Rubens BARRICHELLO
 R.BARRICHELLO
Jordan Peugeot
Jean ALESI
 J.ALESI
Ferrari
Eddie IRVINE
 E.IRVINE
Jordan Peugeot

570o Gran Premio

XXXIII Grand Prix du Canada
Cubierto
Montreal
domingo, 11 de junio de 1995
68 vueltas x 4.430 km - 301.240 km
Carrera prevista a 69 vueltas, clasificación basada en 68 vueltas debido a la invasión de la pista.
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L'émergence de Jacques Villeneuve

Depuis deux semaines, le Québec n'a d'yeux que pour Jacques Villeneuve qui vient de remporter les 500 Miles d'Indianapolis au volant d'une Reynard-Ford du Team Green. Âgé de 24 ans, le fils du très regretté Gilles Villeneuve apparaît comme la nouvelle star du sport automobile canadien et soulève dans son pays, et en particulier dans la Belle Province, un grand enthousiasme. Or, voilà plus d'un an que Bernie Ecclestone mûrit le projet d'attacher cette pépite à son « Circus », dans l'espoir de séduire le public d'outre-Atlantique, plutôt rétif à la Formule 1, et aussi pour tailler des croupières au championnat rival américain, l'IndyCar, dont la popularité croissante l'irrite prodigieusement. Ecclestone s'entretient ainsi à Montréal avec Craig Pollock, le manager de Villeneuve II, et tient à ce que tout le monde le sache, puisqu'il se fait photographier avec celui-ci, puis envoie ce document à toutes les agences de presse ! Pollock n'est pas dupe de ce petit manège: « Voilà un an environ que Bernie est très attentionné avec moi. Il me parle tout le temps de Jacques. Je sais à quoi m'en tenir... IndyCar ou F1, ils veulent tous Jacques. Mais, pour moi, il n'y a pas le feu au lac... » Lisons entre les lignes: si une écurie veut engager Villeneuve, elle devra y mettre le prix fort. Quitte à ce qu'Ecclestone lui-même facilite la transaction...

 

A Montréal, si la nouvelle coqueluche des Québécois est absente, Pollock arpente le paddock pour proposer ses services aux grandes écuries. Ferrari et Benetton manifestent leur intérêt. Mais c'est Williams-Renault qui se montre la plus réceptive. En effet, bien qu'il ait d'ordinaire horreur qu'on lui suggère un pilote, Frank Williams est séduit par le profil de ce jeune homme doué, fougueux, au caractère bien trempé.... Tout ce qu'il apprécie chez un pilote ! Renault est tout aussi intéressée: Villeneuve pourrait être un bon agent publicitaire sur le marché nord-américain. Ainsi, deux semaines plus tard, Christian Contzen et Bernard Dudot assistent au Grand Prix de Portland pour l'observer... Bien leur en prend, puisqu'il signe à cette occasion sa première pole position en IndyCar.

 

Présentation de l'épreuve

Le « phénomène » Villeneuve surgit en pleine discussion autour de l'avenir du GP du Canada. Dans la coulisse, se précise ainsi une « guerre des brasseurs » pour le patronage de l'épreuve. Les bières Molson, dont le contrat se termine en 1995, pourraient être supplantées par Labatt, ex-commanditaire principal et sponsor de Williams-Renault. Plus inquiétant, la Formule Indy lance une offensive de charme pour organiser une course à Montréal. Plusieurs responsables politiques montréalais ont prévenu Bernie Ecclestone: si l'IndyCar s'invite dans leur cité, il n'y aura plus de GP du Canada... L'argument-massue des promoteurs américains est évidemment la présence de Jacques Villeneuve. On comprend donc mieux pourquoi Ecclestone voudrait attirer celui-ci en F1... Samedi 10 juin, le président de la FOM s'entretient longuement avec Pierre Bourque, le maire de Montréal, Gérard Tremblay, ministre de l'Industrie de la Belle Province, et Robert Ferland, l'initiateur du Grand Prix de Montréal. Les quatre hommes parviennent à s'entendre pour pérenniser l'événement. Il en va tout de même pour seize millions de dollars de bénéfices pour le compte de l'agglomération montréalaise...

