Présentation de la saison 1998
Schumacher - Villeneuve: pas de réconciliation en vue
Quatre mois après leur accrochage de Jerez, Jacques Villeneuve et Michael Schumacher se croisent fortuitement dans les couloirs d'un hôtel de Sydney, quelques jours avant le GP d'Australie. L'Allemand prend l'initiative d'entamer la conversation avec le Canadien. Ce dernier est sur la défensive. « Tu n'as jamais présenté des excuses ou exprimé des regrets sur le tort causé à l'image de la Formule 1 », lance Villeneuve. « J'ai subi les sanctions de la FIA et j'ai participé à plusieurs campagnes de prévention routière », rétorque Schumacher. « Et puis, je n'ai rien dit de désobligeant à ton égard. Je me suis expliqué. Maintenant, nous pouvons oublier tout cela. » Le pilote Williams n'est pas convaincu. Les deux hommes se quittent courtoisement, mais sans s'être réconciliés pour autant. « Je ne vais plus passer mon temps à faire mes comptes avec Michael », grommelle Villeneuve. « Je ne crois pas qu'il ait vraiment envie de modifier son comportement en course. Enfin, on verra bien. »
Dès son arrivée à Melbourne, Schumacher est assailli de questions au sujet de son rival. De nombreux journalistes attendent qu'il fasse son mea culpa ou, du moins, laisse transparaître quelques regrets. C'est mal le connaître. « Mes rapports avec Villeneuve sont normaux », proclame le double champion du monde. « En course, les problèmes personnels ne doivent jamais entrer en ligne de compte. Ne me prenez pas pour un méchant ! » Pour un méchant non. Mais pour un mauvais perdant... Enfin, la presse recueille avec stupéfaction les propos d'Eddie Irvine qui se croit obligé de venir au secours de son leader: « C'est Villeneuve qui a intentionnellement provoqué le crash de Jerez avec Michael ! » Soit l'Irlandais laisse parler sa vieille haine à l'égard du Canadien, soit il s'est encore attardé dans les brasseries australiennes...
McLaren et la polémique des freins directionnels
L'écrasante supériorité affichée par les McLaren-Mercedes lors des essais hivernaux suscite de jalouses interrogations chez la concurrence qui subodore l'existence d'une « arme secrète » tapie dans la MP4/13. A vrai dire, le paddock s'est déjà fait une religion lorsqu'il débarque en Australie. Plusieurs équipes accusent McLaren d'utiliser un système de répartition de freinage « compensateur » à la limite de la légalité. De quoi s'agit-il ? La « Flèche d'Argent » comprend une troisième pédale qui, sur pression du pilote, agit sur les étriers de frein arrière, à la façon d'un système anti-patinage, pour atténuer le survirage et l'usure des pneus. Ce procédé était déjà intégré à la MP4/12 fin 1997. Il semble avoir été étoffé cette année car, au moyen d'une soupape, le pilote est désormais en mesure d'agir sur chaque étrier séparément. Par exemple, s'il entre dans une courbe à droite, il peut concentrer l'effort sur l'étrier droit et bénéficier ainsi d'une modularité de freinage optimale. Selon certains observateurs, ce dispositif serait même automatique: l'action s'effectuerait sous l'impulsion exercée sur la roue concernée ! Quoiqu'il en soit, la stabilité des McLaren en courbe est en effet remarquable. « Du bord de la piste, l'effet est terrible », constate Johnny Herbert. « Les McLaren arrivent dans le virage plus vite que nous et remettent les gaz très rapidement. Le tout sans décrochage, ni au freinage ni à la réaccélération. » « Tout cela cache un système de quatre roues directrices », proclame Bernard Dudot.
