Dramatique accident de rallye pour Marc Surer
Toujours très éclectique, Marc Surer participe le 31 mai 1986 en amateur au rallye de Hesse avec une Ford Escort RS200 qu'il partage avec son copilote et ami Michel Wyder. Malheureusement, ce qui devait être une simple distraction vire au drame lorsque Surer perd le contrôle de sa Ford qui s'écrase contre un arbre et s'embrase instantanément. Si le Suisse est éjecté par la force de l'impact, il n'en va pas de même du pauvre Wyder qui reste prisonnier du brasier et périt brûlé vif. Souffrant de nombreuses brûlures et de multiples fractures aux jambes et au bassin, Surer est hospitalisé en soins intensifs à Giessen. Il reste deux semaines dans un état critique. Il parvient finalement à s'en sortir, mais sa convalescence et la mort de son ami l'éloignent à tout jamais de la compétition automobile.
Évoluant aussi bien en monoplace qu'en Endurance ou en rallye, Marc Surer appartenait à cette race de brillants pilotes « touche à tout » en voie de disparition dans ces années 1980. En Formule 1, il n'eut hélas jamais la possibilité d'exprimer son talent, mais réalisa tout de même quelques coups d'éclat, comme sa brillante quatrième place sous la pluie lors du GP du Brésil 1981, au volant d'une modeste Ensign.
Cette saison 1986 est décidément marquée par de nombreuses tragédies. Dans la nuit du 1er juin, lors des 24 heures du Mans, le pilote autrichien Jo Gartner, aperçu en 1984 chez Osella, se tue dans la ligne droite des Hunaudières au volant d'une Porsche 962. Il avait 32 ans.
Révolte fiscale des pilotes
Les pilotes de Formules 1 sont bouleversés en arrivant à Montréal... car on touche à leurs portefeuilles ! Ils apprennent avec stupeur que le fisc américain leur réclame un impôt forfaitaire sur les primes reçues à l'occasion des Grands Prix de Détroit 84 et 85... et les arriérés pourraient remonter à 82 ! La justice américaine prévoit de taxer 1/16ème du salaire annuel de chaque pilote, à raison de 30 % qui reviendront au Trésor. L'évasion fiscale étant considérée comme un véritable crime aux USA, les pilotes prennent peur: comment diable pourront-ils être ponctionnés, alors que tous n'ont pas disputé les Grands Prix en question, ni les seize courses inscrites aux calendriers de ces années-là ? Les esprits s'échauffent. Nelson Piquet parle de boycotter le GP des États-Unis qui doit se tenir huit jours plus tard. Bernie Ecclestone s'empare du dossier et entame des négociations avec le gouvernement américain.
Selon quelques journalistes avertis, cette offensive fiscale serait une vengeance du CART contre la FISA qui interdit aux licenciés non-américains de disputer une épreuve de ce championnat sous peine de radiation.
Présentation de l'épreuve
Alain Prost appréhende cette tournée nord-américaine car il n'a jamais remporté de course au Canada et aux États-Unis. Pourtant, il aborde l'épreuve de Montréal avec le statut de favori car ce tracé pose de graves problèmes de consommation d'essence, plus encore qu'Imola, et le Français est réputé pour être le meilleur stratège de peloton avec Nelson Piquet.
Le Carioca ne cesse d'être dérouté par sa nouvelle équipe. En rejoignant Williams, il croyait en effet hériter du rang de premier pilote incontesté qu'il occupait chez Brabham. Or il s'aperçoit que les mécaniciens britanniques sont largement acquis à Nigel Mansell. Pire encore, le concepteur de la FW11 Patrick Head se consacre exclusivement à la mise au point de la voiture du moustachu de l'Île de Man, laissant Piquet se débrouiller avec son adjoint Frank Dernie. Il est vrai que Nelson est beaucoup plus doué dans cet exercice que Nigel... Mais les relations entre les deux coéquipiers se dégradent. Pensant évoluer dans un milieu hostile, Piquet se caparaçonne en jouant les fanfarons devant les journalistes. Il multiplie les piques à l'égard de son rival qu'il traite d'« idiot », feignant de le mépriser et de le sous-estimer. Mansell ne lui réplique pas et se concentre sur son pilotage. Et cela semble payer, puisque depuis sa victoire en Belgique il précède Piquet au championnat du monde.
