Le protégé de Carlos Slim
Né en 1990, c'est en 2004 que le jeune Mexicain Sergio Pérez vient au sport automobile, en débutant dans le championnat américain Barber Pro Series. Il a alors quinze ans et est soutenu par le géant mexicain des télécommunications, la société Telmex du milliardaire Carlos Slim qui va le couver pendant tout le début de sa carrière.
Onzième pour sa première saison, Pérez poursuit sa carrière en Europe à partir de 2005, dans le championnat allemand de Formule BMW. Quatorzième lors de sa première année avec le team Rosberg, il est meilleur en 2006 chez Mücke Motorsport et termine sixième. A la fin de la saison, il représente brièvement le Mexique pour deux courses d'A1 GP.
Bien qu'il n'ait pas fait preuve d'un talent époustouflant, Pérez est poussé en 2007 par Telmex dans le championnat de F3 britannique, au sein de l'écurie T-Sport. Pérez ne concourt cependant pas pour le même championnat que les cadors de la discipline, mais pour une seconde division, la « national class ». Il devient bien vite le meilleur pilote de cette catégorie, remportant quatorze victoires (premier de sa classe à l'arrivée) en vingt-deux manches, devenant ainsi champion.
En 2008, c'est tout naturellement qu'il est promu en première catégorie, toujours pour T-Sport. Confirmant ses progrès, Pérez remporte quatre succès et lutte pour le titre. Cependant, il doit finalement s'incliner devant le trio de l'équipe Carlin composé d'Alguersuari, Turvey et Hartley.
Le GP2 (2009-2010)
Pour 2009, Sergio franchit l'étape supérieure et arrive en GP2. Tout d'abord, il dispute pour Campos le championnat asiatique au cours de l'hiver. Il gagne deux courses à Bahreïn puis au Qatar, et finit septième de cette compétition mineure, juste derrière son équipier Vitaly Petrov.
Lors de la saison régulière, il intègre l'écurie néerlandaise Arden dans laquelle il cohabite avec l'Italien Edoardo Mortara. Cette première saison dans ce championnat relevé est assez laborieuse. Peu souvent dans les points au début de l'année, il prend ensuite de l'assurance et obtient deux excellents podiums lors des deux manches de Valence. Il finit finalement douzième au classement final avec vingt-deux points contre dix-neuf à Mortara.
En 2010, Pérez a la chance de rejoindre Barwa Addax, l'écurie championne en titre avec l'Allemand Nico Hülkenberg, où il retrouve le Néerlandais Giedo Van der Garde. Après un hiver de GP2 Asia assez terne, il attaque le championnat 2010 rempli d'ambitions et ne va pas être déçu. Certes, jamais il ne pourra menacer le leadership de Pastor Maldonado, intouchable cette année-là. Mais il remporte un probant succès dans les rues de Monaco, puis triomphe encore à Silverstone, Hockenheim, Spa et Abou Dhabi. Autant de victoires qui lui permettent de terminer vice-champion avec un écart très conséquent sur le troisième, le Français Jules Bianchi. Quant à Van der Garde, il finit avec presque deux fois moins de points que son équipier.
Débuts difficiles chez Sauber (2011)
Après cette belle saison, l'objectif de Sergio Pérez devient bien évidemment la Formule 1. Or le soutien de Telmex est un atout très précieux sur le marché des transferts. Son coup de volant et sa valise de billets attirent ainsi l'attention de Peter Sauber, dont l'équipe peine à surnager depuis le départ de BMW fin 2009. L'affaire est conclue en septembre 2010 : en échange d'un substantiel soutien financier de Carlos Slim, Sauber aligne Pérez comme second pilote pour la saison 2011, au côté du jeune prodige nippon Kamui Kobayashi. A 21 ans Pérez devient ainsi le premier pilote mexicain à piloter en F1 depuis Hector Rebaque en 1981.
Il réalise des débuts en fanfare : dès l'ouverture du championnat en Australie, il finit septième, après avoir parfaitement su gérer les nouveaux pneus Pirelli, au point de n'utiliser en course que deux jeux là où les autres pilotes en ont chaussé trois ou quatre. Hélas, ce beau résultat est aussitôt annulé par la disqualification des Sauber, pour cause d'ailerons non conformes. Les courses suivantes sont un peu plus délicates, mais il parvient à inscrire ses deux premiers points en terminant neuvième à Barcelone.
Hélas à Monaco il est victime d'un sérieux accident. Lors des qualifications, il perd le contrôle de sa machine sous le tunnel avant de s'écraser contre les barrières de sécurité, exactement comme Karl Wendlinger en 1994. Il est toutefois plus chanceux que l'Autrichien et s'en tire avec une commotion cérébrale et une entorse de la cuisse. Il doit renoncer au Grand Prix, ainsi qu'à la manche canadienne deux semaines plus tard, souffrant encore de maux de tête.
Cet incident n'entame pas son talent. A Silverstone, il termine brillant septième et récupère ainsi les six points confisqués par la FIA en Australie. De plus il commence à prendre le pas sur Kobayashi. Il entre encore dans les points au Japon et en Inde, et conclut cette première saison au seizième rang avec quatorze points, deux fois moins que son équipier, qui, cependant a surtout brillé en début d'année avant de souffrir par la suite.
