Jochen RINDT
 J.RINDT
Lotus Ford Cosworth
Jackie STEWART
 J.STEWART
Matra Ford Cosworth
Jean-Pierre BELTOISE
 J.BELTOISE
Matra Ford Cosworth

181o Gran Premio

XL Gran Premio d'Italia
Soleado
Monza
domingo, 7 de septiembre de 1969
68 vueltas x 5.750 km - 391.000 km
Affiche
F1
Coupe

¿Lo sabían?

Piloto
Jackie STEWART es Campeón del Mundo
Constructore
Matra es Campeón del Mundo
  • 9a y última victoria para Matra
  • 60o pódium para Lotus
  • 10a vuelta rápida para Matra
Motor

Début de la saison des transferts

La question des changements de conducteurs trouble l'esprit des directeurs d'équipe. Bien qu'il n'ait que 32 ans, Bruce McLaren songe ainsi à abandonner la Formule 1 pour se concentrer sur la CanAm, où il accumule les succès, et sur la direction de son écurie en général. Il aimerait être remplacé par Jackie Stewart qui ignore encore de quoi sera fait son avenir. En effet, Jean-Luc Lagardère désire qu'en 1970 les Matra soient propulsées par le nouveau V12 de Vélizy, ce dont ne veulent pas Ken Tyrrell et Stewart. Ceux-ci sont à la recherche d'une solution de rechange, mais le pilote écossais ne s'interdit pas de rejoindre une autre structure... pourvu qu'il soit (très) bien payé.

 

Pour sa part, Colin Chapman a subi plusieurs revers en cette saison 1969. Tout d'abord, ses Lotus sont épiées avec suspicion par ses propres pilotes depuis les incidents de Montjuïc. Pourtant, aucune autre défaillance technique n'a depuis créée d'accident. Mais plusieurs experts considèrent dorénavant les Lotus comme des voitures dangereuses, même si dans ce milieu restreint et cancanier Chapman dispose de solides appuis, dans la presse britannique évidemment, mais aussi chez les francophones avec son fidèle ami et affidé « Jabby » Crombac. En outre, sa réputation de génial concepteur est écornée par l'échec de la 63 à quatre roues motrices, qu'il ne veut cependant pas admettre, au point de contraindre le pauvre John Miles à servir de cobaye officiel.

 

Chapman irrite au point qu'il pourrait perdre ses deux pilotes Graham Hill et Jochen Rindt. Ce dernier n'a plus confiance en son patron et aimerait retourner chez Brabham. Cela tombe bien : le « vieux Jack » songe justement à prendre sa retraite et rêve d'avoir le jeune Autrichien pour successeur. Mais Chapman entend pourtant garder Rindt à n'importe quel prix. Très imbus de leurs personnes, les deux hommes ne s'aiment pas mais se respectent. Faute de pouvoir mettre la main sur Stewart, Chapman sait que Rindt est le seul pilote dont le talent soit comparable à celui de Jim Clark. Il est donc prêt à oublier son amour-propre pour le retenir par la manche. L'intéressé se laissera-t-il séduire ? Deux personnages-clés peuvent influencer sa décision : son épouse Nina, qui ne peut souffrir Chapman, et son agent Bernie Ecclestone, petit intrigant qui ne dit pas grand-chose mais se mêle de tout en sous-main. Mais l'argument essentiel sera très certainement pécuniaire, car Rindt est presque aussi vénal que son ami Stewart, ce qui n'est pas peu dire...

 

Présentation de l'épreuve

Sauf surprise, ce Grand Prix d'Italie devrait consacrer Jackie Stewart champion du monde de Formule 1 pour la première fois. Le pilote écossais possède en effet vingt-neuf points d'avance sur Jacky Ickx, trente unités sur Bruce McLaren. Il lui suffit donc d'inscrire trois points, quels que soient les résultats de ses poursuivants, pour être titré. Matra-Ford peut aussi s'assurer du trophée des constructeurs, à conditions de marquer trois points de plus que Lotus et Brabham.

 

Toutes les équipes amènent une nouvelle génération de stabilisateurs de petites tailles afin de réduite la prise d'air dans les longues lignes droites de l'autodrome et donc d'améliorer la vitesse.

