Alain PROST
 A.PROST
McLaren Honda
Ayrton SENNA
 A.SENNA
McLaren Honda
Thierry BOUTSEN
 T.BOUTSEN
Benetton Ford Cosworth

458o Gran Premio

VII Detroit Grand Prix
Soleado
Detroit
domingo, 19 de junio de 1988
63 vueltas x 4.023 km - 253.449 km
Affiche
F1
Coupe

¿Lo sabían?

Piloto
Constructore
Motor

Chrysler: le rêve américain de Gérard Larrousse

Dès leur arrivée à Détroit, Didier Calmels et Gérard Larrousse se rendent au Chrysler Center, à Highland Park, flanqués d'Emile Novaro, le président-directeur-général de Lamborghini. Leur équipe bénéficiera en effet l'an prochain du futur moteur V12 Lamborghini préparé par Mauro Forghieri. L'accord est scellé en présence de Robert A. Lutz, le président de Chrysler Motor Corporation. Ce partenariat s'inscrit dans le cadre d'une stratégie de reconquête du marché européen par la firme américaine. Larrousse et Calmels ont remporté une bataille qui les opposait à March, autre client éventuel de Chrysler-Lamborghini. Robin Herd avait pourtant âprement négocié avec M. Lutz. Mais, quelques jours avant ce Grand Prix, Akira Akagi, le propriétaire du conglomérat Leyton House, a racheté 20 % du Groupe March. Or l'excentrique homme d'affaires nippon ne veut pas entendre parler d'un moteur italien ou américain pour ses bolides. La voie s'est ouverte pour le duo français qui ne compte pas s'arrêter en si bon chemin. « Je me promets de voir figurer le nom de Chrysler sur nos voitures ! » s'enflamme Calmels.

 

Dans le même temps, Philippe Streiff reçoit la visite de l'ancien athlète Roger Bambuck, secrétaire d'État aux Sports du nouveau gouvernement français. Bien qu'il ait fait campagne pour Jacques Chirac lors de la récente élection présidentielle (à l'instar d'Alain Prost et de Philippe Alliot), le Grenoblois espère attirer les faveurs de la Mitterrandie sur AGS. « Nous ne touchons rien du Fonds national de développement sportif, à l'inverse de Ligier et de Larrousse. Nous méritons d'être aidés comme les autres. Notre budget est serré... » explique-t-il au jeune ministre.

 

Présentation de l'épreuve

La caravane des poids lourds de chaque écurie atteint le Michigan après un long périple commencé à Mexico avec une étape à Montréal. Les hommes et les mécaniques sont épuisés. Lotus apporte une nouvelle version de la 100T, confiée à Nelson Piquet. Gérard Ducarouge a rallongé l'empattement par une entretoise entre le moteur et la boîte afin de mettre plus de poids sur les roues avant et donc de corriger le sous-virage. Les Ligier disposent à nouveau de la direction hydraulique pourtant rejetée jusque-là par Johansson. Les Benetton possèdent des porte-moyeux postérieurs inédits pour permettre une meilleure exploitation des suspensions. Mais une évolution de plus grande envergure est annoncée par Rory Byrne pour le GP de France.

 

Les moteurs Judd causent toujours bien des soucis à Williams, Ligier et March. Selon le journaliste Jeff Hutchinson, ceux-ci crachent de l'huile dans les décanteurs, d'où des fuites et des pannes inévitables. Chez March, on branche une pompe pour remettre cette huile en circulation.

 

Enzo Ferrari s'affaiblissant de plus en plus, la guerre de succession vient de commencer à Maranello. Son fils illégitime Piero Lardi vient d'être nommé vice-président du Groupe Ferrari par Gianni Agnelli, mais il s'agit en fait d'une mise sur la touche car il perd la direction sportive qu'il occupait jusqu'ici. En coulisse, Cesare Fiorio, le directeur de la compétition de Lancia et Alfa Romeo, s'active pour obtenir la place de Marco Piccinini dont le sort est étroitement lié à Enzo Ferrari... Agnelli attend semble-t-il la disparition de celui-ci pour régler le sort du « cardinal », par ailleurs approché par Jean-Marie Balestre pour intégrer les instances fédérales.