 

Par ailleurs, Bernie Ecclestone demande aux organisateurs québécois d'effectuer quelques modifications pour améliorer la sécurité du circuit Gilles Villeneuve. Des travaux sont prévus pour l'édition 1996, et porteront notamment sur la portion longeant le bassin olympique. En attendant, les aménagements précaires apportés en 1994, et notamment la chicane artificielle qui suit la grande épingle, demeurent en place.

 

Ce Grand Prix se déroulera sans les Simtek-Ford. Faute de repreneurs, la petite équipe anglaise est en effet en cessation de paiement. Nick Wirth tente pourtant de monter une ultime combinaison avec le géant néerlandais Philips. Huub Rothengatter, le manager de Jos Verstappen, sert d'intermédiaire. Les deux hommes tentent de capitaliser sur le début de carrière prometteur de leur jeune pilote, prêté par Benetton, pour arracher un contrat de sponsoring de cinq millions de dollars. En vain. Philips exige trop de garanties. L'argent apporté par Tenoras, le commanditaire d'Hideki Noda, qui devait remplacer ici Domenico Schiattarella, ne permet pas d'apaiser les créanciers. Néanmoins, Wirth ne jette pas encore l'éponge et espère trouver de l'argent pour participer au Grand Prix de France. Afin de ne pas compliquer sa situation, Bernie Ecclestone le dispense de l'amende prévue en cas de forfait.

 

La crise touche aussi Minardi, dont le budget est grevé par les factures de Cosworth, ce qui ne manque pas d'agacer son patron, désespéré par l'anémie du V8 ED. Hélas, l'argent se fait rare à Faenza. Si Luca Badoer est assuré, grâce aux dollars de Philip Morris, de conserver son volant jusqu'à la fin de l'année, il n'en va de même du fidèle Pierluigi Minardi, dont les reins sont moins solides. « Chaque fois que je reçois la traite de Ford-Cosworth, je me demande comment la régler. C'est pénible ! » enrage Giancarlo Minardi. Martin Whitaker, le responsable des relations publiques de Ford, recueille les doléances permanentes de Minardi, Forti et Pacific.

 

Une rumeur insistante envoie Heinz-Harald Frentzen chez McLaren dès le GP de France. Mercedes serait en effet parvenue à racheter son contrat à Peter Sauber. Il ne s'agit cependant que d'une intox que Frentzen dément formellement. En revanche, la mise à l'écart de Karl Wendlinger au profit de Jean-Christophe Boullion a été mal vécue par les supporteurs autrichiens. Certains ont même lancé une pétition pour réclamer à Sauber sa réintégration, tout en appelant au boycott des canettes de Red Bull, le sponsor principal du team helvète !

 

Pour des raisons de licence commerciale propres au groupe Japan Tobacco, les Benetton se passent au Canada de leurs logos Mild Seven, remplacés par un marquage « Moto Sport ». Puis, pour la course, afin de célébrer la 100ème pole position du Losange, Flavio Briatore offre cet emplacement à Renault qui bénéficie ainsi d'une appréciable publicité gratuite. Par ailleurs, la Benetton B195 reçoit ici une nouvelle géométrie de suspension ainsi qu'un aileron avant inédit. La McLaren MP4/10 perd son disgracieux petit aileron central. Dépourvu de cet appendice, le capot moteur offre selon les motoristes de Mercedes une meilleure efficacité de la prise d'air dynamique et permet de mieux faire circuler l'air. La Ferrari 412 T2 reçoit quelques évolutions, avant l'arrivée d'un train de nouveautés à Magny-Cours. Alesi utilise en outre un nouveau volant doté de deux nouveaux voyants lumineux placés sur la jante.

