Sauber: Boullion éjecté, dernière chance pour Wendlinger
Depuis plusieurs semaines, Peter Sauber songe à se séparer de Jean-Christophe Boullion. Recruté en mai pour succéder à Karl Wendlinger, le jeune Breton, champion de F3000 en titre et essayeur chez Williams, n'est malheureusement pas parvenu à faire son trou à Hinwil. Constamment dominé par Heinz-Harald Frentzen, il a commis de nombreuses erreurs de pilotage, souvent dues à son inexpérience. Les trois points inscrits à Hockenheim puis à Monza (des courses-hécatombes) ne le sauveront pas. De plus, dans la coulisse, Dietrich Mateschitz, le patron de Red Bull, principal commanditaire autrichien du team Sauber, fait campagne en faveur du retour de Wendlinger. Finalement, le lundi 23 octobre, lendemain du GP du Pacifique, Peter Sauber et son bras droit Max Welti annoncent à Boullion sa mise sur la touche. Celui-ci tombe des nues: « Je m'attendais à ce qu'on m'annonce ma liberté pour 1996. Je pressentais que ça ne se passait pas très bien pour moi chez Sauber. Au lieu, de ça, on m'a demandé de laisser ma voiture sur-le-champ à Wendlinger. » Boullion est effondré. Maigre consolation: Sauber lui paiera son salaire jusqu'à Adélaïde. « Nous ne mettons pas en doute les qualités de Jean-Christophe », affirme Max Welti. « C'est un garçon intéressant, mais qui doit encore beaucoup travailler sur de nombreux points. »
Cinq mois après son dernier Grand Prix, Karl Wendlinger se réinstalle au volant de la Sauber-Ford n°29. Avec un manque d'assurance qui fait peine à voir. L'Autrichien se remet toujours des séquelles de son accident de Monaco, survenu dix-huit mois plus tôt. Les quelques séances d'essais qu'il a menées cet été au volant de la C14 n'ont guère été probants. Il doit pourtant absolument briller à Suzuka puis à Adélaïde pour espérer poursuivre sa carrière en Formule 1. « Ici, je joue ma dernière chance de carrière », reconnaît-il pathétiquement.
Présentation de l'épreuve
Ce Grand Prix du Japon devrait s'avérer décisif pour l'attribution du titre mondial des constructeurs. Benetton-Renault (123 points) devance Williams-Renault (102 pts) de vingt-et-une longueurs et se trouve sur le point de remporter sa première couronne. Pour retarder le sacre des hommes de Flavio Briatore, les pilotes Williams doivent leur reprendre au moins sept points à Suzuka. Couronné à Aïda, Michael Schumacher affiche pour sa part une décontraction quasi totale: « Maintenant que j'ai atteint mon objectif, je cours sans pression. Avec la seule idée de me faire plaisir. » Il souhaite néanmoins battre le record de victoires en une saison (neuf) établi par Nigel Mansell en 1992. Il lui faut pour cela remporter les deux derniers Grands Prix au Japon et en Australie.
Par ailleurs, la lutte pour la quatrième place au championnat des constructeurs fait rage entre McLaren-Mercedes (21 points), Jordan-Peugeot, Sauber-Ford (ex æquo avec 18 pts) et Ligier-Mugen (16 pts). Dans l'espoir de doubler leurs rivaux, Tom Walkinshaw et Bruno Michel, qui forment le tandem dirigeant de Ligier, songent un temps à confier la deuxième JS41 à Martin Brundle plutôt qu'à Aguri Suzuki. L'Anglais est sans conteste un meilleur pilote que le Japonais, plus à même de récolter quelques points. Mais priver Suzuki de son Grand Prix national paraît inimaginable. Mugen et Honda accueilleraient très mal un tel affront. D'autre part, l'intéressé fait courir des rumeurs de retraite qui attisent la curiosité de ses compatriotes. Aguri Suzuki est en effet une grande vedette au pays du Soleil Levant. En visite au Motor Show de Tokyo, où il est assailli par des centaines de fans, il confirme sa présence dans la deuxième Ligier pour la course à venir. « On ne pouvait pas priver Suzuki de Suzuka », conclut sans rire Bruno Michel.