Arrows n'annonce que très tard le nom du remplaçant de Marc Surer. BMW est à la manœuvre et écarte les candidatures d'Eddie Cheever et d'Alain Ferté, pour porter son choix sur Christian Danner. Enzo Osella accepte de libérer l'Allemand moyennant un chèque de dédommagement en provenance de Munich. Or, vendredi matin, lorsque Danner s'installe dans l'Arrows, il est tout simplement arrêté par les commissaires sportifs car Osella n'a pas reçu l'argent prévu. Danner doit poursuivre son week-end avec la petite Scuderia. Il n'y aura donc qu'une seule Arrows au départ du Grand Prix.
L'ingénieur de la FISA Gabriele Cadringher préside une réunion des constructeurs afin de débattre de la future motorisation des Formules 1. Comment réduire leur puissance à 600 chevaux ? Aucun consensus n'émerge. Ferrari souhaite conserver la réduction de la cylindrée mais consentirait à l'installation d'une soupape de décharge sur les turbos, solution préconisée par Renault et Motori Moderni. Ford et BMW défendent eux l'idée d'une bride. Dominant actuellement le championnat, Honda soutient évidemment le statu quo. La FISA devra donc trancher dans le vif, ce qui signifie concrètement qu'une nouvelle fois la décision reviendra à Jean-Marie Balestre, Bernie Ecclestone et Marco Piccinini, le « triumvirat » qui gouverne la Formule 1 depuis 1982.
La Williams FW11 reçoit des bras de suspension arrière de forme ovale afin d'améliorer la circulation du flux d'air. On voit apparaître sur la McLaren un double circuit d'alimentation d'essence par rangée de cylindres alors qu'il n'y avait précédemment qu'une seule arrivée. Ayrton Senna retrouve sa Lotus à correcteur d'assiette hydraulique et porte-moyeux postérieurs plus rigides. En revanche Johnny Dumfries poursuit avec la modèle hybride et instable aperçu à Spa. Ferrari a nommé un nouveau responsable pour ses moteurs, l'ingénieur Enea Spallanzani. La 186 arborent des extracteurs modifiés avec échappements séparés, selon le procédé inventé par Renault en 1983. Les turbos Garrett sont dorénavant utilisés en essais comme en course.
Brabham tente toujours d'améliorer sa BT55 et a essayé à Donington des pontons modifiés afin de reporter le poids sur l'arrière. A Montréal les deux voitures ont une nouvelle suspension avant à triangles plus étroits. Benetton utilise depuis Spa des fixations de jupes semi-flexibles sur les cloisons marginales de l'aileron avant, un dispositif agréé par Gabriele Cadringher. Chez Tyrrell, Philippe Streiff utilise la 014 car il a démoli sa 015 lors d'essais à Brands-Hatch. Ken Tyrrell n'a pas manqué de remonter les bretelles du jeune Français, très brouillon depuis le début de la saison. La voiture de Martin Brundle est équipée de doubles disques en carbone.
Les qualifications
Les essais du vendredi se déroulent sous une pluie diluvienne qui permet à Ayrton Senna de faire encore une fois étalage de son incomparable adresse sur le mouillé.