 

Essais et qualifications

Le thermomètre grimpe de plusieurs crans entre les journées du vendredi et du samedi, ce qui complique singulièrement la tâche des pilotes voulant améliorer leurs chronos de la première journée. Ainsi, Schumacher conquiert dès vendredi la pole position (1'27''661'''), la centième de Renault en Formule 1. Herbert se classe sixième avec la seconde Benetton, à huit dixièmes « seulement » de son leader. Les Williams-Renault souffrent d'un manque d'équilibre: ni Hill (2ème) ni Coulthard (3ème) ne sont en mesure de menacer Schumacher. Berger (4ème) commet samedi l'erreur de couvrir treize tours de piste au lieu des douze réglementaires. Ses temps de la journée sont ainsi annulés, avant d'être finalement validés puisqu'ils ne changent pas sa position sur la grille. Alesi (5ème) peine à utiliser correctement ses gommes mais attend la course pour se mettre en valeur.

 

Les McLaren-Mercedes (Häkkinen 7ème, Blundell 10ème) luttent pour les places d'honneur. Les deux pilotes Jordan-Peugeot font des erreurs: Irvine (8ème) s'offre une pirouette et Barrichello (9ème) heurte le mur au virage n°5 samedi après-midi. Pour la première fois, Panis (11ème) place sa Ligier-Mugen-Honda devant celle de Brundle (14ème). Chez Sauber-Ford, Boullion (18ème) peine à prendre ses marques et rend près de deux secondes à Frentzen (12ème). Morbidelli (13ème) place de nouveau son Arrows-Hart en embuscade, alors qu'Inoue (22ème) exécute comme d'habitude quelques figures. Les Tyrrell-Yamaha (Salo 15ème, Katayama 16ème) manquent toujours de stabilité. Les Minardi-Ford (Martini 17ème, Badoer 19ème) sont de plus en plus attirées vers les tréfonds du peloton. Les Pacific-Ford (Gachot 20ème, Montermini 21ème) progressent malgré de sempiternels problèmes de fiabilité. Comme d'habitude, les pataudes Forti-Ford de Moreno (23ème) et de Diniz (24ème) ferment la marche.

 

Le Grand Prix

Redoutée depuis plusieurs jours, la pluie tombe dimanche matin sur l'Île Notre-Dame et noie le circuit sous les eaux. Dans ces conditions dantesques, Alesi - qui fête ce jour son 31ème anniversaire - se met en vedette en signant le meilleur chrono devant un autre « as du mouillé », Barrichello. Fort heureusement, à la mi-journée, le vent balaie les nuages et assèche le bitume, et si la course se déroule sous un ciel chargé, les risques d'averse sont à peu près nuls. Quelques plaques d'humidité subsistent néanmoins hors trajectoire.

 

Blundell s'élance avec le mulet McLaren après avoir mis sa voiture de course dans les graviers durant son tour d'installation.

 

Départ: Schumacher démarre bien et conserve l'ascendant au premier virage devant Hill, Coulthard, Berger, Alesi, Herbert et Häkkinen.

 

1er tour: Häkkinen plonge à l'intérieur de l'épingle du Casino pour dépasser Herbert, mais il ne parvient qu'à harponner la Benetton et l'envoie en tête-à-queue. Les roues des deux bolides sont entremêlées et au final Herbert roule sur l'aileron d'Häkkinen, avant de caler son moteur. Schumacher mène devant Hill, Coulthard, Berger, Alesi, Barrichello, Irvine, Frentzen, Panis et Brundle.

 

2e: Alesi fait l'intérieur à son coéquipier Berger avant le droit du casino. Au même endroit et juste devant les Ferrari, Coulthard perd l'arrière de sa Williams, part en tête-à-queue et se plante dans les graviers. C'est son troisième abandon successif. Les commissaires brandissent les drapeaux jaunes à l'épingle et évacuent les voitures d'Herbert et d'Häkkinen.

 

3e: Schumacher s'envole en tête et compte trois secondes d'avance sur Hill. Les Ferrari sont déjà repoussées à six secondes.

 

4e: Schumacher tourne une seconde au tour plus vite que Hill. Une grue tracte la Williams de Coulthard hors du circuit.

