La guerre de l'électronique - Vers un sabotage du championnat ?
Ce Grand Prix de Grande-Bretagne se déroule dans un climat politique tendu par l'imminence de l'important conseil mondial de la FIA des 15 et 16 juillet. Celui-ci statuera sur des dossiers brûlants. Dans un premier temps, celui des aides électroniques au pilotage: depuis le GP du Canada, toutes les écuries, sauf la Scuderia Italia, sont accusées de violer le règlement en utilisant un antipatinage et/ou une suspension active, dispositifs qui pourraient être bannis dès le GP d'Allemagne. A cela s'ajoute l'affaire des carburants prétendument illégaux présentés par Elf et Agip depuis le GP d'Espagne. Cette affaire vise en particulier Williams-Renault et Alain Prost qui pourraient perdre toutes leurs victoires depuis cette date. Selon Patrick Head, il s'agit d'une pure machination montée par Max Mosley afin de relancer le spectacle et la bataille pour le titre mondial, et surtout peser dans le débat sur l'électronique.
A Silverstone, le paddock fourmille de conciliabules réunissant les patrons d'écurie autour de Max Mosley et Bernie Ecclestone. Le principal événement est le revirement de Ferrari. Jusqu'ici, la firme de Maranello avait prudemment soutenu les tenants de l'électronique, c'est-à-dire ses consœurs britanniques. Désormais, Luca di Montezemolo se range franchement dans le camp fédéral et réclame l'abandon des aides au pilotage, sans doute après avoir constaté le retard pris par son équipe dans ce domaine. « Ferrari fut la première équipe à introduire la boîte automatique, à lancer des programmes de recherche sur divers systèmes d'avenir et à investir des fortunes dans le recrutement d'ingénieurs » rappelle Patrick Head, furibard. « C'est tout cela qui coûte cher. A côté, la suspension active, c'est un cadeau ! Trois ans de salaire d'un de leurs managers-météores auraient pu la payer ! Tout cela est d'une hypocrisie monumentale ! »
Pour justifier son intransigeance, Mosley avance que la suspension active et l'antipatinage exécutent une partie du travail dévolu aux conducteurs, et sont ainsi des assistances illégales. Toujours selon son interprétation, bannir ces systèmes relève du domaine sportif, et non technique. Il peut donc prendre des mesures à leur encontre en contournant la règle de l'unanimité stipulée par les Accords Concorde. C'est contre ce postulat pour le moins douteux que s'élèvent Frank Williams et Ron Dennis, épaulés par un fameux avocat anglais, Me Ronald Austin. Head ne prend pas de gants pour critiquer les arguments spécieux du président de la FISA: « Toute la F1 repose sur un contrat écrit, que nous avons tous signé: les Accords Concorde. Mosley veut briser ce contrat. En pensant changer un règlement technique à travers un règlement sportif par des polémiques et des manipulations, il crée un environnement empreint d'insécurité. Chaque équipe qui sortira quelque chose de nouveau qui ne lui conviendra pas sera déclarée non-conforme ! » Mosley fait fi de ces attaques, et se retranche derrière le futur avis du Conseil mondial.
Pendant ce temps-là, la FOCA se divise en deux clans bien tranchés. Le camp des « pro-électronique », emmené par Williams et McLaren, comprend maintenant Footwork, Ligier, Lotus et... Benetton ! Oui, Benetton qui jusqu'ici voulait absolument interdire la suspension active ! Toutefois Flavio Briatore n'apparaît pas dans ces réunions, et envoie à sa place Tom Walkinshaw, peut-être afin de ne pas perdre la face... ou négocier en sous-main avec le tandem Mosley - Ecclestone ? Du côté des « anti-électronique », Ferrari prend, on l'a dit, les choses en main, et emmène avec elle Larrousse, Sauber, Minardi, Tyrrell, Jordan et la Scuderia Italia. Cette bataille rangée pourrait mal se terminer. Si le conseil mondial proscrit les aides électroniques pour le reste de la saison, les grandes écuries porteront plainte devant le tribunal d'arbitrage de Lausanne. Williams, dont la FW15 est entièrement conçue autour de la suspension active, devra déclarer forfait jusqu'au terme de la compétition. Ce championnat 1993 pourrait donc fort bien s'achever prématurément en désastreuse mascarade...