Son talent et ses supports financiers assurent à Pérez la reconduction son contrat pour 2012. Toutefois son horizon dépasse désormais celui de Sauber. Membre de la Ferrari Driver Academy, il effectue en fin d'année un premier test sur une F60 de 2009. Ainsi son objectif semble être de remplacer à terme Felipe Massa au sein de la Scuderia.
Premiers exploits... et premières déceptions (2012)
Pérez et Sauber commencent la saison 2012 avec des ambitions assez élevées. La première course en Australie va bien illustrer la saison du Mexicain. Parti vingt-deuxième à cause d'un souci technique, il s'élance en pneus durs avant de chausser tardivement des gommes tendres, ce qui lui permet d'effectuer une très belle fin de course et d'inscrire les points de la huitième place. Une tactique qu'il utilise souvent cette saison car la Sauber ménage particulièrement bien les pneus Pirelli.
Pérez se révèle véritablement lors de l'épreuve suivante en Malaisie. Sous une pluie battante, il remonte dans le peloton jusqu'à s'emparer du commandement pendant quelques tours. Un arrêt aux stands l'oblige à céder la tête à Fernando Alonso mais il menace jusqu'au bout le pilote espagnol. Sans une petite erreur et des consignes assez strictes de Peter Sauber, il aurait pu gagner la course. En tout cas il signe là le meilleur résultat de l'histoire de l'écurie suisse et apparaît comme le nouvel espoir de la F1. Il n'en faut pas plus pour que certains annoncent son arrivée immédiate chez Ferrari en remplacement d'un décevant Massa.
Finalement Pérez reste chez Sauber jusqu'à la fin de l'année. Dans l'ensemble sa saison est irrégulière, la faute à une Sauber inexplicablement peu performante sur certains tracés. Mais le jeune Mexicain subit aussi encore parfois la loi de Kobayashi. Sa force réside dans ses merveilleux coups d'éclat. Au Canada, il profite du bon état de ses pneus pour réaliser une superbe fin de course et arracher la troisième place. Il fait encore mieux à Monza où, de nouveau grâce à changement de gommes tardif, il dépasse dans les dernières boucles les deux Ferrari d'Alonso et Massa et échoue à la deuxième place, la McLaren de Hamilton étant irrattrapable.
Ces trois podiums font de lui l'attraction du marché des transferts. De par son statut de pilote Ferrari, tout le monde pense qu'il va rejoindre Maranello en 2013. Et pourtant début septembre Luca di Montezemolo déclare que Pérez est « trop jeune » pour intégrer une grande équipe et peu après Massa est reconduit par la Scuderia. Cependant le patron de McLaren Martin Whitmarsh n'est pas de l'avis de Montezemolo. L'équipe anglaise vient de perdre Lewis Hamilton parti chez Mercedes AMG. Elle cherche un jeune pilote rapide capable d'épauler Jenson Button. L'affaire est rapidement conclue et Pérez signe donc avec McLaren... amenant avec lui ses généreux sponsors.
Avant cela il finit la saison 2012 de manière très erratique. Beaucoup pensent que le jeune Sergio a quelque peu attrapé la grosse tête... Ainsi il n'inscrit pas un seul point lors des six dernières courses et commet des erreurs grossières, comme ce carambolage qu'il crée à Abou Dhabi. A Suzuka il reçoit même une leçon de pilotage de la part de Hamilton. Voulant déborder l'Anglais à l'épingle serrée de Hairpin, il se place à l'extérieur. Hamilton garde sa ligne, emmène son rival dans la partie sale de la piste... et regarde tranquillement la Sauber déraper avant de s'échouer dans les graviers.
Il finit la saison à la dixième place avec soixante-six points, soit trois de mieux que Kobayashi.
McLaren: grandeur et décadence (2013)
Ces erreurs n'entament guère le crédit de Sergio Pérez qui, à vingt-trois ans intègre une grande équipe. Celle-ci compte beaucoup sur sa pointe de vitesse et sa bonne maîtrise des pneus Pirelli pour se mêler dès 2013 à la lutte pour le titre contre Red Bull-Renault. Toutefois, Pérez a presque été imposé à l'écurie par Martin Whitmarsh qui n'a pas entièrement convaincu ses subordonnés du bien-fondé de sa décision. Pour certains, il est encore trop jeune et trop inexpérimenté pour entrer dans une telle structure.
Malheureusement, dès le début des essais de pré-saison, McLaren se rend compte que sa nouvelle monoplace, bien que techniquement ambitieuse, n'est pas au niveau de la concurrence. A vrai dire, elle va connaître sa plus mauvaise saison depuis des années, voire depuis des décennies. Pérez va en partie faire les frais de cette annus horribilis.
Pour sa première course dans sa nouvelle écurie, il se qualifie à une lointaine quinzième position, alors que son coéquipier réussit à rejoindre la Q3. En course, il finit hors des points, en onzième position. Button prend ainsi dès le début l'ascendant sur un équipier qui semble trop tendre.