La lutte pour la pole oppose Senna à Mansell. Le Britannique l'emporte finalement avec un chrono d'1'24''118''', sept centièmes devant le Brésilien. Piquet se classe troisième à seulement deux dixièmes de son équipier. La gestion électronique des V6 TAG-Porsche a été modifiée, ce qui ne donne pas satisfaction à Prost (quatrième) et Rosberg (sixième) qui se plaignent d'un régime descendant trop bas. Les Ligier-Renault (Arnoux cinquième, Laffite huitième) sont de parfaits outsiders. Chez Benetton, Berger sauve les meubles avec une septième place. Fabi (15ème) sort violemment de la piste vendredi et se qualifie avec un modèle de rechange. Les Brabham sont toujours aussi instables et la plage d'utilisation de leur moteur BMW est trop faible. Patrese et Warwick parviennent tour de même à se qualifier en cinquième ligne. Les Ferrari cassent six turbos lors des essais ! Le doublé de l'an passé paraît loin... Alboreto se classe onzième, Johansson dix-huitième. Boutsen place la seule Arrows engagée au douzième rang. Les Lola-Ford de Jones et de Tambay occupent la septième rangée. Dumfries est seizième au volant de la Lotus version Spa. Streiff (17ème) place sa vieille Tyrrell deux rangs devant Brundle qui accumule les avaries. On retrouve ensuite les Minardi, Nannini devant de Cesaris, Palmer dans sa Zakspeed tandis que celle de Rothengatter s'intercale entre les Osella de Ghinzani et de Danner.
Le Grand Prix
Lors de l'échauffement, Tambay est victime d'un crash spectaculaire dans le premier S qui suit les stands, sa Lola rebondissant d'un mur à l'autre après un bris de suspension. Le Français s'en tire avec des contusions et des écorchures aux pieds et est obligé de déclarer forfait. Il restera deux jours à l'hôpital de Montréal.
Tour de formation: Palmer ne parvient pas à démarrer et doit partir depuis les stands, de même que Danner dont l'Osella est victime d'une fuite d'huile que ses mécaniciens parviennent toutefois à étancher.
Départ: Mansell démarre bien et coupe légèrement la trajectoire à Senna. Derrière le Brésilien se trouvent Prost, Piquet, Arnoux et Rosberg.
1er tour: Rosberg déborde Arnoux. Mansell s'envole et compte en fin de boucle trois secondes d'avance sur Senna. Suivent Prost, Piquet, Rosberg, Arnoux, Berger, Patrese, Alboreto et Laffite.
2e: Senna est aux prises avec un moteur beaucoup trop gourmand. Il retient Prost et Piquet, ce qui permet à Mansell de s'échapper facilement. L'Anglais a déjà cinq secondes et demie d'avance.
3e: Prost tente en vain de déborder Senna dans la première courbe. Au même endroit Rosberg dépasse Piquet. Le Finlandais se colle ensuite à l'arrière de la voiture de son équipier. Prost se doit d'être prudent avec sa consommation car son ordinateur de bord est en panne !
4e: Mansell poursuit son cavalier seul. Prost, Rosberg et Piquet sont collés derrière Senna. Le Français tente sans succès de doubler la Lotus à l'épingle des stands. Rosberg freine fort pour éviter son équipier. Johansson est remonté au onzième rang.
5e: Prost dépasse Senna dans le premier S. Le Pauliste se met en travers à la corde et perd son élan. Rosberg le double également dans la ligne droite suivante. Piquet et Arnoux dépassent ensuite Senna.
6e: Mansell précède Prost (5.2s.), Rosberg (6s.), Piquet (8.6s.), Arnoux (12.3s.) et Senna (13.3s.). Suivent Berger, Patrese, Alboreto et Johansson qui a dépassé Laffite.
7e: Danner renonce suite à une rupture de turbo. Jones a perdu un plomb d'équilibrage et stoppe chez Haas pour changer ses pneus.
8e: Rosberg se montre dans les rétroviseurs de Prost. En voulant doubler Berger à la grande épingle, Patrese exécute un tête-à-queue et redémarre sous le nez de son équipier Warwick.
9e: Johansson revient à toute vapeur sur Alboreto qu'il double sans mal. Le Suédois se débarrasse ensuite de Berger.
10e: Alboreto double Berger. Mansell précède Prost (5s.), Rosberg (6s.), Piquet (8s.), Arnoux (17s.), Senna (19s.), Johansson (26s.), Alboreto (29s.), Berger (30s.), Laffite (30.5s.), Patrese (35s.) et Warwick (36s.).