 

Chez Minardi, après trois non-qualifications successives, Adrián Campos a perdu l'appui de Lois, le commanditaire espagnol de l'écurie qui a trouvé un bien meilleur représentant en Luis Pérez-Sala. Il est remplacé par Pierluigi Martini, pour lequel il s'agit d'un retour aux sources puisqu'il a fait ses débuts en Grand Prix chez Minardi en 1985. Il avait alors acquis le peu flatteur sobriquet de « Martini on the rocks »... Entretemps il a bourlingué en Formule 3000, avec quelque succès. Giancarlo Minardi a aussi songé à engager Patrick Tambay, mais celui-ci préfère se contenter de son poste de consultant pour Canal Plus.

 

L'enfer de Détroit: Modena et Capelli blessés

« Le Grand Prix où personne ne veut aller », ainsi Philippe Alliot qualifie ce rendez-vous de Détroit. Ce dédale composé de routes défoncées, de plaques d'égout et de voies de chemin de fer, encadré par de terribles murs de béton, suscite l'exaspération parmi les pilotes. « Je croyais avoir vu le pire à Montréal, et j'ai déjà tout oublié... » constate le néophyte Yannick Dalmas. Les sorties de route sont innombrables lors des essais du vendredi. Chargé d'embarquer une caméra pour le compte du réalisateur Alain Boisnard, Nelson Piquet fracasse aussitôt sa Lotus contre le rail en tentant de doubler René Arnoux !

 

Deux accidents plus sérieux se produisent samedi. En début d'après-midi, Stefano Modena perd le contrôle de son Eurobrun dans le double-gauche dit « Chrysler Drive » et percute le muret en marche arrière. Le choc est très rude puisque seule la boîte de vitesses ébrèche un bloc de béton de deux tonnes. Modena a le souffle coupé et perd un instant connaissance avant d'être hospitalisé. Il ne souffre heureusement que de quelques contusions et dort une nuit à l'hôpital, en observation.

 

Une heure plus tard, c'est Ivan Capelli qui dérape en sortant de la petite chicane. La March en perdition pique vers la gauche et heurte le mur à 200 km/h, à la hauteur des stands McLaren et Lotus. Les débris volent dans tous les sens et sèment la panique. Une roue arrachée balaie tout sur son passage: ordinateurs, moniteurs Longines etc. Elle frôle de quelques centimètres Anne Boisnard, la chronométreuse d'Alain Prost. Par miracle, on ne relève que des blessés légers: deux mécaniciens, un commissaire et un pompier, victimes des projectiles. « Si je ne m'étais pas baissé, je serais peut-être un homme mort », soupire Gérard Ducarouge, en première ligne au moment de l'impact. Les secours se précipitent sur Capelli qui s'est évanoui sous la violence du choc. Il rejoint Modena au centre médical où les rayons X lui décèlent une petite fracture au pied gauche. Le jeune Italien fait peu après son retour dans le paddock appuyé sur des béquilles, une peluche accrochée à son plâtre !... Il se vante de pouvoir participer à l'épreuve du lendemain, mais les médecins ne lui donneront pas le feu vert.

 

Cette série d'incidents ne plaide évidemment pas en faveur du maintien d'un Grand Prix à Détroit. Bernie Ecclestone s'empare du dossier et soumet à la municipalité un corpus d'exigences pour que l'événement soit maintenu en 1989: construction de garages, de stands en dur, d'infrastructures décentes pour les journalistes et les sponsors, resurfaçage de la piste etc. Le maire Coleman Young propose quant à lui de déménager l'épreuve à Belle Isle, une île artificielle située sur la Detroit River et qui accueille actuellement un parc d'attraction. Mais il n'est pas suivi par son conseil municipal qui juge ce projet beaucoup trop onéreux. Selon toute vraisemblance, la Formule 1 ne reviendra donc plus à Détroit... et personne ne s'en plaindra !