V8 Ford: McLaren et Benetton (presque) à égalité
Ayrton Senna peut être content car McLaren bénéficie enfin pour cette course de moteurs V8 Ford-Cosworth « série VII » à distribution pneumatique et gestion électronique TAG. Ne manque que le dernier modèle de double injecteur. Les Rouges et Blancs seront donc à égalité de puissance avec Benetton qui ne dispose pas comme prévu de la « série VIII » suite à un retard de Cosworth.
Ford et Cosworth pourraient se satisfaire de fournir deux des trois meilleures équipes du plateau, en dépit des rivalités et jalousies qui les opposent. En fait, le géant de Détroit et le motoriste de Northampton pourraient bien perdre ces deux prestigieux clients. McLaren se cherche en effet ostensiblement un autre motoriste pour 1994. Ron Dennis discute ainsi avec Peugeot, en dépit de certaines préventions. « Quand je cherchais un moteur l'an passé, ma concertation avec les gens de Peugeot a tourné court », raconte l'Anglais. « Je peux même affirmer que j'ai été évincé sans qu'on y mette les formes ! » Aujourd'hui, Dennis souhaiterait disposer d'un V10 allégé compatible avec l'électronique TAG, ce que la firme française ne paraît pas disposer à lui offrir. Il se tourne alors vers Chrysler et Lamborghini. Pendant ce temps-là, Flavio Briatore, qui affirme pourtant tenir à son contrat d'exclusivité avec Ford comme à la prunelle de ses yeux, mène des pourparlers secrets avec Renault Sport... Son objectif ? Offrir à Michael Schumacher une Benetton-Renault en 1995, voire dès 1994...
Présentation de l'épreuve
Cette étape anglaise est l'occasion de prendre des nouvelles du champion du monde en titre, Nigel Mansell, émigré aux États-Unis afin de disputer le championnat Indy pour le compte de l'écurie de Carl Haas et Paul Newman. Et le « rookie » de 40 ans fait des étincelles car, non content de damer le pion aux ténors d'outre-Atlantique, les Al Unser Jr., Emerson Fittipaldi, Mario Andretti, Bobby Rahal et autres Paul Tracy, il enchaîne les succès et est en lice pour remporter cette compétition ! Du coup, le retour espéré de « King Nigel » en Formule 1 ne semble hélas pas d'actualité...
Mais le public britannique se console avec son nouveau chouchou, Damon Hill. L'an passé, celui-ci avait disputé ce même GP de Grande-Bretagne au volant d'une modeste Brabham-Judd et l'avait achevé au seizième rang, à quatre tours du vainqueur Mansell. Qui aurait alors imaginé qu'il lui succéderait chez Williams-Renault ? Toutefois, Hill Junior n'a pas pris la grosse tête. Il prépare sereinement ce rendez-vous dans sa maison de Wandsworth, au sud de Londres, avec son épouse Georgie et leurs deux jeunes enfants, Oliver et Joshua. Mais il ambitionne évidemment de remporter sa première victoire devant ses fans, d'autant plus que son regretté père Graham n'a jamais pu accrocher cette épreuve à son épais palmarès. Ses chances sont réelles: il connaît Silverstone comme sa poche pour y avoir parcouru des milliers de kilomètres en essais privés. Certains journalistes ultra-chauvins s'enflamment et affirment que si Hill ne gagne pas, c'est parce que son écurie aura favorisé Alain Prost ! « Ici je ne crois pas que Damon puisse vaincre. Ce sera difficile pour lui d'être plus rapide qu'Alain », glisse Frank Williams, provocateur.
