Accident de Jules Bianchi: la FIA enquête et conclut
Le Grand Prix de Russie a lieu seulement huit jours après celui du Japon. Victime d'un terrifiant accident à Suzuka Jules Bianchi se trouve toujours entre la vie et la mort à l'hôpital de Yokkaichi. Les circonstances du drame ont créé une vive polémique que la FIA s'est employée à éteindre en commandant une enquête. Les premiers résultats sont dévoilés par le président Jean Todt et le directeur de course Charlie Whiting le vendredi 10 octobre. Sans surprise, les autorités sont dédouanées de toute responsabilité. Selon la fédération Jules Bianchi a commis une erreur qui l'a envoyé hors-piste. Aucun incident technique ne serait en cause.
En ce qui concerne les mesures envisagées pour améliorer la sécurité, les véhicules de dépannage pourraient être équipés de « jupes » afin d'éviter aux pilotes de passer en dessous. Whiting va plus loin en évoquant la possibilité de bloquer automatiquement la vitesse des Formules 1 dans les zones où les drapeaux jaunes sont brandis. Un logiciel sera mis en place à cet effet dès le Grand Prix des États-Unis. L'idée de couvrir les cockpits d'une bulle n'est en revanche pas retenue.
Arrivée de la Formule 1 en Russie
Ce projet vieux d'une quinzaine d'années a fini par aboutir. Le premier Grand Prix de Russie de Formule 1 se déroule enfin sur le nouvel autodrome de Sotchi. Cet évènement résulte de la volonté du président Vladimir Poutine d'installer la Russie au premier plan de la scène sportive internationale, et s'intercale donc entre les Jeux olympiques d'hiver de Sotchi de février 2014 et la Coupe du monde de football de 2018.
La tenue de cet évènement est toutefois critiquée par des responsables politiques américains et occidentaux à cause de la position de la diplomatie russe dans la guerre civile ukrainienne, ou plus largement du fait de l'opinion anti-russe qui prédomine dans la plupart des médias européens.
Ce GP de Russie n'est cependant pas le premier de l'histoire du sport automobile puisque deux éditions ont eu lieu en... 1913 et 1914 à Petrograd. Dès 1983 Bernie Ecclestone, alors président de la FOCA, avait entamé des négociations pour organiser un Grand Prix d'URSS. Les pourparlers ont repris dans les années 2000 avec le retour à la stabilité politique en Russie. En 2010 le contrat a été signé entre Ecclestone et Poutine. Le nouveau tracé conçu par Hermann Tilke serpente dans le parc olympique tout neuf de la station balnéaire de Sotchi, sur les rives de la mer Noire. Le résultat n'est pas très enthousiasment. Le circuit ressemble à celui d'Abou Dhabi ou au tracé urbain de Valence, c'est-à-dire à un faux circuit urbain très large, avec d'immenses dégagements en asphalte.
Le héros local est évidemment Daniil Kvyat qui dès 2015 intégrera l'équipe première de Red Bull. Il est le premier pilote russe à atteindre un tel niveau en sport automobile, ce qui est un joli parcours pour un jeune homme encore presque inconnu il y a un an.
Présentation de l'épreuve
Mercedes GP peut remporter le titre mondial des constructeurs à Sotchi. Pour cela son avance sur Red Bull-Renault à l'issue de l'épreuve devra excéder 172 points.
Le Britannique Jolyon Palmer, 23 ans, fils de Jonathan, remporte ce week-end là le GP2 pour le compte de l'écurie DAMS. Cependant cette compétition est en pleine déliquescence, et il est fort possible que comme ses deux prédécesseurs Davide Valsecchi et Fabio Leimer, Palmer ne puisse accéder à la Formule 1. Les patrons d'équipes lorgnent maintenant vers la Formule Renault 3.5 ou la Formule 3 pour détecter les futurs talents.
C'est le Grand Prix à domicile de Marussia, du moins sur le papier... L'équipe, nommée à l'origine Manor, est en réalité britannique et Marussia, le constructeur de voitures de luxe auquel elle doit son nom, a fermé ses portes en avril 2014 sans jamais avoir produit le moindre véhicule de série. L'écurie n'a de toute façon pas la tête aux festivités du fait de l'accident de Jules Bianchi. Par respect envers le Français la direction a décidé de n'aligner que la voiture de Max Chilton à Sotchi. Pour des raisons réglementaires le deuxième baquet est attribué à Alexander Rossi mais celui-ci ne courra pas. Une voiture arborant le numéro 17 de Bianchi est en revanche préparée et affichée dans le stand, prête à être utilisée par son pilote s'il revenait. Un beau geste.
