Rendez-vous italien et crise chez Ferrari
Le Grand Prix d'Italie à Monza marque le premier anniversaire du décès de Jochen Rindt que nul n'a oublié dans le paddock. Mais cet événement est aussi un grand rendez-vous pour le sport automobile italien et pour les tifosi. L'ambiance est unique sur ce tracé si atypique, ultra-rapide, où les pilotes ne freinent que deux fois durant le tour: à l'abord du premier virage de Lesmo et avant la Parabolica.
Le titre des conducteurs a été attribué à Jackie Stewart à l'issue du Grand Prix d'Autriche. La coupe des constructeurs est encore en jeu, mais il n'y a guère de suspens. Tyrrell a en effet dix-neuf points d'avance sur Ferrari. La Scuderia doit reprendre au moins deux points à l'équipe d'Ockham pour conserver une chance de remporter la distinction. Mais avec les problèmes de fiabilité et le manque de stabilité des bolides italiens, cette perspective est peu probable.
En effet, suite aux performances désastreuses de ses voitures en Autriche, Enzo Ferrari a publiquement mis en cause les pneus Firestone et a menacé de ne pas participer au Grand Prix d'Italie. Grand émoi chez les organisateurs de la course: un week-end à Monza sans Ferrari, c'est un désastre financier assuré. Finalement le Commendatore revient sur ses menaces. Mais Jacky Ickx jugeant la 312 B2 inconduisible décide de se rabattre sur la B1 de 1970. Clay Regazzoni, vainqueur à Monza en 1970, pilote la B2. Celle-ci est équipée d'un nouveau moteur dont le régime est abaissé. Regazzoni le casse lors des essais du samedi. Un nouvel aileron arrière est aussi installé sur les deux voitures.
Présentation de l'épreuve
Après avoir fait l'impasse sur le Grand Prix d'Autriche, Matra fait son retour en Italie avec un nouveau moteur. Un gros travail a été effectué sur les conduits d'admission et le système de lubrification. On note la présence de deux énormes tubes de chaque côté du moteur participant du système de « catch-tank » imposé par la CSI pour éviter les projections d'huile. Enfin le système de fixation du châssis au moteur est aussi nouveau. Par ces modifications, Matra espère obtenir un excellent résultat en Italie et sauver la saison de l'équipe. Jean-Pierre Beltoise est toujours absent car toujours suspendu par la CSI.
La saison de McLaren en Formule 1 est si décevante que Denny Hulme a préféré disputer une manche d'USAC plutôt que de participer à ce Grand Prix. Jackie Oliver sera donc le seul à défendre les chances de l'équipe néo-zélandaise, toujours au volant d'une vieille M14A.
Comme en Autriche, quatre BRM sont au départ: trois P160 pour Jo Siffert, Howden Ganley et Peter Gethin, et une P153 pour Helmut Marko. Grâce à la puissance de son douze cylindres qui a fait merveille aux mains de Siffert en Autriche, l'équipe de Louis Stanley apparaît comme la favorite de l'épreuve.
Colin Chapman et le Team Lotus sont toujours inquiétés par la justice italienne suite à l'accident mortel de Jochen Rindt survenu la saison précédente. Par conséquent Chapman ne fait pas le déplacement en Lombardie et l'équipe se présente sous la bannière fantoche de Worldwilde Racing, une structure appartenant au directeur sportif Peter Warr. Elle présente seulement la 56B à turbine, confiée à Emerson Fittipaldi. A cause de la forte chaleur régnant sur le circuit, la turbine n'atteint pas son rendement maximum. De toute façon, cette voiture n'est pas du tout au point. « Nous avons changé les rapports pour augmenter le régime », explique Fittipaldi, « mais à son maximum je ne peux la faire monter au-delà de 300km/h. Elle est chargée de kérosène, quelque chose comme 220 litres... C'est ridicule. Je ne peux même pas rester dans le sillage des autres voitures. »
Le champion suisse de voitures de sport Herbert Müller voulait s'engager au volant d'une Lotus 72A mais a dû renoncer.
Surtees engage une troisième TS9 pour un revenant, le champion motocycliste Mike Hailwood, dit « Mike the bike ». Hailwood a déjà piloté en Formule 1 entre 1963 et 1965 pour le compte de Reg Parnell, sans beaucoup de succès. Il a accepté de rejoindre son ami John Surtees, tout comme lui ancien champion de moto.