Dans le même temps, Olivier Panis est toujours aussi incertain quant à son avenir. L'échéance de son option avec Ligier a été reportée du 1er novembre au 1er décembre, le temps pour Flavio Briatore et Tom Walkinshaw de s'entendre avec Elf qui rechigne à investir davantage dans l'écurie bleue. Du reste, Briatore ne semble pas tenir en grande estime le pilote français. « Il m'a fait une saison de m.... celui-là ! Pourtant, chez Ligier, il faut un Français, et il n'y en a pas de plus rapide actuellement ! » lâche l'Italien au journaliste Jean-Louis Moncet. Cependant Ligier offrira début novembre au Mugello un test comparatif à Vincenzo Sospiri, le nouveau champion international de Formule 3000, et à l'espoir tricolore Emmanuel Collard. Tous deux sont des successeurs potentiels à Panis, puisqu'il semble acquis que le deuxième volant reviendra au richissime Pedro Diniz. Voilà qui déplaît fortement au « clan français » représenté par Bruno Michel et Jacques Laffite.
Remis de son opération de l'appendicite, Mika Häkkinen reprend à Suzuka le volant de sa McLaren-Mercedes. Le jeune Jan Magnussen, qui l'a remplacé avec brio à Aïda, est également présent, mais comme réserviste. Il reçoit les chaleureuses félicitations de Helmut Werner, le président de Mercedes, en visite au salon de l'automobile de Tokyo. « Vous courrez peut-être à Adélaïde ! » lui lance ce dernier à voix très haute. Ces propos alarment Mark Blundell qui, depuis le retrait de Nigel Mansell, enchaîne les contrats d'une course et se pensait à l'abri jusqu'au terme de la saison...
Les Japonais ont toujours aimé les guerriers, y compris ceux avec un volant entre les mains. On se souvient du culte qu'ils vouaient à Ayrton Senna. Aussi ont-ils toujours accordé une affection particulière à Jean Alesi, un des combattants les plus pugnaces du peloton. Mais cette année le Français voit sa cote de popularité s'enflammer en raison de sa liaison avec la jeune starlette Kumiko Goto. Le couple, mis en scène dans des publicités, est devenu célèbre dans tout l'archipel, et se trouve littéralement harcelé par les fanatiques nippons. « J'ignore si toutes les personnes qui me voient savent que je suis pilote de F1, mais elles savent toutes que je suis le fiancé de l'une de leurs actrices préférées ! » s'amuse Alesi.
Yamaha paraît disposée à vendre à prix d'ami ses blocs 1995 à une petite équipe. Giancarlo Minardi serait sur les rangs, de même que Keith Wiggins, le patron de Pacific Grand Prix. Ce dernier aurait les faveurs du constructeur japonais grâce à l'entregent de son associé Ko Gotoh, héritier de géant ferroviaire Tokyu. Mais Wiggins hésite car il se demande si John Judd, le préparateur des V10 Yamaha, a assez de moyens pour fournir deux écuries (en plus de Tyrrell). Pour sa part, Guido Forti fait le choix de la sécurité en prolongeant d'un an son contrat avec Ford-Cosworth.
Benetton introduit ici un dispositif de blocage électronique, faisant en quelque sorte office de frein à main, un outil utile pour éviter ici les faux départs car la grille se trouve sur une légère déclivité. Les McLaren MP4/10 sont toujours dans leur configuration mixte B/C, mais Häkkinen bénéficie d'une évolution du V10 Mercedes-Ilmor qui lui permet de gagner quelques chevaux. Le nouveau système de soufflage inauguré par Arrows à Aïda est remonté sur la monoplace de Morbidelli, mais de nouveau il « crique » au bout de quelques tours et doit être abandonné. Enfin, le 23 octobre, à Fiorano, l'essayeur Nicola Larini a effectué des essais comparatifs entre le tout nouveau V10 Ferrari et le V12. Il est apparu que le premier délivrait quelques chevaux de plus que le second.
Suzuki K.O.
Samedi après-midi, Aguri Suzuki se lance pour un tour rapide lorsqu'il mord sur une bordure à l'entame du premier « S ». Il perd l'arrière de sa Ligier qui percute la barrière de vieux pneus par l'arrière, puis se soulève et retombe au sol avec une rare violence. Très choqué, le pilote japonais ne parvient pas à s'extraire seul de son habitacle. Le Pr. Watkins et ses assistants interviennent. Suzuki se plaint d'un violent mal de dos. On redoute le pire pour sa colonne vertébrale. Il est placé sur une coquille puis transporté à l'hôpital central de Suzuka. Par bonheur, les premiers examens sont rassurants: il ne souffre que d'une côte fracturée. Il doit cependant déclarer forfait pour son Grand Prix national. Cette mésaventure le conforte dans ses projets de retraite: depuis son lit d'hôpital, Aguri Suzuki certifie qu'il raccrochera son casque à l'issue de cette saison. Les Nippons devront se contenter de soutenir Ukyo Katayama, voire Taki Inoue...