Les Anglais n'ont plus Mansell, mais ils ont encore cinq représentants à applaudir. Outre Damon Hill, ils encouragent avec fougue Derek Warwick, le vieux baroudeur, Johnny Herbert, le blondinet souriant, ainsi que les deux quasi-homonymes de Ligier, l'expérimenté Martin Brundle et l'espoir Mark Blundell.
Après avoir remporté sa 49ème victoire en F1 à Magny-Cours, Alain Prost espère bien franchir dès Silverstone le cap de la cinquantième, bien qu'il craigne de perdre quelques trophées sur tapis vert. En tout cas, le tracé britannique lui a souvent souri, puisqu'il a déjà gagné ici à quatre reprises, en 1983, 1985, 1989 et 1990, avec ses trois anciennes écuries: Renault, McLaren et Ferrari.
Jean Todt profite de cette halte outre-Atlantique pour rendre visite à John Barnard dans ses ateliers de Ferrari Design & Development, à Shalford (Surrey). Il s'informe ainsi des progrès de la Ferrari de 1994. Jean Alesi accompagne son nouveau patron, tandis que Gerhard Berger débarque en Angleterre exténué par deux jours d'essais intensifs à Magny-Cours afin de mettre au point cette satanée suspension active.
A mi-saison, l'avenir de Michael Andretti en F1 paraît de plus en plus flou. Le fils de Mario ne s'accoutume pas à cette discipline, et du reste ne parvient pas à se défaire de ses attaches américaines. Pour preuve, après chaque Grand Prix, il saute dans le premier avion pour le fief familial de Nazareth. Jean-François Thormann, son manager, ne cache pas sa déception: « Michael n'est pas à son aise. Il guettait avec impatience ce défi de la F1. Et lui qui, d'emblée, s'était montré très rapide dans toutes les formules aux États-Unis, ne s'attendait pas à un sort aussi ingrat. Il a du mal à comprendre ce qui lui arrive. » Après huit courses et trois petits points marqués, Andretti est sur la sellette. Ron Dennis songe à le remplacer par Mika Häkkinen qui se morfond dans son rôle d'essayeur. Au moins le jeune Américain peut-il compter sur l'appui d'Ayrton Senna, très prévenant à son égard. « Ayrton ne manque jamais une occasion de m'aider », souligne-t-il.
Pierluigi Martini fait son retour chez Minardi en remplacement de Fabrizio Barbazza, arrivé à court de budget. Le Romagnol retrouve avec plaisir la petite scuderia de Faenza avec laquelle il a déjà disputé 70 Grands Prix depuis 1985.
Les Williams FW15 sont maintenant équipées en permanence du système ABS, mais les pilotes ont à leur disposition un bouton permettant de le débrancher à volonté. Lotus a apporté des retouches à sa suspension active, très défectueuse à Magny-Cours, et approuvé celles-ci lors d'une séance d'essais à Snetterton. Chez Sauber, Lehto bénéficie d'un V10 Ilmor « évolution ». Le vrai moteur Sauber devrait débuter à Spa. Tyrrell aligne enfin sa nouvelle 021 dessinée par Mike Coughlan. Cette machine conserve la ligne générale de la 020, avec les « ailes de mouette » imaginées par Harvey Postlethwaite. L'empattement est raccourci et la voie avant plus étroite. Les flancs montent haut afin de libérer de l'espace pour les basculeurs de suspension. La mission de cette Tyrrell-Yamaha est simple: inscrire enfin des points...