 

5e: Schumacher mène devant Hill (4.8s.), Alesi (6.1s.), Berger (7s.), Barrichello (19s.), Irvine (21s.), Frentzen (22.7s.), Panis (23.2s.), Brundle (25.7s.) et Salo (31s.). Montermini se retire avec une boîte de vitesses bloquée.

 

6e: Alesi attaque fort en ce début de course et met la pression sur Hill, toujours mécontent de sa tenue de route. Berger demeure sur les traces de son équipier.

 

8e: Schumacher bénéficie de six secondes de marge sur Hill. Alesi et Berger filent le train de Britannique. Plus loin de là, les Jordan-Peugeot de Barrichello et d'Irvine évoluent dans les points.

 

9e: Gachot peine à maintenir sa Pacific en piste et passe à son stand pour faire vérifier sa direction, avant de repartir.

 

10e: Schumacher devance Hill (6.8s.), Alesi (7.8s.), Berger (8.9s.), Barrichello (24s.), Irvine (26s.), Frentzen (30.3s.), Panis (32.3s.), Brundle (36.4s.), Salo (46.8s.), Morbidelli (48s.) et Blundell (48.8s.). Martini et Katayama écopent d'un « stop-and-go » de dix secondes pour départ anticipé.

 

12e: Alesi met la pression sur Hill et lorgne sur la seconde place. Salo est à son tour sanctionné de dix secondes d'arrêt aux stands pour avoir volé le départ. Il tombe au 15ème rang.

 

13e: Schumacher porte son avantage sur Hill à huit secondes.

 

15e: Schumacher précède Hill de neuf secondes. Alesi et Berger pourchassent toujours la Williams.

 

17e: Alesi fait l'intérieur à Hill avant l'épingle du Casino, freine tard et s'empare de la seconde place. Berger prend le vice-champion du monde en chasse.

 

18e: Le trio Alesi - Hill - Berger perd du temps en se débarrassant des attardés Martini et Katayama.

 

19e: Martini louvoie dangereusement devant Berger et lui fait perdre ainsi le contact avec Hill. L'Italien ne s'écarte qu'en fin de tour.

 

20e: Schumacher est premier devant Alesi (11.4s.), Hill (14.7s.), Berger (17.1s.), Barrichello (28.8s.), Irvine (32.3s.), Frentzen (38.6s.), Panis (45.3s.), Brundle (50s.) et Morbidelli (1m. 07s.). Boullion part en glissade à la chicane du casino et s'enlise dans le bac à sable. Ravitaillement pour Katayama.

 

22e: Schumacher garde douze secondes d'avance sur Alesi. Berger refait la jonction avec Hill.

 

23e: Martini opère un pit-stop. Gachot revient aux stands pour ravitailler mais se plaint aussi de problèmes électroniques. Il repart néanmoins de nouveau.

 

25e: Onze secondes séparent Schumacher et Alesi. Berger est dans les roues de Hill.

 

26e: Berger se blottit dans les échappements de Hill à la sortie de l'épingle de l'Île. L'Autrichien se jette ensuite à l'intérieur de la première chicane et force le passage. Hill s'écarte et abandonne ainsi la troisième place.

 

27e: Frentzen s'immobilise avant la chicane artificielle, moteur muet.

 

28e: Schumacher repousse Alesi à treize secondes. Salo passe au stand Tyrrell pour opérer un pit-stop. Katayama écope d'un second « stop-and-go » pour excès de vitesse dans les stands. Diniz abandonne suite à une panne de boîte de vitesses.

 

30e: Schumacher précède Alesi (12.5s.), Berger (17s.), Hill (21s.), Barrichello (31.7s.), Irvine (35.5s.), Panis (58s.), Brundle (59.5s.), Morbidelli (1m. 19s.) et Blundell (1m. 21s.).

 

32e: L'intervalle est stable entre Schumacher et Alesi, tandis que Berger sème Hill peu à peu.

 

33e: Irvine stoppe chez Jordan-Peugeot pour son ravitaillement.

