Ligier: Panis, otage de Briatore
Le marché des transferts bat son plein et hélas les pilotes payants sont une fois encore les plus courtisés. Les managers du milieu et du fond de la grille s'arrachent ainsi Pedro Diniz qui agite devant eux une mallette de huit millions de dollars avancés par Parmalat, l'associé de son père milliardaire. En effet, le jeune Brésilien se sent à l'étroit chez Forti et vise un meilleur volant pour 1996. Depuis un mois, il négocie avec Tom Walkinshaw un contrat de deuxième pilote chez Ligier. Une information qui ne laisse pas d'inquiéter la presse française: les finances de l'écurie de Magny-Cours seraient-elles si fragiles ? Son propriétaire Flavio Briatore admet que les contributions de Gitanes et d'Elf, les soutiens traditionnels de l'équipe, ne permettront pas de boucler le budget 1996. D'où la nécessité d'engager le richissime Diniz.
Mais le tandem Briatore - Walkinshaw utilise aussi Olivier Panis pour faire pression sur son commanditaire, Elf. Par malchance, le jeune Français traverse une mauvaise passe et fragilise ainsi sa position. Il vient d'achever ses trois dernières courses dans les décors et apparaît particulièrement vulnérable. En cet automne 95, Briatore met ce marché entre les mains des dirigeants d'Elf: ou bien ils accroissent le pécule destiné à Ligier, ou bien Panis, le grand espoir tricolore, prendra la porte !
Présentation de l'épreuve
La seconde édition du Grand Prix du Pacifique, sur le tracé d'Aïda, initialement prévue pour avril 1995, a été reportée fin octobre à cause du terrible tremblement de terre de Kobe qui a dévasté le sud de l'île d'Honshu le 17 janvier. Du coup, cet événement se tient une semaine seulement avant le beaucoup plus populaire GP du Japon à Suzuka. Cette collision des dates s'avère très préjudiciable. Hajime Tanaka, le promoteur de l'épreuve, a beau régaler les pontes de la F1 d'un somptueux dîner officiel, à l'hôtel Kakuzan de Tsuyama, il peine à dissimuler son pessimisme. Les Nippons eux-mêmes « sabotent » leur second Grand Prix. Fuji TV a ainsi refusé de diffuser l'épreuve en direct et aucune autre chaîne de télévision n'a pris le relais. Le différé est relégué en fin de soirée (23h45 !). Et le public boude: hormis de riches mordus, qui peut assister à deux Grands Prix en huit jours ? L'héliport et les routes d'accès à l'autodrome sont quasi déserts. Après ce fiasco, l'avenir du Grand Prix du Pacifique s'inscrit en pointillé. Bernie Ecclestone le raiera quelques semaines plus tard du calendrier 1996.
Le titre mondial des pilotes devrait être attribué à Michael Schumacher à l'occasion de ce Grand Prix du Pacifique. En effet, à trois manches du terme de la saison, le natif de Kerpen jouit de vingt-sept longueurs d'avance sur son rival Damon Hill (82 points contre 55). Pour repousser le sacre de son adversaire, le pilote Williams-Renault doit impérativement l'emporter à Aïda tout en espérant que celui-ci ne fasse pas mieux que cinquième. En d'autres termes, Schumacher n'a plus que trois points à inscrire pour coiffer sa deuxième couronne. Mais Hill ne représente guère une menace: après sa prestation calamiteuse du Nürburgring, l'Anglais a de nouveau été éreinté par la presse britannique et porte son moral dans ses chaussettes. Pis: des rumeurs mensongères insinuent que Frank Williams songerait finalement à le remplacer pour 1996 par Heinz-Harald Frentzen ou par Gerhard Berger. Hill exige des explications auprès de Patrick Head qui lui assure que l'écurie lui garde toute sa confiance pour la saison prochaine. Mais voilà qui ébranle un peu plus le pauvre Damon.
