant le public français... d'autant plus que les essais privés réalisés sur le circuit ont été très satisfaisants. Jean-Pierre Jabouille est très présent dans l'entourage des « Bleus ». Il aurait pourtant pu participer à la course au volant de la nouvelle Renault, mais celle-ci n'était pas prête. Du coup, il s'occupe en conseillant son ami Jacques Laffite.
La Scuderia Ferrai aborde cette épreuve en situation de crise. Les rumeurs au sujet du départ de Niki Lauda se font insistantes. L'Autrichien a tenté d'y mettre fin en déclarant qu'il courrait pour Enzo Ferrari « jusqu'à la mort » du vieil homme. Il n'en pense bien sûr pas un mot. Pour ne rien arranger, s'il n'adresse plus la parole ni à son équipier Carlos Reutemann ni à son directeur sportif Roberto Nosetto, il s'accroche de plus en plus souvent avec Mauro Forghieri. Leurs caractères très impulsifs rendent leur collaboration difficile voire insupportable.
Sur le plan technique, les 312 T2 souffrent de gros problèmes d'adhérence, le survirage succédant au sous-virage dans les courbes. Forghieri a tenté de modifier les ailerons en Belgique et Suède, sans succès. A Dijon, les mécaniciens et les pilotes découvrent que le problème proviendrait plutôt des essieux. Des modifications importantes devront donc être apportées à la voiture pour le Grand Prix suivant.
Il y a peu de changements dans le peloton. Riccardo Patrese retrouve le baquet de la deuxième Shadow après l'intérim assuré par Jackie Oliver en Suède. Les trois Hesketh sont toujours présentes. Cette fois-ci, le British Formula 1 Racing Team de Brian Henton a voulu engager Henri Pescarolo pour sa course nationale, mais l'accord n'a pu se concrétiser. On note aussi le forfait de la McLaren privée d'Emilio de Villota.
Le jeune Français Patrick Tambay aurait dû faire ses débuts au volant d'une deuxième Ensign, mais celle-ci n'est finalement pas prête à temps. Le samedi, John Surtees lui confie tout de même sa deuxième TS19 en remplacement de Larry Perkins.
Les qualifications
Comme depuis trois courses, les qualifications semblent devoir opposer Mario Andretti à John Watson. Les deux hommes n'ont pourtant pas les mêmes objectifs. Si avec sa formidable Lotus 78 Andretti est en lice pour le titre mondial, ce n'est pas le cas de Watson qui n'a que trois malheureux points au compteur.
Le vendredi, Watson devance Andretti d'un souffle. Mais le samedi voit le réveil de Hunt. Sa McLaren M26 se montre enfin compétitive et le champion du monde occupe longtemps le haut de la feuille des temps, avant qu'Andretti ne lui souffle la pole position avec un chrono exceptionnel en 1'12''21'''. Hunt se contente de la deuxième place. Qu'importe, les hommes d'Alastair Caldwell sont soulagés: leurs efforts de développement sur cette M26 conçue il y a plus d'un an et demi n'ont pas été vains. Sur l'autre Lotus, Nilsson s'est hissé au troisième rang devant Watson. Un peu déçu, Laffite est cinquième, à plus d'une seconde d'Andretti. Il précède Reutemann, Mass, J. Scheckter et Lauda. Les Tyrrell sont nettement en retrait, handicapées par des moteurs peu performants. Depailler est douzième et Peterson dix-septième. Dix-huitième, Merzario est de nouveau le meilleur pilote March.
En fond de grille, on retrouve Jarier, I. Scheckter, Purley et Fittipaldi qui s'est qualifié de justesse.
La grille étant réduite, les non-qualifiés sont nombreux. Il s'agit de Ribeiro, Nève, Lunger, Ertl, Perkins, Rebaque, Andersson et Tambay. Le jeune Français n'a pu défendre ses chances au volant d'une Surtees équipée d'un moteur malade.
