Rupture entre Ligier et de Cesaris
En Autriche, Andrea de Cesaris a exécuté une impressionnante cabriole dont il est sorti miraculeusement indemne. Échaudé par les sorties de piste de son pilote, Guy Ligier est décidé à se séparer de lui au soir du Grand Prix de Hollande. La presse française ne se prive pas de gloser sur les mésaventures de « Crasheris ». Un procès assez injuste. Car si de Cesaris n'est effectivement pas un modèle de stabilité psychologique, s'il est affligé de sérieux tics nerveux sans doute à l'origine de bon nombre de ses accidents, il n'en a pas moins fait largement jeu égal avec Jacques Laffite en 1985, et n'a pas cassé autant de voitures que Ligier l'affirme. D'ailleurs, l'ancien rugbyman dévoile entre deux phrases la véritable raison de ce licenciement: « Nous n'avons plus les moyens d'entretenir [de Cesaris], il nous coûte bien trop cher. Nous avons pris cette décision tous les deux mercredi dernier. Déjà, la saison dernière avait été catastrophique. Mais il m'avait promis d'être sage. Il l'a oublié. Andrea est un gentil garçon mais j'ai besoin d'un pilote calme. Il le sait... » Guy Ligier considérerait donc un pilote de 26 ans comme un enfant ? En conflit avec Renault concernant la fourniture des moteurs, incertain de son futur budget, il a surtout trouvé là l'occasion de se débarrasser d'un coûteux employé...
Pour sa part, de Cesaris « plaide non-coupable ». Il discute avec Bernie Ecclestone et, avec le soutien de Marlboro et d'Olivetti, aimerait bien prendre place dans la seconde Brabham à Monza. « J'ai un contrat pour le reste des Grands Prix 85 ! Du béton ! » se récrie Marc Surer, indigné. Ligier souhaitait remplacer de Cesaris dès Zandvoort par René Arnoux, mais le Grenoblois a refusé de revenir en Formule 1 à brûle-pourpoint. Vendredi, Gérard Larrousse prend contact avec Mike Thackwell qui ne donne pas suite. Les noms de Jean-Pierre Jarier, Michel Ferté et Jan Lammers sont ensuite avancés mais il est bien trop tard pour conclure un accord de dernière minute, et finalement de Cesaris obtient un sursis d'une course.
Keke Rosberg: de Williams à McLaren
McLaren confirme le recrutement de Keke Rosberg, moyennant selon lui un salaire annuel de 3,7 millions de dollars. A la suite du prudent Lauda, le « Finlandais volant » amènera donc un style de pilotage totalement différent. Alain Prost n'en paraît pas ébranlé. Le transfert de Rosberg en surprend plus d'un car l'alliance Williams-Honda paraît sur le point de cueillir les fruits de son travail. Mais au début de l'été, Keke a appris qu'en 1982, tandis qu'il était en passe de remporter le championnat du monde, Frank Williams avait envisagé de le remplacer par « un grand nom de la Formule 1 », probablement Lauda ou Prost. Les faits ont beau remonter à trois ans, Rosberg en a été estomaqué et s'est violemment « expliqué » avec Williams. Ni l'un ni l'autre ne pardonnant facilement, la rupture devenait inévitable. « Frank ne m'a jamais pardonné de ne pas être Alan Jones... » lâche Rosberg avec aigreur.
Piquet partant chez Williams, Elio de Angelis pourrait le remplacer chez Brabham grâce au soutien financier d'Olivetti et de Pirelli. Son équipier serait Riccardo Patrese, de retour en grâce auprès d'Ecclestone, toujours avec l'appui de commanditaires italiens. D'autres transferts paraissent imminents. Eddie Cheever devrait rejoindre Toleman, grâce à Benetton, et Derek Warwick serait le favori pour remplacer de Angelis chez Lotus.