 

34e: Alesi, Hill et Barrichello se succèdent aux stands pour effectuer leurs uniques ravitaillements. Ceux-ci s'étalent sur environ quinze secondes. Panis, Morbidelli, Badoer et Moreno subissent aussi un pit-stop.

 

35e: Berger ralentit dans l'ultime portion du circuit car il n'a plus d'essence dans son réservoir ! Ses ingénieurs ont calculé trop juste... Par bonheur, l'Autrichien parvient à faire tourner son moteur jusqu'à son stand où ses mécaniciens peuvent le ravitailler. Il reprend la piste au bout de vingt-cinq secondes en huitième position. Blundell passe aussi aux stands.

 

36e: Schumacher compte cinquante-deux secondes d'avance sur Alesi. Ravitaillement de Brundle.

 

38e: Schumacher stoppe chez Benetton pour son unique arrêt-ravitaillement (13s.) puis retrouve la piste largement en tête. Inoue passe aussi par les stands.

 

40e: Schumacher devance Alesi (26.2s.), Hill (37s.), Barrichello (52.7s.), Irvine (54.3s.), Panis (1m. 18s.), Brundle (1m. 25s.), Berger (-1t.), Blundell (-1t.), Morbidelli (-1t.), Salo (-1t.) et Badoer (-1t.). Katayama est chez Tyrrell pour faire vérifier son moteur qui bafouille.

 

41e: Gachot jette l'éponge car la batterie de sa Pacific est déchargée.

 

43e: Schumacher devance Alesi de vingt-huit secondes. Hill est repoussé à plus de dix secondes de la Ferrari n°27.

 

45e: Berger prend en chasse Brundle pour le gain de la septième place. Quatre secondes les séparent. Katayama abandonne à cause d'une rupture du rappel pneumatique des soupapes sur son moteur Yamaha.

 

46e: Schumacher augmente encore son avantage sur Alesi, désormais relégué à trente secondes.

 

48e: Berger revient à deux secondes de Brundle. Salo effectue un troisième ravitaillement. Blundell se range dans l'herbe au niveau du Casino avec un moteur fumant.

 

50e: Schumacher domine devant Alesi (31.8s.), Hill (42.6s.), Barrichello (56s.), Irvine (1m.), Panis (1m. 27s.), Brundle (-1t.), Berger (-1t.), Morbidelli (-1t.) et Salo (-1t.). Troisième passage aux stands pour Martini.

 

51e: Suite à un problème de pompe hydraulique, Hill demeure bloqué en cinquième vitesse. Il se gare le long du muret des stands et quitte son habitacle, visiblement en colère. Voilà peut-être un tournant du championnat du monde.

 

53e: Schumacher roule vers la victoire avec trente-deux secondes de marge sur Alesi. Barrichello occupe maintenant la troisième marche du podium. Berger est sur les talons de Brundle. Tous deux se battent pour le point de la sixième place.

 

55e: La Williams de Hill est ôtée par une grue. Brundle et Berger sont longtemps gênés par Salo qui pense évoluer dans leur tour.

 

56e: Schumacher devance Alesi (33.2s.), Barrichello (58s.), Irvine (1m. 01s.), Panis (1m. 26s.), Brundle (-1t.), Berger (-1t.) et Morbidelli (-1t.).

 

58e: Un court-circuit frappe la sélection de vitesses de Schumacher qui ne parvient à quitter le troisième rapport. L'Allemand lève le pied après le Pont de la Concorde, puis rejoint son stand. Ses mécaniciens changent alors son volant pour lui permettre de passer de nouveau les vitesses. Alesi s'empare de la première place à douze tours du but !

 

59e: Schumacher retrouve le circuit après environ une minute d'immobilisation. Il est désormais septième, à près d'un tour d'Alesi. Berger fait l'extérieur à Brundle à l'épingle. Il arrive au tournant avec une roue d'avance sur l'Anglais qui ne dévie pas de la corde et reste devant. Moreno tombe en panne sèche suite à une fuite de carburant.