Le pilote français Jean-Pierre Jarier, 25 ans, fait ses débuts en Formule 1 au volant d'une March 701 engagée par son patron en Formule 2 Marcel Arnold, avec le soutien de Shell. Cependant cette vieille machine est mal préparée et Jarier va avoir bien du mérite à la garder en piste durant le week-end.
Jo Bonnier est de nouveau présent avec son antique McLaren M7C, mais cette fois-ci sous la couleur rouge de la Scuderia Filipinetti.
Après un piètre passage en 1970, l'équipe de Silvio Moser fait son retour avec la Bellasi F1 70 pour cette seule manche italienne. Moser espère seulement se qualifier au volant de cette voiture déjà complétement dépassée en 1970...
Enfin, deux engagements ont été abandonnés: celui du Brésilien José Carlos Pace, approché par Frank Williams, tandis que l'équipe de Jo Siffert a renoncé à aligner une March pour François Mazet.
Les qualifications
Sur cette piste ultra-rapide, les appuis aérodynamiques sont réduits au minimum. D'où des solutions variables selon les équipes.
Les March 711 n'ont plus leur « plateau à thé » à l'avant et l'aileron arrière n'est qu'une petite lame. Les ailerons avant sont démontés sur les BRM et la Lotus 56B. Une simple lame est montée à l'arrière sur la Matra d'Amon. L'antique McLaren de Bonnier n'a aucun aileron, ce qui lui donne une apparence très archaïque.
Comme prévu, les moteurs à douze cylindres sont les plus performants sur ce tracé, mais les V8 Ford-Cosworth se défendent bien. Le nouveau moteur Matra fait des merveilles puisqu'Amon réalise la pole position avec un chrono de 1' 22'' 4''', soit presque deux secondes de moins que la pole d'Ickx en 1970. C'est la première fois qu'un moteur français obtient une pole. Ickx hisse sa Ferrari 312 B1 à la deuxième place et précède les BRM de Siffert et de Ganley. Cevert est le premier pilote propulsé par un V8, avec le cinquième temps. Il précède Peterson, Stewart et Regazzoni. La cinquième ligne est occupée par Schenken et par Pescarolo. Viennent ensuite les deux autres BRM de Gethin et Marko. Fittipaldi est seulement dix-huitième avec l'unique Lotus engagée.
Bonnier, Moser, Stommelen et Jarier occupent les derniers rangs.
Lors des derniers essais, Stommelen est sorti de la route suite à un déjantage. Sa voiture est trop endommagée pour que les mécaniciens puissent la réparer pour la course.
Le Grand Prix
La course se déroule sous un soleil et une chaleur estivaux.
Départ: Le starter abaisse son drapeau alors que toutes les voitures ne sont pas arrêtées. Ne s'était pas arrêté sur le grille, Regazzoni vole le départ et surgit de la quatrième ligne pour prendre le commandement devant Siffert, Ickx et Amon. Toutefois Regazzoni se loupe quelque peu dans la Curva Biassono, et il en ressort derrière Siffert.
1er tour: Stewart et Peterson doublent Ickx et Ganley et se retrouvent derrière les deux leaders. Amon est enfermé dans le peloton. Dans la ligne droite menant à la Parabolica, Stewart et Peterson sont roues dans roues. Juste devant eux Regazzoni plonge à l'intérieur et dépasse Siffert sous les vivats de la foule.
Regazzoni conclut cette première boucle en tête devant Siffert, Stewart, Ganley, Peterson, Ickx, Pescarolo, Amon, Gethin et Cevert.
2e: Siffert tente de déborder Regazzoni sur la ligne mais le pilote Ferrari conserve l'avantage. Peterson pointe au troisième rang après avoir doublé Ganley puis Stewart. Ickx double Ganley en fin de boucle. De Adamich est aux stands car son moteur a des ratés, mais il repartira.
3e: Le peloton emmené par Regazzoni demeure extrêmement compact.
4e: Sur la ligne de chronométrage, Peterson déborde Siffert et Regazzoni par l'extérieur et s'empare du commandement. Stewart double ensuite à son tour les deux Suisses. Cevert est septième après avoir passé Gethin puis Pescarolo. Marko regagne le stand BRM avec un moteur en panne. Il était jusqu'alors onzième. Surtees casse aussi son moteur et renonce.
5e: Peterson, Stewart, Siffert, Regazzoni et Ickx sont roues dans roues. Cevert prend la sixième place à Ganley. Gethin et Amon ont doublé Pescarolo. Jarier a cassé sa pédale d'embrayage. Ses mécaniciens parviennent toutefois à la réparer et le jeune Français repart après plus minutes d'immobilisation.