Essais et qualifications
Libéré de toute pression, Schumacher domine les deux séances qualificatives et réalise la dixième pole position de sa carrière (1'38''023'''), sa première depuis le GP du Canada, quatre mois plus tôt. Sur l'autre Benetton-Renault, Herbert, décevant neuvième, concède près de deux secondes et demie à son équipier. Alesi (2ème) hisse sa Ferrari en première ligne en dépit d'une sortie de route à Degner vendredi. Berger (5ème) abîme lui aussi sa machine et se montre plus en retrait. Très en verve, Häkkinen (3ème) démontre les énormes progrès de la McLaren et surtout du V10 Mercedes. Blundell se crashe à deux reprises, vendredi après-midi et surtout samedi matin. Sur les conseils du Pr. Watkins, il s'abstient de courir l'après-midi. L'Anglais ne réalise ainsi aucun chrono et s'élancera 23ème et dernier. Les Williams-Renault sont ici à la peine: Hill (4ème) détruit une coque dans une sortie vendredi et Coulthard (6ème) ne parvient jamais à dénicher les bons réglages.
Irvine (7ème) se met en vedette sur son « circuit fétiche » bien qu'il ait peiné à équilibrer sa Jordan-Peugeot. Barrichello (10ème) est une fois de plus battu dans cet exercice. Chez Sauber-Ford, Frentzen (8ème) vit des essais difficiles avec deux casses moteur en deux jours. Wendlinger (15ème) se contente de se maintenir en piste. Panis (11ème) pilotera la seule Ligier-Mugen en course. Suzuki avait réalisé le 13ème chrono avant son accident. Les Tyrrell-Yamaha (Salo 12ème, Katayama 13ème) connaissent un léger regain de forme. Du côté d'Arrows-Hart, Morbidelli (14ème) colle deux secondes à Inoue (18ème). Les Minardi sont ici handicapées par leur V8 Cosworth. Lamy (16ème) devance Badoer (17ème) qui a cassé un moteur. Malade vendredi, Montermini ne tourne que le samedi et arrache le 19ème chrono avec sa Pacific-Ford. Gachot (22ème) subit lui des soucis de transmission. Enfin, chez Forti, Diniz (20ème) devance Moreno (21ème), contraint d'utiliser une boîte semi-automatique presque toujours bloquée en sixième...
Le Grand Prix
Dimanche matin, le warm-up se déroule sous une pluie battante, ce qui laisse présager une course mouvementée. Les Williams-Renault, beaucoup plus compétitives dans ces conditions humides, se retrouvent aux avant-postes. L'après-midi, l'averse a cessé mais le bitume est encore nettement humide. Par conséquent, tous les pilotes s'élancent munis de pneus rainurés. Moreno part des stands à cause de sa transmission récalcitrante.
Départ : Schumacher prend un très bon envol et conserve l'avantage devant Alesi qui a bougé avant le feu vert, comme son équipier. Suivent Häkkinen et Hill, alors qu'Irvine surprend Coulthard et Berger. Wendlinger pousse Morbidelli au premier freinage. Le pilote Arrows se retrouve à contre-sens au beau milieu de la piste. Tout le monde l'évite mais il doit abandonner.
1er tour: Schumacher mène devant Alesi, Häkkinen, Hill, Irvine, Coulthard, Berger, Barrichello, Herbert et Frentzen. Moreno ne boucle qu'un seul tour avant de jeter l'éponge car sa boîte est de nouveau bloquée.
2e: La trajectoire commence déjà s'assécher. Schumacher jouit de deux secondes et demie d'avance sur Alesi. Häkkinen est relégué à six secondes.
3e: Les pilotes empruntent les portions humides de l'asphalte pour préserver leurs gommes striées. Hill est aux trousses d'Häkkinen alors que Coulthard se fait menaçant derrière Irvine.
4e: Les deux pilotes Ferrari, Alesi et Berger, sont frappés d'un « stop-and-go » de dix secondes pour avoir anticipé le départ.