Le Grand Prix
Le dimanche matin, Jacques Laffite est victime d'un accident de moto en venant sur le circuit. Il s'en tire avec une blessure au poignet droit et une coupure au front. Il pourra disputer la course mais son équipe n'avait pas besoin de cela. Guy Ligier peste.
Les ennuis se poursuivent pour Laffite lors de la mise en grille: il doit changer un pneu en dernière minute.
Départ: Patrese anticipe très nettement le départ avant de ralentir, ayant abîmé son embrayage. Andretti part mal et Hunt vire en tête. Laffite et Watson passent devant le pilote Lotus et arrivent côte à côte à Villeroy, mais finalement Watson reste devant la Ligier.
1er tour: Hunt mène devant Watson. Andretti déborde Laffite sur la ligne de chronométrage. Suivent Nilsson, Scheckter, Brambilla, Jones, Depailler et Lauda. Mass se frotte à Reutemann à la sortie du S de la Sablière et casse une biellette de direction. Il regagne le stand McLaren à la fin du tour.
2e: Watson se rapproche de Hunt. Andretti rattrape ce duo et sème Laffite qui est attaqué par Nilsson. Lauda double Depailler. Après réparations, Mass reprend la piste avec un tour de retard.
3e: Hunt, Watson et Andretti sont roues dans roues.
5e: A l'abord de Villeroy, Watson plonge à l'intérieur et double Hunt. Andretti est derrière l'Anglais. A trois secondes vient Laffite qui emmène un peloton composé de Nilsson, Scheckter, Brambilla, Jones et Lauda. Tête-à-queue pour Jarier qui finit sa route dans le sable avec une boîte de vitesses bloquée.
6e: Andretti attaque Hunt à Villeroy mais celui-ci lui ferme la porte. Lauda prend la huitième place à Jones. Suite à la rupture de ses freins arrière, Purley sort de la piste à Villeroy, traverse les broussailles avant d'atterrir contre une barrière, sans dommage corporel.
7e: Patrese s'arrête en bord de piste, moteur fumant
8e: Watson a deux secondes d'avance sur Hunt. Andretti est blotti derrière l'Anglais. Il tente de le déborder à Villeroy, de nouveau sans succès. Lauda dépasse Brambilla.
9e: Jones double Brambilla et se retrouve huitième.
10e: Watson a trois secondes de marge sur Hunt et Andretti, toujours roues dans roues. Plus loin, Laffite et Nilsson sont distancés.
11e: Lauda continue de grimper dans la hiérarchie et prend la sixième place à Scheckter.
13e: Watson creuse l'écart en tête tandis qu'Andretti ne trouve pas le moyen de doubler Hunt. Lauda rattrape Nilsson.
14e: Watson mène devant Hunt (4s.), Andretti (5s.), Laffite (11s.), Nilsson (13s.) et Lauda (14s.). Suivent Scheckter, Jones, Brambilla et Reutemann.
15e: Tête-à-queue de Brambilla à Villeroy. Le pilote italien repart après avoir perdu sept places.
17e: Andretti plonge à l'intérieur à Villeroy et dépasse enfin Hunt.
18e: Cinq secondes séparent Watson et Andretti. Hunt ne parvient pas à garder le contact avec la Lotus car il souffre de problèmes de tenue de route.
20e: L'écart est stable entre Watson et Andretti. Plus loin, on suit plusieurs luttes, opposant Nilsson à Lauda, Scheckter à Jones, Regazzoni et Stuck aux deux Tyrrell. Peterson regagne le stand Tyrrell pour changer ses pneus avant.
22e: Suite à une touchette avec Stuck à Villeroy, Depailler s'arrête dans les graviers et renonce. Peterson a repris la piste derrière Hunt, avec un tour de retard. Brambilla s'arrête à son stand pour changer ses pneus qui ont tendance à cloquer.
