Élection à la FISA: Basil Tye contre Jean-Marie Balestre
La campagne électorale pour la présidence de la FISA est lancée. Le scrutin doit se tenir à l'automne et Jean-Marie Balestre est candidat à sa succession. Bien entendu il est soumis à de très vives critiques. Ses opposants dénoncent son autoritarisme ainsi que la mauvaise image renvoyée par le sport automobile du fait des conflits de ces deux dernières années.
Son adversaire sera Basil Tye, 58 ans, président du RAC et soutenu par les Britanniques. Tye s'est distingué ces dernières années par ses attaques répétées contre les « frenchies » de la FISA qui ont fait de lui un des chefs de file du « camp FOCA ». Mais ses chances de succès sont très faibles car Balestre bénéficie du soutien des petites fédérations de pays n'ayant que faire des querelles agitant la Formule 1. De plus le président a l'appui de son ancien rival Bernie Ecclestone avec lequel il a signé la paix en mars.
Présentation de l'épreuve
Un mois après son limogeage par Guy Ligier, Gérard Ducarouge a été nommé conseiller technique de l'équipe Alfa Romeo. C'est Mario Andretti, admirateur des talents de l'ingénieur français, qui a persuadé Ettore Massacesi, patron de la firme milanaise, de l'engager. L'arrivée de Ducarouge déplaît cependant à Carlo Chiti qui a l'habitude de régner en maître sur Autodelta et n'apprécie pas de voir quelqu'un marcher sur ses plates-bandes. Les relations entre les deux hommes vont être immédiatement empreintes de défiance. En tout cas Ducarouge se met aussitôt au travail. Il dessine de nouveaux pontons pour la 179 inspirés de ceux qu'il a créés pour Ligier. Le centre de pression aérodynamique est désormais placé vers l'arrière.
Tyrrell engage enfin deux 011, mais celle d'Alboreto n'est prête que le vendredi après-midi ! La Theodore a été passablement modifiée avec de nouveaux pontons et un nouveau train avant de facture classique, avec deux moustaches. Chez Talbot, la voiture de Tambay présente la même configuration aérodynamique que celle de Laffite qui a fait merveille en Autriche. Enfin Toleman teste le moteur turbo monobloc de Brian Hart. Brian Henton conduit une voiture allégée de vingt kilos.
Wilson Fittipaldi avait annoncé la signature imminente d'un gros contrat de sponsoring avec le transporteur Avia. Cela n'était que du bluff, et l'équipe brésilienne réapparaît à Zandvoort aussi désargentée qu'autrefois. Les F8C sont dans un état déplorable, faute d'entretien. Keke Rosberg, déjà peu jovial d'ordinaire, est d'une humeur massacrante et cherche par tous les moyens à quitter la galère des frères Fittipaldi. Il y a pourtant du nouveau dans l'équipe qui adopte les pneus Pirelli à la place des Michelin.
C'est un Alain Prost radieux qui débarque en Hollande : depuis quelques jours, lui et son épouse Anne-Marie sont les parents d'un petit Nicolas. De plus, il vient avec René Arnoux de parapher une prolongation de contrat avec Renault. Le jeune Français était pourtant très convoité, notamment par Frank Williams. Mais il est très satisfait de sa collaboration avec la Régie. Gérard Larrousse affiche sa confiance en ses deux jockeys, tout en ne dissimulant pas les problèmes rencontrés ces derniers mois : « Prost, par ses dons et sa personnalité, est un élément perturbateur, au bon sens du terme, dans une équipe. Il pige tout et tout de suite. René, au contraire, avait l'habitude de se fier aux réglages de Jabouille. Nous avons un peu pataugé... Arnoux [était] au bord de la dépression. Comme ça, en raison du voisinage de Prost. Il a surmonté cette mauvaise passe. [...] Avec Jabouille il n'avait pas besoin de se forcer. Maintenant il lui faut se surpasser. »
Les qualifications
C'est désormais une habitude : les Renault survolent les essais. Si Arnoux est le plus rapide le vendredi, Prost lui chipe la pole position le lendemain au moyen d'une voiture toute neuve et plus légère. L'écart se réduit néanmoins avec la concurrence. Piquet est troisième à quatre dixièmes de la pole. Équipées de nouveaux pneus Goodyear de 15'', les Williams de Jones et Reutemann viennent ensuite. Laffite est content de sa sixième place, au contraire de Tambay, accablé de pannes et seulement onzième. Andretti est pleinement satisfait des changements opérés sur son Alfa Romeo et se classe septième. Giacomelli n'est que 14ème avec l'ancienne configuration. Mécontent d'une McLaren qui « pompe » en virage, Watson est tout de même huitième. De Cesaris a été victime d'une très grosse sortie de route à Tarzan dans laquelle il a démoli sa voiture. Indemne, le jeune Italien prétend que ses freins n'ont pas répondu... Toujours est-il que Ron Dennis refuse de lui confier le mulet. Son week-end s'arrête là.