Présentation de l'épreuve
Vendredi 23 août, Jean-Marie Balestre préside une réunion de la Commission F1 de la FISA dans le hall de l'Hôtel Bouwes. La question de la puissance des moteurs est l'ordre du jour. Après quelques tergiversations, Marco Piccinini s'était finalement prononcé en faveur d'une réduction de la cylindrée à 1200 cm3. Mais face à l'opposition de la FOCA, cette proposition est enterrée. Balestre annonce la tenue d'une nouvelle entrevue à Monza afin d'explorer d'autres pistes qui permettrait de rendre les bolides moins rapides et plus sûrs. Quant à Piccinini, il est provisoirement écarté du comité exécutif de la FISA, mais pourrait retrouver une place importante lors de la refonte des statuts de la fédération que prépare Balestre.
On parle beaucoup du Grand Prix d'Afrique du Sud, très menacé pour des raisons politiques. Plusieurs gouvernements européens, et notamment celui de la France, souhaitent le boycott de cette épreuve qui se tient dans un pays où s'appliquent des lois de discrimination raciale (quelle découverte !). En outre, les stands du circuit de Kyalami sont en pleine réfection et les travaux prennent du retard. Prévu pour mi-novembre, le Grand Prix est pourtant avancé au 19 octobre, mais nul ne sait s'il se tiendra véritablement.
Pour le moment, les reporters constatent que les tribunes du circuit de Zandvoort sont très clairsemées. Les banderoles publicitaires sont rares et vantent toutes les mérites des sponsors de... Brabham : Olivetti, BMW et Pirelli. Bernie Ecclestone imposerait des conditions financières trop élevées à des organisateurs néerlandais étranglés. Les petits commanditaires sont évincés par Paddy McNally tandis que les autres ne peuvent plus payer. Le prix des billets a aussi quadruplé depuis 1984 ! Le Grand Prix des Pays-Bas vit ses dernières heures... Ecclestone pense en effet qu'un seul Grand Prix suffit au Bénélux. En outre, il a besoin de libérer une date estivale pour le futur GP de Hongrie qu'il compte organiser en 1986.
Le 21 août, Alan Jones a étrenné la Lola-Hart qui fera ses débuts en Grand Prix à Monza. Malheureusement, l'aventure de l'écurie de Carl Haas et de Teddy Mayer commence très mal avec la quasi-défection de son commanditaire Beatrice. Deux jours plus tôt, le PDG de ce major de l'agro-alimentaire, James L. Dutt, parrain de ce mirifique projet, a été débarqué par son conseil d'administration. Son successeur Williams Granger regarde cet investissement avec beaucoup moins d'enthousiasme. Il informe laconiquement Haas que seul le programme de financement sportif à court terme sera respecté. Certes, l'équipe américaine possède toujours un atout de poids avec l'exclusivité du futur moteur turbo Ford-Cosworth, mais si elle ne parvient pas à réunir le budget nécessaire pour la saison 1986, il est à craindre que Ford soit obligée de « cracher au bassinet ».
Le moral est au plus bas dans le stand Renault. Faute de repreneur, l'écurie devrait être dissoute dans les prochains jours par la Régie. Quelques voix commencent à s'élever contre Gérard Toth qui aurait surestimé le coût d'exploitation de l'équipe, réclamant quinze milliards de centimes à ses éventuels partenaires. On peut supputer que, loin de vouloir sauver Renault-Elf, Toth agit en liquidateur... sans oublier de se servir dans la caisse au passage, comme on l'apprendra quelques mois plus tard.
Une page se tourne dans l'histoire de la Formule 1. Stefan Bellof et Martin Brundle sont désormais tous deux équipés d'une Tyrrell 014 à moteur turbo Renault. Le V8 Ford-Cosworth atmosphérique disparaît donc de la circulation, dix-huit ans après sa mise en service lors du GP des Pays-Bas 1967. En ce qui concerne les modifications techniques, Rory Byrne ajoute à la Toleman un sabot déflecteur situé sous l'avant de la coque afin de limiter le flux d'air intérieur (la « couche limite »). Cette pièce se trouvait déjà dans les années 70 sur la McLaren M23 ou la Brabham BT44. Le docteur Jonathan Palmer reçoit un nouveau bloc Zakspeed tournant à 11 000 tours/minute, soit 800 tours de plus que la précédente version.