 

Jack Brabham est enfin remis de ses blessures contractées à Silverstone et reprend le volant à Monza. Pour l'occasion, il récupère la BT26 victorieuse au Nürburgring, ce qui ne plaît pas du tout à Jacky Ickx, relégué au rang de second pilote.

 

Chez Matra-Ford, Stewart et Beltoise passent leurs essais à déterminer le degré d'appui aérodynamique dont ils auront besoin pour la course. Finalement, l'Écossais court sans aucun déflecteur tandis que le Français arbore une petite aile à l'arrière et des « poignées » à l'avant. La MS84 est inscrite en réserve pour Johnny Servoz-Gavin, mais il ne s'agit que d'une astuce pour que les organisateurs admettent ce modèle comme mulet de l'équipe de Ken Tyrrell.

Les Lotus sont dépourvues d'aileron, excepté la 63 de John Miles gréée à l'arrière. Les Brabham et les McLaren possèdent des ailerons arrière et des « moustaches » à l'avant. La BT26 privée de Courage reçoit une aile arrière haut placée qui lui permet d'être très rapide en courbe. BRM engage une 139 toute neuve pour Oliver tandis que la voiture de Surtees arbore une calandre plate et un capot/déflecteur à l'arrière. Celle d'Oliver se présente avec deux petites ailes de chaque côté de l'échappement.

 

Ferrari a annoncé l'arrivée d'une 312 B équipée du nouveau moteur douze cylindres à plat, mais celle-ci n'est pas prête à cause de soucis de coussinets. En conséquence, Chris Amon refuse de se présenter à Monza. Sa collaboration avec la Scuderia est désormais terminée. Pedro Rodríguez, qui a été inscrit pour conduire la nouvelle machine, se retrouve à pied. La Scuderia se présente donc avec une vieille 312 confiée au pilote d'essais Ernesto « Tino » Brambilla. C'est un cadeau du Commendatore à ce valeureux pilote de 35 ans, surnommé le « Gorille de Monza », à l'instar de son frère Vittorio. Hélas Brambilla n'est pas au mieux de sa forme à cause d'une blessure au bras contractée lors d'une chute à moto.

 

Accidenté à Oulton Park, Jo Bonnier déclare forfait car sa Lotus n'est pas réparée. En revanche Silvio Moser est de retour avec sa propre Brabham.

 

Dunlop apporte ici un nouveau modèle de pneu, le Mk3 qui permet d'améliorer la stabilité longitudinale.

 

Les qualifications

Rindt domine les essais et obtient sa sixième pole position très aisément. En revanche Hill (9ème) est beaucoup moins incisif tandis que le malheureux Miles (14ème) continue de se débattre avec la Lotus 4x4, au point de se qualifier avec un bloc emprunté à Rob Walker. Vainqueur l'an passé, Hulme se classe deuxième, trois rangs devant son équipier McLaren. Stewart se contente de la troisième place et précède l'étonnant Courage dont le bolide est ici extrêmement rapide. Beltoise se classe sixième après des essais satisfaisants. Brabham et Siffert se partagent la quatrième ligne. Les BRM (Surtees 10ème, Oliver 11ème) font de la figuration. Brambilla se révélant bien trop lent, Franco Gozzi et Mauro Forghieri demandent à Rodríguez de s'installer au volant de la 312. Le Mexicain sauve les meubles en se qualifiant en douzième position, juste devant Moser.

 

Ickx est victime d'une panne de moteur le vendredi. Brabham refuse de prêter sa BT26 à son équipier, ce qui irrite encore un peu plus ce dernier. Le lendemain, le Belge est à nouveau trahi par son V8. Il doit finalement demander un Cosworth à Frank Williams pour pouvoir se placer sur la grille au quinzième et dernier rang...

 

Le Grand Prix

Malgré les piètres performances de Ferrari, les tribunes sont bondées et l'ambiance est électrique. Si les tifosi n'attendent rien de l'obsolète 312 de Pedro Rodríguez, ils espèrent assister à un fameux combat entre les deux grands favoris de l'épreuve, Jochen Rindt et Jackie Stewart.