25e: Watson ne cesse de battre le record du tour et possède plus de cinq secondes d'avance sur Andretti. Hunt est à deux secondes de l'Américain. Bien plus loin, Laffite, Nilsson et Lauda sont en bagarre.
27e: Six secondes entre Watson et Andretti.
28e: Merzario abandonne à cause d'un problème de boîte de vitesses.
30e: Watson a 5.1s. d'avance sur Andretti. Hunt est relégué à neuf secondes. Brambilla est de nouveau aux stands pour changer de gommes.
32e: Watson perd un peu de temps en prenant un tour à Keegan et à Mass. Peterson stoppe de nouveau chez Tyrrell. Cette fois-ci, il fait changer ses quatre pneus avant de repartir.
34e: Andretti est gêné à Villeroy par Keegan. Il n'a en revanche pas de mal à dépasser Mass.
35e: Andretti est désormais le pilote le plus rapide en piste. Il a cinq secondes de retard sur Watson... et cinq secondes d'avance sur Hunt.
37e: Andretti grappille plusieurs dixièmes sur Watson. Hunt ne peut pas suivre son rythme.
40e: A mi-course, Watson possède quatre secondes et demie d'avance sur Andretti. Hunt est maintenant très distancé. A plus de vingt-cinq secondes se trouvent Laffite, Nilsson et Lauda, toujours plus ou moins en bagarre.
42e: Andretti bat régulièrement le record du tour. Il est le premier à tomber sous la barre d'1' 14''.
43e: Quatre secondes séparent Watson et Andretti. Ces deux pilotes sont nettement au dessus du lot lors de cette course.
45e: Watson mène devant Andretti (3.9s.) et Hunt (13s.). Le groupe Laffite-Nilsson-Lauda est relégué à plus de trente secondes. J. Scheckter est toujours septième devant Jones, Reutemann et Regazzoni.
48e: L'écart est stable entre les deux leaders. I. Scheckter regagne le garage March: sa suspension est abîmée et le châssis traîne au sol.
50e: Andretti s'est un peu rapproché de Watson: la marge n'est plus que de trois secondes et demie.
51e: I. Scheckter est toujours arrêté à son stand avec un radiateur fumant.
53e: Reutemann prend la huitième place à Jones.
55e: Watson perd un peu de temps en prenant un tour à Brambilla. Reutemann dépasse Scheckter.
58e: Loin du trio de tête, Laffite a de plus en plus de mal à contenir Nilsson et Lauda.
59e: Andretti est revenu à deux secondes de Watson. Hunt est relégué à plus de vingt secondes du leader.
60e: Andretti semble désormais se rapprocher franchement de Watson: l'écart dépasse à peine la seconde. I. Scheckter repart des stands.
61e: Après plus d'une heure d'attente, Nilsson parvient enfin à prendre la quatrième place à Laffite. Jones est au ralenti, en panne de transmission. Il regagne le stand Shadow pour abandonner.
62e: Andretti est maintenant juste derrière Watson.
64e: A l'abord de Villeroy, Andretti se montre dans les rétroviseurs de Watson, mais la puissance du Flat 12 Alfa Romeo du Nord-Irlandais l'empêche de prendre une bonne aspiration.
65e: Quelques dixièmes seulement séparent Watson et Andretti. Hunt est troisième à plus de trente secondes. Nilsson est quatrième à une minute et précède Laffite, Lauda, Reutemann, J. Scheckter, Regazzoni et Fittipaldi.
66e: Les deux leaders reviennent sur J. Scheckter et Regazzoni, en lutte pour la huitième place. Laffite percute Stuck à la Parabolique en voulant lui prendre un tour. L'Allemand s'arrête dans les graviers, démarreur bloqué. Laffite a cassé le nez de sa Ligier et regagne son stand pour réparer.