Reste à savoir si ce système de « freins directionnels » est légal ou non. La question n'est pas facile à trancher car si la version utilisée par McLaren en 1997 a été déclarée illicite, celle présente sur la nouvelle MP4/13 a bel et bien été validée par la commission technique de la FIA ! « Pour moi ce n'est légal qu'à une seule condition », annonce Gustav Brunner, directeur technique de Minardi. « C'est au pilote d'actionner lui-même un bouton ou une pédale. Si la commande est indépendante de sa volonté, c'est une aide au pilotage et c'est donc illégal. » Guy Micard, électronicien de Peugeot Sport, est plus circonspect: « Le règlement technique est une sorte de bible philosophique interdisant globalement les aides au pilotage. Aux ingénieurs de faire avec cette ligne de conduite. Tout est question d'interprétation... »
Vendredi 6 mars, Tom Walkinshaw lance l'offensive contre McLaren et adresse à la FIA une missive dans laquelle il demande aux autorités sportives de faire la lumière sur le système litigieux. Ce courrier est contresigné par tous ses collègues sauf trois: Alain Prost, qui garde de bonnes relations avec Ron Dennis, Giancarlo Minardi, tenu à l'écart, et Frank Williams dont le staff travaille sur une astuce similaire ! Walkinshaw brasse beaucoup d'air devant les journalistes. Mais derrière l'Écossais trapu se dissimule le petit Jean Todt, lequel dénonce une tricherie, à mots couverts bien entendu. « Ce système a été déclaré réglementaire par la FIA, mais nous avons une opinion différente », clame le directeur de Ferrari. « Nous considérons que celui-ci va à l'encontre de l'esprit du règlement. Souvent, l'accord de la FIA dépend de la façon dont est formulée la demande d'homologation. Nous demandons une enquête complémentaire, après quoi chacun pourra porter réclamation. » Le lendemain, Ron Dennis réplique sèchement à Jean Todt et déclare que celui-ci cherche à fausser la compétition en jetant la suspicion sur l'équipe qui a fourni le meilleur travail cet hiver. Le patron de McLaren affirme aussi que lors des essais hivernaux, il a surpris un « aérodynamicien venu d'ailleurs » en train de photographier ses bolides. Il s'agit de Willem Toet, l'adjoint de Rory Byrne... Néanmoins la FIA se saisit du dossier et Max Mosley affirme que l'affaire sera étudiée dans les jours qui suivront le GP d'Australie.
Présentation de l'épreuve
Dans ce contexte, McLaren aborde cette première manche du championnat 1998 avec le statut de grandissime favorite... que Ron Dennis refuse d'assumer: « Ce n'est pas parce que les derniers essais privés ont permis de constater que nous étions sur la bonne voie, que Bridgestone nous offre des produits performants et constants, et que Mercedes dispose aujourd'hui d'un moteur à la fois plus puissant, plus souple et plus fiable, que nous devons nous imaginer déjà en train de gagner toutes les courses. Nous aurons nos chances, comme les autres. » Certains croient déceler une pointe d'ironie derrière cette profession de modestie... Dennis prépare une autre surprise à la concurrence. Le jeudi 5 mars, au restaurant Stokehouse de Melbourne, David Coulthard et Mika Häkkinen dévoilent la maquette d'une McLaren-Mercedes... biplace. Baptisé MP4-98T, ce prototype permettra à un passager fortuné de vivre quelques sensations fortes en compagnie d'un pilote expérimenté. Certains haussent les épaules devant ce qu'ils considèrent comme un « gadget ». Ce n'est pas l'avis d'Alain Prost: « Ron Dennis a de la suite dans les idées. Déjà en 1989, John Barnard avait dessiné une F1 pour deux pilotes. Dans son esprit, c'était un exercice de style. Je me souviens que le deuxième pilote, assis derrière, avait les jambes pratiquement à la hauteur du premier. Ron n'a jamais voulu me dire s'il avait commandé ce projet pour nous amuser, Senna et moi... »
Jeudi 5 mars, Alain Prost dîne avec quelques journalistes au Simply French, restaurant évidemment français de Melbourne, en compagnie de quelques journalistes et se confie sur les débuts de son alliance avec Peugeot: « J'entre dans ma vraie année de préparation de projet avec PSA. Ce ne sera pas facile, mais j'ai confiance. Une fois que notre déménagement de Magny-Cours à Guyancourt sera terminé, nous travaillerons tous mieux », assure le Forézien. Deux jours plus tard, Prost reçoit à sa table Frédéric Saint-Geours, directeur général de Peugeot, Pierre-Michael Fauconnier, directeur de Peugeot Sport, et Corrado Provera, directeur de la communication de la marque au Lion. Il leur demande des moyens financiers accrus afin d'approfondir leur partenariat technique, mais n'obtient que quelques belles paroles. Pis encore, Prost constate l'animosité régnant entre Fauconnier et Provera, le premier soupçonnant le second de convoiter sa place. Le jeune patron d'écurie commence à douter de sa stratégie...