6e: Regazzoni double Siffert tandis que Cevert passe Ickx. Schenken a cassé une traverse à l'arrière de son châssis. Il regagne son stand pour abandonner. La course est déjà finie également pour Moser à cause du bris d'un point d'attache d'un amortisseur.
7e: Peterson résiste à Stewart tandis que Cevert double Siffert.
8e: Stewart attaque Peterson à la parabolique et prend la tête de l'épreuve. Hailwood apparaît au neuvième rang après avoir doublé Amon.
9e: Regazzoni attaque Peterson et prend la deuxième place, avant de passer devant Stewart. Peterson repasse ensuite devant l'Écossais. Hailwood prend la huitième place à Gethin. Treize pilotes se tiennent en moins de cinq secondes. Pescarolo réalise le meilleur tour de la course: 1'23''8'''.
10e: Peterson reprend le commandement à Rega dans la Parabolica. En fin de boucle, il mène devant Regazzoni (0.1s.), Stewart (0.4s.), Cevert (0.9s.), Siffert (1.2s.), Ickx (1.4s.), Ganley (1.8s.), Hailwood (2.1s.), Amon (2.7s.), Gethin (3.2s.), Oliver (3.7s.), Galli (4.1s.) et Pescarolo (4.4s.). Les autres coureurs sont distancés.
11e: Cevert semble irrésistible: il double Siffert puis Stewart et pointe au troisième rang.
12e: Galli était dans le peloton de tête, mais malheureusement une avarie de son allumage le contraint au retrait.
13e: Cevert attaque Regazzoni et prend la deuxième place. Ickx prend la cinquième place à Siffert.
14e: Tandis que Cevert menace Peterson, Hailwood double dans le même tour Ganley et Siffert, qui avaient dû auparavant céder à Ickx.
15e: Cevert attaque Peterson et s'empare du commandement de l'épreuve. Stewart double quant à lui Regazzoni, avant de déborder Peterson dans les derniers mètres. Un joint en caoutchouc situé entre la transmission et le moteur, et censé amortir les vibrations, se brise sur la Ferrari d'Ickx. Ce dernier regagne les stands.
16e: Le moteur de Stewart se tait en fin de parcours. L'Écossais lève le bras et regagne son garage pour renoncer. Hailwood est désormais quatrième et sème Ganley. Ickx doit abandonner car outre sa transmission, son moteur est endommagé.
17e: Cevert, qui avait gagné une seconde d'avance sur Peterson, est attaqué par le Suédois à la Parabolica. Peterson reprend le commandement.
18e: Comme sur la voiture d'Ickx, un joint de transmission se casse sur la voiture de Regazzoni. Le Tessinois ralentit à Lesmo et est contraint de renoncer, au grand désespoir des tifosi. Il n'y a plus de Ferrari en course.
19e: Peterson, Cevert et Hailwood forment le peloton de tête. Viennent ensuite Ganley, Siffert et Amon. Plus loin, Gethin et Oliver son en bagarre.
20e: Peterson mène devant Cevert (0.5s.), Hailwood (0.7s.), Siffert (4.7s.), Ganley (5.1s.), Amon (5.7s.), Gethin (9.8s.), Oliver (10.1s.) et Pescarolo (13.9s.).
22e: Peterson a du mal à contenir les assauts de Cevert et de Hailwood.
23e: Cevert attaque Peterson à l'abord de la Parabolica et reprend le commandement. Hailwood double à son tour la March.
24e: Grâce à l'aspiration, Peterson parvient à repasser devant Cevert et Hailwood. Siffert, Ganley et Amon se rapprochent dangereusement du trio de tête.
25e: Hailwood parvient à prendre le meilleur sur Cevert, puis sur Peterson. Le voici en tête de la course pour son premier Grand Prix depuis six ans ! En fin de tour, Siffert a fait la jonction avec le groupe de tête et dépasse Peterson.
26e: Peterson, décidément hargneux, « avale » dans le même tour Siffert, Cevert et Hailwood et reprend le commandement.
27e: Hailwood reprend la première place à Peterson, lequel cède aussi à Cevert. Siffert, Ganley et Amon sont en embuscade.
28e: Siffert passe à l'attaque. Il double Peterson, puis Cevert, et enfin Hailwood, et s'empare de la première place. Cevert est deuxième, suivi de Peterson, Hailwood, Amon et Ganley. Gethin est parvenu à semer Oliver.
29e: Pescarolo est contraint de s'arrêter au stand Williams pour faire régler sa carburation. Il va repartir en douzième position.