5e: Schumacher devance Alesi (3s.), Häkkinen (10.4s.), Hill (12s.), Irvine (14.2s.), Coulthard (16s.), Berger (16.3s.), Barrichello (22.8s.), Herbert (23.7s.) et Frentzen (24.2s.).
6e: Alesi rentre aux stands pour effectuer sa pénalité. Il repart dixième derrière le trio Barrichello - Herbert - Frentzen.
7e: Berger subit son « stop-and-go » puis ressort quinzième. Alesi dépasse Frentzen dans les Esses, puis déborde Herbert dans le 130R au prix d'un freinage tardif. Mais l'Avignonnais rejoint ensuite les stands. Jugeant la trajectoire suffisamment sèche, il ravitaille et chausse des slicks. Il repart derrière la Minardi de Lamy. Gachot regagne son box et renonce après avoir cassé un demi-arbre de roue.
8e: Un rayon de soleil éclaire le circuit. Schumacher devance Häkkinen et Hill de douze secondes. Barrichello, Herbert et Panis ravitaillent et prennent des pneus lisses. Alesi tente de faire l'extérieur à Lamy dans la dernière courbe, mais le Portugais le tasse contre la bordure. La Ferrari tressaute sur les graviers et part en toupie, mais Alesi parvient à éviter le rail puis à repartir sans mal.
9e: Hill stoppe chez Williams pour prendre de l'essence et des slicks (8.2s.). Frentzen et Salo effectuent la même opération. Alesi signe le meilleur chrono (1'54''416''').
10e: Schumacher fait escale chez Benetton pour remettre du carburant et passer en slicks (8.4s.). Il repart deuxième derrière Häkkinen. Coulthard l'imite peu après, de même que Katayama. Alesi améliore de trois secondes son meilleur tour et est déjà revenu à la sixième place. Le voilà sur Hill.
11e: Alesi prend l'aspiration de Hill dans le 130R, se déporte à l'extérieur, retarde son freinage et dépasse l'Anglais à la petite chicane. Häkkinen et Irvine ravitaillent, changent de gommes et ressortent respectivement quatrième et cinquième.
12e: Alesi roule en 1'49'' et ne concède que sept secondes à Schumacher. Le Français excelle en pneus lisses sur chaussée grasse. Lamy, Blundell, Wendlinger et Diniz troquent leurs pneus pluie contre des slicks.
13e: Coulthard est coincé entre les Jordan d'Irvine et de Barrichello. Frentzen dépasse Herbert pour la huitième place. Katayama part en tête à queue dans la courbe Dunlop et heurte le mur de pneus. Changements de gommes et ravitaillements pour Badoer et Montermini.
14e: Schumacher précède Alesi (4.1s.), Hill (10.1s.), Häkkinen (22.3s.), Irvine (28.7s.), Coulthard (28.9s.), Barrichello (29.3s.), Frentzen (34s.), Herbert (40.6s.), Berger (40.8s.) et Salo (47s.). Un véhicule intervient dans les Esses pour tracter la Tyrrell de Katayama. Inoue est le dernier pilote à chausser des slicks.
15e: Alesi enchaîne les meilleurs temps et revient à trois secondes de Schumacher. Coulthard double Irvine sur la ligne de chronométrage.
16e: Barrichello tente de doubler Irvine à la chicane, mais il met une roue sur une plaque d'humidité et part dans une grande embardée, non sans frôler la roue arrière-droite de son équipier. Le Pauliste s'enlise dans les graviers et n'ira pas plus loin.
17e: Berger rejoint son garage pour abandonner: un capteur électronique a de nouveau lâché sur son moteur.
18e: Alesi ne concède plus que deux secondes à Schumacher. Un exploit quand on se souvient qu'il a concédé un arrêt supplémentaire pour un « stop-and-go » et exécuté une figure ! Hill se trouve repoussé à onze secondes. Frentzen est aux trousses d'Irvine.
19e: Une petite seconde sépare dorénavant Schumacher d'Alesi. Tous deux tombent cependant sur du trafic.
20e: Frentzen plonge à l'intérieur de l'épingle de Degner pour surprendre Irvine. Mais ce dernier lui ferme la porte sans ménagement. La Sauber heurte la Jordan et l'envoie en tête-à-queue. Irvine est verni: il reste sur l'asphalte et redémarre sans dommage alors que Frentzen a perdu sa moustache !
