Mort accidentelle de Paul Morgan
Le soir du samedi 12 mai 2001, après la séance de qualifications, le paddock apprend que Paul Morgan, le cofondateur d'Ilmor, a perdu la vie dans un accident d'avion survenu dans le Northamptonshire. Âgé de 52 ans, cet ingénieur anglais, natif de Birmingham, avait commencé sa carrière en 1970 chez Cosworth, avant de fonder en 1983 avec Mario Illien la société Ilmor, dont le nom est issu de leurs deux patronymes. Lancée avec l'aide de Roger Penske, Ilmor s'est spécialisée dans la conception de moteurs d'IndyCar, avant d'arriver en F1 à partir de 1991 avec Leyton House, puis Tyrrell. En 1993, Ilmor passe sous le giron de Mercedes-Benz et motorise l'écurie Sauber, alors considérée comme la tête de pont du constructeur allemand en F1. Finalement, Mercedes motorisera McLaren à compter de 1995, et c'est Ilmor qui depuis conçoit avec tant de succès les V10 qui propulsent les Flèches d'Argent. Illien et Morgan demeuraient d'ailleurs jusqu'alors actionnaires majoritaires de leur entreprise. McLaren prend bien sûr le deuil de son motoriste. « Tous les membres de l'équipe ont été profondément choqués d'apprendre la mort tragique de Paul. Son amitié et sa contribution à notre programme nous manqueront beaucoup », déclare le communiqué officiel.
Présentation de l'épreuve
Le Grand Prix d'Autriche est avancé cette année au mois de mai, alors qu'il se tenait ces dernières saisons au mois de juillet. Ce changement de date s'explique par la nécessité de redonner au Grand Prix de Grande-Bretagne sa place traditionnelle mi-juillet, entre les épreuves française et allemande, après la « punition » qu'avait infligée Bernie Ecclestone à Silverstone en 2000. L'étape autrichienne a lieu ainsi plus tôt dans la saison, avant les vacances estivales, ce qui a un impact sur la fréquentation, en baisse par rapport à l'an 2000. Les campeurs allemands, néerlandais et finlandais qui peuplaient les tribunes et animaient les alentours n'ont pas pu tous se libérer pour cette joyeuse excursion, et les tribunes de l'A1-Ring sont plutôt clairsemées.
Mika Häkkinen a beaucoup de mal à digérer son incroyable désillusion de Montmeló. Jamais, même dans ses pires cauchemars, le double champion du monde n'aurait imaginé perdre une victoire dans un dernier tour. Bien qu'il essaie de minimiser le coup psychologique, il est visiblement atteint. Pour ne rien arranger, il arrive en Styrie affligée d'une méchante grippe. « Ce que je n'ai pas réussi en Espagne, je dois le faire ici, », martèle-t-il. Chez McLaren, on ne peut plus se contenter de cette méthode Coué. Le contraste entre les situations arithmétiques des deux pilotes est cruel: après cinq courses, David Coulthard est second du championnat du monde avec 28 points, Mika Häkkinen neuvième avec 4 petites unités... La presse, notamment britannique, plaide pour que l'Écossais soit promu pilote n°1 afin de maximiser ses chances de titres face à Michael Schumacher. Mais Ron Dennis s'y refuse, car il sait qu'il donnerait ainsi un coup fatal au moral d'Häkkinen, qu'il espère encore conserver en 2002. Même son de cloche chez Norbert Haug: « Avec notre package technique, Mika reviendra au premier plan. » Mais l'intéressé y croit-il lui-même ?
Häkkinen reçoit en tout cas le plein soutien de... Michael Schumacher. Le vainqueur du GP d'Espagne, heureux bénéficiaire de son infortune, ne cesse de répéter à quel point il le plaint. Mieux: à Spielberg, le pilote Ferrari affirme qu'il considère toujours Häkkinen comme son premier rival. Une façon comme une autre de dédaigner Coulthard... En tout cas, Ferrari arrive ici avec un moral gonflé à bloc. Michael Schumacher, Rubens Barrichello et Luca Badoer ont limé le bitume de Fiorano pour améliorer tous les nouveaux systèmes d'aides électroniques, sans rencontrer le moindre problème majeur. À comparer avec la situation de McLaren, qui a vu Coulthard cloué sur la grille en Espagne, et de Williams-BMW dont l'antipatinage n'est toujours pas fiable.
L'autre Schumacher, Ralf, proclame à qui veut l'entendre qu'il est heureux de participer à son Grand Prix à domicile, référence à sa récente installation à Hallwang, à quarante de kilomètres de l'A1-Ring. Le jeune Allemand doit toutefois faire face à une affaire sordide: le tabloïd Bild vient de publier des photographies de sa compagne Cora dans le plus simple appareil. Cette ancienne mannequin érotique avait en effet posé nue à plusieurs reprises avant de rencontrer Ralf. Ce dernier aurait tenté de racheter les clichés, en vain.