 

Essais et qualifications

Les qualifications se déroulent sous une très forte chaleur, et comme souvent ici le bitume commence à fondre... Les commissaires ramassent des graviers à la pelle sur les bas-côtés ! Tarquini connaît une crevaison et une panne d'embrayage lors de la séance de pré-qualification, et est donc le premier éliminé du week-end.

 

Senna réalise une nouvelle démonstration en milieu urbain et conquiert sa sixième pole position consécutive avec aisance (1'40''606'''). Gêné par le trafic, Prost se contente de la quatrième place. Les Ferrari de Berger (second) et d'Alboreto (troisième) s'intercalent entre les McLaren. La Scuderia espère jouer les trouble-fêtes, mais le temps de réponse de son V6 est trop long pour cette piste tortueuse. Les Benetton (Boutsen 5ème, Nannini 7ème) sont contraintes de briller à « Ford Land » mais sous-virent excessivement. Williams commence à être à court de moteurs Judd... Mansell (6ème) casse encore un V8 tandis que Patrese, prudent, se contente du dixième chrono. Pis encore, la suspension réactive de la FW12 se montre très fragile. Mansell est ainsi victime d'un bris à haute vitesse mais parvient, par miracle, à éviter les glissières... La Lotus de Piquet (8ème) n'enregistre aucun progrès, et de toute façon le Carioca n'est pas décidé à forcer l'allure sur ce tracé qu'il maudit. Son collègue Nakajima (28ème), décidément peu à l'aise en ville, ne parvient même pas à se qualifier. « Satoru est en haute mer... » soupire Peter Warr.

 

Du côté d'Arrows, Warwick (9ème) devance Cheever (15ème), victime d'ennuis mécaniques. Streiff qualifie l'AGS-Ford au onzième rang, juste devant la Rial de de Cesaris. Gugelmin (13ème) se plaint de la faible adhérence de la seule March encore en lice. Chez Larrousse, Alliot (14ème) connaît de bons essais, contrairement à Dalmas (25ème) qui déplore le comportement asymétrique de sa Lola. Martini effectue un brillant retour en signant le seizième chrono avec la Minardi, loin devant un Pérez-Sala (26ème) complétement déboussolé par ce circuit semé d'embûches. Les lentes Tyrrell (Palmer 17ème, Bailey 23ème) côtoient des Ligier (Johansson 18ème, Arnoux 20ème) toujours très instables. Modena conserve sa dix-neuvième place malgré son accident. Son compère Larrauri est vingt-quatrième. Caffi se classe vingt-et-unième avec la Dallara.

 

Les Zakspeed de Schneider (29ème) et de Ghinzani (30ème) ne sont pas qualifiées, tout comme l'Osella de Larini (27ème), victime de problèmes de wastegate. Mais le forfait de Capelli permet finalement à son jeune compatriote d'être admis au départ.

 

Le Grand Prix

Ligier attendait pour ce dimanche de nouveaux moteurs Judd envoyés d'Angleterre mais, suite à une erreur d'aiguillage, ceux-ci ont atterri à Boston... Durant la nuit, les organisateurs font couler du ciment sur les portions endommagées de l'asphalte, afin d'éviter un émiettement prévisible sous l'effet de la canicule. Stefano Modena est sorti de l'hôpital pour s'installer dans son Eurobrun, avec toutefois une minerve autour du cou.

 

La course se déroule devant 61 000 spectateurs, majoritairement acquis à Ayrton Senna. Le mercure affiche près de 40°C. Les pneus seront soumis à rude épreuve et pourraient être changés au moins une fois. Les Ferrari usent particulièrement leurs gommes arrière et Marco Piccinini reconnaît prévoir deux arrêts. Les freins seront aussi sollicités, mais malgré tout Prost et Senna partent avec les disques les plus minces. Le Brésilien a d'autres soucis en tête: il souffre d'une grippe à cause de l'air conditionné de sa chambre d'hôtel !