Tous les pilotes sont très marqués par l'accident du jeune Niçois. Son ami Jean-Éric Vergne a commandé un autocollant arborant un message de soutien qu'il distribue à tous les pilotes. Ceux-ci le collent sur leurs casques.
Lotus a confirmé son partenariat avec Mercedes pour la saison 2015. C'est la fin d'une collaboration de dix-neuf ans entre Renault et l'équipe d'Enstone qui fut même entre 2002 et 2010 l'écurie officielle de la marque au losange.
Essais et qualifications
Kvyat n'est pas le seul Russe à conduire ce week-end puisque Sauber confie un volant le vendredi à Sergey Sirotkin, jeune homme de 19 ans soutenu par son papa Oleg, un riche homme d'affaires proche du Kremlin.
Les Flèches d'argent réalisent les meilleurs chronos des trois séances d'essais libres.
En qualifications Hamilton réalise la pole position devant Rosberg. C'est la cinquième fois consécutive que les Mercedes occupent la première ligne. Bottas est troisième, mais il aurait pu s'emparer de la pole sans une erreur dans le dernier virage de son ultime tour lancé. Les McLaren fonctionnent bien à Sotchi puisque Button est quatrième et Magnussen sixième. Le Danois reçoit cependant une pénalité de cinq places pour avoir changé de boîte de vitesses. Kvyat est galvanisé dans son pays et accroche la cinquième place. Ricciardo est sixième grâce à la pénalité de Magnussen et précède les Ferrari d'Alonso et de Räikkönen, ainsi que l'autre Toro Rosso de Vergne. Vettel a été éliminé en Q2 et ne part qu'en dixième position.
Comme souvent désormais les Force India sont éliminées dès la Q2 et en plus Hülkenberg reçoit une pénalité car il a dû remplacer sa boîte vitesses. Les Sauber devancent les Lotus qui sont encore plus mauvaises que d'habitude. Massa a été victime d'une panne de moteur en Q1 et ne partira qu'en 18ème position. En fond de grille Ericsson semble enfin se révéler puisqu'après son excellente prestation au Japon il devance Kobayashi et Chilton.
Maldonado a reçu cinq places de pénalité, reliquat de sa sanction reçue au Japon et pas complètement effectuée. Vingtième au chronomètre, il part vingtième-et-unième, derrière Chilton qui a été lui-même pénalisé (changement de boîte).
Le Grand Prix
Le soleil et surtout le public sont au rendez-vous de cette course. 55 000 spectateurs ont fait le déplacement. Quinze minutes avant le départ, les vingt-et-un pilotes se pressent autour de Jean Todt, de Bernie Ecclestone et du vice-premier ministre russe Dimitri Kozak pour entendre l'hymne russe, puis ils se réunissent en cercle pendant quelques instants pour faire silence en signe de soutien à Jules Bianchi. Puis Todt, Ecclestone et Kozak rejoignent la tribune officielle où Vladimir Poutine doit les rejoindre durant le Grand Prix.
Départ : Hamilton et Rosberg prennent un très bon envol, suivis par Bottas et par Button. Kvyat se fait en revanche enfermé. Les pilotes franchissent la première courbe à droite sans encombre. A l'abord du premier freinage Rosberg plonge à l'intérieur pour doubler Hamilton. Il y parvient mais monte sur ses freins, puis part dans l'échappatoire. Il conserve la première place mais a fait des plats sur ses pneus avant.
1er tour : Plusieurs pilotes empruntent les bordures de la piste. Les Toro Rosso et les Red Bull bataillant férocement. Rosberg laisse passer Hamilton sur ordre de son équipe. En fin de tour il regagne son stand pour changer ses pneus qu'il a abîmés.
Hamilton mène devant Bottas, Button, Alonso, Vergne, Magnussen, Kvyat, Vettel, Ricciardo et Räikkönen.
2e : Rosberg chausse des pneus médiums et reprend la piste. Massa l'a suivi dans les stands pour appliquer une stratégie décalée. Lui met des pneus tendres et ressort derrière Rosberg. Kvyat se fait passer par Vettel puis par Ricciardo.
3e : Magnussen et Vergne se battent côte à côte dans l'enchaînement des virages à gauche n° 3 et 4. Le Français reste devant mais il est lent en ligne droite et Magnussen finit par le doubler plus loin.
4e : Pour l'heure seul Bottas parvient à suivre Hamilton. Vettel et Ricciardo doublent Vergne. Ce dernier est attaqué par Kvyat mais les deux voitures se frottent et le Russe n'insiste pas.
5e : Hamilton mène devant Bottas (2.3s.), Button (5.7s.), Alonso (6.4s.), Magnussen (11.8s.), Vettel (14.4s.), Ricciardo (15s.) et Vergne (16.7s.). Räikkönen prend la neuvième place à Kvyat. Rosberg a doublé Chilton et Kobayashi et se retrouve dix-huitième.