Comme chaque année, les ingénieurs de Renault Sport retrouvent leurs marques dans le paddock, à ceci près qu'ils sont désormais affublés de t-shirts Mecachrome. Jean-Yves Houé, le représentant du sous-traitant d'Aubigny-sur-Nère, conduit ce joyeux commando français au sein duquel on reconnaît Jean-François Robin, l'ancien bras droit de Bernard Dudot. Les deux Français sont toutefois quelque peu piqués d'apprendre que Benetton a donné le nom d'une compagnie de prêt-à-porter - Playlife - au V10 ex-Renault. À l'origine de cette initiative se trouve le jeune fils de Luciano Benetton, Rocco (29 ans), bombardé directeur exécutif du team italo-britannique. Les réactions sont très diverses. Rocco Benetton trouve tout naturel qu'un leader mondial du textile fasse la promotion d'une de ses filiales. Les représentants de Renault et de Mecachrome sont eux franchement blessés de voir leur moteur affublé du badge d'une ligne de mode...
À l'aube de cette saison 1998, le comportement des nouveaux pneumatiques rainurés apparaît encore bien mystérieux, au point que Max Mosley annonce que les commissaires n'effectueront pas de contrôle sur leur usure à la fin de l'épreuve. Bridgestone et Goodyear ont bien entendu travaillé pour réduire l'attrition, mais ils ne peuvent pas prédire comment s'useront leurs gommes sur ce circuit temporaire de Melbourne où, par définition, ils n'ont pu effectuer aucun essai préalable. Aussi toutes les spéculations sont admises. Certains prétendent même qu'une usure rapide serait bénéfique puisque l'effacement des stries transformera les enveloppes en slicks ! Supposition absurde selon le directeur sportif de Bridgestone Hirohide Hamashima: « Pour obtenir des sculptures résistantes, nous avons dû employer des gommes très dures. Si par hasard les sculptures disparaissent au fil des tours et que les pneus deviennent des slicks, ils seraient de toute façon moins rapides que l'an passé, précisément parce que le composé est plus rigide. » Dermot Bambridge, responsable de la qualité chez Goodyear, balaie aussi cette hypothèse en avançant un autre argument: « Si les sculptures disparaissent, la chaleur va se répartir sur l'ensemble de la bande de roulement et non plus sur les seules sculptures. Ce ne sera pas bon pour l'ensemble ! » Bref, les pilotes devront bel et bien ménager leurs chausses avec autant d'attention que par le passé.