Essais et qualifications
La première journée d'essais est contrariée par la pluie, et c'est donc le samedi que les pilotes se battent pour leurs positions sur la grille. Les deux pilotes Williams se livrent un âpre duel pour la pole position. Hill, le plus rapide la veille sur le mouillé, détient longtemps le meilleur chrono (1'19''134'''), et effectue même un tour d'honneur pour satisfaire son public, avant d'être finalement coiffé sur le poteau par Prost (1'19''006'''). Voici la 18ème pole consécutive de Williams: nouveau record. Les Benetton-Ford optent pour de faibles appuis afin d'améliorer leur vitesse de pointe. Schumacher réalise le troisième chrono, à une seconde et trois dixièmes de Prost, en dépit d'une sortie à Copse. Patrese (5ème) rend plus de deux secondes à son équipier. Très à la peine le vendredi, Senna (4ème) trouve difficilement les bons réglages. Faute d'équilibre, il roule avec beaucoup d'appuis. Andretti (11ème) se plaint d'un manque de grip... et de puissance moteur. Les Ligier-Renault se comportent de mieux en mieux sur les revêtements bosselés. La preuve ici même puisque Brundle décroche le sixième temps, Blundell le neuvième. Ce dernier a toutefois plié une coque vendredi à Abbey.
Les efforts de Lotus pour perfectionner sa suspension active paient: Herbert (7ème) ravit le public anglais et Zanardi (14ème) aurait pu faire aussi bien sans une sortie à Copse. Les Footwork-Mugen ont beaucoup tourné en essais à Silverstone et ont bien intégré la suspension active « McLaren ». Le redressement de cette écurie est spectaculaire: Warwick se classe huitième, Suzuki dixième. Les Ferrari (Alesi 12ème, Berger 13ème) sont ici très nerveuses et dévorent les pneus. Barrichello (15ème) patiente longtemps avant de rouler à cause d'une panne de suspension active sur sa Jordan. Boutsen (23ème) se montre toujours incapable de trouver le bon set-up. Les Larrousse-Lamborghini sont trop vives et sous-vireuses. Comas (17ème) en fait un meilleur usage qu'Alliot (24ème). Les Sauber (Lehto 16ème, Wendlinger 18ème) sont encore une fois bien équilibrées mais sans grip ! Les Minardi subissent un fort sous-virage. Fittipaldi (19ème) précède Martini (20ème) qui pour son retour s'offre un tête-à-queue magistral. La nouvelle Tyrrell-Yamaha manque de traction et se révèle sous-vireuse dans les virages rapides. De Cesaris (21ème) et Katayama (22ème) essuient les plâtres. Vendredi, sous l'averse, Badoer et Alboreto profitent du manque de roulage des autres concurrents pour se placer aux 4ème et 5ème rangs ! Bien sûr, sur le sec, ce n'est pas la même histoire: les Lola-Ferrari rendent sept secondes aux Williams, et Badoer, bon dernier, élimine encore une fois son aîné Alboreto.
Le Grand Prix
Lors de l'échauffement du dimanche matin, Prost signe le meilleur temps, deux dixièmes devant Hill qui croit en ses chances de succès. La course se déroule sous un ciel couvert et menaçant. La grille de départ reçoit un hôte de marque: le roi Hussein de Jordan, passionné d'automobile. Jackie Stewart lui présente chaque pilote. Malgré la présence de cinq excellents représentants, le public britannique n'est pas au rendez-vous: on ne compte ainsi que 80 000 spectateurs contre plus de 100 000 en 1992. Le départ de Mansell se fait ressentir...
Berger s'élance sur le mulet Ferrari à cause d'une fuite de fluide sur la suspension active de sa machine de course. A cause d'une fuite d'huile sur sa nouvelle Tyrrell 021, Katayama démarre avec une veille 020.
Départ: Prost fait patiner ses roues, ce qui permet à Hill de s'emparer de la tête. Senna prend un excellent envol: il déborde Schumacher, puis Prost à Copse. Gêné par Alesi et Blundell en sortie de courbe, Andretti roule sur la partie sale de la piste, perd l'arrière de sa voiture, part en tête-à-queue et atterrit dans le bac à graviers. Comas reste immobilisé sur la grille à cause d'un bris d'arbre de roue, de même que de Cesaris qui a calé son moteur. L'Italien peut démarrer mais le Français est poussé vers une échappatoire.