Tout ceci n'est rien à côté de l'histoire scabreuse qui frappe Jaguar Racing. Son pilote essayeur Thomas Scheckter, fils de l'ancien champion du monde, vient d'être licencié pour avoir été surpris au mois de janvier dernier en relations très rapprochées avec une prostituée. Pino Allievi, le grand reporter de la Gazetta dello Sport, interpelle à ce sujet Niki Lauda sur le ton badin: « Niki, un garçon comme toi ne peut avoir viré Scheckter pour une simple fellation ! » « C'est ce que j'ai plaidé auprès du board: une simple fellation ! » répond Lauda sur le même ton. Mais les gros bonnets de Ford n'ont pas ri du tout. « Le plus embêtant, c'est que ça s'est passé dans une Jaguar ! » renchérit Lauda, avant d'expliquer que Scheckter, condamné à une amende pour cette affaire, a caché l'histoire à son équipe pendant près de six mois. « S'il nous l'avait dit tout de suite, nous aurions pu prévenir le coup, mais là, c'était trop tard », conclut Lauda.
Le 7 mai 2001, Toyota annonce l'engagement de Gustav Brunner au poste de directeur technique de son équipe de F1, en lieu et place d'André de Cortanze, récemment démissionnaire. L'ingénieur autrichien quitte ainsi Minardi, où il exerçait les mêmes fonctions depuis 1998, sans le moindre préavis. Convié à visiter l'usine de Cologne le 5 mai, Brunner en est revenu avec une offre ferme et très généreuse du constructeur japonais. L'affaire est rapidement conclue et il signe un contrat de « chef designer » jusqu'à fin 2004. Puis il prévient Paul Stoddart de son départ par un simple coup de téléphone. Brunner ne remettra même plus les pieds à Faenza. Chez Minardi, le coup est rude à encaisser. « Brunner avait un contrat jusqu'au 1er janvier 2003. Nous n'en resterons pas là », tonne Stoddart. Et de fait, l'homme d'affaires australien portera l'affaire devant les tribunaux et réclamera 25 millions de dollars en guise de dédommagement. Les avocats de Toyota pointeront cependant certaines incertitudes dans ledit contrat, conséquences du rachat de Minardi par European Aviation. « Nous, à Faenza, serons toujours dévalisés ! » soupire avec résignation Giancarlo Minardi.
Jacky Eeckelaert, l'ingénieur de course de Kimi Räikkönen, dévoile à Jean-Louis Moncet (Sport-Auto) sa méthode travail avec ce mystérieux jeune homme: « C'est un garçon très rapide, mais qui manque bien sûr d'expérience sur certains circuits, et en F1 en général. Il aime les voitures très légèrement survireuses. Nous travaillons en premier lieu sur le virage le plus important du circuit, celui où il veut sentir la voiture à sa convenance. Lorsque ceci est établi, nous adaptons le châssis aux autres virages. » Puis le technicien belge, ancien de chez Peugeot, se livre à un véritable réquisitoire contre Alain Prost qu'il désigne comme le premier responsable des malheurs de son équipe: « Le problème est qu'Alain veut agir comme un technicien et qu'il n'est pas ingénieur... En politique également, il s'égare. La brouille avec Peugeot en est l'exemple. Il n'a jamais su être diplomate. Je l'avais prévenu qu'il faisait fausse route avec Peugeot, mais j'étais le seul à lui dire. Finalement, le seul domaine où il pourrait être très compétent est celui des pilotes. Mais il les déstabilise. Exemple: Panis, Trulli, Heidfeld, qui n'arrivaient à rien chez lui et qui, sortis de cette ambiance, se révèlent être des valeurs sûres dans d'autres équipes. »
Comme tous les ans depuis un quart de siècle, Jacques Laffite, désormais consultant pour TF1, pose ses bagages pour le week-end à l'hôtel de la petite bourgade d'Obdach, sise à quelques kilomètres de l'A1-Ring. Et cette année, l'établissement célèbre en grande pompe le vingtième anniversaire de la victoire de « Jacquot » au Grand Prix d'Autriche, le 16 août 1981 sur Ligier-Matra. Pour cette réjouissance, Laffite emmène avec lui son ami Alain Prost, qui lui aussi résidait à Obdach au temps du vieil Österreichring. Voilà qui donne à celui-ci l'occasion d'oublier un temps sa vie stressante de propriétaire d'écurie... Pour commencer la soirée, Laffite et Prost se coiffent de chapeaux tyroliens et se mêlent à l'aubade préparée en leur honneur. Laffite conduit même la procession à coups de grosse caisse dans les rues du village ! Les deux champions français font ensuite joyeuse bombance. « C'est fou que ça passe aussi vite, souligne Laffite, car j'ai l'impression d'avoir disputé ce Grand Prix hier. Sans doute parce qu'ici rien n'a changé, hormis la piste et quelques rides ! »
L'usine McLaren de Woking devient décidément une étape obligée pour la famille royale britannique. Deux ans après le prince Charles, c'est le prince Philip, duc d'Édimbourg, époux de la reine Élisabeth II, qui rend visite aux hommes de Ron Dennis en ce mois de mai. Cela n'empêche pas les Gris de travailler: Mika Häkkinen, David Coulthard et Alexander Wurz effectuent des essais intensifs de trois jours sur le circuit de Valence afin de peaufiner les réglages d'une MP4/16 assez « pointue ». Sur ce même circuit tournent Ralf Schumacher, Juan Pablo Montoya et Marc Gené pour le compte de Williams-BMW, principalement afin de fiabiliser l'antipatinage.