Ferrari remanie déjà largement sa F300, notamment sur le train arrière qui a tendance à surchauffer. Pour empêcher cela, les sorties d'échappement sont modifiées et des déflecteurs font leur apparition sur le bord de fuite de la carrosserie. On distingue aussi une suspension avant très complexe. À noter que, comme Sauber et Benetton, l'aileron avant de la Ferrari utilise la largeur maximale autorisée. Les autres équipes préfèrent combler cet espace avec des appendices sophistiqués. Par exemple, la Williams FW20 arbore de nouvelles dérives sur l'aileron avant et un profil supplémentaire sur l'aile arrière. Aux essais, Williams met aussi en service un logiciel permettant de freiner la roue arrière délestée en courbe, ce qui rappelle bien entendu le dispositif litigieux de McLaren... De nombreux ingénieurs critiquent la façon dont Benetton a interprété le nouveau règlement sur les structures latérales: la B198 a une allure tellement ramassée que certains doutent qu'elle protège véritablement les jambes de ses pilotes... Jordan a revu sa 198 qui n'a pas donné satisfaction lors des essais de présaison. La monoplace jaune revient ainsi au schéma de suspension de sa devancière. L'Arrows et la Stewart se parent de déflecteurs: à l'intérieur des roues arrière sur la voiture noire, devant les roues avant sur la blanche. La Tyrrell se pare de mini-ailerons devant les roues arrière pour rajouter de l'appui. La Prost est la monoplace qui arrive à Melbourne avec le plus de nouveautés. La boîte de vitesses qui a causé tant de soucis aux Bleus lors des essais hivernaux ne surchauffe plus mais l'arbre primaire engendre encore des vibrations. On aperçoit surtout des appendices aérodynamiques spectaculaires, à savoir de grands déflecteurs à l'intérieur des roues et même, momentanément, des candélabres type Tyrrell. L'AP01 est aussi la seule machine pourvue de sorties d'échappement doubles qui soufflent dans la partie inférieure des canaux latéraux de l'extracteur.
Essais et qualifications
Vendredi 6 mars, 11 heures: la saison 1998 de Formule 1 commence par les premiers essais libres du Grand Prix d'Australie. Cette journée est entrecoupée d'averses qui humidifient la piste de temps à autre. M. Schumacher réalise le meilleur chrono devant Häkkinen, mais ce dernier n'a pas eu le temps de chausser des gommes neuves. Le lendemain matin, le vent, la pluie et le froid sont derechef au rendez-vous. Les McLaren-Mercedes prennent le dessus, Coulthard devant Häkkinen, tandis que Villeneuve perd son aileron arrière suite à un défaut de fixation.
La séance de qualification se déroule sous une météo un peu plus riante, même s'il fait toujours froid sur l'Albert Park. Cet après-midi se résume à un mano a mano entre les pilotes McLaren-Mercedes qui écrabouillent toute concurrence et monopolisent la première ligne. Häkkinen réalise sa seconde pole position (1'30''010''') mais a dû s'y reprendre à deux fois pour vaincre un Coulthard menaçant (1'30''053'''). Voici la première position de pointe de Bridgestone. Bien qu'atteint d'une mauvaise grippe, M. Schumacher conduit sa Ferrari en troisième position, à sept dixièmes de Häkkinen. Son collègue Irvine (8ème) rencontre quelques petits problèmes de moteur. Une douche glacée s'abat sur le stand Williams-Mecachrome. Villeneuve (4ème) se qualifie sur le mulet après sa mésaventure du matin et rend neuf dixièmes au poleman. Frentzen (6ème) est encore plus en retrait. La bonne surprise des essais vient de Herbert, excellent cinquième au volant de sa Sauber-Petronas. Le tracé de l'Albert Park convient à la C17... lorsque celle-ci est bien réglée. Alesi (12ème) se fourvoie ainsi dans son « set-up » et se débat avec un atroce sous-virage. Déception chez Benetton-Playlife: Fisichella (7ème) bute sur du trafic et Wurz (11ème) se rabat sur son mulet après une sortie lors de son premier tour lancé.