Les qualifications
A cause d'une averse survenue le samedi après-midi, seuls les chronos réalisés le vendredi servent à définir la grille de départ. Piquet était le plus rapide lors des essais préliminaires qui se sont tenus à Zandvoort. Il confirme en offrant à Brabham-BMW sa première pole position de la saison. Il devance Rosberg de plus d'une demi-seconde. Comme chaque année ici, le Finnois se fait remarquer par ses spectaculaires freinages tardifs au virage de Tarzan. Du côté de McLaren, Prost se satisfait de sa troisième place pendant que Lauda (10ème) compose avec un moteur poussif. Senna se classe quatrième, loin devant de Angelis (11ème), gêné par du trafic. Fabi décroche le cinquième chrono au volant de la Toleman-Hart, dix places devant Ghinzani.
Tambay met un peu de baume au cœur de l'écurie Renault-Elf en se hissant au sixième rang. En revanche Warwick n'est que douzième après avoir été heurté par Patrese à Tarzan. Mansell (7ème) avoue avoir mal utilisé ses pneus de qualifications. Il partage la quatrième ligne avec Boutsen. Le Belge est heureux de devancer la Brabham de Surer, équipée comme lui du moteur BMW. Son collègue Berger est quatorzième. Laffite est le plus rapide samedi sur le mouillé. Mais sur le sec, il ne peut amener sa Ligier-Renault qu'au treizième rang. De Cesaris (18ème) paraît démotivé et peu concerné par la situation.
Les Ferrari ont « bu le bouillon » en Autriche. Ici, c'est carrément la ciguë: les voitures rouges sautillent affreusement sur les bosses et manquent de traction. L'ajout d'un aileron arrière supplémentaire n'y change rien. Alboreto n'est que 16ème, Johansson 17ème ! « Le moment le plus difficile de la saison est pour moi arrivé... Je ne comprends vraiment plus rien » soupire le pauvre Alboreto. Les Alfa Romeo se trouvent en dixième ligne. Patrese se fait copieusement enguirlandé par Warwick après leur collision. Quant à Cheever - le croiriez-vous ? - son moteur ne fonctionnait pas... Chez Tyrrell, Brundle (21ème) reçoit un moteur EF4 en configuration « qualifications » qui lui permet de mettre plus de pression de suralimentation que Bellof (22ème). Suivent Martini, Alliot et Rothengatter, le régional de l'étape. Acheson est éliminé.
Vendredi, alors que Senna négocie la portion sinueuse qui fait dos au paddock, un de ses turbos explose et embrase l'arrière de la Lotus. Pris de panique, le Brésilien emprunte la bretelle d'accès à la piste située à l'épingle Hugenholtzbocht et s'immobilise dans l'allée des stands. Les commissaires lui font alors remarquer que cette zone ne peut être rejointe que via la voie de décélération appropriée. La peine prévue pour manquement à cette règle est l'exclusion du Grand Prix ! Malgré les explications de Senna, les autorités lui infligent une amende de cinq mille dollars. « Je me demande qui aurait payé si j'avais laissé la voiture brûler sur le bord de la piste ? » se demande Ayrton, outré.
Le Grand Prix
Dimanche matin, Tambay quitte la route à haute vitesse à Tarzan et heurte violemment les glissières. Le train avant de sa Renault est détruit et il doit se rabattre sur son mulet. Mais le moteur de celui-ci cafouille et il doit finalement s'élancer depuis l'allée des stands.
La matinée est marquée par quelques crachins, mais le vent de la mer du Nord balaie le ciel avant le départ. Sur ce circuit très rapide, Goodyear prévoit au moins un changement de gommes durant l'épreuve. Les équipes optent généralement pour un mélange de B et de C, sauf les Williams qui ont quatre pneus tendres. Chez Pirelli, les Brabham espèrent ne pas stopper et sont munies d'enveloppes dures.
Départ: Piquet cale et demeure immobile. Boutsen reste également scotché. C'est donc le sauve-qui-peut et un ballet de zigzags. Heureusement tout le monde parvient à éviter les obstacles et c'est Rosberg qui franchit le premier virage en tête devant Senna, Prost et Fabi. Lauda passe du dixième au cinquième rang.