1er tour: Hill s'échappe tandis que Prost menace Senna. A la fin de ce tour, Hill mène devant Senna, Prost, Schumacher, Brundle, Patrese, Herbert, Alesi, Blundell et Berger. Andretti abandonne sa McLaren et rejoint les stands à pied, dépité.
2e: Prost se montre dans les rétroviseurs de Senna avant la courbe de Bridge.
3e: Hill compte deux secondes d'avance sur Senna, menacé par Prost et Schumacher. A Stowe, Prost tente de faire l'intérieur à Senna mais celui-ci lui coupe la trajectoire. Warwick prend la dixième place à Berger.
4e: Prost harcèle Senna, en vain pour le moment. Schumacher observe leur duel. Hill est premier devant Senna (3.1s.), Prost (3.4s.), Schumacher (4.1s.), Brundle (7.4s.), Patrese (8.8s.) et Herbert (9.5s.).
5e: Prost prend l'aspiration de Senna après Club Corner et plonge à l'intérieur d'Abbey Curve, au prix d'un freinage serré. Il semble être passé mais Senna ne dévie pas d'un millimètre sa trajectoire et prend le virage comme si personne n'était à sa gauche, ce qui contraint son adversaire à lever le pied.
6e: A Stowe, Senna claque encore une fois la porte au nez de Prost. Puis, le Français se laisse aspirer par la McLaren à la sortie d'Abbey et aborde Bridge par l'extérieur, mais Senna ne cède pas d'un pouce. Warwick remonte après un départ médiocre et prend la neuvième position à Blundell.
7e: Prost fait l'intérieur à Senna sur la ligne de chronométrage. Il aborde Copse avec une légère avance sur le Pauliste, mais ce dernier braque vivement à droite et lui barre la route. Le Français ne se décourage pas et « colle » à l'arrière de la McLaren avant Maggots... avec Schumacher sur ses talons. Finalement, Prost déborde Senna dans Hangar Straight. Magic doit capituler. Schumacher se place aussitôt dans son sillage. Le jeune Allemand lui fait l'intérieur dans la courbe rapide de Bridge, mais Senna se rabat devant lui et conserve l'avantage. Les deux voitures se sont frôlées à près de 250 km/h...
8e: Hill compte huit secondes d'avance sur Prost. Schumacher assaille Senna à Stowe, sans succès. Dans les stands, Flavio Briatore paraît s'irriter de la résistance opiniâtre du Brésilien.
9e: Schumacher évolue dans la boîte de Senna. Warwick passe devant Alesi qui tire ce qu'il peut d'un moteur poussif. La suspension active de Berger ne fonctionne plus. L'Autrichien regagne son stand pour la faire examiner, puis repartira avec des pneus neufs. Suzuki exécute un tête-à-queue à Woodcote et cale son moteur. Le Japonais renonce. Il était 15ème.
10e: Schumacher déborde Senna par l'intérieur dans Hangar Straight et s'impose sans difficulté à Stowe. Blundell double Alesi.
11e: L'intervalle entre Hill et Prost n'évolue guère. Berger regagne les stands à faible allure.
12e: Hill mène devant Prost (8s.), Schumacher (15.8s.), Senna (18.5s.), Brundle (20.4s.), Patrese (23.7s.), Herbert (25.2s.), Warwick (41s.), Blundell (43s.) et Alesi (45s.). Berger met pied à terre: le potentiomètre de sa suspension active a cédé.
14e: Hill prend un tour aux Tyrrell de de Cesaris et Katayama. De gros nuages noirs surplombent le circuit et une averse est à craindre.
15e: Brundle menace Senna: deux secondes seulement séparent les deux anciens rivaux de Formule 3.
16e: Prost réduit un peu son retard sur Hill au rythme de quelques dixièmes par tour. Blundell attaque Warwick en vue de la huitième place.
18e: Hill rencontre du trafic mais compte encore sept secondes d'avance sur Prost. Blundell harcèle Warwick sans trouver d'ouverture.