 

Grille de départ : Hill ne parvient à démarrer son moteur qu'avec beaucoup de retard. Il doit se faufiler entre ses adversaires pour s'arrêter à son emplacement.

 

Départ : Rindt démarre en trombe et conserve le commandement. Stewart parvient à doubler Hulme non sans frotter le déflecteur avant de la McLaren. Siffert prend un excellent envol et se hisse au quatrième rang.

 

1er tour : La course en peloton commence. Stewart déborde Rindt avant la Parabolica et s'empare du leadership. En fin de tour, il mène la meute devant Rindt, Hulme, Siffert, McLaren, Courage, Beltoise, Brabham, Hill et Surtees.

 

2e : Stewart écrase un lapin avec sa roue avant-droite. Il peut poursuivre mais craint que son pneu soit abîmé. L'Écossais ne pouvait pas faire le moindre écart pour éviter le pauvre animal, au risque de créer un affreux carambolage... Siffert double Hulme. Ickx s'arrête à son stand car sa pression d'huile fluctue. Ron Dennis découvre une fuite qu'il fait colmater. Ickx repartira avec deux tours de retard.

 

3e : Stewart, Rindt, Siffert, Hulme, McLaren, Courage, Beltoise, Brabham et Hill sont roues dans roues.

 

4e : Rindt déborde Stewart dans la Curva Grande, mais un peu plus loin le pilote Matra reprend le commandement à la Parabolica. Les deux amis vont répéter ces manœuvres durant toute la course, sachant que la décision ne se fera que dans les dernières boucles. Le moteur de Miles explose dans un nuage de fumée. Le calvaire du jeune Anglais n'aura pas duré trop longtemps cet après-midi...

 

5e : A cause d'une fuite d'huile, le moteur de Brabham commence à fumer. L'Australien doit résister aux assauts de Hill.

 

6e : Stewart, Rindt, Siffert, Hulme, Courage, McLaren et Beltoise forment le peloton de tête. Brabham et Hill sont quelque peu distancés, puis viennent Surtees, Oliver et Rodríguez.

 

7e : Rindt dépasse Stewart dans la Curva Grande et cette fois demeure à cette place. Hulme et Courage surprennent Siffert. Brabham doit renoncer suite à la rupture d'un raccord d'essence mal serré.

 

8e : Stewart parvient à reprendre l'avantage sur Rindt, mais tous deux sont dépassés par Hulme qui se porte en tête. Hill perd un tube d'échappement qui percute la BRM de Surtees, arrachant un élément du système d'allumage. Surtees doit ralentir.

 

9e : Stewart repasse devant Hulme tandis que Courage double Rindt. Beltoise déborde d'un seul coup McLaren et Siffert. Surtees s'arrête à son stand pour essayer de réparer son allumage.

 

10e : Rindt redouble Courage tandis que Beltoise a rétrogradé derrière McLaren et Siffert.

 

11e : Siffert dépossède McLaren de la cinquième place. Moser renonce à cause de difficultés d'alimentation.

 

12e : Hulme rencontre un problème de freins et se fait doubler par le peloton comprenant Rindt, Courage, Siffert et McLaren.

 

14e : Les sept premiers se tiennent en quelques secondes. Hill est légèrement distancé mais les rattrape petit à petit. Surtees s'arrête une seconde fois à son garage.

 

15e : Stewart et Rindt poursuivent leur parade en tête. Siffert se porte devant Courage.

 

16e : Courage passe à l'attaque et dépasse d'un seul coup Siffert et Rindt. Hulme double McLaren.

 

17e : Courage se fait pressant derrière Stewart. Siffert redouble Rindt.

 

18e : Courage déborde Stewart dans la Curva Grande et prend pour la première fois la tête d'un Grand Prix.

 

19e : Stewart riposte à la Parabolica et arrache le commandement des mains de Courage. Hulme semble avoir récupéré de ses soucis de freinage et dépasse Rindt.

 

21e : Stewart, Courage, Siffert, Hulme, Rindt, McLaren et Beltoise forment le contingent de tête. A trois secondes se trouve Hill, isolé. Oliver est neuvième à près de quarante secondes.

 

23e : Après avoir effacé Siffert, Hulme double Courage et revient se placer derrière Stewart. Rindt surprend Siffert. Hill recolle au peloton de tête.