1er tour: Fabi déborde Prost et s'empare de la troisième place. Boutsen a démarré tandis que Piquet parvient à s'élancer au bout d'une minute, poussé par des officiels. Rosberg mène devant Senna, Fabi, Prost, Lauda, Warwick, Mansell, Surer, de Angelis et Laffite.
2e: Prost reprend la troisième place à Fabi tandis que Mansell double Warwick. Les Ferrari d'Alboreto et de Johansson se débarrassent de Laffite. Au même instant les Alfa Romeo de Cheever et Patrese regagnent leur stand, toutes deux avec des turbos cassés. Martini manque le freinage de l'une des chicanes et atterrit dans les rails à haute vitesse. Il perd deux roues dans cet accident mais s'en tire sans bobo.
3e: De Angelis prend la huitième place à Surer.
4e: Rosberg s'échappe au commandement. Prost menace Senna tandis que Lauda revient sur Fabi.
5e: Quatre secondes séparent Rosberg et Senna. Lauda déborde Fabi dans la ligne droite de départ. Rothengatter stoppe chez Osella pour changer ses bougies.
6e: Alboreto prend la huitième place à Surer. Devant lui, Mansell, Warwick et de Angelis luttent pour la sixième place. Second arrêt de Rothengatter, cette fois afin de faire examiner son boîtier d'allumage.
7e: Tambay exécute une remontée météorique et est déjà de retour au seizième rang. Rothengatter est encore garé à son stand afin de recharger sa batterie.
8e: Pressé par Prost, Senna accroît son rythme et se rapproche désormais de Rosberg.
9e: Senna est revenu à trois secondes de Rosberg. Le Brésilien emmène les McLaren dans son sillage. Un troisième groupe comprend Fabi, Mansell, Warwick et de Angelis.
10e: Rosberg devance Senna (2.5s.), Prost (3.4s.), Lauda (5.2s.), Fabi (11s.), Mansell (12.4s.), Warwick (12.7s.), de Angelis (14.1s.), Alboreto (18.1s.), Surer (21.5s.), Bellof (23.7s.) et Laffite (25.7s.). Tambay poursuit sa remontée et prend la treizième position à Berger. Le moteur de Johansson explose. Le Suédois regagne le stand Ferrari et abandonne.
11e: Devinez quoi ? Rothengatter est chez Osella. Il reste immobilisé dix minutes pour un changement de fil de masse.
12e: Le trio Senna - Prost - Lauda continue de suivre Rosberg à une distance respectable.
13e: Ghinzani revient à son stand avec un moteur qui ratatouille. Les mécaniciens de Toleman démontent le capot moteur, mais ils ne pourront rien faire et l'Italien devra abandonner.
14e: Senna se fait doubler sans coup férir par les deux McLaren. Désormais Rosberg mène devant Prost (2.2s.), Lauda (2.9s.), Senna (3.2s.), Fabi (11.8s.), Mansell (12.3s.), Warwick (13s.), de Angelis (14s.), Alboreto (15.5s.), Surer (18s.) et Tambay (19s.).
15e: Prost revient sur Rosberg. Auteur d'une superbe remontée depuis la fin de peloton, Tambay est dixième après avoir doublé Surer. Palmer perd de l'huile par son reniflard depuis le départ. A court de lubrifiant, il doit abandonner. Boutsen change ses pneus.
17e: La jonction est faite entre Rosberg et les deux McLaren. Tambay prend la neuvième place à Alboreto après une manœuvre très hardie à Tarzan. Le Cannois roule à bride abattue, ce qui ne lui ressemble pas.
18e: De Angelis s'aperçoit que son pneu arrière-gauche se dégonfle et va devoir s'arrêter prématurément aux stands. Laffite abandonne sa Ligier sur un bas-côté. Le fil de faisceau électrique de sa JS25 s'est débranché.
