Il va falloir s'y faire. Au cours de sa très longue carrière, Lewis Hamilton n'a jamais été paré que de gris ou de noir, couleurs de ses deux écuries successives, McLaren et Mercedes. Aussi, l'œil du passionné est-il interloqué de le voir dorénavant tout de rouge vêtu. À 40 ans, le septuple champion du monde britannique a en effet décidé de relever un ultime défi en rejoignant la Scuderia Ferrari, avec laquelle il espère glaner un huitième et dernier titre mondial. Un succès qui le placerait au sommet du panthéon de la F1, devant Michael Schumacher, et lui permettrait de réussir là où Fernando Alonso et Sebastian Vettel, les deux plus grands rivaux de sa carrière, ont échoué: donner à Ferrari un titre auprès duquel elle court depuis 2008. Voilà de quoi gonfler sa motivation et, si celle-ci rencontrait quelques fléchissements, Hamilton peut toujours songer à son mirobolant salaire : 120 millions de dollars sur deux ans, selon le magazine Forbes...


Bien sûr, sa tâche ne sera pas aisée. Hamilton sait que Ferrari est une maison à nulle autre pareille, où règnent la politique et les combines. La presse italienne et les tifosi, aussi versatiles qu'exigeants, en feront un demi-dieu ou le voueront aux gémonies selon ses résultats. Pour l'heure, Hamilton jouit d'une ferveur toute neuve. Sa première visite officielle à Maranello, le 20 janvier 2025, fut un triomphe, les tifosi applaudissant à tout rompre leur nouvelle idole. Le passé est oublié. Les âpres duels contre Vettel et Ferrari entre 2015 et 2018 ? Tout cela est très, très vieux. Le titre chipé à Felipe Massa dans l'ultime virage de la saison 2008 ? C'était avant le Déluge. Et puis, Sir Lewis a rapidement appris à parler aux fans italiens: « Le rouge est la couleur de la passion et de l'amour », énonce-t-il avant de s'envoler pour Melbourne. « Il y a énormément de passion dans cette équipe, ainsi que chez les tifosi, et cela se voit avec tout le monde chez Ferrari. Ils ont tout fait pour que je me sente bien accueilli. Je me sens déjà chez moi. Tout me paraît naturel, authentique. Honnêtement, je viens de passer le meilleur mois de ma vie ! »


Le Britannique fait aussi tout son possible pour s'accoutumer à son nouvel environnement. Il apprend l'italien, acquiert un pied-à-terre à Milan et apprivoise ses collaborateurs immédiats, notamment son nouvel ingénieur de piste Riccardo Adami, qui a travaillé jadis avec Sebastian Vettel et Carlos Sainz. Le changement est palpable pour Hamilton, habitué à travailler depuis plus d'une décennie avec son cher Peter Bonnington. Sur le plan purement technique, il fait modifier le volant de sa Ferrari SF-25 afin de retrouver certains réflexes acquis chez Mercedes. Il apprend aussi à utiliser les freins Brembo alors qu'il est accoutumé aux Carbone Industrie. Tout ceci mérite un petit temps d'adaptation.


Du reste, s'il débarque dans un environnement méconnu, Hamilton n'est pas complétement dépaysé. D'abord, il travaillera sous les ordres de son ami Frédéric Vasseur, qui fut son mentor voici vingt ans et lui permit de triompher en F3 et en GP2 avec son écurie ART - ASM. Le manager français est très excité à l'idée de travailler avec celui dont il a couvé les débuts en monoplace. Il salue du reste son humilité: « C'est assez touchant à voir parce que, même si Lewis arrive avec son palmarès, ses records incroyables, il a parfois l'envie de découvrir d'un jeune pilote. Il affiche l'énergie d'un rookie. » Hamilton retrouve aussi sa physiothérapeute Angela Cullen, laquelle a rejoint Ferrari lors des essais hivernaux de Bahreïn. Après une dizaine d'années de collaboration, leurs chemins se sont séparés en 2023, et la Néo-Zélandaise est partie travailler aux Etats-Unis avec son compatriote le pilote d'IndyCar Marcus Armstrong. Mais il faut croire que sa confidente a beaucoup manqué à Hamilton, qui l'a donc rappelée à ses côtés pour ses débuts avec Ferrari. « Nous nous connaissons depuis très, très longtemps, rappelle le Britannique. Nous avons traversé beaucoup de choses ensemble. Angie a pris quelques mois de congé pour passer du temps avec sa famille et découvrir le monde. Commencer ce nouveau chapitre avec elle est quelque chose d'important. »


En tout cas, Hamilton ne doute pas de ses chances de réussite. D'abord parce que c'est un compétiteur-né. Ensuite, car Ferrari est en très bonne posture à l'orée de cette saison 2025. N'a-t-elle pas manqué d'un cheveu le titre des constructeurs en 2024 ? « J'ai travaillé avec deux écuries championnes, donc je sais à quoi ressemble une campagne pour aller chercher le titre, affirme le Britannique. Ferrari a tout ce qu'il faut pour réussir. Il faut juste que toutes les pièces s'emboîtent parfaitement. La Scuderia y est parvenue durant toute son histoire, elle a ça dans le sang. Cela va être compliqué, car Red Bull, Mercedes et McLaren ont cela aussi dans leur ADN, mais seule Ferrari a cette ferveur unique. L'énergie qui s'en dégage est magique. Le travail sera énorme, mais ce sera aussi une question de croyance... et j'y crois ! »


Reste à savoir comment va se passer la cohabitation avec Charles Leclerc qui occupe la place forte de Maranello depuis 2019. Les deux hommes n'ont jusqu'ici jamais eu d'altercation et ne sont pas de caractères vindicatifs. Mais il est certain que « Carlito », l'enfant chéri des tifosi, ne peut que se sentir menacé par l'arrivée à ses côtés d'un des meilleurs pilotes de l'Histoire. Pour l'heure, le Monégasque déclare bien supporter cette présence encombrante: « L'intersaison s'est déroulée un peu plus dans l'ombre pour moi, mais je l'ai appréciée », confie-t-il. En outre, les deux équipiers ont une approche similaire de la nouvelle SF-25, ce qui devrait faciliter le travail de développement: « J'ai été surpris, car nos styles de conduite sont très similaires, explique Leclerc. Nous aimons tous les deux pousser dans les entrées de virages. Sur ce point, nous sommes assez semblables. C'est positif parce que nous allons certainement travailler dans la même direction. » Reste que Ferrari vise le titre des pilotes pour cette saison, et que Leclerc compte bien coiffer sa première couronne mondiale, s'il le faut face à son septuple champion de monde de coéquipier... De son côté, Lewis Hamilton déclare que leur duo « est le meilleur de l'histoire de la F1 », et Frédéric Vasseur affirme sa certitude de voir émerger entre ses pilotes une saine émulation. « Une complicité naît entre eux. Du reste, Charles aura plus de chances de se battre pour le titre, et cela devrait lui enlever de la pression », estime le directeur de Ferrari qui se félicite aussi de posséder « deux pilotes d'élite capable de gagner des courses et de se battre pour le titre. » À voir donc si cet exceptionnel tandem saura remettre Ferrari dès 2025 sur les rails du succès.


Sources :

- Auto hebdo, Guide F1 2025

Tony