30e: Siffert est premier devant Peterson (0.2s.), Cevert (0.3s.), Hailwood (0.5s.), Amon (0.8s.) et Ganley (1.3s.). Viennent ensuite Gethin (7.4s.), Oliver (19.8s.) et Hill (35.7s.). Jarier s'arrête à son stand à cause d'un souci de freins.
31e: Siffert rencontre un problème avec sa boîte de vitesses. Cevert le double et reprend la première place, suivi par Peterson, Hailwood, Amon et Ganley.
32e: Siffert est bloqué en quatrième vitesse. Il se fait doubler par Gethin.
33e: Peterson double Cevert à la Parabolica et reprend la tête. Hailwood parvient à faire l'intérieur à la Tyrrell.
34e: Cevert se venge du précédent tour en repassant Peterson et Hailwood.
35e: Hailwood reprend la première place à Cevert. De Adamich renonce suite à ses problèmes de moteur. Le V8 Alfa Romeo n'aura pas plus brillé en Italie que d'habitude...
36e: Le mano a mano se poursuit en tête: Cevert dépasse Hailwood. Amon se fait pressant derrière Peterson.
37e: Grâce à la puissance de son V12, Amon double Peterson. Puis en fin de boucle, il déborde Hailwood et Cevert et pointe en tête pour la première fois de l'épreuve.
38e: Peterson a doublé Cevert puis Hailwood et se retrouve second. Siffert est toujours bloqué en quatrième vitesse et va finir l'épreuve à une relative faible allure.
40e: Amon est premier juste devant Peterson, Hailwood, Cevert et Ganley. Gethin est sixième à cinq secondes. Suivent Oliver, Hill, Beuttler et Siffert.
41e: Pescarolo abandonne à cause d'un bris de suspension.
42e: Hailwood tente une attaque et dépasse Peterson, avant de surprendre Amon à la parabolique. Le voici de nouveau en tête. Beuttler voit son moteur le trahir tandis qu'il occupait une belle neuvième place.
43e: Amon parvient aussitôt à reprendre l'avantage sur Hailwood qui en plus se fait ensuite passer par Cevert. Gethin commence à se rapprocher du quintette de tête.
45e: Amon est en tête et semble pouvoir se diriger vers la victoire. Il emmène toujours dans son sillage Cevert, Hailwood, Peterson et Ganley.
46e: Peterson prend la troisième place à Hailwood. Gethin a fait la jonction avec les cinq premiers.
47e: En voulant retirer une protection sur sa visière tâchée d'huile, Amon enlève maladroitement celle-ci et se retrouve le visage à nu à 250 km/h. Cet incident stupide le contraint à lever le pied. Le Néo-Zélandais ne remportera encore pas cette fois son premier Grand Prix... Peterson surprend Cevert et vire en tête.
48e: Peterson est désormais premier juste devant Cevert, Hailwood, Ganley et Gethin. La victoire va se jouer entre ces cinq pilotes. Amon a ralenti afin d'éviter un accident.
49e: Hill ne parvient plus à sélectionner ses vitesses et est forcé d'abandonner. Pour ne rien arranger à sa situation, Amon rencontre un souci d'alimentation en essence.
50e: Peterson conserve la première place. Hailwood et Gethin passent à l'attaque et ont doublé Cevert et Ganley. La bataille va être terrible entre ces cinq pilotes, chacun convoitant sa première victoire en Formule 1.
51e: Hailwood attaque Peterson et lui reprend le commandement. Les cinq leaders doublent Jarier en fin de tour.
52e: Gethin passe Peterson sur la ligne de chronométrage. Le Suédois reprend l'avantage dans Lesmo. A l'abord de la Parabolica, Peterson et Gethin placés à l'extérieur doublent Hailwood. Gethin déborde ensuite Peterson en passant devant les tribunes. Le voici en tête.
53e: Peterson repasse devant Gethin dans la Curva Biassono. A la Parabolica, Gethin redouble la March par une manœuvre très osée à l'extérieur. Il se rabat devant Peterson en sortie de virage. Cevert double Hailwood tandis que Ganley, toujours très (trop ?) prudent, ne tente rien.
54e: Il reste deux tours à parcourir. Gethin, Peterson et Cevert attaquent cette boucle côte à côte. A la fin de la première ligne droite, Peterson tasse Cevert sur le côté droit et le Français met presque les roues dans le gazon. Mais il ne cède pas et vire en tête à la Curva Biassono devant Peterson, Hailwood, Gethin et Ganley. Dans le Rettifilo Centrale Peterson repasse devant Cevert. Hailwood tente de profiter de l'aspiration de la March, mais Cevert se rabat devant lui. Suivent les deux BRM.