Les Lotus sont toujours aussi peu à l'aise sur les pistes bosselées. De Angelis a bien du mérite à hisser la 87 au neuvième rang. Mansell est lui 17ème. Rien à signaler chez Arrows : dixième, Patrese devance de deux secondes Stohr, vingt-et-unième. Les Ferrari usent ici trop rapidement leurs jupes, ce qui altère encore leur tenue de route. Malgré un gros « carton » dans la courbe Scheivlak, Pironi obtient le douzième chrono. Villeneuve n'est qu'en huitième ligne aux côtés de Rebaque. On retrouve les habitués du fond de grille : Jarier sur Osella, Daly sur March, Surer sur Theodore, Borgudd sur ATS, Salazar sur Ensign. Les Tyrrell de Cheever et d'Alboreto sont respectivement 21ème et 24ème. L'Italien n'était initialement pas qualifié mais le forfait de de Cesaris lui a sauvé la mise.
Gabbiani est éliminé, tout comme les Fittipaldi de Rosberg et de Serra, victimes d'incessantes pannes de moteur, et les Toleman de Henton et de Warwick.
Le Grand Prix
Prost s'élance en pneus Michelin tendres tandis qu'Arnoux, moins économe, s'équipe de pneus un peu plus durs. Piquet, Jones et Reutemann optent pour les Goodyear tendres.
Départ : Très bons envols de Prost et d'Arnoux qui virent en tête à Tarzan. Jones et Piquet abordent la courbe côte à côte. L'Australien s'impose. Suivent Laffite, Andretti et Reutemann. Dans le peloton Villeneuve, parti comme un boulet, est pris en sandwich entre Giacomelli et Patrese. Sa voiture décolle, retombe au sol, part en toupie avant d'échouer à vive allure dans les graviers. Heureusement tout le monde a évité la Ferrari en perdition. Villeneuve n'a plus qu'à regagner les stands à pied.
1er tour : Reutemann se défait d'Andretti à Gerlachtboch non sans rouler sur l'aileron avant de l'Alfa Romeo. Au même endroit Pironi percute Tambay par l'arrière. Les deux pilotes tentent de regagner les stands avec des voitures endommagées. Prost est en tête devant Arnoux, Jones, Piquet, Laffite, Reutemann, Andretti, Watson, de Angelis et Patrese.
2e : Prost prend l'ascendant sur Arnoux, menacé par Jones et Piquet. Tambay renonce, suspension avant pliée, pendant que les mécaniciens de Ferrari réparent la suspension arrière de Pironi. Mansell renonce suite à une panne électrique.
3e : Jones déborde Arnoux sur la ligne de chronométrage. Piquet et Laffite sont juste derrière la Renault. Watson dépasse Andretti.
4e : Prost a trois secondes d'avance sur Jones. Suivent dans un mouchoir Arnoux, Piquet et Laffite.
5e : Piquet dépasse Arnoux à Tarzan. Le Grenoblois est handicapé par ses pneus durs. Daly abandonne à cause d'un bris de suspension arrière.
6e : Prost devance Jones (2.7s.), Piquet (5.5s.), Arnoux (7.8s.), Laffite (9.2s.), Reutemann (9.7s.) et Watson (10.8s.).
7e : Laffite prend la quatrième place à Arnoux.
8e : De Angelis prend la huitième place à Andretti dont l'aileron avant est tordu suite à sa touchette avec Reutemann.
9e : Reutemann prend l'avantage sur Arnoux dont le choix de gommes s'avère catastrophique. Andretti s'arrête à son stand pour changer son capot avant et fixer un nouvel aileron. Cette opération dure cinq minutes.
10e : Prost est premier devant Jones (2.2s.), Piquet (4.9s.), Laffite (10.2s.), Reutemann (11.1s.), Arnoux (13.7s.) et Watson (14s.). Suivent de Angelis, Patrese, Giacomelli et Rebaque.
11e : Jones remonte sur Prost : son retard n'est plus que de deux secondes. Watson est maintenant juste derrière Arnoux. Patrese dépasse de Angelis et Rebaque double Giacomelli.
12e : Jones est revenu à une seconde et demie de Prost.