Ferrari apporte ici beaucoup de nouveautés à sa F2001, comme un aileron avant doté de dérives plus galbées, ce qui permet d'accélérer le flux d'air. Les déflecteurs arrière des roues avant sont aussi plus incurvés et placés davantage à l'horizontal. Sous le capot avant, l'attaque du becquet est devenue est un élément vertical de 8 cm. McLaren apporte de nouveaux disques de frein Brembo mais garde finalement les Hitco qu'elle connaît mieux. Les MP4/16 apparaissent dans leur configuration de Barcelone, à laquelle s'ajoute un triangle de suspension à profil alaire. Williams utilisera ce week-end l'antipatinage et le démarrage électronique, après y avoir renoncé à Barcelone. BAR reçoit un V10 Honda « de qualifications » offrant quelques chevaux de plus, et de nouveaux disques Brembo. La Jordan EJ11 se pare de mini-ailerons devant les roues arrière pour renforcer l'appui. Sauber utilise ce week-end l'antipatinage, mais pas le différentiel à contrôle électronique. Enfin, Arrows a retouché sa suspension avant.
Essais et qualifications
Les essais se déroulent par un temps beau et doux qui perdurera tout le week-end. La journée du vendredi est marquée par de nombreuses pirouettes, Bernoldi se singularisant par un tête-à-queue... dans la voie des stands ! Le meilleur chrono revient à Coulthard (1'11''240'''). Samedi matin, la pole de l'an passé est déjà battue par les meilleurs. Coulthard (1'10''010'') devance M. Schumacher et Barrichello.
L'après-midi, M. Schumacher réalise sa première pole position (1'09''562''') sur l'A1-Ring, après avoir évité de justesse un Verstappen en perdition en fin de séance. Sur l'autre Ferrari, Barrichello (4e) se plaint du trafic. Les Williams-BMW sont très en verve. Montoya (2e) accède pour la première fois de sa carrière à la première ligne. Le Colombien échoue à 124 millièmes de la pole. R. Schumacher (3e) est derrière son équipier, mais partira du côté propre de la piste. Trulli a perdu du temps à cause d'une casse moteur, mais il hisse sa Jordan-Honda à une belle 5e place. Frentzen (11e) est plus décevant. Les pilotes Sauber se plaignent du vent, mais Heidfeld (6e) réalise la meilleure qualification de sa carrière, et Räikkönen (9e) aurait pu être mieux classé s'il n'avait pas été gêné par Villeneuve. McLaren-Mercedes se fourvoie complétement dans ses réglages. L'écurie britannique tente de corriger du sous-virage en mettant à l'avant des pneus rodés, mais la MP4/16 se retrouve a contrario affectée d'un terrible survirage ! Le résultat est une piteuse quatrième ligne pour Coulthard (7e) et Häkkinen (8e).
Déception chez BAR-Honda: Panis (10e) essaie différents types de gommes sans beaucoup de succès et Villeneuve (12e) a mal réglé sa voiture. Les Jaguar-Ford sont toujours aussi médiocres. Irvine (13e) précède de la Rosa (14e) qui a subi des problèmes de transmission. Chez Arrows-Asiatech, Bernoldi (15e) devance Verstappen (16e), ralenti le matin par un bris de suspension. Prost GP a beaucoup de mal à bien régler ses AP04, mais on note que le jeune Burti (17e) fait mieux qu'Alesi (20e). Alonso hisse sa Minardi au 18e rang. Marques (22e) rencontre des soucis de moteur et de boîte, et achève sa séance avec le mulet. Enfin, les Benetton-Renault sont encore à la ramasse: Fisichella (19e) voit sa séance ruinée par une panne de moteur et Button (21e) commet de son propre aveu beaucoup d'erreurs.