11e: Rosberg menace toujours Prost. Piquet est gêné dans sa progression par un disque de frein avant droit bloqué. Senna et Arnoux se battent pour la cinquième place. Laffite dépasse Berger. Boutsen et de Cesaris changent déjà leurs gommes.
13e: Mansell accroît encore son avance. Rosberg dépasse Prost à l'épingle. Au même endroit, Senna fait l'extérieur à Arnoux et reprend la cinquième place.
14e: Rosberg se lance aux trousses de Mansell et lui reprend deux secondes en un tour. Prost décide de ne pas suivre son équipier. Fabi renonce suite à une panne de batterie.
15e: Rosberg est revenu derrière Mansell qui lève le pied pour se conformer aux instructions de son ordinateur. Senna a semé Arnoux.
17e: Rosberg fait l'extérieur à Mansell dans la courte accélération qui précède l'épingle et s'empare de la tête de la course.
18e: Rosberg baisse sa pression de suralimentation pendant que Prost attaque Mansell. Johansson poursuit Arnoux. Nannini casse un turbo et sa Minardi prend feu devant les stands. Les commissaires éteignent rapidement l'incendie.
19e: Rosberg devance Mansell (1.9s.), Prost (2.6s.), Piquet (14s.), Senna (22s.), Arnoux (31s.) et Johansson (32s.). Suivent Alboreto, Laffite et Patrese qui a doublé Berger.
21e: Streiff gêne Rosberg, ce qui permet à Mansell de recoller au leader. Second arrêt de Jones qui fait remplacer un pneu cloqué. Warwick se range dans l'herbe avec un moteur explosé.
22e: Rosberg tente de doubler Jones mais celui-ci lui coupe la trajectoire en arrivant à la première épingle. Le Finnois laisse de l'espace à l'intérieur et Mansell en profite pour se faufiler entre la McLaren et la Lola en sortie de virage. Revoici l'Anglais au commandement de la course.
23e: Mansell précède Rosberg (0.9s.), Prost (3.1s.), Piquet (19s.) et Senna (28s.). A 37 secondes, Arnoux contient les Ferrari de Johansson et d'Alboreto.
25e: Prost conserve du carburant et cède du terrain aux deux leaders. Piquet est tout aussi économe et ne rattrape pas le Français.
26e: Rosberg revient dans les roues de Mansell. Ce début de course « en accordéon » est le symptôme des problèmes de consommation rencontrés par les participants. Berger reprend la dixième place à Patrese.
27e: Palmer s'arrête sur le bas-côté, moteur muet.
28e: Rosberg s'aperçoit qu'il a brûlé trop d'essence et concède maintenant trois secondes à Mansell...
29e: Rosberg s'arrête chez McLaren pour changer ses pneus (13.2s.) et redémarre en quatrième position. Dumfries stoppe aussi chez Lotus.
30e: Dumfries reprend la piste au moment où surgit Johansson dans le S suivant les stands. Le Suédois se porte à droite avant que l'Écossais se place à gauche pour lui céder le passage... Le choc est violent. Johansson et Dumfries percutent les glissières. Alboreto exécute un tête-à-queue pour éviter les deux bolides en perdition. Il redémarre mais a reçu sa crémaillère de direction sur les tibias. Johansson quitte son habitacle et court enguirlander Dumfries. Mansell rentre aux stands en fin de tour.
31e: Mansell change rapidement ses pneus en huit secondes et repart en seconde position. Alboreto chausse aussi des gommes neuves. Prost devance Mansell (11s.), Piquet (17s.), Rosberg (18s.), Senna (25s.), Arnoux (37s.), Laffite (1m. 11s.), Alboreto (1m. 16s.), Berger (1m. 29s.), Patrese (1m. 33s.) et Brundle (1m. 33s.).
32e: Prost rentre aux stands pour changer ses Goodyear. Malheureusement ses mécaniciens peinent à dévisser un écrou et il ne retrouve le circuit qu'après vingt secondes d'immobilisation, en cinquième position. Arrêt également pour Streiff.