21e: Schumacher rappuie sur le champignon et repousse Alesi à deux secondes. Frentzen regagne son stand pour remplacer sa calandre.
23e: Schumacher est en tête devant Alesi (2.3s.), Hill (16s.), Häkkinen (27.4s.), Coulthard (32.3s.), Irvine (50.2s.), Herbert (1m.), Salo (1m. 24s.), Panis (1m. 28s.) et Frentzen (1m. 34s.).
24e: La piste est pratiquement sèche. Schumacher affole le chronomètre (1'43''659''''). Alesi commence à être distancé.
25e: La Ferrari d'Alesi laisse échapper une fumée bleue à Spoon. Le natif d'Avignon s'arrête sur le bas-côté, officiellement trahi par son différentiel mais plus certainement par son moteur... Une fois de plus, il n'est pas payé de ses remarquables efforts. Panis prend la septième place à Salo.
26e: Schumacher devance Hill de vingt secondes, Häkkinen de vingt-sept secondes. Irvine et Herbert opèrent simultanément leur second pit-stop, et l'Anglais redémarre devant l'Irlandais. Tous deux ont prévu de s'arrêter une troisième fois. Montermini part en tête à queue dans les Esses et échoue dans les graviers. C'est un nouvel abandon pour l'Italien de Pacific.
27e: Häkkinen est désormais l'homme le plus rapide en piste (1'43''395''') et remonte sur la Williams. La McLaren est en effet ici plus performante sur le sec que sur le mouillé, contrairement à la Williams.
28e: Häkkinen fait escale chez McLaren pour son deuxième et dernier pit-stop. Il se retrouve quatrième. Panis opère aussi un arrêt-ravitaillement, de même qu'Inoue.
30e: Schumacher devance Hill (19s.), Coulthard (31s.), Häkkinen (56s.), Herbert (1m. 26s.), Irvine (1m. 32s.), Salo (-1t.), Frentzen (-1t.), Blundell (-1t.) et Panis (-1t.). Coulthard améliore le record du tour (1'43''102''').
31e: Schumacher effectue son deuxième ravitaillement (12s.), ce qui permet à Hill de s'emparer du commandement provisoire.
32e: Hill compte environ dix secondes d'avance sur Schumacher. Coulthard est à quatorze secondes de son équipier. Deuxièmes arrêts pour Salo et Blundell.
33e: Le ciel se couvre derechef. Schumacher signe le meilleur chrono définitif: 1'42''976'''. Second pit-stop pour Lamy.
34e: Coulthard observe son second ravitaillement (11.5s.). Il conserve sa troisième place devant Häkkinen.
35e: Hill pénètre dans la pit-lane et remet de l'essence et des slicks (10.5s.). Schumacher retrouve la première place. Arrêt de Badoer.
36e: Schumacher compte treize secondes d'avance sur Hill. La pluie refait son apparition entre Degner et Spoon. La piste demeure praticable mais piégeuse dans cette portion du circuit. Diniz est le premier pilote à se faire surprendre et exécute un tête-à-queue. Il se gare ensuite sur le bas-côté et renonce.
37e: Hill glisse sur une plaque d'humidité dans Spoon et sort de la route. Le Britannique rebondit sur les graviers mais il parvient à rejoindre une bande gazonnée puis à revenir en piste, derrière Coulthard et Häkkinen. Il regagne ensuite son stand pour changer son aileron avant, et ressort cinquième au bout d'une trentaine de secondes. Irvine effectue son troisième ravitaillement.
38e: Blundell dérape et sort à son tour dans la grande épingle, désormais recouverte de gravillons. Mais l'Anglais rejoint l'asphalte sans dommage.
39e: Schumacher est en tête devant Coulthard (28.2s.), Häkkinen (32.8s.), Herbert (1m.), Hill (1m. 27s.), Frentzen (1m. 32s.), Irvine (1m. 35s.), Panis (-1t.), Salo (-1t.) et Blundell (-1t.).
40e: Coulthard glisse à Spoon et traverse le gravier humide. Il reprend sa route en oubliant que ses pneus sont encrassés. L'Écossais entre trop vite dans le 130R et part en toupie. La Williams rebondit sur le sable avant d'atterrir dans les glissières. Coulthard n'a plus qu'à renoncer. Herbert subit un troisième pit-stop et demeure devant Hill. Wendlinger stoppe chez Sauber pour ravitailler. Suite à une erreur de Sauber, il repart avec des gommes striées ! Son collègue Frentzen sort au large dans Spoon et y endommage son train avant.