19e: Senna rattrape Lauda dont les pneus sont très dégradés, et tente de le dépasser par l'intérieur de Tarzan, sans succès. Fabi sent sa voiture partir en balancier à la première chicane. Une de ses roues arrière vient de se détacher. La Toleman escalade une bordure et endommage un moyeu. Fabi regagne ensuite les stands. De Angelis est aux stands pour changer de pneus et repart quatorzième.
20e: Le moteur Honda de Rosberg expire dans un nuage de fumée. C'est l'abandon pour le Finlandais. Prost prend la tête du Grand Prix devant Senna. Lauda est en effet aux stands pour mettre trois pneus C et un B. Il repart huitième. Bellof chausse aussi des gommes neuves. Warwick double Mansell. Fabi jette l'éponge. Le train arrière de sa Toleman est trop abîmé pour continuer.
21e: Cinq secondes séparent Prost et Senna. Tambay dépasse Mansell et se retrouve quatrième, juste derrière son équipier Warwick.
22e: Prost mène devant Senna (4.8s.), Warwick (14.5s.), Tambay (18s.), Mansell (19.7s.), Alboreto (21.2s.) et Surer (27.3s.).
23e: Tambay ralentit et se range dans l'herbe à cause d'un problème de transmission. Sa superbe course-poursuite prend fin ici. Dans le même temps Alboreto déborde Mansell et se retrouve quatrième.
25e: Mansell s'arrête chez Williams pour changer ses pneus et repart dixième derrière de Angelis.
27e: Senna est au stand Lotus pour mettre des Goodyear tendres. Le jeune Brésilien repart sixième, juste devant Lauda. Mais le triple champion du monde profite de ses pneus chauds pour le doubler aussitôt par l'extérieur dans Tarzan. Dans le même temps Alboreto prend la deuxième place à Warwick. De Cesaris est éliminé par une anomalie dans sa régulation de turbo.
28e: La boîte de vitesses de Warwick n'a plus d'huile. L'Anglais regagne les stands pour renoncer et se fait doubler par Surer et Lauda, en lutte pour la troisième place. Lauda ne tarde d'ailleurs pas à dépasser le Suisse.
30e: Senna déborde sans problème Surer en passant devant les tribunes.
31e: Prost devance Alboreto (24.7s.), Lauda (28.9s.), Senna (33s.), Surer (35.9s.), de Angelis (49.9s.) et Berger (52.6s.). Mansell prend la huitième place à Brundle.
32e: Alboreto s'arrête chez Ferrari pour chausser un nouveau train de pneus et repart septième devant Mansell. Brundle change aussi de pneus.
33e: Mansell double Alboreto dans la grande montée. Prost entre aux stands pour changer de pneus. L'arrêt est long (18s.) à cause d'un écrou récalcitrant et le Français ne repart que troisième derrière Lauda et Senna.
34e: Changement de pneus pour Piquet qui naviguait en onzième position. Le Brésilien ne parvient pas à remonter car ses pneus Pirelli ne fonctionnent pas.
35e: Lauda mène désormais devant Senna (3.1s.), Prost (14.2s.), Surer (17.7s.) et de Angelis (24.4s.). Alboreto reprend sa marche forcée et efface coup sur coup Mansell et Berger. Il est à 36 secondes du leader.
36e: Handicapé par une tubulure d'admission cassée, Surer perd de la pression de suralimentation et devient une proie facile pour de Angelis.
37e: Bénéficiant de pneus tendres, Prost est l'homme le plus rapide en piste. De Angelis prend la quatrième place à Surer.
39e: Lauda creuse l'écart sur Senna dont le moteur n'est pas très vaillant. Surer est menacé par Alboreto.
40e: Alboreto déborde Surer. Mansell observe une deuxième halte aux stands pour changer ses gommes et se retrouve neuvième. Berger est chez Arrows pour prendre un jeu d'enveloppes neuves.
41e: En panne de moteur, Bellof abandonne sa Tyrrell dans l'herbe. Son équipier Brundle a dépassé Berger et se retrouve septième. Mansell se débarrasse ensuite à son tour du jeune Autrichien.