33e: Mansell retrouve le commandement, une seconde devant Piquet. Rosberg est à trois secondes du leader. Arrêt de Rothengatter.
34e: Senna stoppe chez Lotus pour mettre un nouveau jeu de gommes (9.4s.). Il reprend la route en sixième position derrière Arnoux qui ne prévoit pas de halte.
35e: Quatre secondes entre Mansell et Piquet. Berger casse un turbo et doit renoncer.
36e: Piquet arrive chez Williams et choisit de mettre des pneus C tendres (10.4s.). Il retrouve le circuit deux secondes derrière Prost. Brundle fait changer ses pneus mais perd du temps à cause d'un écrou de roue grippé.
37e: Mansell précède Rosberg (8s.), Prost (23s.), Piquet (24s.), Arnoux (30s.), Senna (34s.), Laffite (1m. 01s.) et Alboreto (1m. 03s.).
38e: Senna remonte sur Arnoux. Alboreto dépasse Laffite.
39e: Brundle doit repasser par son stand à cause d'une crevaison lente.
40e: Laffite stoppe chez Ligier pour changer ses Pirelli, l'un d'eux étant cloqué. L'arrêt dure près de trente secondes et le Français repart derrière Patrese. Boutsen abandonne suite à une nouvelle coupure d'électricité sur l'Arrows-BMW.
41e: Mansell précède Rosberg (10s.), Prost (23.1s.), Piquet (27.7s.), Arnoux (38s.) et Senna (39s.).
42e: Senna tente en vain de faire l'extérieur à Arnoux avant l'épingle des stands.
43e: Mansell a la course bien en main et porte son avance sur Rosberg à treize secondes.
44e: Piquet se rapproche de Prost. Arnoux et Senna se livrent à une furieuse bagarre pour la cinquième place. De Cesaris se range dans le gazon après avoir cassé sa transmission.
45e: Mansell est premier devant Rosberg (12.5s.), Prost (22.4s.), Piquet (23.8s.), Arnoux (44.4s.), Senna (45.8s.), Alboreto (-1t.) et Laffite (-1t.). Patrese regagne son garage avec un turbo explosé.
46e: Piquet est juste derrière Prost. Ghinzani renonce suite à une panne de boîte de vitesses.
48e: Piquet dépasse Prost dans la ligne droite qui longue le Saint-Laurent. Senna continue de harceler Arnoux mais ses pneus manquent d'adhérence.
50e: Mansell devance Rosberg (15s.), Piquet (21s.), Prost (23s.), Arnoux (1m. 01s.), Senna (1m. 02s.), Alboreto (-1t.), Laffite (-1t.), Brundle (-2t.) et Streiff (-3t.).
52e: Rosberg a consommé trop d'essence en début de parcours et doit ralentir pour éviter la panne sèche. Piquet le rattrape au rythme de deux secondes par tour.
53e: Piquet et Prost fondent sur Rosberg. Arnoux résiste toujours à Senna qui voit Laffite s'agiter dans ses rétroviseurs bien qu'il roule un tour derrière lui. Le Brésilien finit par le laisser passer.
54e: Piquet fait l'intérieur à Rosberg à la grande épingle et le dépasse sans mal. Voici les Williams en route vers le doublé.
55e: Prost efface sans difficulté Rosberg qui ne songe plus qu'à conserver suffisamment de carburant pour rallier l'arrivée.
57e: Mansell précède Piquet (26.3s.), Prost (28.3s.) et Rosberg (30.9s.). Senna est revenu dans le sillage d'Arnoux qui a laissé filer Laffite. Jones prend la dixième place à Streiff.
58e: Prost revient sur Piquet dont les pneus arrière tendres sont cloqués.
60e: Piquet arrive aux stands pour changer une seconde fois de pneumatiques en un peu moins de huit secondes. Il redémarre juste derrière Rosberg qui a considérablement ralenti. Mansell prend un tour à Senna et à Arnoux. Le Brésilien profite de la manœuvre pour se rapprocher du Français et le dépasse par l'extérieur avant l'épingle des stands.