41e: Hill écope de dix secondes de pénalité pour vitesse excessive dans les stands. Mais il n'atteindra jamais les stands puisqu'il part en tête-à-queue à la sortie de Spoon et se plante dans le bac à graviers. Williams perd ainsi piteusement le titre constructeur. Irvine exécute une demi-pirouette au même endroit mais reste sur la piste. Embouteillage chez Sauber: Wendlinger revient aux stands pour remettre des slicks et fait patienter Frentzen qui va changer de museau et de pneus. L'Allemand perd ainsi toute chance d'inscrire des points.
43e: Schumacher mène tranquillement avec vingt-six secondes d'avance sur Häkkinen.
45e: La pluie a cessé. Schumacher domine devant Häkkinen (25s.), Herbert (1m. 18s.), Irvine (1m. 38s.), Panis (-1t.), Salo (-1t.), Blundell (-1t.), Frentzen (-1t.), Badoer (-1t.), Lamy (-2t.), Wendlinger (-2t.) et Inoue (-2t.).
47e: Schumacher devance Häkkinen de vingt-trois secondes. Lamy tire tout droit à la chicane, remplit ses pontons de terre puis part en tête-à-queue. Le pilote Minardi se relance mais perd une place au profit de Wendlinger.
48e: Revenu du fond de la grille, Blundell pourchasse Salo et lorgne sur la sixième place détenue par le Scandinave. Trois secondes les séparent.
50e: Quelques gouttes éparses sont signalées au niveau des stands. Schumacher achève la course avec une marge de vingt-deux secondes sur Häkkinen. Herbert roule à plus d'une minute vingt secondes de son leader.
52e: Blundell est maintenant dans le sillage de Salo mais n'aura pas le temps de l'attaquer.
53ème et dernier tour: Michael Schumacher remporte sa neuvième victoire en 1995 et offre à Benetton-Renault son premier titre mondial des constructeurs. Häkkinen et sa McLaren-Mercedes décrochent une superbe deuxième place. Herbert complète le podium. Irvine se classe quatrième malgré deux touchettes. Panis, cinquième, retrouve le « top 6 » pour la première fois depuis le GP de Hongrie. Salo récolte le dernier point. Suivent Blundell, Frentzen, Badoer, Wendlinger, Lamy et Inoue.
Après la course: la consécration de Benetton
Avec cette neuvième victoire en 1995, Michael Schumacher égale la performance réalisée par Nigel Mansell trois ans plus tôt. Une fois de plus, il a fait preuve d'une remarquable maestria malgré des conditions météorologiques changeantes, évitant tous les nombreux pièges. Mais sa soif de succès n'est pas étanchée comme il le confirme en conférence de presse: « Cette victoire me procure une joie immense, autant que celle au Nürburgring devant mes supporteurs. Alesi a vraiment exercé une grosse pression sur moi, mais dès que la piste a séché, nos relations ont repris leur cours normal. Puis, quand j'ai vu que c'était fini pour Hill, j'ai appelé mon stand pour les féliciter. Pole position, record du tour, championnat des constructeurs, le record de Mansell égalé... Il est impossible de faire mieux. J'ai réalisé les deux promesses faites à mon équipe en début d'année: remporter cette fois les deux couronnes mondiales. Tout ce que je souhaite aujourd'hui, c'est revivre pareil week-end dans le futur ! » L'Allemand vise déjà une dixième victoire à Adélaïde, deux semaines plus tard.