13e : Prost réplique à Jones et réalise son meilleur temps de l'après-midi : 1'22''06'''. Watson parvient à doubler Arnoux. Pironi repart des stands après que ses mécaniciens ont réparé son train avant.
14e : Patrese n'est pas au mieux et se fait doubler par de Angelis et Rebaque.
15e : Jones réalise le meilleur tour de la course en 1'21''83'''. Le voici à moins d'une seconde de Prost.
16e : Prost et Jones sont maintenant roues dans roues. Piquet les observe à trois secondes. Patrese met pied à terre : sa suspension avant gauche, touchée lors du choc avec Villeneuve, a fini par s'affaisser.
17e : Rebaque double de Angelis. Pironi abandonne à cause d'une crémaillère de direction brisée suite à la collision avec Tambay.
19e : Jones attaque Prost par l'extérieur sur la ligne de chronométrage. Le Français résiste et les deux voitures franchissent Tarzan roues contre roues. Finalement Prost, mieux placé, conserve l'avantage. A l'entrée de Tarzan, Reutemann tente une attaque sur Laffite par l'intérieur. Mais il est beaucoup trop optimiste, mord dans la poussière et percute le flanc droit de la Ligier. Celle-ci se soulève avant de retomber en tête-à-queue dans les graviers. Laffite sort en colère de sa voiture, traverse la piste et donne un coup de pied dans un morceau de carrosserie... qu'il prend ensuite le temps de ramasser ! Reutemann est aussi hors-course, sa roue avant gauche étant tordue.
20e : A Scheilvak une défaillance de suspension envoie Giacomelli en tête-à-queue à vive allure. L'Alfa Romeo finit par percuter de face les grillages. Bruno sort sans mal dans sa voiture. Le bris de suspension est certainement une conséquence de l'accrochage avec Villeneuve au départ.
21e : Prost est premier devant Jones (0.2s.), Piquet (5.3s.), Watson (20.4s.), Arnoux (29s.) et Rebaque (45.6s.). Suivent de Angelis, Jarier, Surer et Cheever. Alors en bagarre avec Alboreto, Salazar et Borgudd entrent en contact à Tarzan. L'ATS du Suédois décolle légèrement avant de retomber et de continuer.
22e : Arnoux part en tête-à-queue à la sortie de Scheilvak et se plante dans le sable. Il n'a plus qu'à sortir de sa voiture.
23e : Prost et Jones reviennent sur Alboreto pour lui prendre un tour. A la sortie de la chicane Panorama Prost rate une vitesse et l'Australien en profite pour le doubler. Il se place aussitôt dans le sillage d'Alboreto pour bénéficier de l'aspiration et se prémunir d'une attaque de Prost dans la pleine charge.
24e : Abordant le freinage de Tarzan Jones déboîte à l'extérieur pour doubler Alboreto. Mais à sa grande surprise Prost se porte à sa hauteur sur sa droite et reprend le commandement ! L'intelligence du jeune Français et la puissance du turbo ont fait merveille.
25e : Prost est leader devant Jones (0.9s.), Piquet (7.6s.), Watson (22.3s.), Rebaque (51.4s.) et de Angelis (53.1s.).
27e : Jones déroche un peu. Il a en effet trop sollicité ses pneus en attaquant Prost et doit les ménager.
28e : Prost et Jones sont gênés par Surer et Jarier mais parviennent à s'en débarrasser. Il n'y a déjà plus que cinq pilotes dans le même tour que le premier.
30e : Jarier abandonne après que ses deuxième et troisième rapports de boîte se sont grippés.
32e : Prost compte maintenant deux secondes et demie d'avance sur Jones.
34e : Salazar prend la neuvième place à Alboreto.
35e : Prost accentue son avance sur Jones. Il devance l'Australien de quatre secondes. Suivent Piquet (17.5s.), Watson (32.7s.), Rebaque (1m. 09s.), de Angelis (1m. 13s.), Surer (-1t.), Cheever (-1t.), Salazar (-1t.) et Alboreto (-1t.).
37e : Prost gagne environ une demi-seconde par tour sur Jones.
39e : De Angelis concède un tour à Prost.
40e : Le classement est le suivant : Prost premier, suivi par Jones (6.2s.), Piquet (23.2s.), Watson (37.6s.) et Rebaque (1m. 12s.).
42e : Huit secondes entre Prost et Jones. Le pilote Williams a abandonné tout espoir de victoire. Les pneus Michelin tendres de la Renault sont en parfait état.
44e : Prost prend une boucle d'avance sur Rebaque.
45e : Piquet commence à remonter peu à peu sur Jones : l'écart entre eux est tombé à quatorze secondes.