67e: Dans la ligne droite principale, Watson et Andretti essaient de déborder par l'intérieur Scheckter et Regazzoni. Watson réussit sa manœuvre mais Scheckter s'intercale devant Andretti. Il gêne celui-ci pendant quelques virages. Puis, à Gorgeolles, Scheckter est percuté par Regazzoni et part en tête-à-queue. Le Sud-Africain abandonne pour la troisième fois consécutive. Laffite ressort des stands en neuvième position.
68e: Après sa mésaventure, Andretti est revenu à une seconde de Watson. Bien plus loin, Nilsson et Lauda sont en lutte pour la quatrième place.
69e: Les deux leaders prennent un deuxième tour d'avance à Laffite. Le Français connait une fin de course pénible car il souffre de son poignet.
70e: A dix tours du but, Watson et Andretti sont roues dans roues. Hunt est troisième à trente-cinq secondes. Nilsson et Lauda sont en bagarre, à plus d'une minute. Reutemann est à quatre secondes de son équipier, au sixième rang. Suivent Regazzoni, Fittipaldi, Laffite et Keegan.
72e: Watson prend facilement un tour de plus à Peterson, tandis que de nouveau Andretti est gêné par le retardataire. Le pilote Brabham en profite pour s'échapper quelque peu et réalise le meilleur tour en course: 1'13''88.
74e: Watson et Andretti se suivent mais aucun ne commet de faute pour le moment.
76e: Andretti améliore le meilleur tour: 1'13''75'''. Watson arrive derrière Reutemann.
77e: Reutemann ne s'écarte pas devant Watson. Andretti est revenu juste derrière la Brabham.
78e: A Villeroy Reutemann s'efface enfin devant les deux leaders.
79e: Une demi-seconde sépare Watson et Andretti. Le Nord-Irlandais semble contrôler la situation.
80ème et dernier tour: Watson et Andretti passent devant Fittipaldi, en panne d'essence.
Andretti attaque Watson par l'intérieur à la parabolique, sans succès. Mais quelques mètres plus loin, la Brabham rencontre un problème de carburation et hoquète. Andretti en profite pour passer devant Watson... à 800 mètres de l'arrivée ! Watson parvient à utiliser les dernières gouttes de se réservoir pour rester au contact de la Lotus mais il est trop tard.
Mario Andretti remporte donc le GP de France, ce qui est son troisième succès de la saison. Watson est deuxième mais mortifié. Il a mené 75 tours pour échouer in extremis... Hunt termine troisième et marque ainsi des points pour la première fois depuis Kyalami. C'est aussi le premier podium de la McLaren M26. Nilsson termine quatrième et précède les deux Ferrari de Lauda et Reutemann.
Regazzoni, Laffite, Mass, Keegan, Peterson, Brambilla et I. Scheckter sont les autres pilotes à terminer l'épreuve.
Après la course
Watson s'est arrêté en bordure de piste peu après l'arrivée. Il est pris en stop par Lauda qui le reconduit aux stands. Chez Martini Brabham c'est la stupéfaction: Bernie Ecclestone, Herbie Blash et Gordon Murray vérifient leurs calculs de consommation d'essence et ne comprennent pas ce qui s'est passé. Leur équipe perd ainsi stupidement l'occasion de retrouver le chemin de la victoire.
Lauda n'a pas vécu un bon week-end, et pourtant sa cinquième place couplée à l'abandon de Scheckter lui permet de prendre le commandement du championnat avec un point d'avance sur le Sud-Africain et sur Andretti. Bénéficiant de la meilleure voiture cette saison-là, déjà fort de trois victoires, Andretti devient le favori dans la course au titre. Reutemann est à cinq points du leader. Mais il est clair que les Ferrari et la Wolf vont devoir progresser s'ils veulent vaincre les Lotus 78.
Chez les constructeurs, Ferrari n'a plus que sept longueurs d'avance sur Lotus, tandis que McLaren se rapproche de Wolf.
Tony