Le Grand Prix
McLaren a retouché les réglages de ses monoplaces durant la nuit de samedi à dimanche, et les Flèches d'Argent ressuscitent lors du warm-up. Häkkinen (1'11''647''') est le plus rapide devant Coulthard. M. Schumacher a dû abandonner son mulet en panne à la sortie des stands.
Dimanche après-midi, le soleil brille sur Spielberg et le mercure dépasse les 30°C au sol. La tenue des gommes Bridgestone et Michelin sera scrutée de près, mais sur ce circuit peu abrasif, les deux manufacturiers proposent des pneus tendres pour compléter seulement deux relais. Seule Arrows se distingue en prévoyant deux arrêts pour Verstappen et Bernoldi.
Départ: M. Schumacher s'élance avec difficulté, tout comme son équipier Barrichello. A contrario, les Williams démarrent idéalement et prennent la tête, Montoya devant R. Schumacher. M. Schumacher contient avec peine Coulthard qui a passé Barrichello. Mais derrière, quatre voitures restent scotchées sur la grille: les deux Jordan de Frentzen et Trulli, la McLaren de Häkkinen et la Sauber de Heidfeld. Comme on l'avait vu en Espagne, les nouveaux systèmes de démarrage automatique ne sont pas encore au point...
1er tour: Barrichello dépasse Coulthard au sommet de Remus. Irvine a profité de la cohue pour se hisser en 6e position, tandis que Verstappen double plusieurs voitures et se retrouve 7e. Sur la grille, les commissaires de piste poussent les voitures immobilisées. Seule celle de Häkkinen ne peut être dégagée et se trouve encore à sa place lorsque le peloton boucle son premier tour. La situation est trop dangereuse et la voiture de sécurité intervient.
2e: La Safety Car entre en piste. Montoya mène devant R. Schumacher, M. Schumacher, Barrichello, Coulthard, Irvine, Verstappen, Räikkönen, Panis et Villeneuve. Poussés vers les stands, Trulli et Heidfeld repartent, mais l'Italien omet d'attendre l'extinction du feu rouge à la sortie... En revanche, c'est terminé pour Frentzen dont la boîte est irrémédiablement bloquée. Häkkinen rejoint les stands à la poussette et y reste immobilisé de longues minutes.
3e: La voiture de sécurité se retire à l'issue de ce tour. Trulli et Heidfeld ont rejoint le peloton avec un tour de retard.
4e: Le drapeau vert est agité. Très léger en essence, Verstappen passe Irvine à Remus. Le Nord-Irlandais se fait ensuite déborder par Räikkönen. Häkkinen quitte les stands avec trois tours de retard. Averti d'un problème sur son moteur Renault, Fisichella regagne les stands et se retire.
5e: Barrichello esquisse une attaque contre son équipier au virage n°1, mais Schumacher ferme la porte. Verstappen s'attaque maintenant à Coulthard et le dépasse à Remus. En menaçant de la Rosa, Trulli sort de la piste dans la courbe Castrol et traverse les graviers pour revenir en piste. Häkkinen revient à son stand pour abandonner car son électronique est complétement déréglée.
6e: Montoya compte un peu plus d'une seconde d'avance sur R. Schumacher. L'incroyable Verstappen talonne désormais les Ferrari.
7e: Les Ferrari et l'Arrows de Verstappen menacent la Williams de R. Schumacher. Après avoir franchi côte à côte plusieurs virages, Panis vient à bout d'Irvine et récupère la septième place.
9e: Montoya mène devant R. Schumacher (1.5s.), M. Schumacher (2.7s.), Barrichello (3s.), Verstappen (3.3s.), Coulthard (5.1s.), Räikkönen (6.3s.) et Panis (10.4s.). Bernoldi a doublé Villeneuve, puis Irvine, et se retrouve neuvième.
10e: Villeneuve assaille Irvine par l'intérieur du premier tournant, Celui-ci ne lui laisse aucun espace et le Québécois mord dans l'herbe puis exécute un tête-à-queue. Villeneuve se remet dans le bon sens et ne perd que quelques places. R. Schumacher arrive à la courbe Gösser lorsque sa pédale de frein touche le plancher. L'Allemand évite de peu la sortie, puis regagne les stands. Il doit renoncer à cause d'une baisse de pression du liquide de freins.
12e: Montoya rencontre des difficultés avec ses pneus Michelin et voit fondre sur lui Schumacher, Barrichello et Verstappen. Coulthard, Räikkönen et Panis reviennent sur ce groupe.
13e: Montoya glisse beaucoup en courbe. Schumacher est dans sa boîte, sous les regards de Barrichello et Verstappen.
14e: Schumacher tente de déborder Montoya par l'extérieur au sommet de la grande côte, mais le Colombien résiste. L'Allemand retente sa chance à Gösser, toujours par l'extérieur, sans succès. Barrichello fait son possible pour résister à Verstappen, sans doubler son leader... Coulthard et Räikkönen rejoignent ce quatuor de tête.