48e : Jones parvient à reprendre un peu d'avance sur Piquet qui bute sur du trafic. Cheever sort dans les graviers à cause d'une suspension avant cassée.
49e : Stohr est aux stands pour faire changer son pneu arrière gauche.
50e : Prost mène devant Jones (11.1s.), Piquet (28.9s.), Watson (47.2s.), Rebaque (-1t.), de Angelis (-1t.), Surer (-1t.), Cheever (-1t.), Salazar (-1t.) et Alboreto (-1t.).
52e : Watson s'arrête dans l'herbe suite à une panne électrique. Son moteur ratatouillait depuis une dizaine de boucles. Borgudd fait changer son pneu avant gauche qui a crevé, peut-être suite à l'accrochage avec Salazar.
53e : Surer entre dans les points grâce à l'abandon de Watson, mais il est menacé par l'Ensign de Salazar.
55e : Prost a treize secondes d'avance sur Jones, trente-deux secondes sur Piquet.
57e : Salazar prend la sixième place à Surer.
60e : Prost est en tête devant Jones (14.7s.), Piquet (28.5s.), Rebaque (-1t.), de Angelis (-1t.) et Salazar (-2t.).
61 : Piquet se lance à la poursuite de Jones. Ses pneus sont en meilleur état que ceux que l'Australien et il gagne environ une seconde par tour.
63e : Piquet est revenu à neuf secondes de Jones.
64e : Le moteur de Surer ne cesse de désamorcer. Le Suisse termine l'épreuve au ralenti. Il se fait doubler par Alboreto.
65e : L'écart entre Jones et Piquet est de cinq secondes et trois dixièmes. En tête, Prost est irrattrapable.
67e : Dans la grande courbe à droite Scheilvak, le pneu avant gauche d'Andretti éclate. L'Alfa Romeo quitte la piste et s'écrase contre le rail avec violence avant de rebondir dans l'herbe, en tête-à-queue. Bien que conscient, Andretti reste coincé dans son habitacle. Les commissaires se précipitent à son secours.
68e : Piquet est dans les roues de Jones. Les secours extraient Andretti de son épave et le docteur Watkins examine celui-ci, allongé dans le gazon.
69e : A la faveur du dépassement de Salazar, Piquet déborde Jones avant Tarzan, plonge à l'intérieur et s'empare du deuxième rang.
70e : Andretti a été transporté en ambulance au centre médical. Il est sonné mais ne souffre que de quelques contusions sans gravité. Alboreto est dans les roues de Salazar et convoite le dernier point.
71e : Jones ralentit beaucoup. Le moteur d'Alboreto part en fumée. L'Italien a commis un surrégime en essayant de doubler Salazar.
72ème et dernier tour : Alain Prost remporte le GP de Pays-Bas devant Piquet qui réalise une excellente opération au championnat en inscrivant ces six points. Jones termine troisième et monte sur son premier podium depuis Monaco. Rebaque termine quatrième pour la troisième fois de la saison. De Angelis finit en cinquième position tandis que le Chilien Salazar marque son premier point. Stohr, Surer et Borgudd rallient aussi l'arrivée.
Après la course
Prost savoure pleinement cette victoire. Cette fois-ci, il n'y aura personne pour soutenir qu'il doit son succès à la chance, comme après le GP de France. Sa Renault était selon lui « parfaite » et les pneus Michelin se sont admirablement comportés. Mieux encore, cette deuxième victoire lui permet d'encore espérer remporter le titre mondial. Moins de sourire en revanche chez Ligier: Jacques Laffite fait la tête et en veut beaucoup à Carlos Reutemann de l'avoir percuté.
C'est en effet un très mauvais week-end qui se conclut en revanche pour le coureur argentin. Il y a un mois, il totalisait dix-sept points d'avance sur Nelson Piquet et était parti pour facilement remporter la couronne mondiale. Désormais le Brésilien est revenu à sa hauteur. En conflit ouvert avec Frank Williams, Reutemann est très fébrile. En témoigne son accrochage avec Jacques Laffite, une erreur grossière inhabituelle chez lui.
La compétition est donc totalement relancée à trois courses du dénouement. Piquet et Reutemann occupent désormais le premier rang avec 45 points chacun. Laffite (34 pts), Jones (31 pts) et Prost (28 pts) ont encore quelques espoirs de coiffer la couronne. Au classement des constructeurs, le succès de Williams n'est plus si assuré : Brabham n'a plus que vingt points de retard sur sa rivale. Renault reprend la troisième place à son concurrent français Talbot-Matra.
Tony