En Malaisie, à l'endroit même où il s'était fait remarquer un an auparavant, Sergio s'élance et termine neuvième. En Chine, il s'élance en sixième ligne et ne rapporte aucun point. A Bahreïn, même s'il se qualifie une nouvelle fois douzième, il mène une excellente course, notamment émaillée de luttes viriles avec son champion du monde de coéquipier. Il termine à une belle sixième place.
En Espagne, malgré une bonne huitième place sur la grille, il ne termine que neuvième. A Monaco, il s'offre sa meilleure qualification de la saison avec une septième place. En course, il se montre agressif et impatient, ce qui lui permet de dépasser coup sur coup son coéquipier puis Fernando Alonso. A huit tours de l'arrivée, il tente de dépasser Kimi Räikkönen pour le gain de la cinquième place, mais il se montre trop optimiste et l'accroche à la chicane. C'est l'abandon. Ce comportement erratique lui vaut de nouvelles critiques, même si sa pleine responsabilité dans l'incident n'est pas démontrée.
L'été du Mexicain est ensuite très médiocre. La McLaren MP4/28 ne progresse pas et son développement est abandonné. Si Button est très régulier, Pérez n'inscrit que de rares points. En fin de saison, tandis que sa place dans l'équipe est menacée, il se montre soudainement plus compétitif. Il domine Button en qualifications et inscrit des points lors des quatre dernières épreuves. Il termine notamment cinquième en Inde et sixième au Brésil. Mais au final, il n'a marqué que quarante-neuf points... soit beaucoup moins qu'en 2012 avec Sauber !
Son heure de gloire est alors passée. Après avoir signé un contrat de motorisation avec Honda pour 2015, McLaren recompose sa stratégie et Pérez n'en fait pas partie. Des rumeurs courent en effet sur son arrogance et sa légèreté qui auraient irrité le personnel de l'équipe. D'autres subodorent que le soutien financier de Telmex aurait été décevant. Mais plus certainement, et comme l'avoue à demi-mot le directeur sportif Sam Michael, Pérez n'est pas jugé assez bon pour poursuivre l'aventure. Sans trop s'embarrasser de cohérence, McLaren choisit de le remplacer par un autre jeune espoir, celui-ci totalement novice en F1, le Danois Kevin Magnussen.
Le rebond chez Force India (2014)
Fin 2013, après côtoyé les sommets, Pérez se retrouve sans volant et sa carrière en Formule 1 est en danger. Heureusement pour lui, Carlos Slim ne lui retire pas son soutien et sa bonne fin de saison lui redonne quelque crédit. Il est ainsi engagé par Force India-Mercedes, équipe de milieu de tableau mais qui a réalisé une saison 2013 satisfaisante. Tombé de haut, il doit reconstruire sa réputation de grand espoir. Il fait face à un sérieux adversaire : son coéquipier Nico Hülkenberg, autre jeune loup aux dents longues.
La nouvelle Force India est bien née et Pérez marque un point en Australie, payant sa mauvaise qualification. Il ne prend pas le départ en Malaisie à cause d'un problème de boite mais compense ce contretemps dès la course suivante avec un magnifique podium à Bahreïn. Tandis qu'Hülkenberg enchaîne les dix premières courses dans les points, Pérez abandonne à Monaco et surtout à Montréal, à cause d'une défense musclée qui l'envoie dans le mur avec Massa dans le dernier tour alors qu'il pouvait inscrire de gros points. A la mi- saison, il compte quarante points de moins qu'Hülkenberg et son agressivité est de plus en plus critiquée. La deuxième moitié de saison tourne néanmoins en sa faveur puisqu'il rentre plus régulièrement dans les points et réduit l'écart avec son équipier. Il abandonne en Hongrie après un violent accident et aux États-Unis après s'être accroché avec Sutil au premier tour. Sa saison s'achève avec la dixième place au championnat, derrière Hülkenberg, qui reste son équipier en 2015.
La VJM08 n'est qu'une évolution de la précédente et la saison s'annonce compliquée, et c'est en effet le cas. Le mexicain n'a inscrit que cinq points après cinq Grands Prix mais prend ensuit l'ascendant sur Hülkenberg, malgré sa récente victoire aux 24 heures du Mans. Pérez termine cinquième à Spa et monte sur le podium après une excellente course en Russie, avant de resigner deux cinquième places à Austin et à Abu Dhabi. Sa course nationale, de retour au calendrier après vingt-trois ans d'absence, est ponctuée par une huitième place, malgré un grand support des fans. Cette fois-ci, au championnat, c'est Pérez qui termine neuvième et Hülkenberg est dixième, avec une différence de vingt points entre les deux hommes.
Son objectif est maintenant de rejoindre un top team après l'échec McLaren, mais la concurrence est rude avec Hülkenberg qui est à nouveau son coéquipier en 2016. Son début de saison est encore une fois assez poussif car il n'inscrit ses premiers points qu'en Russie, avant de finalement regoûter aux joies du podium avec une nouvelle troisième place, décrochée dans des conditions météo délicates dans les rues de Monaco.
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Tony / Luc / Paolo