Paradoxalement, c'est David Coulthard, pourtant évincé par Williams pour 1996, qui apparaît comme le leader de l'écurie au soir de cette saison. Le jeune Écossais enchaîne les poles positions et les podiums et a remporté il y a peu à Estoril son premier Grand Prix. Michael Schumacher se fait un malin plaisir de le désigner comme son principal adversaire afin de dénigrer Damon Hill, sans avoir l'air d'y toucher. Pendant ce temps-là, Jacques Villeneuve, fraîchement sacré champion en IndyCar, se familiarise avec la Formule 1 et multiplie les séances d'essais au volant de la Williams FW17. Après Silverstone, Monza et Imola, il découvre le 17 octobre le tracé de Magny-Cours. Le jeune Québécois a déjà accumulé près d'un millier de kilomètres d'essais et devrait donc aborder fin prêt la saison 1996.
Michael Schumacher pense lui aussi à l'avenir. Le 5 octobre au soir, il effectue en grand secret sa première visite à Maranello. Jean Todt lui fait faire le tour des ateliers déserts et lui présente le tout nouveau V10 qui propulsera les monoplaces rouges à compter de 1996. Le pilote allemand, émerveillé de découvrir le « saint des saints » du sport automobile italien, prolonge la visite jusque tard dans la soirée. Il veut tout voir, tout savoir. Il se sent déjà « ferrarisme à 100 % », selon ses propres termes.
Le 14 octobre, huit jours avant le GP du Pacifique, Mika Häkkinen est opéré en urgence d'une crise d'appendicite. Les médecins lui imposent un repos forcé d'une semaine. Du coup, Ron Dennis fait appel pour le remplacer au réserviste Jan Magnussen. Le jeune Danois, 22 ans, s'est révélé en 1994 en survolant le championnat britannique de Formule 3, établissant un nouveau record de victoires (14). Intégré au giron McLaren-Mercedes, il dispute cette année le prestigieux championnat allemand de voitures de tourisme. C'est d'ailleurs son adversaire Keke Rosberg, le mentor d'Häkkinen, qui l'a prévenu de sa bonne fortune, à l'occasion d'une course à Hockenheim. Magnussen débarque au Japon sans complexe, avec l'espoir de séduire quelques managers de milieu de grille. « Tant qu'un pilote n'a pas fait de F1, il lui manque quelque chose », professe ce Scandinave précoce.
Les deux Grands Prix japonais devaient être l'occasion pour les petites écuries Pacific et Forti de renflouer leurs maigres caisses en alignant des pilotes du cru richement dotés en yens. Chez Pacific, le second volant, retiré au calamiteux Jean-Denis Delétraz, était destiné au jeune Katsumi Yamamoto, un des animateurs du championnat local de F3000. Forti avait, pour sa part, prévue de remplacer Roberto Moreno par Hideki Noda, déjà aperçu l'an dernier sur Larrousse. Mais la fédération internationale refuse d'accorder la super-licence aux deux Japonais qui ne remplissent pas les conditions requises. Du coup, Bertrand Gachot retrouve le baquet de la seconde Pacific, écurie dont il est le copropriétaire, alors que Guido Forti rappelle en catastrophe Robert Moreno, lequel ne devait disputer que le GP d'Australie trois semaines plus tard. Le Brésilien est averti de cette péripétie mercredi soir, alors qu'il se trouve à Monte-Carlo ! Il monte à Paris, saute dans le premier avion pour Hong Kong, et de là gagne Tokyo puis Aïda ! Éreinté par le décalage horaire, le pauvre « Pupo » Moreno est aperçu vendredi matin endormi sur une caisse, quelques minutes avant de prendre le volant pour les premiers essais...
Lorsqu'il pose le pied sur le sol nippon, Max Papis a la mauvaise surprise d'apprendre qu'il doit laisser son Arrows à son prédécesseur Gianni Morbidelli. Son commanditaire est en effet arrivé à court de paiement, et Jackie Oliver ne se fait pas prier pour remplacer le médiocre Papis par le chevronné Morbidelli. Enfin, chez Ligier, le deuxième volant revient comme convenu au régional de l'étape Aguri Suzuki. Martin Brundle est promu « conseiller technique » (!) pour les deux épreuves asiatiques, puis reprendra le volant de la Bleue pour la dernière manche à Adélaïde. « D'après mon contrat, je devais disputer huit Grands Prix. J'en suis déjà à dix. Je suis à la disposition des événements », déclare-t-il, flegmatique.