 

60e: Alesi est premier devant Barrichello (21.7s.), Irvine (29.7s.), Panis (47.3s.), Brundle (58.2s.), Berger (58.8s.), Schumacher (1m. 16s.), Morbidelli (-1t.), Salo (-1t.) et Badoer (-1t.).

 

62e: Berger s'impatiente derrière Brundle. A l'abord du premier virage, il plonge hardiment à l'intérieur alors que son adversaire a déjà commencé à tourner. La Ferrari met deux roues dans l'herbe, escalade le vibreur et tamponne la Ligier. Toutes deux finissent leur course dans les graviers. Berger et Brundle quittent leurs habitacles pour s'expliquer...

 

63e: Sauf catastrophe, Alesi a maintenant course gagnée. L'Avignonnais, très ému, tente de rester concentré alors que tifosi et Québécois unissent leurs voix pour l'encourager.

 

64e: Désormais cinquième, Schumacher cravache dans l'espoir de rattraper Panis. Il roule trois secondes au tour plus vite que ses concurrents. Martini renonce après la rupture de son câble d'accélérateur.

 

66e: A trois tours du but, Alesi devance Barrichello (26.7s.), Irvine (37s.), Panis (44s.), Schumacher (53.2s.) et Morbidelli (-1t.).

 

67e: Schumacher s'empare du meilleur chrono définitif (1'29''174'''). Il est cependant trop loin de Panis pour espérer grappiller un point supplémentaire.

 

68e: Alesi n'est plus qu'à un tour du bonheur. Le Français pleure de joie dans son cockpit, tout en surveillant sa jauge d'essence qui clignote.

 

69ème et dernier tour: Avant même le drapeau à damiers, les spectateurs commencent à envahir la piste. Jean Alesi remporte enfin son premier Grand Prix, le jour de ses 31 ans ! Barrichello et Irvine offrent un magnifique double podium à la paire Jordan-Peugeot. Panis, quatrième, offre trois points à Ligier-Mugen-Honda. Schumacher se classe finalement cinquième. Morbidelli finit sixième et apporte à Arrows son premier point en 1995. Salo, Badoer et Inoue terminent aussi la course.

 

Dans les derniers mètres, Salo stoppe sa Tyrrell pour éviter les spectateurs qui déambulent sur le bitume. Badoer n'a pas cette prudence et dépasse le Finlandais. Cependant, la direction de course décide d'arrêter le classement un tour plus tôt, soit au 68ème tour. Salo reste donc devant Badoer.

 

Après la course: Alesi... enfin !

En quelques instants, le circuit de l'Île Notre-Dame est noyé sous une foule de supporteurs québécois extatiques. Ils célèbrent la victoire de Jean Alesi au volant de cette Ferrari n°27 que pilota jadis leur idole Gilles Villeneuve. Alesi est à la fois joyeux et soulagé, car il tombe en panne sèche quelques centaines de mètres après avoir franchi la ligne ! Comble de l'ironie, il est pris en stop par Schumacher, dont la panne de boîte lui a offert sur un plateau cette première victoire ! Dressé sur la prise d'air de la Benetton, le natif d'Avignon salue le public et les commissaires. « Jeannot » n'est pas au bout de ses émotions. Une fois hissé sur le podium, il entend son nom scandé par une foule en délire. Les drapeaux tricolores et ferraristes claquent au vent. De leur côté, Rubens Barrichello et Eddie Irvine tentent comme ils peuvent de se faire remarquer. Le premier brandit un drapeau brésilien, le second lance sa bouteille de Moët & Chandon dans le public !