61e: Vingt secondes entre Mansell et Prost. Piquet dépasse facilement Rosberg.
63e: Meilleur chrono de la course signé par Piquet: 1'25''443'''.
64e: Alboreto a perdu deux rapports de boîte et doit céder la septième place à Laffite. Rothengatter observe un arrêt aux stands.
66e: Mansell est premier devant Prost (21.5s.), Piquet (39.1s.), Rosberg (1m. 10s.), Senna (-1t.), Arnoux (-1t.), Laffite (-1t.) et Alboreto (-1t.).
68e: L'écart est stable entre Mansell et Prost. Piquet est trop loin pour inquiéter le Français.
69ème et dernier tour: Nigel Mansell remporte le quatrième Grand Prix de sa carrière devant Prost et Piquet. Rosberg termine quatrième au bord de la panne sèche. Senna finit cinquième devant les Ligier d'Arnoux et de Laffite. Suivent Alboreto, Brundle, Jones, Streiff et Rothengatter, celui-ci étant relégué à six tours.
Après la course
L'hécatombe de pannes sèches tant redoutée n'a finalement pas eu lieu. Nigel Mansell a dominé son sujet durant tout le week-end et ne cesse de contredire ses détracteurs qui lui prédisaient un sombre avenir face à Nelson Piquet. Il est dorénavant un candidat valable au titre mondial. « Tout a parfaitement fonctionné, commente le Britannique. Tout était parfait. En deux tours, au début, j'ai dû prendre cinq secondes d'avance sur mes adversaires, c'est significatif. Ensuite j'ai ralenti un peu, préservant mon essence et laissant Rosberg prendre la tête, puisque ça le tentait. Dans les premiers tours mon ordinateur m'indiquait une avance sur le programme prévu, mais Prost poussait fort derrière. Je devais attaquer. Par radio, j'en ai discuté avec les ingénieurs de Honda qui m'ont conseillé de baisser la pression de suralimentation. Ce que j'ai fait, et Rosberg en a profité pour passer. Ensuite, lorsque j'ai repris la tête, ayant suffisamment d'essence en réserve, j'ai remis un peu de pression. » Voilà comment se gagne une course de Formule 1 à l'ère moderne !
Faute de compteur électronique, Alain Prost a roulé à l'économie durant toute la course et finit avec trois litres dans son réservoir... comme Mansell ! Malgré les progrès du V6 TAG-Porsche, la paire Williams-Honda a encore une nette marge d'avance sur toute la concurrence. Quant à Ayrton Senna, il peste contre un moteur Renault trop vorace et craint de jouer les faire-valoir jusqu'à la fin de l'année.
Le championnat du monde est toujours aussi serré. Prost reprend la première place avec 29 points, soit deux de mieux que Senna et Mansell, ex æquo au deuxième rang. Suivent Piquet (19 pts) et Rosberg (14 pts). Chez les constructeurs, Williams-Honda (46 pts) prend un peu de champ sur McLaren-TAG-Porsche (43 pts).
Le lendemain de la course, René Arnoux, grand amoureux de la pêche, affrète un hydravion à destination du lieu-dit Les Cent Lacs, à 350 kilomètres au sud de Montréal. Il est accompagné de deux amis, l'homme d'affaires Jean-Michel Schoeler et le fameux lutteur Daniel Robin. Soudain, alors qu'il survole le mont Tremblant, dans les Laurentides, l'hydravion est pris dans un ouragan d'une violence inouïe. L'appareil pique vers le sol. Son pilote, expérimenté, garde son sang-froid, manœuvre le plus calmement possible et parvient à contre-braquer à... 150 mètres du sol ! Lorsqu'il parvient sain et sauf à destination une heure plus tard, Arnoux lance goguenard: « Je préfère encore courir à Monaco que de me retrouver dans cette tornade ! » Le Grenoblois a le sourire forcé. Il a eu la peur de sa vie...
Tony