Les Jordan-Mugen-Honda (R. Schumacher 9ème, Hill 10ème) font plutôt bonne figure, bien qu'elles concèdent plus de deux secondes aux McLaren. Le néophyte Takagi réalise un véritable exploit en amenant sa Tyrrell-Ford en treizième position, après avoir longtemps figuré dans le « top 10 » ! Ce Japonais paraît prometteur... Son équipier Rosset (19ème) se refamiliarise pour sa part avec la F1. Les Stewart-Ford sont affectées de graves problèmes de fiabilité au niveau de leurs nouvelles boîtes de vitesses. Barrichello (14ème) et Magnussen (18ème) passent plus de temps au garage que sur l'asphalte... Désillusion chez Prost-Peugeot: l'AP01 paie son manque de roulage lors de l'inter-saison et subit plusieurs pannes de boîte. Trulli (15ème) devance Panis qui provoque un drapeau rouge après un tête-à-queue. Comme le Français a oublié de se mettre au point mort en quittant sa machine, il perd son 16ème chrono et partira seulement avant-dernier. Beaucoup de pépins mécaniques aussi chez Arrows: Salo (16ème) rencontre une panne d'accélérateur et Diniz (20ème) compose avec une chute de pression hydraulique. Solide prestation du jeune Tuero, 17ème au volant de la Minardi-Ford, en dépit de coupures électriques. Nakano (22ème) se rabat sur sa voiture de réserve après un bris de capteur d'embrayage.
La nouvelle réglementation avait pour but de ralentir les monoplaces et de resserrer la hiérarchie entre celles-ci. À l'issue de ces premières qualifications de la saison, on ne peut pas dire que l'objectif soit atteint, puisque la pole de Häkkinen (1'30''010''') n'est que sept dixièmes plus lente que celle réalisée par Villeneuve l'an passé (1'29''369'''). Le reste du peloton a en outre signé à peu près les mêmes temps, entre 1'31'' et 1'35''. En vérité, le circuit de Melbourne est peu significatif et il faudra attendre les prochaines escales pour déterminer si les monoplaces sont véritablement plus lentes que leurs devancières. « Plus étroites, les monoplaces gagnent en ligne droite ce qu'elles perdent en virage », explique Patrick Tambay. « Sur un circuit comme Melbourne où il y a de longues lignes droites entrecoupées de virages serrées, les nouvelles voitures sont moins pénalisées que sur d'autres, comme Barcelone. » Du reste, pour beaucoup de pilotes, grâce aux astuces aérodynamiques décelées par les ingénieurs, les F1 de 1998 seront en fin de saison aussi rapides que celles de 1997.
Le Grand Prix
Le vent a enfin chassé les nuages au-dessus de Melbourne et ce dimanche sera ensoleillé. Häkkinen et Coulthard occupent les premiers rangs lors du warm-up. Seul à pouvoir rivaliser avec les McLaren, M. Schumacher doit stopper après un début d'incendie sur son moteur. Il disputera la course avec un V10 neuf. Villeneuve perd une nouvelle fois son aileron arrière après la rupture d'un support en carbone. Il semblerait qu'une surchauffe provenant des échappements soit à l'origine de ces défaillances. Les supports d'aileron vont par conséquent être renforcés et protégés pour la course. Enfin, les traditions perdurent chez Stewart: Barrichello casse son premier V10 Ford de la saison.
L'après-midi, pas moins de 130 000 spectateurs enthousiastes se massent dans les tribunes de l'Albert Park pour assister à ce GP d'Australie dont le succès s'affirme année après année. Les stratégies sont diverses. La plupart des voitures chaussées par Bridgestone (McLaren, Benetton, Arrows, Minardi, Stewart) tablent sur une course à deux arrêts, contre un seul pour celles équipées par Goodyear, exceptée Jordan qui prévoit deux haltes. Diniz tombe en panne de transmission lors de son tour de mise en grille, ce qui le contraint à partir avec le mulet depuis les stands. Pendant ce temps-là, Ron Dennis donne des consignes à ses pilotes afin d'éviter une lutte fratricide: la hiérarchie issue du premier virage devra rester en place jusqu'à l'arrivée. Häkkinen et Coulthard acceptent cet accord quelque peu anti-sportif, mais qui a pour but de préserver le doublé probable des McLaren-Mercedes.
Départ: Les McLaren conservent leur avantage. Häkkinen vire en tête au premier virage devant Coulthard, M. Schumacher et Villeneuve. Fisichella est bien parti et se retrouve cinquième. Plus loin, le jeune Tuero vole nettement le départ. Immédiatement trahi par sa boîte, Barrichello se gare avec prudence dans la pelouse au bout de quelques mètres.