55ème et dernier tour: Cevert déborde Peterson dans la ligne droite principale tandis que Gethin passe Hailwood. Ganley demeure en embuscade. Les cinq hommes de tête reviennent sur Bonnier, attardé, mais qui est trop loin pour les gêner. A la fin du Rettifilo Centrale, Cevert se déporte sur la gauche afin que Peterson le double par l'intérieur et qu'il puisse profiter de son aspiration dans la dernière ligne droite. Le Suédois passe effectivement. Mais Gethin les surprend en plongeant à l'intérieur et freine très tard. Prenant la courbe trop à l'extérieur, Peterson se fait doubler par la BRM. Il se colle derrière elle dans la ligne droite mais il est trop tard, et Gethin coupe la ligne d'arrivée en vainqueur avec un centième de seconde d'avance sur Peterson! Cevert, Hailwood et Ganley suivent dans la même seconde.
Amer, Cevert raconte plus tard cet incroyable final à la presse : « J'ai vu brusquement un nuage de fumée blanche derrière moi. Peter Gethin est arrivé, toutes roues bloquées, complètement en perdition. J'avais le droit de me rabattre devant lui, mais il allait si vite qu'il était évident qu'il ne pourrait pas éviter de me percuter. La rage au cœur, j'ai donc conservé ma ligne. L'accident était évité, mais j'avais perdu le Grand Prix d'Italie !
Après la course
Peter Gethin remporte donc sa première victoire en Formule 1 par la plus petite des marges, au prix d'une manœuvre audacieuse. Il a été aussi très malin en levant le bras de joie avant de couper la ligne: au cas où il aurait fini à égalité avec Peterson, cet élément aurait pu influencer le jugement des commissaires. Peterson et Cevert sont les grands battus du jour, mais ont tout de même réalisé une superbe course. Très belle performance aussi pour Hailwood qui termine quatrième avec la Surtees pour son premier Grand Prix depuis des lustres. Ganley finit cinquième et inscrit ses deux premiers points. Quant au pauvre Amon, la poisse l'a encore poursuivi, mais il ramène tout de même un point. Oliver, Fittipaldi, handicapé par sa turbine et ses freins, Siffert et Bonnier sont aussi à l'arrivée. Jarier n'est pas classé.
Grâce à ce succès, Gethin prend une belle revanche sur McLaren qui l'a renvoyé au soir du Grand Prix d'Allemagne. Sur le podium, le sympathique Anglais sable le champagne entouré par Louis Stanley et Margherita Bandini, veuve de Lorenzo.
Le Grand Prix a été très court puisqu'il n'a duré qu'une heure et dix-huit minutes. Gethin l'emporte avec 242, 616 km/h de moyenne, un record qui tiendra trente-trois ans.
Au classement des pilotes, Peterson pointe désormais au deuxième rang avec 23 points contre 19 pour Ickx et 16 pour Fittipaldi et Cevert. Le jeune Suédois est donc en mesure de devenir vice-champion dès sa seconde saison en F1. Chez les constructeurs, la deuxième place de Ferrari est désormais sérieusement menacée par BRM et par March.
Tyrrell remporte le titre des constructeurs
La troisième place de Cevert donne à Tyrrell la coupe des constructeurs. Ken Tyrrell amène son équipe aux sommets dès sa première saison complète en tant que constructeur. La voiture conçue par Derek Gardner, sans cesse améliorée, n'est peut-être pas révolutionnaire, mais elle est sans conteste la plus performante et la plus régulière face à une concurrence confrontée à de sérieux déboires techniques, en particulier Ferrari. Jackie Stewart a bien sûr joué un rôle clé dans ce triomphe, mais il faut aussi citer les chefs mécaniciens Roger Hill et Neil Davis, hommes de l'ombre essentiels au bon fonctionnement de l'écurie. Ainsi, Tyrrell ne possède peut-être pas un concepteur génial comme Lotus ou de gros moyens financiers comme Ferrari, mais elle apparaît comme l'écurie la plus professionnelle du plateau.
Ford-Cosworth décroche son quatrième titre mondial consécutif et poursuit sa domination sur la Formule 1 malgré la concurrence des douze cylindres Matra, Ferrari et BRM. C'est aussi un succès pour Goodyear dont les pneus ont été largement supérieurs à ceux fournis par Firestone, nonobstant le désastre de Zandvoort. Enfin Elf est aussi à l'honneur puisque le pétrolier français fait pour la première fois triompher une huile de synthèse en Formule 1.
Tony