McLaren conquiert une recrue de choix en la personne de David Brown, le très réputé ingénieur de Damon Hill chez Williams-Renault. Pilier du team de Didcot depuis le début des années 80, Brown a successivement travaillé avec Nigel Mansell, Thierry Boutsen, Alain Prost et Ayrton Senna, et sera donc un précieux renfort pour l'écurie de Ron Dennis. Il y retrouvera David Coulthard dont il a été brièvement le chaperon l'an passé, lorsque l'Écossais a remplacé Senna au pied levé.
Benetton n'a pas ici de différentiel électronique mais une nouvelle suspension arrière qui se distingue de la précédente par de nouveaux points d'ancrage du triangle supérieur et un triant remanié. McLaren apporte trois châssis MP4/10C, mais la boîte, la suspension et l'aérodynamisme proviennent de la version B. Par ailleurs, le petit aileron central refait son apparition pour ce tourniquet d'Aïda. Un mini-aileron de ce type, très disgracieux, est également présent sur la Jordan-Peugeot d'Irvine, relié à l'aileron arrière par un montant horizontal. La Ferrari reçoit des modifications de détail sur le carénage des roues arrière, ainsi qu'un double flap intégré sur l'aileron principal. Ligier modifie le soubassement de sa JS41, avec des dérives singulièrement rallongées. L'Arrows-Hart de Morbidelli apparaît ici passablement remaniée: nouvelle suspension avant, aérodynamisme arrière modifié et étriers de frein repositionnés, tout ceci dans le but d'améliorer l'équilibre général. Le dispositif de soufflage en position inférieure centrale est abandonné au profit d'un procédé installé dans la portion supérieure de l'extracteur. Cette innovation est mise de côté pour la course car les tubulures d'échappements se disloquent rapidement...
Ligier adopte la « spécification C » du V10 Mugen-Honda censée apporter plus de souplesse à moyen et bas régime. Tyrrell bénéficie pour sa part d'un V10 Yamaha quasi inédit. Toutes les caractéristiques internes ont été revues, notamment au niveau de l'alésage/course, de la chaîne de distribution ou de l'assemblage du vilebrequin. Plus léger et plus compact, ce moteur devrait faciliter la conception de la prochaine Tyrrell. Il est aussi plus puissant, avec une cavalerie annoncée de 650 chevaux.
Essais et qualifications
Si Schumacher réalise le meilleur chrono de la séance libre du vendredi matin, la suite des essais est un récital de Coulthard, impérial au volant d'une Williams-Renault admirable d'équilibre. L'Écossais réalise les meilleurs chronos des deux sessions qualificatives et s'empare de sa quatrième pole position d'affilée (1'14''013'''). Hill (2ème) est vaincu pour deux dixièmes. En proie à un survirage excessif sur sa Benetton-Renault, Schumacher (3ème) renonce samedi à chasser la pole et peaufine ses réglages en vue de la course. Il parvient ainsi à réduire son retard sur les Williams en diminuant quelque peu ses appuis. Herbert (7ème) rend comme d'habitude plus d'une seconde à son leader. Les Ferrari concèdent près d'une seconde aux Williams. Bien qu'handicapé par une méchante grippe, Alesi (4ème) devance Berger (5ème) qui sort de la piste samedi après-midi. Jolie performance d'Irvine, sixième avec la Jordan-Peugeot. Barrichello (11ème) est comme trop souvent moins en verve. Frentzen place sa Sauber-Ford au huitième rang alors que Bouillon (15ème) ruine ses efforts en se plantant dans les graviers samedi après-midi.