1er tour: Coulthard mord dans l'herbe en sortant du second virage. Schumacher tente de lui faire l'extérieur au virage n°3 mais l'Écossais reste devant. Puis les McLaren s'échappent facilement. Häkkinen mène devant Coulthard, M. Schumacher, Villeneuve, Fisichella, Herbert, Frentzen, Irvine, Hill et Wurz.
2e: Les McLaren s'enfuient à grande enjambées. Häkkinen repousse M. Schumacher à quatre secondes. Dans le peloton, Magnussen attaque R. Schumacher par l'extérieur au virage de la Marina. Le Danois percute l'Allemand et tous deux échouent dans les graviers. Takagi, qui les suivait de près, se met en tête-à-queue pour les éviter mais il finit dans la Jordan de Schumacher. Ces trois pilotes sont contraints à l'abandon.
3e: Les incroyables McLaren tournent deux à trois secondes au tour plus vite que leurs adversaires. Diniz abandonne suite à une chute de pression hydraulique au niveau de sa transmission.
4e: Häkkinen compte deux secondes d'avance sur Coulthard, neuf secondes sur Schumacher. Villeneuve est talonné par Fisichella.
5e: Häkkinen devance Coulthard (1.5s.), M. Schumacher (13.8s.), Villeneuve (16s.), Fisichella (16.8s.), Herbert (18.2s.), Frentzen (21s.), Irvine (22s.), Hill (22.5s.), Wurz (23.4s.), Trulli (24.6s.) et Salo (25.3s.).
6e: Le moteur de M. Schumacher explose au passage de la ligne. L'Allemand se range sur le bas-côté et jette son volant de colère.
7e: Häkkinen compte une seconde et demie d'avance sur Coulthard tandis que Villeneuve, troisième, est déjà relégué à vingt-deux secondes ! Le Québécois se bat avec une Williams mal équilibrée
9e: Fisichella et Herbert sont sur les talons de Villeneuve. Nakano abandonne: son demi-arbre de roue droit a cédé.
10e: Häkkinen précède Coulthard (1.2s.), Villeneuve (32s.), Fisichella (32.6s.), Herbert (33.7s.), Frentzen (39s.), Irvine (40s.), Hill (40.5s.), Wurz (41.4s.), Trulli (42.3s.), Salo (43s.) et Alesi (50s.).
12e: Les McLaren-Mercedes roulent en 1'33'' contre 1'36'' pour leurs poursuivantes... si on peut les qualifier ainsi ! Tuero est sanctionné d'un « stop-and-go » de dix secondes pour son départ anticipé. Il se plie dans la foulée à sa punition.
13e: Häkkinen est un peu plus rapide que Coulthard et le repousse à deux secondes.
14e: Fisichella est blotti dans les échappements de Villeneuve. Il tente audacieusement de s'engouffrer à l'intérieur du dernier virage, mais le Canadien ferme la porte. Herbert suit de près ces deux pilotes.
15e: Häkkinen est premier devant Coulthard (2.4s.), Villeneuve (48.7s.), Fisichella (49s.), Herbert (49.6s.), Frentzen (56.4s.), Irvine (57.1s.), Hill (57.7s.), Wurz (58.4s.), Trulli (59.1s.) et Salo (59.4s.).
16e: Fisichella tente de faire l'intérieur à Villeneuve au troisième virage, mais celui-ci retarde son freinage et demeure devant le Romain.
18e: Deux secondes et demie séparent Häkkinen et Coulthard. Frentzen n'est pas plus véloce que son équipier et contient un peloton comprenant Irvine, Hill, Wurz, Trulli et Salo. Tuero écope d'un second « stop-and-go » pour vitesse excessive dans les stands. Rosset effectue le premier arrêt-ravitaillement de la saison.
19e: Hill et Salo exécutent leurs premiers ravitaillements. Le Finlandais ressort de son emplacement juste sous le nez du Britannique.