 

Mansell tombe en panne de transmission à l'entame de son tour d'installation. Pris en stop par un Cheever généreux, il parvient à regagner les stands à temps pour grimper dans son mulet.

 

Départ: Senna réussit son envol, mais Berger démarre mieux et se porte à sa hauteur. Néanmoins le Brésilien, mieux placé à la corde, conserve la première place au freinage. Prost tente de déborder Alboreto au virage n°2, sans succès.

 

1e: Boutsen surprend Prost au troisième virage. Le peloton est très agité, mais aucune collision n'est à déplorer. Senna mène devant Berger, Alboreto, Boutsen, Prost, Nannini, Mansell, Warwick, Patrese et Piquet. Palmer entre aux stands pour faire changer sa calandre endommagée dans une touchette.

 

2e: Les deux Ferrari suivent le rythme de Senna. Prost repasse devant Boutsen.

 

3e: Prost remonte sur les Ferrari, entraînant Boutsen avec lui. Nannini et Mansell sont à trois secondes de la Benetton n°20. Johansson abandonne à cause d'une surchauffe de son moteur.

 

4e: Senna s'enfuit devant Berger. Prost revient sur les talons d'Alboreto et fixe le meilleur tour de la course à 1'44''836'''. Ce chrono ne sera pas battu car la piste va se détériorer très rapidement...

 

5e: Prost dépasse Alboreto à la sortie du tunnel. Boutsen menace à son tour le pilote italien. Alliot exécute un tête-à-queue et chute du seizième au vingt-deuxième rang.

 

6e: Prost double Berger sans difficulté. Le Français roule à six secondes et demie de Senna. En fin de tour, Boutsen est dans les roues des deux Ferrari.

 

7e: Alboreto fait l'extérieur à Berger au bout de Larned Street. Au même instant, Boutsen se glisse dans le sillage de l'Italien, mais Berger lui coupe la trajectoire et heurte l'avant de la Benetton avec sa roue arrière-gauche. L'Autrichien ralentit, puis s'arrête dans une échappatoire avec un pneu crevé. Modena est aux stands pour faire réparer sa boîte de vitesses bloquée.

 

8e: Boutsen dépasse Alboreto et s'empare ainsi de la troisième place. L'Italien ne bénéficie d'aucun répit car Nannini et Mansell surgissent derrière lui. Patrese prend la septième place à Warwick. Larini tombe en panne de moteur et stoppe son Osella en pleine piste. Les drapeaux jaunes sont agités dans le premier secteur. Berger regagne les stands à pied.

 

9e: A Larned Street, Nannini attaque Alboreto par l'intérieur. Le Milanais ferme la porte au Siennois qui le percute l'envoie en tête-à-queue. Bloqué en travers de la route, Alboreto parvient à repartir au prix d'une périlleuse marche arrière.

 

10e: Senna mène devant Prost (6.1s.), Boutsen (17s.), Nannini (22.2s.), Mansell (23.5s.), Patrese (28.2s.), Warwick (45s.) et de Cesaris (49s.). Streiff déborde Piquet mais se frotte à la Lotus en exécutant sa manœuvre. Il peut néanmoins poursuivre son effort. Alboreto est au stand Ferrari pour changer de pneus. Il ressort en vingt-deuxième position devant... les deux Benetton.

 

12e: Nannini ressent des vibrations à l'avant-droit, conséquence de la collision avec Alboreto. Cheever s'arrête chez Arrows pour faire examiner son boîtier électronique.

 

13e: De Cesaris prend la septième place à Warwick dont le moteur a des ratés.

 

14e: Senna devance Prost (8.1s.), Boutsen (18s.), Nannini (26s.), Mansell (28.3s.), Patrese (35s.) et de Cesaris (1m. 01s.). Streiff chipe la huitième place à Warwick. Derrière eux vient un peloton comprenant Piquet, Gugelmin, Arnoux, Martini et Caffi.