Battu par Suzuki vendredi, Panis se reprend le lendemain et hisse sa Ligier-Mugen-Honda au neuvième rang. Son équipier nippon se classe finalement treizième. Les McLaren-Mercedes sont difficiles à piloter sur ce tracé très sinueux. Blundell (10ème) précède Magnussen (12ème) de sept dixièmes. Le jeune Danois ne commet pas une seule faute lors de ces deux journées. Bien équilibrées, les Minardi-Ford (Lamy 14ème, Badoer 16ème) se mettent en évidence sur cette piste qui exige de bons appuis. Les Tyrrell-Yamaha ont une bonne stabilité mais manque de rythme. Pour une fois, Katayama (17ème) fait mieux que Salo (18ème). Morbidelli (19ème) éprouve les modifications apportées à l'Arrows-Hart tandis que son collègue Inoue (20ème) se met deux fois en tête-à-queue. En fond de grille, les Forti (Diniz 21ème, Moreno 22ème) devancent nettement les Pacific (Montermini 23ème, Gachot 24ème).
Le Grand Prix
Lors du warm-up, les pilotes préservent leurs jeux de slicks, déjà bien éprouvés lors des essais, au point que certains d'entre eux roulent... en pneus pluie ! Schumacher s'offre une sortie de route, mais par bonheur sa Benetton n'est pas trop endommagée.
Paradoxalement, Hill n'est pas satisfait de partir devant Schumacher: en effet, il démarrera du côté sale de la piste alors que son rival bénéficiera, comme son équipier Coulthard, d'un bitume relativement propre. D'autre part, l'Allemand possède encore en réserve trois trains de pneus neufs, contre deux seulement pour les pilotes Williams. Les stratégies sont comme souvent assez variées, mais la majorité du peloton table sur trois arrêts. Coulthard le poleman ne prévoit cependant que deux passages aux stands.
Départ: Coulthard démarre comme prévu beaucoup mieux que Hill. Schumacher tente de faire l'extérieur à son rival britannique, mais ce dernier le tasse contre la bordure, ouvrant ainsi la voie à un Alesi opportuniste. Berger s'intercale entre Hill et Schumacher.
1er tour: Coulthard s'échappe devant Alesi, Hill, Berger, Schumacher, Herbert, Irvine, Frentzen, Blundell et Magnussen.
2e: Coulthard jouit déjà de quatre secondes d'avance sur Alesi, pourchassé par Hill. Schumacher menace Berger. Gachot renonce suite à un problème hydraulique touchant sa boîte de vitesses.
3e: Coulthard tourne une seconde au tour plus vite que ses poursuivants. Hill est dans les échappements d'Alesi.
5e: Schumacher fait l'intérieur à Berger avant l'épingle à cheveux et grimpe au quatrième rang.
6e: Coulthard devance Alesi (9.8s.), Hill (10.7s.), Schumacher (11.6s.), Berger (14s.), Herbert (15s.), Irvine (19.3s.), Frentzen (20.2s.), Blundell (22.4s.), Magnussen (23.6s.), Barrichello (24s.) et Panis (25.3s.).
7e: Schumacher recolle au duo Alesi - Hill pendant que Coulthard poursuit son échappée.
8e: Boullion attaquait Lamy pour la 14ème place lorsque, surpris par un louvoiement du Portugais, il perd le contrôle de sa Sauber et s'enlise dans un bac à sable. C'est fini pour le jeune Breton.
10e: Coulthard fait cavalier seul en tête. Il compte treize secondes d'avance sur Alesi qui retient Hill et Schumacher. Berger contient Herbert.
11e: Schumacher prend l'aspiration de Hill dans la grande ligne droite, puis se déporte à l'extérieur au freinage de Hairpin. L'Anglais braque cependant le plus tard possible, contraignant l'Allemand à élargir sa trajectoire et à rester derrière. Suzuki part en tête-à-queue avant le dernier virage et se plante dans les graviers.
12e: Les drapeaux jaunes sont déployés dans la dernière portion du circuit, le temps qu'une grue retire la Ligier de Suzuki.