20e: L'intervalle entre les McLaren atteint trois secondes. Premier pit-stop pour Wurz. Tuero subit sa seconde pénalité.
22e: Fisichella ravitaille (8.2s.) et redémarre neuvième, devant son équipier Wurz, à un tour des McLaren.
24e: Häkkinen apparaît chez McLaren pour son premier pit-stop (8s.). Salo renonce suite à une panne de son sélecteur de vitesses. Tuero se range quant à lui sur le bas-côté avec un moteur fumant. Il n'y a plus que treize concurrents en lice.
25e: Après un tour en tête, Coulthard rentre aux stands pour un court pit-stop (6.8.). L'Écossais n'en repart pas moins derrière Häkkinen.
26e: Häkkinen devance Coulthard (3s.), Villeneuve (56.3s.), Herbert (56.9s.), Frentzen (1m. 01s.), Irvine (1m. 02s.), Trulli (1m. 03s.), Alesi (1m. 17s.), Fisichella (1m. 19s.) et Wurz (1m. 26s.). Rosset reçoit une pénalité pour un excès de vitesse dans les stands. Le Brésilien se plie à sa sanction mais renonce dès son retour en piste car il ne parvient plus à monter ses rapports.
27e: Ne parvenant pas à trouver l'ouverture sur Villeneuve, Herbert rentre aux stands pour ce qui doit être son unique ravitaillement. Il repart en huitième position. Désormais la quatrième place est occupée par Frentzen.
28e: Villeneuve apparaît chez Williams pour son premier et dernier ravitaillement. L'opération dure dix secondes et le champion du monde redémarre derrière Fisichella. Trulli rentre au stand Prost et met pied à terre suite à une nouvelle défaillance de sa boîte de vitesses. Son collègue Panis prend de l'essence et des pneus neufs.
30e: Häkkinen devance Coulthard de quatre secondes. Alesi se plie à son unique ravitaillement.
31e: Häkkinen est leader devant Coulthard (3s.), Frentzen (1m. 03s.), Irvine (1m. 04s.), Fisichella (1m. 26s.), Villeneuve (1m. 33s.), Herbert (1m. 36s.), Wurz (-1t.), Hill (-1t.), Alesi (-1t.) et Panis (-1t.).
32e: Häkkinen est bloqué près d'un tour derrière Wurz qui pourchasse Herbert. L'Autrichien semble ignorer l'existence de rétroviseurs sur sa Benetton. Le Finlandais le double après le virage Waite et lui brandit un poing rageur.
33e: Frentzen et Irvine pénètrent aux stands en même temps. L'Allemand repart au bout de sept secondes et demeure troisième, tandis que l'Irlandais peine à redémarrer (15.3s.). Il ressort derrière Fisichella mais devant Villeneuve qui a perdu gros lors de son pit-stop.
34e: Häkkinen prend difficilement un tour à Villeneuve, le champion en titre... Coulthard revient à une demi-seconde de son coéquipier.
36e: Coup de théâtre: Häkkinen s'engage dans la voie des stands, croyant - à tort - avoir été rappelé par McLaren pour un second arrêt. Surpris, il ne trouve personne devant son garage ! Le Scandinave poursuit donc son chemin et reprend la piste, mais Coulthard est désormais en tête. Wurz opère son second pit-stop.
38e: Coulthard mène devant Häkkinen (7.6s.), Frentzen (1m. 32s.), Fisichella (1m. 33s.), Irvine (-1t.), Villeneuve (-1t.), Herbert (-1t.), Hill (-1t.), Alesi (-1t.), Wurz (-1t.) et Panis (-1t.).
39e: Häkkinen se déchaîne après sa mésaventure et réalise le meilleur tour de la course (1'31''649''').