15e: Montoya, Schumacher, Barrichello, Verstappen, Coulthard et Räikkönen sont désormais roues dans roues. Trulli reçoit le drapeau noir pour être reparti alors que le feu rouge était allumé à la sortie des stands. L'Italien n'a plus qu'à se retirer.
16e: Schumacher prend l'aspiration de Montoya dans la montée vers Remus et déboîte par l'extérieur au freinage. L'Allemand freine tard, mais le Colombien aussi. Les roues arrière de la Williams se bloquent alors. Montoya tire droit dans les graviers et emmène Schumacher avec lui ! Barrichello, Verstappen, Coulthard, Räikkönen et Panis passent les deux hommes. Schumacher repart derrière le Français, tandis que Montoya met plus de temps à se tirer du bas-côté. Il repart au niveau de Bernoldi et conserve l'avantage sur l'Arrows.
17e: Barrichello mène devant Verstappen (0.6s.), Coulthard (1.4s.), Räikkönen (2.3s.), Panis (4s.), M. Schumacher (5s.), Montoya (9.5s.), Bernoldi (10.5s.), Irvine (25s.) et Villeneuve (29s.).
18e: Schumacher revient sur Panis. Bernoldi s'engouffre aux stands et renonce suite à une panne hydraulique.
20e: Une seconde sépare Barrichello et Verstappen. Sixième, Schumacher n'est qu'à six secondes de son lieutenant, mais doit se défaire de Panis.
22e: Barrichello précède Verstappen (1.7s.), Coulthard (2.8s.), Räikkönen (4.7s.), Panis (6.3s.), Schumacher (6.7s.), Montoya (13s.), Irvine (28s.), Villeneuve (30s.) et de la Rosa (34s.).
23e: Verstappen effectue son premier ravitaillement (8.6s.) et se retrouve septième. Barrichello est l'homme le plus rapide en piste (1'12''275''') et commence à s'échapper devant Coulthard.
25e: Schumacher déborde Panis par l'intérieur à Gösser et se retrouve quatrième. Sa prochaine cible est désormais Räikkönen, étonnant troisième.
27e: Barrichello s'est forgé une courte avance de deux secondes et demie sur Coulthard. Schumacher recolle à Räikkönen. Marques ne parvient plus à passer ses rapports et gare sa Minardi dans l'herbe.
28e: Schumacher déborde Räikkönen par l'intérieur dans la courbe de Gösser et s'empare de la troisième place. Il concède sept secondes à son équipier. Alesi prend la 10e place à de la Rosa.
30e: Barrichello et Coulthard rencontrent des retardataires. Deux secondes les séparent. Voulant s'effacer devant Coulthard, Burti sort dans les graviers à la Rindt Kurve et perd une place au profit de Button.
31e: Coulthard perd un peu de temps derrière de la Rosa. Schumacher revient à une seconde et demie de l'Écossais.
33e: Barrichello mène devant Coulthard (3.8s.), Schumacher (5.5s.), Räikkönen (10.6s.), Panis (13.1s.), Montoya (14.1s.), Verstappen (32s.), Irvine (48s.), Villeneuve (50s.) et Alesi (-1t.).
35e: Barrichello compte trois secondes d'avance sur Coulthard, quatre secondes et demie sur Schumacher. Les pneus Michelin de Montoya ont ressuscité puisque le Colombien est le plus rapide en piste et menace Panis.
37e: Panis vire un peu large en sortant de la dernière courbe. Montoya saisit cette opportunité pour doubler la BAR à la réaccélération. Ravitaillement pour de la Rosa.
38e: Barrichello n'a plus que de deux secondes et demie d'avantage sur Coulthard. Schumacher attaque fort et revient à quelques dixièmes du pilote McLaren. Montoya pourchasse Räikkönen.
40e: Montoya s'empare du meilleur chrono (1'11'140'''). Button ravitaille chez Benetton, tout comme Alonso chez Minardi. Mais le jeune Espagnol ne repartira pas, trahi par son embrayage.
41e: Barrichello précède Coulthard (1s.), M. Schumacher (2s.), Räikkönen (15s.), Montoya (16s.), Panis (21s.), Verstappen (38s.), Irvine (1m. 06s.), Villeneuve (-1t.) et Alesi (-1t.).
42e: Montoya ralentit dans la descente vers Gösser Kurve. Il tente de réinitialiser son électronique, mais c'est son système hydraulique qui a rendu l'âme. Le Colombien abandonne sa Williams sur le bas-côté.
44e: Barrichello, Coulthard et Schumacher se tiennent en trois secondes. Panis ravitaille (9.2s.) puis repart en sixième position, derrière Verstappen. Les Prost d'Alesi et Burti se succèdent aux stands.