 

15e: Nannini rentre à son garage. Ses mécaniciens décèlent une fissure sur son porte-moyeux avant-droit tandis que ses disques de frein crient grâce. Le jeune Italien renonce. Martini et Caffi ont doublé Arnoux.

 

16e: La Lotus de Piquet est dépourvue d'adhérence. Le Carioca laisse passer Gugelmin, puis Martini et Caffi. Streiff se débat avec des pneus déjà abîmés et une biellette de direction endommagée. Il heurte un muret et plie sa suspension arrière-droite. Le Grenoblois doit cette fois-ci abandonner.

 

17e: Senna a sept secondes d'avance sur Prost. Warwick s'arrête à son stand pour faire remplacer sa centrale de gestion et redémarre en quatorzième position.

 

19e: L'hécatombe continue: Mansell s'immobilise suite à un dysfonctionnement de son boîtier électronique. Cheever quitte aussi la course, son moteur ne cessant de ratatouiller.

 

20e: Senna remonte sur Piquet. Celui-ci prend bien tout son temps pour laisser passer son rival et lui coupe la route à l'entrée d'un virage... avant de s'effacer. Juste devant les Brésiliens, Caffi attaque Martini pour la septième place.

 

21e: Senna mène devant Prost (9.6s.), Boutsen (26s.), Patrese (52.7s.), de Cesaris (1m. 23s.), Gugelmin (1m. 43s.), Martini (-1t.), Caffi (-1t.), Piquet (-1t.) et Arnoux (-1t.). Alboreto est quinzième.

 

23e: Senna prend un tour à Gugelmin. Prost roule à huit secondes du Brésilien.

 

25e: Piquet s'arrête chez Lotus pour changer ses pneumatiques. Warwick regagne son stand au petit trot. Ses mécaniciens vont à nouveau remplacer son boîtier électronique.

 

26e: Bailey commet une erreur et se retrouve bloqué dans une échappatoire. Il est renvoyé en piste par les commissaires.

 

27e: Senna devance Prost (7.9s.), Boutsen (46.6s.), Patrese (1m. 15s.), de Cesaris (-1t.) et Gugelmin (-1t.).

 

28e: Patrese se gare sur Atwater Street en panne de moteur. Piquet part en tête-à-queue au virage n°3 et s'immobilise face au béton. Il cale, ce qui met un terme à son calvaire. Les commissaires évacuent la Lotus.

 

29e: Gêné par le trafic, Prost concède environ une seconde par tour à Senna, toujours plus prompt à se défaire des attardés. Par ailleurs, la piste part peu à peu en lambeaux. Les rafistolages de la nuit n'ont pas tenu le coup...

 

30e: Senna mène devant Prost (12.6s.), Boutsen (1m.), de Cesaris (-1t.), Gugelmin (-1t.), Martini (-1t.), Caffi (-1t.), Arnoux (-1t.), Palmer (-1t.) et Dalmas (-1t.). Larrauri renonce avec une boîte de vitesses bloquée.

 

32e: Senna creuse l'écart sur Prost: treize secondes les séparent. Palmer exécute un tête-à-queue après le tunnel. Comme son équipier, il repart avec l'aide des commissaires. Il perd deux places au bénéfice de Dalmas et d'Alboreto. Warwick reprend la piste.

 

34e: L'accélérateur de Warwick se coince et le Britannique heurte une glissière avec sa roue avant-gauche. Il stoppe dans une échappatoire. C'est son premier abandon de l'année.

 

35e: Senna domine devant Prost (15.8s.), Boutsen (1m. 25s.), de Cesaris (-1t.), Gugelmin (-1t.), Martini (-1t.), Caffi (-1t.) et Arnoux (-1t.).

 

36e: De la fumée s'échappe de la March de Gugelmin. Le moteur Judd se consume. Le jeune Brésilien s'arrête sur le bas-côté. Caffi entre dans les points.