14e: Coulthard précède Alesi (12.5s.), Hill (13.5s.), Schumacher (14.5s.), Berger (20.7s.), Herbert (22.1s.), Irvine (30.4s.), Frentzen (31.1s.), Blundell (36s.), Magnussen (40.1s.), Barrichello (40.6s.) et Panis (41.6s.).
16e: Barrichello et Magnussen bataillent pour la onzième place. Le Danois se défend vigoureusement contre le Brésilien. Montermini stoppe chez Pacific pour ravitailler, mais il ne parvient pas à repartir: sa transmission a cédé.
17e: Hill et Schumacher pourchassent toujours Alesi mais semblent maintenant attendre la première salve d'arrêts pour s'en débarrasser.
18e: L'avance de Coulthard sur ses poursuivants n'évolue plus et ne dépasse pas la douzaine de secondes. Alesi est un temps gêné par Inoue. Hill tente de lui faire l'intérieur au premier tournant, mais le Français ferme la porte.
19e: Alesi, Hill et Schumacher pénètrent ensemble dans les stands pour leurs premiers ravitaillements. Les mécaniciens de Benetton sont plus rapides (6s.) que ceux de Ferrari (7s.) et surtout que ceux de Williams (12s.). Schumacher redémarre le premier et reprend la piste sous le nez d'Irvine. Alesi repart derrière Frentzen. Le pauvre Hill se retrouve englué dans le peloton. Une roue arrière-gauche récalcitrante est cause de son malheur. Blundell observe aussi un premier arrêt.
20e: Alesi se défait de Frentzen mais bute sur Irvine. Pendant ce temps-là, Schumacher s'échappe ! L'Allemand a fait une superbe opération avec ce premier pit-stop. Herbert et Morbidelli effectuent leurs premiers ravitaillements.
21e: Berger effectue un premier arrêt. Hill klaxonne derrière Frentzen. Ravitaillements pour Magnussen, Katayama et Moreno.
23e: Coulthard précède Schumacher de trente-et-une secondes. Hill déborde Frentzen à l'épingle. Barrichello stoppe chez Jordan pour un premier « refueling ».
24e: Alesi se blottit derrière l'aileron d'Irvine puis lui fait l'intérieur à l'épingle au prix d'un freinage très tardif. L'Irlandais allume aussi ses roues et prend une trajectoire très large. Hill tente de se faufiler à l'intérieur mais Irvine ne peut lui laisser aucune espace. La Williams touche la roue arrière-droite de la Jordan. Les deux voitures continuent, mais la calandre de Hill est quelque peu endommagée.
25e: Coulthard est dans la pit-lane pour subir le premier de ses deux arrêts (11.5s.). Il retrouve le circuit devant Schumacher qui doit lui stopper encore deux fois. Irvine est chez Jordan pour ravitailler. Il croise aussi dans les stands Salo, Badoer et Diniz.
27e: Frentzen ravitaille et ressort des stands derrière Irvine. Panis fait halte chez Ligier et se retrouve une nouvelle fois derrière Barrichello. Arrêt aussi pour Lamy.
28e: Hill pourchasse Alesi mais se débat avec un sérieux sous-virage, conséquence de sa touchette avec Irvine.
29e: Coulthard devance Schumacher (4.1s.), Alesi (27.7s.), Hill (28.4s.), Berger (32.1s.), Herbert (35.8s.), Blundell (56.7s.), Irvine (58.6s.), Frentzen (59.3s.), Magnussen (1m. 02s.), Barrichello (1m. 03s.) et Panis (1m. 11s.).
30e: Hill se porte à la hauteur d'Alesi au bout de la plus longue pleine charge, mais le Français conserve l'ascendant au freinage.
31e: Très léger en essence, Schumacher roule en 1'16'' et remonte à tire-d'aile sur Coulthard.
32e: Schumacher n'est plus qu'à une seconde de Coulthard. Hill occupe les rétroviseurs d'Alesi sans parvenir à passer.
33e: Schumacher est dans les échappements de Coulthard. Il doit maintenant le doubler pour ne pas perdre le bénéfice de sa stratégie à trois arrêts.