 

24e : Hulme est à nouveau aux prises avec ses freins, et de plus peine à embrayer. Il ralentit et crée une certaine confusion qui permet à Hill de dépasser Beltoise et McLaren.

 

25e : Rindt double Courage devant les stands, puis déborde Stewart dans la Curva Grande et retrouve la première place. Courage en profite pour doubler Stewart. Hill double Siffert tandis que Beltoise et McLaren sont désormais devant Hulme.

 

27e : Rindt n'arrive pas à semer ses poursuivants. Stewart repasse devant Courage et Siffert dépossède Hill de la cinquième place.

 

28e : Stewart porte l'estocade contre Rindt à la parabolique. Connaissant les réactions de son ami, l'Autrichien ne le gêne pas. Hulme a complètement lâché prise.

 

29e : Hill dépasse Siffert qui paraît moins à l'aise. Oliver entre aux stands car sa bouteille d'extincteur pend au bout de la canalisation de la BRM. Ses mécaniciens vont refixer la pièce.

 

30e : Siffert est à la peine car une canalisation d'essence s'est desserrée sur sa Lotus. Il cède une place à Beltoise.

 

31e : Rindt parvient à déborder Stewart peu après la longue ligne droite. McLaren dépasse Siffert.

 

32e : Stewart tente de doubler Rindt à la Parabolica, mais Courage se place à l'intérieur et déborde les deux compères. Le voici pour la seconde fois leader du GP d'Italie.

 

33e : Stewart et Rindt repassent devant Courage. Suivent Hill (2s.), Beltoise (2.5s.), McLaren (3s.), Siffert (5s.), Hulme (18s.), Rodríguez (-1t.), Oliver (-1t.), Ickx (-1t.) et Surtees (-4t.).

 

34e : Rindt fait l'intérieur à Stewart dans la Curva Grande, sous les yeux de Courage, Hill, McLaren et Beltoise, rescapés du groupe de chasse.

 

35e : Stewart rend la monnaie de sa pièce à Rindt et le dépasse dans le Rettifilo Centrale.

 

36e : Hill chipe la troisième place à Courage.

 

37e : Rindt reprend une nouvelle fois le commandement à Stewart. Ickx double Oliver.

 

38e : Stewart récupère la première place à la Parabolica. Dans le même temps, Courage prend sa revanche sur Hill.

 

40e : Stewart et Rindt ne se lâchent pas d'une semelle. Hill repasse devant Courage.

 

41e : Aux deux tiers de la course, Stewart, Rindt, Hill, Courage, Beltoise et McLaren luttent pour la victoire. Siffert leur concède maintenant trente secondes.

 

42e : Beltoise prend la quatrième place à Courage.

 

44e : La situation se complique pour Stewart qui a désormais les deux Lotus de Rindt et de Hill collées à ses basques. Courage repasse devant Beltoise. Comme à son habitude, McLaren ne tente pas le diable et observe prudemment ce qui se passe devant lui.

 

46e : Hill passe à l'attaque, double Rindt et vient menacer Stewart. Colin Chapman espère que ses deux pilotes vont prendre en étau le champion écossais.

 

47e : Courage est décidément le trouble-fête de cet après-midi : pendant que Hill titille Stewart, il déborde Rindt.

 

48e : Stewart, Hill, Courage et Rindt se battent ardemment, mais toujours avec correction. McLaren se réveille et porte une attaque réussie sur Beltoise. Les leaders prennent un tour à Hulme qui se contente de rouler sans embrayage dans l'espoir d'accrocher quelques points à l'arrivée.

 

49e : Stewart précède Hill (0.4s.), Courage (0.8s.), Rindt (1.6s.), McLaren (2.2s.), Beltoise (2.8s.), Siffert (58s.), Hulme (-1t.), Rodríguez (-1t.), Ickx (-2t.), Oliver (-2t.) et Surtees (-5t.).

 

50e : Stewart résiste aux assauts de Hill et de Courage. McLaren parvient à effacer Rindt.

 

51e : Oliver met pied à terre à cause d'une chute de pression d'huile.