42e: Lauda est leader devant Senna (6.5s.), Prost (12s.), de Angelis (32.6s.), Alboreto (39.4s.), Surer (43.4s.), Brundle (-1t.), Mansell (-1t.), Berger (-1t.) et Boutsen (-1t.). Un véhicule fait son apparition en piste pour tracter la machine de Bellof.
44e: Prost rattrape Senna dont le moteur donne des signes d'échauffement. Alboreto fond sur de Angelis.
45e: Senna est bloqué par le retardataire Brundle, ce qui permet à Prost de revenir à grands pas. Alboreto prend la quatrième place à de Angelis.
46e: Brundle laisse enfin passer Senna avant de s'effacer rapidement devant Prost. Le jeune Anglais se fait ensuite doubler dans la foulée par Mansell.
47e: Prost attaque Senna avant Tarzan, sans succès.
48e: Prost prend l'aspiration derrière Senna à la sortie de Pullveld et le dépasse sur la ligne de chronométrage. Mansell double Surer et entre ainsi dans les points.
49e: Prost part sus à Lauda. Neuf secondes le séparent de son coéquipier. De son côté, Alboreto est lancé aux trousses de Senna.
50e: Mansell est si rapide qu'il repasse Senna, à un tour devant lui, au moyen d'un gros écart dans la ligne droite principale. Brundle et Berger effacent à leur tour un Surer en perdition.
51e: Lauda précède Prost (8.2s.), Senna (14s.), Alboreto (38.8s.), de Angelis (44.1s.), Mansell (-1t.), Brundle (-1t.), Berger (-1t.), Surer (-1t.) et Boutsen (-1t.).
52e: Prost revient à sept secondes de Lauda dont la McLaren manque de stabilité. Très lent, Surer ouvre la porte à Boutsen et à Piquet.
53e: Prost tourne sa molette de pression de turbo pour rattraper Lauda. Alboreto fait de même afin de se rapprocher de Senna.
54e: Cinq secondes et huit dixièmes séparent Lauda et Prost.
56e: Boutsen abandonne à cause d'une attache de suspension arrière rompue. C'est aussi la fin de la course pour Alliot dont le moteur a rendu l'âme.
57e: Prost signe le meilleur chrono de la course: 1'16''538'''.
58e: Prost ne concède plus que trois secondes à Lauda. Mansell rencontre un problème d'embrayage et doit se montrer prudent.
60e: Lauda devance Prost (2.6s.), Senna (33.1s.), Alboreto (47.1s.), de Angelis (1m. 12s.), Mansell (-1t.), Brundle (-1t.), Piquet (-1t.) et Berger (-2t.)
62e: Lauda est gêné par Piquet qu'il ne peut doubler car la Brabham est visiblement plus performante que sa McLaren. Prost revient dans son sillage.
63e: A la faveur du dépassement de de Angelis, relégué à un tour, l'écart se réduit encore entre les deux McLaren, désormais roues dans roues. Dans le même temps Alboreto revient sur les talons de Senna.
64e: Lauda décide d'accroître sa pression de suralimentation afin de semer Prost. Il enfreint ainsi les recommandations de son écurie qui avait ordonné la prudence en pareilles circonstances.
66e: Lauda et Prost roulent roues dans roues sans s'attaquer. Ron Dennis aurait-il donné des consignes ? Comme en Autriche, le moteur de Senna est sur le point d'expirer. Son voyant d'huile clignote avec insistance. Alboreto revient à deux secondes de la Lotus.
67e: Prost décide de passer à l'attaque. Toutefois, il sait qu'il ne doit pas perdre de points en vue du championnat et ne tentera pas le tout pour le tout. Alboreto se place dans les échappements de Senna.
68e: Blotti derrière Lauda, Prost lui fait l'intérieur avant l'enchaînement de la chicane Marlboro. Mais Lauda ne laisse aucun espace au Français qui met une roue dans l'herbe, manquant de peu de partir en travers. Alain a compris le message: Niki ne lui laissera pas la victoire. On entend quelques « Forza Niki ! » s'échapper du stand Ferrari...
69e: Prost demeure prudemment à une seconde de son équipier. N'ayant plus aucune pression de suralimentation, Surer jette l'éponge.