Grâce à la victoire de Michael Schumacher et à la troisième place de Johnny Herbert, Benetton remporte pour la première fois le titre mondial des constructeurs, pour sa dixième saison de F1. Que de chemin parcouru depuis la création de cette écurie par les frères Toleman dans les années 70 ! Depuis 1991, Flavio Briatore en a fait une machine à gagner entièrement bâtie autour de l'exceptionnel champion qu'est Schumacher. Ce dernier a usé de tout son talent pour transcender une B195 assez rétive et devancer les Williams-Renault qui étaient sans doute les meilleures machines de ce championnat 1995. Aussi, une ombre plane sur ce triomphe: que va devenir Benetton l'an prochain, sans sa pépite allemande ? Pour l'heure, Flavio Briatore ne veut pas y songer et fanfaronne selon son habitude: « Je veux dédier notre première victoire au championnat des constructeurs à tous les membres de Benetton Formula qui travaillent dans l'ombre. Merci à eux. Nous avons pu mettre sur la piste une voiture à la fois fiable, compétitive et victorieuse. S'il y avait une équipe qui méritait de gagner les deux championnats cette année, c'est bien nous. Nous devons aussi remercier nos partenaires de Renault Sport qui nous ont offert un moteur imbattable. » C'est en effet la quatrième campagne victorieuse de rang pour les hommes du Losange qui, grâce à leur double partenariat avec Benetton et Williams, ont assis une hégémonie quasi-totale sur la F1, comme en témoigne cette exceptionnelle moisson des lauriers récoltée en 1995 (quinze victoires en seize courses).
Williams a touché le fond à Suzuka: non seulement l'écurie de Didcot a perdu le titre constructeurs au profit de Benetton, mais en plus ses deux pilotes ont achevé leur course dans les décors. Le constat est particulièrement cruel pour Damon Hill dont c'est la quatrième auto-élimination de la saison ! « Ce n'était vraiment pas mon jour ! » soupire le Britannique. « Je n'ai même pas compris pourquoi je suis sorti de la piste une deuxième fois. Je pensais qu'il y avait de l'huile. Il nous reste à aller en Australie avec beaucoup d'espoir. Ce n'est pas une fin de saison glorieuse. Pourtant, tous les éléments sont réunis pour reprendre la spirale du succès. » Cette dernière assertion fait pouffer la plupart des journalistes qui estiment que Hill a fini de se ridiculiser par cette énième erreur de pilotage. Moralement brisé, celui-ci recherche en vain du soutien auprès de Frank Williams et de Patrick Head, lesquels ne sont pas réputés pour leur grande psychologie. Il ne se consolera même pas avec les malheurs de son équipier et rival David Coulthard, également en dessous de tout ce week-end.
Une fois de plus, Jean Alesi a été coupé dans son élan alors qu'il délivrait une prestation remarquable au volant de sa Ferrari: pénalisé d'un arrêt aux stands supplémentaire pour départ anticipé, il a comblé un retard de trente secondes sur Schumacher en quelques tours, en slicks et sur une piste encore humide. « Il serait présomptueux de dire que j'aurais fini par gagner, mais je suis cependant certain que j'aurais pu lutter jusqu'au bout pour la victoire », reconnaît-il. « Ce que je désirais le plus était de gagner à Monza, mais cela n'a pas marché. Je persiste à vouloir remporter une autre victoire avant de quitter Ferrari. J'ai encore essayé dimanche. Je suis furieux car je suis convaincu de ne pas avoir volé le départ. La grille est en pente et je n'ai que deux pieds, un sur l'accélérateur, l'autre sur l'embrayage. Si la voiture a bougé de quelques centimètres, ce n'était pas intentionnel... On fera encore tout pour gagner dans deux semaines en Australie. »
McLaren-Mercedes: la renaissance
La joie est par contre au rendez-vous du côté de McLaren: la deuxième place d'un Mika Häkkinen flamboyant souligne le pas en avant effectué par le V10 Mercedes. « Je suis fier de ma course », déclare le Finlandais. « Après mon opération, je me suis progressivement remis dans le coup et j'ai constamment amélioré mes chronos. Le travail qu'a effectué Mercedes ces dernières semaines est exceptionnel. Mais McLaren a aussi trouvé quelques petites choses: désormais, la voiture est beaucoup plus stable, c'est très sensible dans les virages à moyennes et hautes vitesses. » Après une saison de galère, Häkkinen semble reprendre goût à la compétition. « Avec une voiture pareille, c'est facile de bien conduire ! » s'exclame-t-il, tout sourire.
Le lendemain, Norbert Haug, le patron de Mercedes Motorsport, croise Christian Contzen, de Renault Sport, dans le salon VIP de l'aéroport d'Osaka. Le Français félicite chaudement l'Allemand: « Depuis le temps que je prédis qu'un jour Mercedes sera notre plus rude adversaire, je vais finir par avoir raison ! » Haug, flatté, glisse alors à son nouvel ami: « Comment Williams, qui aligne la meilleure voiture, a-t-il pu perdre le championnat des constructeurs ? » Voilà une bonne question... sans réponse.
Tony