7e : Ricciardo semble menacer Vettel. Rosberg a doublé Sutil et Maldonado. Massa remonte lui aussi mais plus lentement malgré ses pneus tendres.
8e : Hamilton n'a toujours que deux secondes et demie d'avance sur Bottas. Le Finlandais est plus rapide que lui dans le premier secteur. Button est à neuf secondes, Alonso à onze secondes.
10e : Hamilton mène devant Bottas (2.8s.), Button (12.7s.), Alonso (16s.), Magnussen (19.1s.), Vettel (24.2s.), Ricciardo (26s.), Vergne (26.7s.), Räikkönen (27.2s.) et Kvyat (28.3s.). Rosberg a dépassé Ericsson et Grosjean et se retrouve quatorzième. Chilton rejoint son garage avec un bris de suspension à l'arrière.
11e : Ricciardo s'arrête chez Red Bull pour chausse des pneus médiums et repart en dix-septième position.
13e : L'écart commence à augmenter entre Hamilton et Bottas. Il s'élève maintenant à trois secondes et demie. Rosberg prend la douzième place à Hülkenberg. Massa est quatorzième juste derrière l'Allemand.
15e : Hamilton est premier devant Bottas (4.7s.), Button (17.4s.), Alonso (20s.), Magnussen (25.3s.), Vettel (31.1s.), Vergne (34.2s.), Räikkönen (35.4s.), Kvyat (36.5s.) et Pérez (39.4s.). Rosberg et Massa doublent Gutiérrez.
18e : Six secondes séparent Hamilton et Bottas. Rosberg rattrape Pérez.
20e : Rosberg double Pérez au premier freinage. Massa demeure derrière le Mexicain. Kvyat est chez Toro Rosso pour effectuer son changement de pneus et repart en quinzième position derrière Ricciardo.
22e : L'avance de Hamilton sur Bottas est maintenant de dix secondes. Massa butte toujours derrière Pérez.
23e : Button s'arrête chez McLaren pour chausser les pneus médiums et ressort devant Pérez.
24e : Changement de pneus pour Vergne. Rosberg se retrouve en septième position. Kobayashi abandonne à cause d'une panne de freins sur sa Caterham.
25e : Hamilton a quatorze secondes de marge sur Bottas. Alonso effectue son changement de pneus mais perd du temps à cause d'un problème de cric. Hülkenberg passe aussi par les stands.
26e : Alonso est reparti entre Massa et Gutiérrez. Rosberg prend la cinquième place à Räikkönen. Pérez change de pneus.
27e : Changements de pneus pour les trois Scandinaves, Bottas, Magnussen et Räikkönen. Tous chaussent les Pirelli médiums. Bottas repart en troisième position, laissant la seconde place à Vettel. Rosberg est désormais quatrième.
28e : Hamilton est chez Mercedes pour changer de pneus (3.2s.). Il reprend la piste sans avoir perdu de position. Massa effectue un second changement de gommes : sa stratégie audacieuse n'aura pas payé. Pérez et Kvyat se battent pour la douzième place.
29e : Rosberg remonte sur Bottas. Grosjean heurte Sutil et l'envoie en tête-à-queue. Heureusement l'Allemand peut reprendre sa route.
30e : Vettel troque ses pneus tendres contre des médiums. Il retrouve la piste derrière Ricciardo. Dans cette deuxième partie de la course, beaucoup de pilotes, notamment ceux équipés d'un moteur Renault, doivent surveiller leur consommation d'essence et ne sont donc pas très rapides.
31e : Grâce au DRS Rosberg déborde Bottas avant le premier freinage. Surpris, le Finlandais sort dans l'échappatoire avant de retrouver la route.
32e : Dix-neuf secondes séparent Hamilton et Rosberg.
33e : Grosjean reçoit cinq secondes de pénalité pour avoir accroché Sutil. Cette sanction sera ajoutée à son temps final.
34e : Hamilton mène devant Rosberg (19.4s.), Bottas (22.2s.), Button (25.8s.), Magnussen (33.5s.), Alonso (40.8s.), Ricciardo (42.3s.), Vettel (50.5s.), Gutiérrez qui n'a pas de changé de pneus (52.6s.), Räikkönen (54.9s.), Vergne (58.6s.) et Kvyat (1m.), menacé par Pérez et par Massa.
35e : Pérez et Massa doublent Kvyat victime de fortes vibrations. Le jeune Russe ne peut plus défendre ses chances.
36e : Rosberg est revenu à dix-sept secondes de Hamilton. Hülkenberg double à son tour Kvyat mais commet ensuite une faute, dérape hors piste et perd sa position.