35e: Schumacher suit Coulthard mais sans pouvoir esquisser une offensive. Benetton a maintenant tout intérêt à anticiper son second pit-stop. Alesi contient toujours un Hill opiniâtre.
36e: Coulthard est premier devant Schumacher (0.5s.), Alesi (34.9s.), Hill (35.3s.), Berger (40s.), Herbert (41.7s.), Blundell (1m. 07s.), Irvine (1m. 08s.), Frentzen (1m. 09s.), Magnussen (1m. 15s.) et Barrichello (1m. 16s.).
37e: Schumacher effectue sa seconde escale au stand Benetton. Celle-ci est un peu longuette (9s.), mais l'Allemand repart tout de même toujours second, vingt secondes derrière Coulthard.
38e: Hill observe son deuxième ravitaillement (9.6s.) et reprend la piste derrière Berger. Herbert stoppe aussi aux stands pour la deuxième fois et conserve sa sixième position. Barrichello vient enfin à bout de Magnussen et grimpe au dixième rang.
40e: Schumacher réalise le meilleur tour de la course (1'16''374'''). Alesi passe chez Ferrari pour prendre de l'essence et des pneus neufs (9s.). Cet arrêt est trop tardif: l'Avignonnais repart trois secondes derrière Hill. Deuxième arrêt pour Blundell. L'Anglais souffre d'une irritation oculaire car son système d'alimentation en boisson a projeté son contenu dans son casque !
41e: Inoue s'immobilise sur un bas-côté avec un moteur muet. Il évoluait au dix-huitième rang.
42e: Schumacher ne concède que seize secondes à Coulthard alors que tous deux deux n'ont plus qu'un pit-stop à effectuer. Berger observe son deuxième arrêt-ravitaillement (8s.) et repart cinquième. Magnussen, Moreno et Diniz passent aussi par les stands.
44e: Schumacher réduit régulièrement son retard sur Coulthard qui rencontre du trafic. L'intervalle est tombé à quatorze secondes.
45e: Berger dépasse Alesi à l'épingle. Consigne d'équipe ou résignation ? « Jeannot » n'a esquissé un geste de résistance...
47e: Coulthard mène devant Schumacher (13.2s.), Hill (53.6s.), Berger (1m. 04s.), Alesi (1m. 08s.), Herbert (1m. 10s.), Irvine (1m. 16s.), Frentzen (1m. 17s.), Barrichello (-1t.) et Panis (-1t.).
48e: Coulthard perd du temps derrière Frentzen qui tente de rester au contact d'Irvine. Morbidelli et Badoer opèrent leurs seconds ravitaillements.
49e: Coulthard n'a plus que huit secondes de marge sur Schumacher. Il se débarrasse avec peine de Frentzen puis regagne les stands.
50e: Coulthard subit son second et dernier arrêt-ravitaillement (11.8s.). Schumacher apparaît aux commandes de l'épreuve. Arrêts aussi pour Barrichello, Salo et Lamy.
51e: Schumacher doit se forger un matelas d'une vingtaine de secondes pour conserver le leadership après son troisième arrêt. Il devance pour l'heure Coulthard de quatorze secondes. Irvine ravitaille et ressort entre Panis et Blundell.
52e: Schumacher perd un peu de temps en prenant un tour à Barrichello. Frentzen effectue son deuxième arrêt et fait une excellente opération puisqu'il retrouve le circuit devant Panis et Irvine.
53e: Schumacher est beaucoup plus léger en carburant que Coulthard et le repousse à seize secondes.
54e: Schumacher enchaîne les meilleurs tours et tourne deux secondes au tour plus vite que Coulthard. Hill affole aussi les chronos, mais n'a plus rien à gagner. Panis et Katayama ravitaillent pour la deuxième fois.
56e: Schumacher est leader devant Coulthard (21s.), Hill (41.2s.), Berger (57.2s.), Alesi (1m. 05s.), Herbert (1m. 09s.), Frentzen (-1t.), Irvine (-1t.), Blundell (-1t.) et Barrichello (-1t.). Arrêt de Moreno. Morbidelli abandonne suite à une casse moteur.