45e: Verstappen exécute son second pit-stop et ressort huitième, derrière Irvine et Villeneuve. Heidfeld passe aussi aux stands.
46e: Schumacher arrive chez Ferrari pour son pit-stop (8.7s.). Räikkönen ravitaille également à sa suite. Les mécaniciens de Sauber ont du mal à fixer la roue arrière-gauche de Finlandais et celui-ci repart au bout de seulement dix-huit secondes. Il reste toutefois quatrième.
47e: Schumacher bloque ses roues au freinage de Gösser et roule dans la poussière. Barrichello effectue son pit-stop (9.2s.) et repart deuxième, devant son équipier qui a commis une erreur fâcheuse. Coulthard prend la tête. Villeneuve ravitaille et se retrouve huitième.
48e: Coulthard signe le meilleur tour de la course (1'10''843'''). Il compte 25 secondes d'avance sur Barrichello et peut donc repartir premier après son arrêt.
49e: Irvine passe au stand Jaguar, ravitaille et cède la sixième place à Verstappen.
50e: Coulthard perd un peu de temps derrière Alesi, mais il garde sa belle avance sur Barrichello lorsqu'il s'engouffre dans les stands.
51e: Coulthard reprend de l'essence et des pneus frais (8s.) puis quitte les stands deux secondes devant Barrichello. Villeneuve reçoit une pénalité de 10 secondes pour vitesse excessive dans les stands. De la Rosa abandonne suite à un bris de transmission.
52e: Schumacher glisse une fois de plus en sortant de la Rindt Kurve et roule dans la poussière. Il parvient à éviter les graviers et à revenir sur le bitume au prix d'un numéro d'acrobatie.
53e: Coulthard mène devant Barrichello (1s.), Schumacher (5s.), Räikkönen (26s.), Panis (34s.), Verstappen (56s.) et Irvine (1m. 13s.). Villeneuve subit son « stop-and-go » qui ne lui fait perdre aucune position.
54e: Coulthard ne compte plus que huit dixièmes d'avance sur Barrichello. Celui-ci doit toutefois surveiller ses pneus qui surchauffent derrière la McLaren.
55e: Coulthard vire large sur la bordure en quittant le premier tournant. Le suivant de près, Barrichello n'a pas d'autre choix que d'emprunter la même trajectoire hétérodoxe.
57e: Coulthard et Barrichello prennent un tour à Irvine. Une seconde les sépare toujours.
58e: Coulthard devance Barrichello (1.2s.), Schumacher (4.5s.), Räikkönen (30s.), Panis (35s.), Verstappen (1m.), Irvine (-1t.), Villeneuve (-1t.), Alesi (-1t.) et Burti (-1t.).
59e: Les deux premiers prennent un tour à Verstappen, ce qui permet à Schumacher de combler une partie de son retard.
60e: Coulthard conserve sa seconde d'avance sur Barrichello, tandis que Schumacher revient à deux secondes de son équipier.
62e: Le moteur Renault de Button explose à la sortie de la courbe Gösser. La Benetton glisse sur l'huile répandue, exécute un tête-à-queue et s'immobilise dans la pelouse. L'Anglais s'extrait de son cockpit pendant que les commissaires éteignent un début d'incendie.
63e: Coulthard compte une seconde et demie d'avance sur Barrichello. Schumacher est à une seconde de son équipier. Burti exécute une pirouette au premier virage, ce qui permet à Heidfeld de le dépasser.
65e: Coulthard précède Barrichello (1.7s.), Schumacher (2.7s.), Räikkönen (41s.), Panis (48s.), Verstappen (-1t.), Irvine (-1t.), Villeneuve (-1t.), Alesi (-2t.), Heidfeld (-2t.) et Burti (-2t.).
67e: Menacé par Schumacher, Barrichello cravache et revient à une seconde de Coulthard. Mais « Radio Todt » crépite dans son cockpit...
69e: Une seconde pleine sépare Coulthard et Barrichello. Schumacher reste au contact de son lieutenant. Heidfeld double Alesi.
70e: Coulthard achève ce tour avec une seconde et demie d'avantage sur Barrichello. Ce dernier reçoit l'ordre de s'effacer devant Schumacher.
71e et dernier tour: Après quelques hésitations, Barrichello lève le pied à la sortie de l'ultime courbe et cède ainsi la deuxième place à Schumacher juste avant la ligne...
David Coulthard remporte sa deuxième victoire de la saison. Schumacher est donc second devant Barrichello. Räikkönen se classe quatrième, le meilleur résultat de sa jeune carrière en F1. Panis termine cinquième. Grâce à sa stratégie audacieuse, Verstappen (6e) apporte un point à Arrows-Asiatech. Irvine, Villeneuve, Heidfeld, Alesi et Burti rejoignent aussi l'arrivée.