 

53e : A quinze tours du but, Stewart, Hill, Courage, McLaren, Rindt et Beltoise sont toujours en lice pour la victoire. Rodríguez prend la huitième place à Hulme.

 

54e : Rindt reprend du poil de la bête et repasse devant McLaren.

 

55e : Les leaders dépassent Siffert. Rindt dépasse Courage.

 

56e : Le moteur de Courage émet un bruit curieux. Le jeune Anglais doit laisser filer McLaren mais résiste à Beltoise.

 

57e : Courage rencontre un problème de pompe à essence. Il zigzague en ligne droite mais cela n'empêche pas son moteur de désamorcer par instant. Beltoise le double sans difficulté.

 

58e : Le groupe dominant ne comprend plus que cinq voitures. Beltoise repasse devant McLaren. Courage continue sa route mais se traîne désormais à chaque accélération.

 

60e : Stewart est premier devant Hill (0.5s.), Rindt (1s.), Beltoise (1.3s.), McLaren (2s.), Courage (11s.), Siffert (-1t.), Rodríguez (-1t.), Hulme (-1t.), Ickx (-3t.) et Surtees (-6t.).

 

61e : Stewart continent toujours Hill tandis que Beltoise dépasse Rindt. Le duel final Matra - Lotus est engagé.

 

62e : Contre-attaque de Rindt qui repasse Beltoise à la Parabolica.

 

63e : Rindt double Hill dont la Lotus paraît instable.

 

64e : Hill lève le pied car il a cassé un demi-arbre de roue. Il n'a plus qu'à rentrer lentement à son garage. Beltoise réalise le meilleur tour de la course : 1'25''2'''.

 

65e : Stewart, Rindt, Beltoise et McLaren demeurent seuls en concurrence pour la victoire. Le Néo-Zélandais dépasse le Français. Courage poursuit quant à lui presque en roue libre. Ickx s'immobilise et conclut son cauchemardesque week-end par... une panne d'essence !

 

66e : Beltoise réplique à McLaren et lui reprend la troisième place. Siffert abandonne à cause d'un piston cassé sur son V8. Cela permet à Rodríguez de récupérer la sixième place.

 

67e : Il reste deux tours à couvrir et Stewart demeure devant Rindt qu'il considère comme son adversaire le plus dangereux. Beltoise est toutefois désireux de surprendre son équipier. Quant à McLaren, il n'est pas homme à tenter le tout pour le tout. La décision se fera dans les derniers mètres. La foule hurle son enthousiasme depuis les tribunes.

 

68ème et dernier tour: Comme d'habitude, Rindt dépasse Stewart dans la Curva Grande. Ceux-ci sont suivis de près par Beltoise tandis que McLaren reste en retrait. Arrivé dans le Rettifilo Centrale, Stewart dépasse Rindt par la gauche puis aborde la parabolique assez largement. Soudain, surgit Beltoise qui se faufile entre l'Écossais et l'Autrichien, retarde son freinage et passe en tête à l'entrée de la courbe. Mais sa Matra est rejetée vers l'extérieur et il ne peut réaccélérer que tardivement. Restés à l'intérieur, Stewart et Rindt doublent le Français et foncent vers la ligne d'arrivée. Rindt tente de déborder son rival par la droite mais il est trop tard : Stewart reçoit le drapeau à damiers, huit centièmes de secondes devant Rindt ! Beltoise et McLaren terminent à moins de deux dixièmes. C'est l'arrivée la plus serrée de l'histoire de la Formule 1.

 

Mal récompensé de sa course remarquable, Courage décroche néanmoins la cinquième place. Dans l'indifférence des tifosi, Rodríguez inscrit un point pour la Scuderia Ferrari. Seuls Hulme et Surtees rallient également l'arrivée. Grâce à cette victoire, Jackie Stewart devient champion du monde de Formule 1 et Matra-Ford remporte la coupe des constructeurs.

 

McLaren (24 pts) reprend la deuxième place du championnat du monde à Ickx (22 pts) tandis que Lotus occupe désormais le second rang du classement des constructeurs, quatre longueurs devant Brabham.