20e: Hill est en tête devant Prost (6.8s.), Schumacher (18.8s.), Senna (31.9s.), Brundle (37.2s.), Patrese (40.5s.) et Herbert (44s.). Changement de pneus pour Katayama.
21e: Alesi et Barrichello entrent aux stands pour remplacer leurs pneus. L'arrêt du jeune Français s'éternise à cause d'un pistolet défaillant. Il ne repart qu'en dix-huitième position.
22e: Prost tourne en 1'24''621''' et remonte sur Hill qui bute sur quelques attardés.. Changement de pneus pour Lehto.
23e: Le ciel se dégage quelque peu. Le risque de pluie s'éloigne. Arrêts pneus pour Zanardi et de Cesaris.
24e: Brundle fait halte chez Ligier pour changer de pneus (6.7s.) et repart septième.
25e: Senna entre aux stands en même temps que Boutsen qui le gêne un peu. Son changement de pneus dure cinq secondes et il reprend la piste en sixième position. Warwick et Blundell pénètrent ensemble aux stands. Les mécaniciens de Ligier sont plus prompts que ceux de Footwork: Mark repart devant Derek. Wendlinger quitte la route à Club et atterrit dans la barrière de pneus. Il s'en tire par bonheur sans peine.
26e: Hill et Prost réalisent sensiblement les mêmes temps. Changement de pneus pour Schumacher (5.5s.) qui ne perd aucune position.
28e: Six secondes d'écart entre Hill et Prost. Les mécaniciens de Williams préparent leurs pneumatiques.
29e: Patrese et Herbert effectuent leurs changements de pneus. Ils ressortent respectivement sixième et septième.
30e: Prost apparaît chez Williams et prend des pneus neufs (8s.). Lorsqu'il repart, il totalise vingt-deux secondes de retard sur son équipier. Par malchance, ce dernier tombe alors sur un groupe de retardataires.
31e: Hill arrive dans les stands pour mettre un nouveau train de pneus. Tout se passe bien et il remet les gaz après sept secondes d'arrêt. Le Britannique reste leader mais n'a plus que quatre secondes d'avance sur son coéquipier.
32e: Hill est premier devant Prost (3.2s.), Schumacher (24.1s.), Senna (42.7s.), Brundle (55.7s.), Patrese (1m. 01s.), Herbert (1m. 04s.), Blundell (1m. 20s.), Warwick (-1t.), Lehto (-1t.), Alliot (-1t.) et Fittipaldi (-1t.). De Cesaris fait l'intérieur à Badoer au virage de Club mais ne peut éviter le contact. Le Romain fausse sa direction contre la Lola.
33e: Insuffisamment préparé pour ce Grand Prix, Martini est épuisé et souffre de crampes. Il préfère sagement renoncer. De Cesaris stoppe chez Tyrrell pour remplacer un bras de suspension.
34e: Prost tourne maintenant en 1'23'' et reprend plusieurs dixièmes à Hill à chaque passage.
35e: Hill bute un temps sur Blundell, ce qui permet à Prost de revenir à moins de deux secondes. Badoer subit une coupure électrique et gare sa Lola-Ferrari au niveau de la ligne de départ.
36e: Hill est gêné par Boutsen qui lui claque la porte au nez à Copse. Prost est désormais juste derrière son équipier, en mesure de prendre l'aspiration. Mais soudain, la voiture de sécurité entre en piste pour permettre l'évacuation de la voiture de Badoer, qui représenterait un danger pour les concurrents, ce qui n'est pas évident...
37e: La « Safety Car » est sur le circuit. Les voitures ralentissent et se rangent peu à peu sous ses ordres, avec interdiction de se doubler. La Lola de Badoer est tractée par un autre véhicule.
39e: Les voitures évoluent en file indienne Hill mène devant Prost, Schumacher, Senna, Brundle, Patrese, Herbert, Blundell, Warwick, Lehto, Alliot, Fittipaldi, Barrichello, Alesi, Zanardi, Boutsen et Katayama. De Cesaris est toujours bloqué aux stands.