57e: Alesi opère un troisième ravitaillement (9.4s.).
58e: Vingt secondes séparent Schumacher de Coulthard. Berger passe chez Ferrari pour son troisième pit-stop (10s.) puis repart devant son équipier.
59e: En fin de tour, Schumacher s'immobilise au stand Benetton pour un troisième ravitaillement crucial (8.2s.). Il redémarre quatre secondes devant Coulthard. Hill effectue aussi son troisième arrêt dans la foulée (9.3s.).
60e: Schumacher est définitivement installé aux commandes de l'épreuve et est donc virtuellement champion du monde. Blundell s'arrête pour la troisième fois et ressort des stands derrière Panis.
61e: Herbert effectue son troisième pit-stop et repasse derrière les Ferrari. Magnussen et Diniz sont également aperçus aux stands.
63e: Schumacher devance Coulthard de six secondes, mais a encore vingt tours à couvrir d'ici le drapeau à damiers.
65e: Schumacher précède Coulthard (8.5s.), Hill (52s.), Berger (1m. 09s.), Alesi (-1t.), Herbert (-1t.), Frentzen (-1t.), Irvine (-1t.), Barrichello (-1t.), Panis (-1t.), Blundell (-1t.) et Magnussen (-1t.).
67e: La course sombre dans la torpeur. Seule la cinquième place fait encore l'objet d'un peu de suspens, puisqu'Alesi n'a que quatre secondes d'avance sur Herbert.
69e: Le V10 Peugeot de Barrichello se tait suite à un court-circuit. Le Brésilien se range dans la pelouse.
70e: Bien qu'il ait la victoire et le titre en poche, Schumacher n'amuse pas le terrain et porte son avance sur Coulthard à douze secondes. Hill est relégué à cinquante-quatre secondes.
72e: Schumacher prend un tour à Berger, non sans peine. Les deux Ferrari n'ont cette pas échappé à l'humiliation de terminer attardées...
74e: Herbert se rapproche d'Alesi et lorgne sur la cinquième place. Irvine est touché par une crevaison à l'arrière-droit. Il parvient à rejoindre les stands pour changer de roues, mais chute au onzième rang.
76e: Schumacher devance Coulthard (8s.), Hill (45.7s.), Berger (-1t.), Alesi (-1t.), Herbert (-1t.), Frentzen (-1t.), Panis (-1t.), Blundell (-2t.) et Magnussen (-2t.).
78e: Schumacher perd un peu de temps dans le trafic, mais reste inaccessible pour Coulthard. Frentzen se rapproche du duo Alesi - Herbert et peut encore espérer grappiller un point.
80e: Herbert est dans les roues d'Alesi. Plus loin, Magnussen, excellent dixième pour ses débuts, menace son équipier Blundell.
82e: Schumacher conclut l'épreuve avec douze secondes d'avance sur Coulthard. Hill roule à quarante-cinq secondes.
83ème et dernier tour: Michael Schumacher remporte sa dix-huitième victoire et son deuxième titre mondial. Coulthard et Hill l'encadreront sur le podium. Les Ferrari de Berger et d'Alesi terminent respectivement quatrième et cinquième. Herbert empoche le point de la sixième place. Viennent ensuite: Frentzen, Panis, Blundell, Magnussen, Irvine, Salo, Lamy, Katayama, Badoer, Moreno et Diniz.