Après la course, BAR-Honda déposera une plainte contre Räikkönen, accusé d'avoir doublé Burti sous drapeaux jaunes. La FIA ne donnera pas suite à la réclamation et le jeune Finlandais conservera sa quatrième place.
La cérémonie du podium est pour le moins étrange. David Coulthard se garde de toute démonstration festive et ne débouche pas le champagne, en hommage à Paul Morgan dont le décès est connu depuis quelques heures. Rubens Barrichello, visiblement très agacé d'avoir dû céder sa deuxième place, ne peut retenir ses larmes et déverse machinalement le contenu de sa bouteille sur les mécaniciens de Ferrari amassés au pied du podium, le tout sous le regard d'un Michael Schumacher visiblement gêné.
Après la course: moult controverses
David Coulthard remporte un succès inattendu après les errements techniques de McLaren en qualifications. Mais l'équipe britannique a su corriger le tir, trouver les bons réglages pour la MP4/16, et le pilote écossais a parfaitement exploité les incidents de course pour retrouver les premiers rangs. McLaren a aussi eu la bonne idée de l'arrêter après les pilotes Ferrari, ce qui a permis à Coulthard de creuser un écart suffisant pour garder la tête après son pit-stop, et gagner ainsi « à la Schumacher » ! « La nuit dernière, j'ai rêvé que j'allais gagner parce que les autres voitures s'empilaient au premier virage ! raconte-t-il. Mais je ne pouvais pas honnêtement imaginer une situation aussi bonne, que les Williams ralentiraient les Ferrari. Partant d'aussi loin, je n'avais pas d'autre solution que partir avec un maximum d'essence pour envisager n'importe quelle tactique en fonction des événements. Plus tard, d'où j'étais, il ne s'agissait pas de savoir si quelque chose allait se passer entre Montoya et Schumacher, mais où et quand ! J'en ai évidemment profité. Après, avec l'essence que j'avais économisée et la stratégie globale qui se dessinait, j'ai compris que la victoire était jouable. Je devais me concentrer, éviter les erreurs. Certains dépassements ne furent pas faciles. La course a dû être plaisante à regarder à la télévision ! »
Au championnat, Coulthard revient à seulement quatre points de Schumacher et est plus que jamais candidat à la couronne mondiale. Ron Dennis le félicite très chaudement. Leur algarade au soir du GP d'Espagne est oubliée... En revanche, ce dimanche soir, Mika Häkkinen erre comme une âme en peine dans le paddock. Après son effroyable déception de Montmeló, le double champion du monde n'avait vraiment pas besoin d'une non-course suite à une panne électronique. « Ma déception est énorme, soupire-t-il. Je ne sais pas quelle est l'origine de cette mésaventure. Peut-être l'électronique, peut-être moi... Il me faut néanmoins encore croire en mes chances au championnat... » Difficile, avec quatre points au compteur après six courses. McLaren sera certainement amenée à passer des consignes en faveur de Coulthard. Et va devoir aussi réviser ses « puces » qui ont cloué sur place un de ses pilotes en Espagne et en Autriche...
La polémique d'après-course concerne bien évidemment Rubens Barrichello, contraint d'offrir à Michael Schumacher la seconde place dans les derniers mètres. Le Brésilien, qui disputait jusqu'alors la victoire à Coulthard, a énormément pris sur lui pour accepter ce sacrifice. Sans doute a-t-il compris que se jouait là le renouvellement de son contrat qui expire à la fin de l'année... « Barrichello a gagné son contrat avec Ferrari pour 2002 ! » ironise le commentateur Pierre Van Vliet sur TF1. Reste que le numéro 2 des Rouges s'est assis sur son orgueil. À la sortie du cockpit, la colère lui empourpre le visage. « Je ne veux pas dire ce que je pense ! » lâche-t-il, avant d'être contraint de dérouler en conférence de presse les banalités d'usage. Cette consigne suscite beaucoup de critiques. N'était-il pas trop tôt dans la saison pour demander à Barrichello de s'effacer devant Schumacher ? Jean Todt assume entièrement sa décision: « Rubens et moi nous sommes expliqués. Je lui ai dit les mêmes choses qu'à vous. Je comprends son amertume, mais à un moment, il faut choisir. Nous ne travaillons pas pour l'un ou pour l'autre de nos pilotes, mais pour Ferrari. Barrichello est un employé de Ferrari et doit agir dans l'intérêt de l'entreprise. S'il avait été en mesure de menacer Coulthard, nous n'aurions évidemment pas agi ainsi. À la fin, nous avons jugé que le plus pertinent était de favoriser les chances de Schumacher au championnat. La décision était difficile, mais il fallait la prendre. Cela n'enlève rien à la magnifique course de Rubens. »