40e: La voiture de sécurité regagne les stands et la course reprend ses droits. Les deux Williams sont roues dans roues, suivies par la Ligier de Blundell à un tour derrière elles. Hill parvient à décramponner Prost.
41e: Hill achève le meilleur tour (1'22''515''') de la journée. Il améliore ainsi le record en course établi par Mansell l'an dernier. Herbert attaque Patrese pour le gain de la sixième place.
42e: Le moteur de Hill explose peu avant le complexe. Le pilote anglais est catastrophé car il avait dominé ce Grand Prix. Prost file dès lors vers la victoire. Herbert prend la cinquième place à Patrese.
43e: La mine sombre et les bras croisés, Hill regarde les commissaires évacuer sa voiture. Le public britannique est déçu. Zanardi part en toupie dans Corner Bridge puis s'immobilise dans l'herbe. Sa Lotus a été déstabilisée par la perte d'un capteur relié à la suspension active.
44e: Prost mène désormais devant Schumacher (6.5s.), Senna (26.7s.), Brundle (28s.), Herbert (28.5s.), Patrese (30.1s.), Blundell (-1t.) et Warwick (-1t.). Boutsen renonce après avoir cassé un roulement de moyeu arrière.
45e: Les spectateurs britanniques reportent dorénavant leur attention sur Brundle et Herbert, en lutte pour la quatrième place, avec Patrese sur leurs talons, et sur Blundell et Warwick qui se disputent le septième rang.
46e: Herbert est gêné par Alliot qui peine à passer ses rapports. Patrese en profite pour doubler le pilote Lotus à Club.
48e: Prost devance Schumacher de cinq secondes. Senna a semé Brundle qui commence à perdre ses vitesses. Fittipaldi, Alesi et Barrichello se battent pour la dixième place.
50e: Schumacher reprend plusieurs dixièmes à Prost. Blundell part dans une embardée à Priory et se retrouve à contre-sens dans une échappatoire. Il parvient à reprendre la piste mais a perdu la septième place au profit de Warwick.
51e: Prost devance Schumacher (4.1s.), Senna (35.5s.), Brundle (51.8s.), Patrese (52.5s.), Herbert (52.9s.), Warwick (-1t.), Blundell (-1t.), Lehto (-1t.), Fittipaldi (-1t.), Barrichello (-1t.) et Alesi (-1t.). De Cesaris reprend la course avec beaucoup de retard.
52e: L'écart est stable entre Prost et Schumacher. Le trio Brundle - Patrese - Herbert se retrouve derrière les attardés Fittipaldi, Barrichello et Alesi. Ce dernier surprend Barrichello au freinage de Priory.
53e: Patrese se montre dans les rétroviseurs de Brundle. Herbert, en embuscade, tente en vain de surprendre l'Italien après Club.
54e: Patrese et Herbert attaquent encore Brundle. Celui-ci ralentit soudainement dans Hangar Straight. Il ne peut plus enclencher un rapport et doit renoncer. Warwick entre dans les points. De Cesaris sort de la route après Bridge, puis retrouve le bitume après avoir tondu le gazon anglais.
55e: Alesi et Barrichello sont encore en pleine bagarre, tandis qu'Herbert menace toujours Patrese.
57e: Prost compte environ cinq secondes d'avance sur Schumacher. Senna évolue à quarante secondes du leader.
58e: Patrese et Herbert sont roues dans roues. Fittipaldi renonce à cause d'un problème de boîte de vitesses.
59ème et dernier tour: Senna tombe en panne d'essence et s'arrête au niveau d'Abbey. Très en colère, il reste un temps prostré dans son cockpit avant d'ôter son volant. Il chute au cinquième rang mais demeure devant Warwick sur lequel il avait un tour d'avance. C'est la troisième année consécutive qu'il abandonne dans les derniers kilomètres sur ce tracé...