 

38e: Senna poursuit sa marche en avant et possède maintenant vingt-et-une secondes de marge sur Prost.

 

39e: Prost s'arrête aux stands pour changer de pneumatiques et repart en deuxième position, cinquante secondes derrière son coéquipier.

 

40e: La principale lutte oppose Caffi à Arnoux pour la sixième place.

 

41e: Senna arrive chez McLaren pour changer ses Goodyear (10.7s.). Il repart avec une très large avance sur son compagnon d'écurie. Celui-ci se fait une chaleur en frôlant un rail de quelques centimètres.

 

43e: Senna compte trente-six secondes de marge sur Prost qui désormais se contente de rallier l'arrivée.

 

45e: Senna mène devant Prost (36.9s.), Boutsen (1m. 41s.), de Cesaris (-1t.), Martini (-1t.), Caffi (-2t.) , Arnoux (-2t.), Alboreto (-2t.), Palmer (-2t.) et Dalmas (-2t.).

 

47e: L'intervalle se creuse entre les McLaren. Quarante secondes les séparent dorénavant. Alboreto dépasse Arnoux et remonte dangereusement sur Caffi.

 

48e: Alboreto porte l'estocade à Caffi, mais il s'appuie contre la Dallara et part en tête-à-queue. Cette fois-ci il ne repartira pas. Caffi a endommagé sa calandre dans la collision et ralentit. Arnoux récupère la sixième place, mais pour quelques secondes seulement car son moteur Judd rend l'âme un peu avant le tunnel.

 

49e: Caffi s'arrête chez la Scuderia Italia pour changer de museau. Il ressort en septième position. Palmer occupe désormais la sixième place. Alliot abandonne à cause d'un problème de transmission. Il était neuvième.

 

50e: Prost accuse un retard de quarante-quatre secondes sur Senna. Palmer remonte sur Martini. Modena quitte la route dans une courbe et fracasse son Eurobrun contre le mur. Il n'y a plus que dix voitures en piste.

 

51e: Senna prend un tour à Boutsen. Seules les deux McLaren roulent encore dans la même boucle. Boutsen n'a rien à craindre pour sa troisième place car il compte plus d'une minute d'avance sur de Cesaris.

 

53e: Caffi tire tout droit à Saint Antoine Street. Plutôt que de renoncer, il demande aux commissaires de le remettre sur la piste ! Trois gars courageux poussent ainsi la Dallara pendant que quelques bolides les frôlent à 200 km/h ! Pendant ce temps-là, Palmer prend la cinquième place à Martini.

 

54e: Senna précède Prost (52.2s.), Boutsen (-1t.), de Cesaris (-1t.), Palmer (-2t.), Martini (-2t.), Dalmas (-2t.), Caffi (-2t.), Bailey (-3t.) et Pérez-Sala (-3t.).

 

56e: L'asphalte est très abîmé et n'offre plus aucune adhérence. Senna et Prost diminuent leur cadence afin de ne pas prendre de risques inutiles.

 

58e: Pérez-Sala range sa Minardi sur le bas-côté suite à la rupture d'un arbre de boîte. Dans les tribunes, les supporteurs brésiliens agitent leurs drapeaux nationaux en l'honneur de Senna.

 

59e: Senna a levé le pied et se laisse dédoubler par Palmer. Celui-ci remonte sur de Cesaris et espère le pousser à la panne sèche.

 

60e: Senna précède Prost (59s.), Boutsen (-1t.), de Cesaris (-1t.), Palmer (-1t.) et Martini (-2t.).

 

61e: Bailey dépasse Caffi qui a cassé un échappement et perd du régime moteur.

 

62e: Boutsen est revenu derrière Senna, mais ne le dépassera pas pour ne pas effectuer un tour supplémentaire. En revanche, Martini se dédouble.