Après la course: la doublette de Schumi
Ce succès de Michael Schumacher illustre à merveille sa victorieuse campagne 1995: bien que ne disposant pas de la meilleure voiture, il l'a emporté grâce à son exceptionnel talent et à la brillante stratégie arrêtée par Ross Brawn et Joan Villadelprat, les tacticiens de Benetton. « En début de course, il m'était assez difficile de prédire la victoire puisque j'étais cinquième après le premier virage », raconte le nouveau double champion du monde. « Mais grâce à mon premier arrêt parfaitement exécuté, j'ai pu doubler Alesi et Hill. De là j'ai pu remonter sur Coulthard. Je n'ai jamais vu une équipe jouer aussi bien avec les stratégies et réaliser d'aussi bons ravitaillements. Je dispose d'une sacrée bonne bande de gars ! À chaque départ de Grand Prix, nous planifions une stratégie de ravitaillements que nous laissons ouverte à tout, afin de pouvoir réagir en fonction de toute situation. » Cette « élasticité » est confirmée par Bernard Dudot: « Benetton examine tous les scenarii possibles et détient une capacité exemplaire à les mettre en application selon les circonstances. En outre, ils ont en Schumacher un observateur remarquable. Il les incite à scruter les moindres détails, les moindres faits de course. Il a un bagage énorme et toujours une solution de rattrapage, elle aussi déterminée au préalable. »
Mais Schumacher n'est pas qu'un stratège, c'est aussi un pilote d'exception, sachant piloter à ses limites et à celles de sa machine, compensant les éventuelles faiblesses de celle-ci. Et la Benetton B195, bien que servie par l'admirable V10 Renault, ne manque pas de défauts: c'est une monoplace vicieuse, très difficile à équilibrer, nettement moins maniable que la dernière version de la Williams-Renault. Aussi, si la première consécration de Schumacher en 1994 fut entachée de nombreuses polémiques, et notamment de soupçons de tricherie, ce deuxième titre ne souffre d'aucune contestation. Le meilleur pilote du monde l'a emporté au volant d'une monoplace de valeur moyenne. Un exploit extrêmement rare. À seulement 26 ans, Schumacher devient le plus jeune double champion du monde de l'histoire, effaçant Emerson Fittipaldi des tablettes. Nul doute qu'il fera tomber d'autres records...
Bien sûr, le sacre de Michael Schumacher et de Benetton est aussi la défaite de Damon Hill et de Williams. Le pilote anglais et son écurie ont empilé les erreurs en 1995 et ne se consolent qu'en songeant à l'avenir: avec la migration de Schumacher vers une Scuderia Ferrari en pleine reconstruction, les Williams-Renault devraient être imbattables en 1996. Si tout va bien... Car Frank Williams et Patrick Head, s'ils disposent avec Adrian Newey d'un ingénieur de génie, ont intérêt à engager un stratège digne de ce nom: on ne compte plus le nombre de courses perdues cette année par Hill et par Coulthard dans les stands. Par ailleurs, Damon Hill saura-t-il surmonter cette saison calamiteuse pour endosser le statut de favori du prochain championnat ? Rien n'est moins sûr tant le fils de Graham a traîné sa misère dans le paddock durant tout le week-end. Jamais dans le coup, dominé Coulthard, il semble, selon l'avis de nombreux « experts », un pilote fini. Ce qui ne l'empêche pas de faire montre d'un fair-play exemplaire et de féliciter chaudement Schumacher pour son triomphe.
Après la cérémonie du podium, Michael Schumacher est porté en triomphe par ses mécaniciens puis pose pour la « photo de famille » en brandissant un drapeau allemand, aux côtés de Flavio Briatore, Luciano Benetton, Christian Contzen et Eiji Itoh, le représentant de Mild Seven. Puis, le champion du monde suit ses troupes au restaurant du complexe d'Aïda pour une fête à tout casser qui s'achèvera à six heures du matin. Le lendemain, dans l'avion qui le conduit à Tokyo, « Schumi » s'endort sur l'épaule de Flavio Briatore qui, fidèle à sa réputation, n'a pas dormi de la nuit, mais tient mieux le choc que son poulain...
Le titre des pilotes étant joué, reste à attribuer celui des constructeurs. Benetton (123 points) a toutes les chances de l'emporter à Suzuka au détriment de Williams (102 pts). Ce sera de toute façon un énième triomphe pour Renault, qui vient d'ailleurs de surpasser Honda au palmarès des victoires (72 contre 71). « Après l'ère Honda, nous avons ouvert l'ère Renault », constate sans fausse modestie Patrick Faure.
Tony