Visiblement embarrassé par la situation, Michael Schumacher tente à la fois de justifier la décision de son patron et de ménager la fierté de son lieutenant: « Barrichello m'avait battu aujourd'hui et je le remercie de son geste. L'équipe a cependant pris en compte la situation au championnat. Häkkinen a encore abandonné et a presque perdu toutes ses chances de titre. McLaren va donc mettre toute son énergie sur Coulthard. Cette deuxième place peut donc s'avérer importante pour la suite du championnat. Il serait idiot de perdre celui-ci à cause ces deux petits points ! » Tout le monde ne voit pas les choses de la même façon. « Si j'avais été Schumacher, j'aurais refusé de devancer Barrichello », avance Alain Prost. « Avec Michael, c'est toujours le même film: il ne cède rien à personne ! » cingle Jacques Villeneuve. Gerhard Berger est plus pragmatique: « Barrichello n'a aucune chance de gagner le titre mondial. Alors tout est normal. »
Michael Schumacher a aussi été impliqué cet après-midi dans un incident avec Juan Pablo Montoya. Comme à Interlagos, le flamboyant Colombien a prouvé qu'il ne craignait absolument pas la super-star de la F1 en lui résistant fermement pendant de nombreux tours... quitte à provoquer au final une double sortie de route. Schumacher feint une (relative) indifférence, mais critique tout de même son nouveau rival: « Je veux revoir la vidéo calmement avant de me prononcer définitivement. Mais lorsque je l'ai vu entrer dans ce virage, je me suis dit qu'il n'en sortirait pas. Il a seulement cherché à m'embarquer avec lui hors-piste. Mais je suis prêt à en discuter avec lui. Jusqu'à cet incident, ce fut une course loyale... » Pour sa part, Montoya est surtout déçu d'avoir une fois de plus été victime d'un bris mécanique. Il tire grande gloire de sa joute avec Schumacher: « Au départ, les Ferrari devaient être assez sensibles, car Ralf et moi les avons passées sans problème. Les pneus n'ont hélas pas tardé à se dégrader et la Williams est devenue inconduisible. C'est à ce moment que Schumacher m'a ramarré. J'ai résisté comme j'ai pu, mais au freinage de ''Remus'', il m'a attaqué par l'extérieur. J'ai freiné le plus tard possible, mes roues arrière se sont bloquées et j'ai tiré droit. Il a suivi le mouvement mais, de toute manière, je ne suis pas sûr que lui-même aurait été capable de franchir le virage. Je sais qu'il a fait des commentaires, mais c'est ridicule. Schumacher a l'habitude de n'avoir personne sur sa route mais, je suis désolé, avec moi, c'est différent ! » Reste à expliquer pourquoi, après un fantastique départ, les pneus Michelin des Williams-BMW se sont soudain effondrés avant de reprendre vie. Pierre Dupasquier explique que cette baisse de rendement était prévue, notamment sur les pneus tendres choisis par Montoya, mais qu'elle n'était que passagère, ainsi que les chronos du Sud-Américain l'ont démontré.
Enfin, malgré toutes ces controverses, on ne peut passer sous silence l'extraordinaire quatrième place du jeune Kimi Räikkönen. « Quelle belle course de Kimi ! s'extasie Peter Sauber. C'est incroyable qu'il ait fini quatrième d'une course aussi compétitive, dès son sixième Grand Prix ! » « Des temps rapides du début à la fin, aucune baisse de régime, il a fait la course parfaite ! » renchérit Jacky Eeckelaert. Le moins enthousiaste est l'intéressé lui-même qui ne se départ toujours pas de son calme olympien: « J'ai fait une bonne course, mais j'ai eu de la chance au départ. La voiture ne s'est pas dégradée, et j'ai pu attaquer du début à la fin. » Point, barre, ligne. Et quand on lui fait remarquer qu'il compte désormais autant de points (4) au classement que l'autre Finlandais Mika Häkkinen, Räikkönen reste tout aussi placide: « Les gens en font toute une histoire, mais l'important pour moi est le bon résultat acquis par l'écurie aujourd'hui. » Pour l'anecdote, grâce à Räikkönen, Sauber passe le cap des 100 points inscrits en Grand Prix, et affiche cette année après six courses 12 unités au compteur, soit plus que les totaux additionnés des saisons 1999 et 2000 ! Quel est donc le secret de la C20 ? « Heidfeld et Räikkönen ! » répond laconiquement Peter Sauber en tirant sur son cigare.
Sources :
- Luc Domenjoz, L'année Formule 1 2001-02, Chronosports Editions, 2001
- Renaud de Laborderie, Le Livre d'or de la Formule 1 2001, Paris, Solar, 2001
- Sport auto, juin 2001
- Auto hebdo, 16 mai 2001
Tony