37e : Kvyat bloque ses roues et se fait doubler par Hülkenberg.
38e : Pérez et Massa doublent Vergne. Le Français roule lentement afin de préserver son essence.
39e : Räikkönen menace un Gutiérrez dont les pneus sont très altérés. Il le double avant que le Mexicain n'entre enfin aux stands.
40e : Hamilton précède Rosberg de dix-neuf secondes. L'Allemand espère terminer l'épreuve sans repasser par les stands. Bottas a vingt-trois secondes de retard.
41e : Le président Vladimir Poutine arrive sur le circuit accueilli par Bernie Ecclestone, et prend bientôt place dans la tribune officielle aux côtés du « Grand Argentier » et du président Todt.
43e : Bottas reprend maintenant quelques dixièmes à Rosberg. Ses pneus sont en effet nettement plus frais que ceux du pilote Mercedes.
45e : Hamilton mène devant Rosberg (18.8s.), Bottas (22.7s.), Button (29.9s.), Magnussen (43.8s.), Alonso (53.2s.), Ricciardo (53.6s.), Vettel (59.7s.), Räikkönen (1m. 11s.), Pérez (1m. 13s.), Massa (1m. 13.5s.) et Hülkenberg (1m. 16s.).
47e : Ricciardo menace Alonso pour la sixième place sans trouver d'ouverture.
48e : Les écarts sont très stables en tête de la course. Il est désormais certains que Rosberg ira au bout de la course avec ses pneus chaussés dès le premier tour.
50e : Dix-huit secondes séparent Hamilton et Rosberg. Bottas est le plus rapide en cette fin de course.
52e : Malgré ses pneus usés Rosberg réalise le meilleur chrono provisoire de l'épreuve : 1'41''360'''
53ème et dernier tour : Bottas signe le meilleur tour en course : 1'40''896'''.
Lewis Hamilton remporte sa quatrième victoire consécutive, sa 31ème en Formule 1. Rosberg finit deuxième après avoir parcouru 52 tours avec le même train de pneumatiques. Grâce à ce nouveau succès Mercedes est sacrée championne du monde des constructeurs. Bottas monte sur son cinquième podium de la saison. Suivent ensuite les McLaren de Button et de Magnussen qui ont fait une bonne prestation. Les cinq premiers sont propulsés par Mercedes... Alonso termine sixième devant les Red Bull de Ricciardo et de Vettel. Les derniers points sont pour Räikkönen et Pérez. Massa, Hülkenberg, les très décevantes Toro Rosso de Vergne et de Kvyat, Gutiérrez, Sutil, Grosjean, Maldonado et Ericsson sont aussi à l'arrivée.
Après la course: Hamilton sur un nuage
Vladimir Poutine est présent sur le podium et remet les trophées à Lewis Hamilton et à Paddy Lowe, représentant de Mercedes.
Hamilton peut savourer cette neuvième victoire de la saison qui semble lui ouvrir une voie royale vers son second titre mondial. Certes, il n'a finalement que dix-sept points d'avance sur Nico Rosberg. Mais celui-ci est mentalement quelque peu abattu par cette nouvelle erreur de pilotage commise dès le départ. Elle s'ajoute aux fautes effectuées à Spa-Francorchamps et à Monza. Pour la majorité des spécialistes, Rosberg montre ses limites en cette fin 2014. Hamilton appartient décidément à une classe supérieure.
Mercedes championne du monde
Ce doublé, le neuvième de la saison, offre à Mercedes son premier titre de champion du monde des constructeurs. En effet cette compétition n'existait en 1954 et 1955, dernières années de domination de la marque allemande en Formule 1. C'est une récompense méritée car elle a de loin produit le meilleur groupe propulseur, fruit d'un lourd investissement financier et humain. L'équipe Mercedes GP est aussi à l'honneur et retrouve les sommets cinq ans après son dernier titre. Elle s'appelait à l'époque Brawn Grand Prix. Ross Brawn peut justement être considéré comme un des artisans de ce succès bien qu'il ait quitté Brackley fin 2013. C'est en effet lui qui a restructuré cette équipe à partir de 2010 et a maintenu le cap durant les années de disette entre 2010 et 2012.
Le champagne est aussi partagé entre le triumvirat dirigeant composé de Toto Wolff, de Niki Lauda et de Paddy Lowe. Wolff et Lauda ont surtout géré la relation difficile entre Hamilton et Rosberg tandis que Lowe a supervisé cette saison l'aspect technique. Néanmoins la conception de cette splendide F1 W05 a eu lieu sous la direction technique de Bob Bell, le prédécesseur de Lowe, et est l'œuvre de l'ingénieur italien Aldo Costa. Il faut rendre à César...
Tony