Alain Prost gagne son cinquantième Grand Prix de Formule 1. Schumacher termine deuxième devant son équipier Patrese qui grimpe enfin sur son premier podium pour Benetton. Herbert finit quatrième pour la troisième fois cette année. Senna est classé cinquième et sauve ainsi deux points. Sixième, Warwick ouvre le compteur de Footwork. Voient également l'arrivée: Blundell, Lehto, Alesi, Barrichello, Alliot et Katayama. De Cesaris achève l'épreuve à seize tours du vainqueur et n'est donc pas classé.
Après la course: 50 trophées pour Prost
Alain Prost a peut-être triomphé grâce à l'abandon de son coéquipier, mais il est bien entendu ému par cette cinquantième victoire. Pour lui, il s'agit de l'aboutissement d'une longue carrière faite d'efforts permanents: « Pour moi, qui me suis fixé des challenges depuis mon entrée en compétition, cette étape historique est évidemment très importante. Je ne vais pas bouder mon plaisir. Mais je suis seul à mesurer tout ce que représente ce total en matière de travail au jour le jour, de tracas, de soucis permanent, de préparation physique. J'ai appris, une fois pour toutes, à me remettre constamment en question. Et d'ici la soixantième, que j'espère bien atteindre un jour, je dois encore beaucoup travailler. » Évidemment, Prost prie pour que ce 50ème succès, et les quatre précédents, ne lui soient pas ôtés par la FISA...
Pendant ce temps-là, Damon Hill remâche sa déception au British Racing Drivers Club. Après Barcelone, c'est la deuxième fois cette saison que l'Anglais est trahi par un V10 Renault. « Je n'ai rien vu venir », lâche-t-il. « Le moteur a pris feu d'un coup. Je me suis brutalement senti vidé, retourné... C'est rageant non ? Vous faites tout pour réussir et un truc pareil vient vous stopper ! J'ai quand même eu le bonheur de couvrir les quarante plus beaux tours de ma carrière... » Hill est meurtri par cet échec, mais la maestria avec laquelle il a dominé son épreuve nationale avant son abandon prouve qu'il est bien le digne héritier de son père. La chance va bien finir par tourner... Toutefois, Hill Jr., qui cache sa sensibilité derrière un humour pince-sans-rire, s'irrite quelque peu de voir sa propre équipe le sous-estimer. On se souvient des propos de Frank Williams avant la course. Dimanche soir, Bernard Dudot affirme que Prost aurait gagné même sans l'abandon de Hill: « De par les données de la télémétrie, je pense qu'Alain l'aurait emporté à la régulière. Il en avait plus sous le pied. Dommage que le combat n'ait pas eu lieu. » On ne le saura jamais...
Branle-le-bas de combat chez McLaren. Ayrton Senna, furibond après sa panne d'essence, enguirlande ses mécaniciens tandis que Ron Dennis voit avec désolation Benetton se rapprocher dangereusement au championnat des constructeurs. Il convoque Senna et Andretti pour des essais privés intensifs à Magny-Cours. Depuis le début de l'année, le champion brésilien laissait Andretti et Häkkinen participer à ces tests. Il est cette fois réquisitionné dans l'urgence.
Enfin, Flavio Briatore est content de voir ses deux Benetton-Ford sur le podium pour la première fois de la saison. Alors que Michael Schumacher affirme qu'il ne pouvait pas aller chercher les Williams à la régulière, Riccardo Patrese retrouve le sourire après une première moitié de championnat cauchemardesque. « Depuis Kyalami, le team me soutient magnifiquement malgré mes soucis », soutient l'Italien. Puisqu'il le dit...
Prost se détache en tête du championnat du monde, avec 67 unités contre 47 à Senna. Schumacher (30 pts) prend la troisième place à Hill (28 pts). Au classement des constructeurs, Williams possède maintenant 45 longueurs d'avance sur McLaren et sera difficilement rattrapable. A condition, bien sûr, que la politique ne s'en mêle pas...
Tony