 

Après la course: la folle équipée des Stewart

Stewart regagne les stands péniblement, pressé par une foule électrisée par cette passionnante fin de course. Après avoir été embrassé par Ken Tyrrell et son chef mécanicien Max Rutherford, il retrouve son épouse Helen et grimpe sur le podium où il reçoit le trophée et les lauriers des mains de Margherita Bandini. Mais les tifosi se font de plus en plus pressants. Leurs hurlements redoublent : ils veulent absolument toucher le nouveau champion du monde, véritable demi-dieu au royaume de la vitesse. Ils s'agglutinent auprès de la tribune, et certains essaient de l'escalader. Plusieurs personnes sont piétinées. Jochen Rindt est également la cible de cette hystérie collective et tente de s'en dégager en faisant zigzaguer sa Lotus sur le bitume. L'Autrichien est très mal inspiré car plusieurs spectateurs sont légèrement brûlés par les gaz d'échappement.

 

Pendant ce temps, les carabiniers fraient bon an mal an un chemin à Jackie et Helen Stewart, pris de panique devant une telle furie. Les deux époux se réfugient tout d'abord dans le petit local abritant les responsables de l'Automobile Club d'Italie, mais les tifosi enfoncent la porte, et ils sont contraints de fuir par la fenêtre des toilettes ! Après l'intervention des organisateurs, les Stewart sont séparés. Jackie se réfugie dans le camion Dunlop, mais des supporteurs l'aperçoivent et se lancent à sa poursuite. Les mécaniciens de Dunlop doivent repousser l'assaut à coups de clefs anglaises ! L'ardeur des tifosi n'est pas apaisée pour autant puisqu'ils entreprennent le siège du camion, puis tentent de le renverser... A nouveau, Stewart doit s'échapper par une croisée et se terre dans un autre camion. Finalement, son ami le dandy Philip Martyn parvient à l'exfiltrer en le hissant dans sa puissante voiture, puis fonce en direction de la villa d'Este. Rude métier que celui de champion du monde !

 

La consécration pour Stewart, Matra, Elf, Tyrrell, Ford, Cosworth, Dunlop...

Le triomphe de Jackie Stewart est aussi celui de Matra qui devient le premier constructeur français à remporter les deux championnats du monde, cinq ans seulement après le rachat des usines de René Bonnet par cette firme de l'armement. Les ingénieurs de Vélizy ont produit un travail remarquable avec le soutien d'Elf. Sous l'impulsion de François Guiter, l'entreprise pétrolière joue en effet un rôle majeur dans le renouveau du sport automobile français et retire les fruits de ses engagements. Désormais et pour longtemps, l'image d'Elf sera liée à la compétition automobile et à l'excellence de l'industrie française. Hélas, les passionnés les plus chauvins doivent concéder que cette campagne victorieuse est franco-britannique. Si Jackie Stewart a accumulé tant de succès, c'est aussi parce que sa machine et celle de Jean-Pierre Beltoise sont excellemment préparées par l'atelier de Ken Tyrrell qui apparaît désormais comme le meilleur préparateur du monde. En outre, la Matra MS80 est propulsée par le V8 Ford-Cosworth qui, deux ans seulement après son apparition, assoit une hégémonie sans partage sur la Formule 1, au point d'avoir éliminé tous ses concurrents exceptés Ferrari et BRM. Enfin, Dunlop a aussi sa part de mérite. Si Firestone et surtout Goodyear sont des concurrents redoutables, le manufacturier britannique a toujours eu soin de fournir d'excellents pneus à Tyrrell, et leur partenariat semble plus solide que jamais.

 

Quant au héros du jour, sa consécration paraît d'autant plus évidente qu'il est devenu, sans aucune contestation possible, le meilleur pilote de F1 depuis la mort de Jim Clark. C'est d'ailleurs à son ami disparu qu'il songe le plus en ces heures d'allégresse, comme il le confie quelques mois plus tard dans son autobiographie : « La distinction qui me toucha le plus me fut donnée par le Scottish Motor Racing Club, lors d'un dîner à Édimbourg. On me décerna le trophée souvenir Jim Clark, un splendide casque d'argent. Il me fut remis par le père de Jimmy. J'étais très ému et très fier. [...] Je suivais les traces de Jimmy. Quelle joie et quel honneur ! »

Tony