70ème et dernier tour: Prost se montre dans les rétroviseurs de son coéquipier qui ne bronche pas. Face à la résistance de Senna, Alboreto tente de forcer le passage et évite de justesse la catastrophe lorsqu'il touche l'arrière de la Lotus lors d'un freinage trop optimiste. Plus de peur que de mal pour les deux pilotes qui vont pouvoir rallier l'arrivée sans difficulté.
Niki Lauda gagne le GP des Pays-Bas devant Prost. C'est le premier doublé des McLaren-TAG-Porsche en 1985. Senna finit troisième, encore une fois avec un V6 Renault expirant. La quatrième place revient à Alboreto. De Angelis finit cinquième - comme d'habitude... - pendant que Mansell arrache un point malgré un embrayage hors d'usage. Les autres pilotes ralliant l'arrivée sont Brundle, Piquet, Berger et le malheureux Rothengatter, non classé à quatorze tours !
Niki Lauda remporte sa vingt-cinquième victoire en Formule 1 et devient ainsi l'égal de Jim Clark. Après tant de déboires emmagasinés depuis le début de l'année, l'Autrichien est soulagé: il pourra se retirer la tête haute.
Après la course: la revanche de Niki Lauda
Sur le podium, Lauda et Prost se serrent chaleureusement la main, coupant court à tous les propos médisants qui pourraient naître après ce final tendu. Bien au contraire, leur estime réciproque est à son zénith. Lauda aurait pu ouvrir la voie à Prost et lui offrir trois points supplémentaires. Il ne l'a pas fait car il ne doute pas que son jeune équipier sera titré en fin d'année. « Alain sera champion du monde par lui tout seul, explique l'Autrichien. Mon contrat est identique à celui de Prost et stipule que je peux faire ce que je veux. Je l'ai fait aujourd'hui... Pourquoi aurais-je dû le laisser passer ? J'ai toujours dit que s'il avait besoin d'un coup de main lors de la dernière course de la saison, il pouvait compter sur moi. Je tiendrai parole mais, jusque-là, je ferai mes propres courses. A mon avis, il n'aura pas besoin de ça pour arriver à bout d'Alboreto. »
« Niki ne m'a pas fait de cadeau, mais je ne suis pas du tout aigri, sourit Prost. Trois points perdus d'un côté, une belle victoire pour Niki de l'autre. Pourquoi ressentir de la rancœur ? C'était une étape importante pour moi autant que pour lui. Je suis soulagé de l'avoir vu gagner. » Petit bémol: en aparté, Alain reproche gentiment à son aîné d'avoir trop usé de la pression de suralimentation pour le devancer... Quatrième après des qualifications épouvantables, Alboreto perd le commandement du championnat mais a encore une fois « sauvé les meubles ». Il tente de plaisanter : « Je ne souhaite qu'une chose : que Lauda gagne encore de nombreuses courses ! »
Prost s'empare donc du commandement du championnat des conducteurs avec trois points d'avance sur Alboreto. Au classement des constructeurs, Marlboro-McLaren n'a plus que cinq longueurs de retard sur Ferrari.
La fin de l'équipe Renault-Elf
Au soir de Zandvoort, Patrick Tambay confie son désarroi aux reporters français et avoue un secret de polichinelle: l'écurie Renault-Elf a vécu. Deux jours plus tard, un communiqué de la Régie confirme ses propos. Nous avons déjà longuement évoqué ce processus de désengagement initié par le gouvernement français et appliqué par Georges Besse. La firme au losange, qui a introduit le moteur turbocompressé en Formule 1, se retire donc après avoir gagné quinze Grands Prix et signé trente-et-une poles positions, mais sans jamais avoir remporté le moindre championnat du monde. Une des plus beaux chapitres de l'histoire du sport automobile français se referme.
Ironie de l'histoire: Renault annonce son départ de la Formule 1 au moment même où Peugeot remporte le championnat du monde des rallyes grâce à sa paire de « Finlandais volants », Timo Salonen et Ari Vatanen.
Tony