 

63ème et dernier tour: Bailey tape le rail à Washington Avenue. Il quitte sa Tyrrell complétement épuisé et déshydraté car la pipette de sa bouteille d'eau ne fonctionnait pas.

 

Ayrton Senna remporte pour la troisième fois consécutive le GP de Détroit. Prost termine deuxième. C'est le troisième doublé consécutif des McLaren-Honda. Boutsen est troisième: le podium est ainsi exactement le même qu'à Montréal. De Cesaris termine quatrième et inscrit les premiers points de l'écurie Rial. C'est aussi la première fois que l'Italien voit le drapeau à damiers depuis le... GP du Mexique 1986 ! Palmer finit cinquième après une course épique. Martini inscrit le premier point de l'écurie Minardi, au bout de trois saisons et demie de Formule 1. Dalmas et Caffi rallient aussi l'arrivée.

 

Après la course

Ayrton Senna a su faire la différence sur cette piste très piégeuse en ne relâchant jamais son effort. Au contraire, Alain Prost n'a jamais tenté le diable. « C'était très glissant et remonter Senna aurait été trop risqué, explique-t-il. Par deux fois j'ai d'ailleurs eu très peur de toucher le mur. Il était plus sage de baisser ma cadence et d'assurer la seconde place. C'était d'ailleurs le but que je m'étais fixé en arrivant ici. » Prost n'a en effet jamais visé la victoire à Détroit, pas plus qu'à Montréal, tracés où son équipier est souverain. « Au Ricard, Silverstone, Hockenheim et Monza, vous retrouverez le Prost de Mexico ! » promet-il en souriant. Une expression qui se fait de plus en plus rare sur son visage. Le double champion du monde avoue volontiers que l'ambiance chez McLaren est devenue plus tendue, plus sérieuse depuis l'arrivée de Senna. Il n'évolue plus dans un cocon et en souffre plus qu'on ne le croit.

 

Ayrton Senna affiche bien entendu sa satisfaction: « Cette course fut très éprouvante, physiquement et moralement. La concentration fut difficile à garder d'un bout à l'autre. Par chance, l'avance que je m'étais construite m'a permis de réduire ma cadence lorsque la piste s'est dégradée. C'était si mauvais que je bloquais mes freins avant ou arrière à chaque freinage ! »

 

Le « troisième homme » Thierry Boutsen s'affirme quant à lui comme le « meilleur des autres ». « Ma voiture fut parfaite du début à la fin ! » proclame le Bruxellois qui regrette la fiabilité des McLaren...

 

Au classement général, Senna (33 points) revient sur Prost (45 pts). Chez les constructeurs, McLaren-Honda totalise maintenant 78 points contre 27 à Ferrari. Grâce à ce deuxième podium de Boutsen, Benetton-Ford-Cosworth se retrouve troisième, à égalité avec Lotus-Honda.

 

La physionomie du championnat 1988 prend forme peu à peu. Les McLaren-Honda MP4/4 ont remporté les six premières manches de la saison et pourraient donc bien réaliser le « grand chelem » comme l'a proclamé Ron Dennis. La couronne mondiale se jouera bien entendu entre Alain Prost et Ayrton Senna. Cependant, à cause de l'excellente fiabilité de la McLaren et du barème en vigueur qui ne prend en compte que les onze meilleurs résultats de la saison, le champion du monde ne sera pas celui qui inscrira le plus de points, mais celui qui remportera le plus de courses. Pour l'heure, les deux rivaux sont à égalité, trois partout.

 

Ce dimanche soir, après cette éprouvante tournée nord-américaine, tous les pilotes reprennent soulagés l'avion pour l'Europe... Tous, sauf un. Arrivé en retard au Kennedy Airport, Andrea de Cesaris a voulu grimper de force dans le TWA 848 New York - Rome. Le bouillant Italien en vient aux mains avec des policiers. Il passe la nuit au poste de police de l'aéroport. « Ce n'était pas pire que le circuit de Détroit... » commente-t-il le lendemain matin, en sortant de cellule...

Tony