 

Jean Alesi n'aurait pas pu rêver plus beau cadeau d'anniversaire: gagner enfin son premier Grand Prix, après pas moins de 91 départs. Le Français fut patient ! Que de déceptions accumulées jusqu'à ce jour ! Phoenix 1990, Spa 1991, Monza 1994, Imola 1995... Autant de courses qu'il aurait pu, qu'il aurait dû gagner avec un peu plus de réussite. Alors, tant pis pour la manière: certes, ce GP du Canada aurait dû revenir à Michael Schumacher. Et après ? « Combien de fois me suis-je retrouvé en pole provisoire le vendredi et largué le samedi, pour finalement me retrouver sur le podium ? » lâche Alesi de son accent chantant. « Combien de fois, en position de gagner la course, suis-je revenu aux stands à pied ? » Le fils de Siciliens rappelle également sa joie de triompher avec Ferrari, après tant d'échecs et de déceptions, mais aussi grâce à une abnégation jamais démentie: « Ce bonheur est très difficile à exprimer. Je viens de réaliser mon rêve: gagner en F1. Depuis mon arrivée dans la discipline, vous m'avez vu vivre d'énormes espoirs et des moments plus difficiles. Bien sûr, parfois, je broyais du noir, j'en avais marre d'une équipe qui manquait complétement de compétitivité. Notamment en 1992. Marre d'être la victime privilégiée d'une mécanique capricieuse. Marre d'avoir toujours à me justifier. Mais la confiance est revenue. Le chemin a été long et sinueux, mais nous voici arrivés ! » Et Alesi ne manque pas de rendre hommage à son ami Jean Todt, l'artisan de la renaissance de la Scuderia.

 

Cette première victoire est peut-être un peu chanceuse, mais Alesi a tout de même effectué deux superbes dépassements lors de cet après-midi, le premier sur Gerhard Berger, le second sur Damon Hill. En outre, il a dû composer avec de perpétuels problèmes de consommation, le contraignant à appauvrir régulièrement le mélange. Et puis, après l'arrêt de Schumacher, il lui a fallu maîtriser son émotion: « La première image qui me revient à l'esprit est celle que j'ai vue sur l'un des écrans géants qui bordent la piste », narre-t-il. « La Benetton de Schumacher stoppée à son stand, le volant posé sur le saute-vent du cockpit. Puis, la confirmation par radio. Ma vision s'est alors embuée. Je n'arrivais plus à distinguer la piste, ma trajectoire n'était pas précise... je redoutais de rater un freinage. J'avais la trouille de faire une bêtise ! Je me suis repris. Petit à petit, la concentration est revenue. » Le soir, Jean Alesi fête son succès avec sa compagne Kumiko, son inséparable frère José, et son ami Alain Prost au restaurant italien Buona Notte de Montréal. Pendant ce temps-là, à Avignon, Franco et Marcella Alesi, ses parents, ont fini par débrancher leur téléphone devant l'afflux de messages de félicitations. La cité des papes s'apprête à fêter son héros dans quelques jours...

 

Alesi n'oublie pas de rendre visite à Eddie Jordan, son ancien manager de Formule 3000. Cela tombe bien: la fête bat aussi son plein au stand de l'écurie irlandaise. Celle-ci vient de réaliser le meilleur résultat de sa (jeune) histoire en Formule 1. Rubens Barrichello et Eddie Irvine sablent le champagne avec Jean-Pierre Jabouille et les techniciens de Peugeot Sport. « Ce podium à deux places est mon meilleur cadeau avec Peugeot en Formule 1 ! » plastronne Jabouille, peu avant de téléphoner à Jacques Calvet à Paris. A trois semaines du Grand Prix de France, cette performance ne pouvait pas mieux tomber pour la marque au Lion.

 

Michael Schumacher est bien entendu désappointé d'avoir perdu une victoire qui lui tendait les bras. Mais au moins accroît-il de deux points son avance sur Damon Hill au championnat du monde des conducteurs (36 points contre 29). Avis de gros temps en revanche au-dessus du stand Williams: Hill, très remonté, peste contre le manque de fiabilité de la boîte de la FW17 et échange quelques mots virulents avec Patrick Head. Frank Williams est pour sa part mécontent de David Coulthard qui vient d'accumuler quelques bourdes et, surtout, ne totalise que neuf points au championnat après six épreuves. Le jeune Écossais semble finalement encore un peu tendre pour piloter dans un top-team, et Williams se dit que, finalement, ce jeune Villeneuve dont Bernie Ecclestone lui vante les mérites ferait peut-être l'affaire...

Tony