40e: Coulthard prend difficilement un tour à Fisichella, puis à Frentzen qui luttent pour la troisième place. Les McLaren sont désormais les seulles voitures évoluant dans le même tour. Profitant du dépassement de Frentzen par Coulthard, Fisichella s'engouffre à l'intérieur avant le virage Clark et dépasse la Williams. Plus loin, Häkkinen tente de prendre un tour à Irvine avant le virage Ascari, mais l'Irlandais ne le voit pas et le tasse vers la bordure. Le Finlandais se fait peur mais parvient à doubler la Ferrari un peu plus loin. Deuxième arrêt de Hill.
41e: Häkkinen entre aux stands pour effectuer son deuxième arrêt. Il repart au bout de dix secondes, après que ses mécaniciens ont eu quelque peine à fixer sa roue arrière-gauche.
42e: Coulthard effectue son deuxième pit-stop (7.7s.) et ressort au premier rang. Le Britannique semble avoir la victoire en main. Fisichella ravitaille aussi une seconde fois (8.2s.) et ne ressort qu'en septième position. Ses espoirs de podium s'envolent.
43e: Dix secondes séparent Coulthard et Häkkinen. Alesi se range dans l'échappatoire du virage n°3, moteur cassé.
44e: Victime de l'affaissement de son aileron arrière, Fisichella sort dans l'herbe au virage Clark. Il regagne la piste mais sa Benetton est gravement endommagée. L'Italien rentre à son garage pour abandonner. La fixation en carbone de son aileron a visiblement surchauffé.
45e: Coulthard est en tête devant Häkkinen (13.3s.), Frentzen (1m. 30s.), Irvine (1m. 31s.), Villeneuve (-1t.), Herbert (-1t.), Wurz (-1t.), Hill (-1t.) et Panis (-1t.).
47e: Häkkinen cravache dans l'espoir de rattraper Coulthard, mais il lui concède encore onze secondes. Très loin de là, Frentzen défend sa troisième place devant un Irvine pressant. Son collègue Villeneuve contient pour sa part Herbert.
49e: Häkkinen reprend une seconde et demie par tour à Coulthard et peut encore viser la victoire.
50e: À huit tours du but, Coulthard précède Häkkinen (5.8.), Frentzen (1m. 34s.), Irvine (1m. 35s.), Villeneuve (-1t.), Herbert (-1t.), Wurz (-1t.), Hill (-1t.) et Panis (-1t.).
51e: Coulthard perd un peu de temps en prenant un tour à Frentzen et Irvine. Häkkinen revient à seulement trois secondes de son coéquipier.
53e: Les McLaren sont derechef seules dans le même tour. Coulthard ne compte plus qu'une seconde et demie de marge sur Häkkinen. L'Écossais va visiblement respecter le gentlemen agreement conclu avant la course et rendre le commandement à son équipier.
55e: Deux secondes séparent Coulthard et Häkkinen. À un tour de là, Frentzen a pris du champ sur Irvine.
56e: Considérant qu'Häkkinen a perdu injustement la tête de l'épreuve suite à une erreur de l'équipe, Ron Dennis demande à Coulthard de laisser passer le Finlandais. L'Écossais s'exécute sur le passage de la ligne. Häkkinen retrouve la première place.
57e: Häkkinen roule vers la victoire devant Coulthard (0.5s.), Frentzen (-1t.), Irvine (-1t.), Villeneuve (-1t.) et Herbert (-1t.).
58ème et dernier tour: Mika Häkkinen remporte la deuxième victoire de sa carrière devant son collègue Coulthard. Les McLaren-Mercedes ont relégué toute la concurrence à un tour. C'est aussi le premièr succès des pneus Bridgestone en F1. Frentzen grimpe sur la troisième marche du podium. Irvine se classe quatrième. Le champion Villeneuve finit cinquième après un mauvais week-end. Sixième, Herbert récolte un point pour Sauber. Seuls Wurz, Hill et Panis rallient aussi l'arrivée.
Hégémonie des McLaren-Mercedes - Häkkinen prend ses marques - Coulthard grand seigneur
Pour la seconde fois consécutive, David Coulthard a offert la victoire à son coéquipier Mika Häkkinen dans les derniers tours. Mais si à Jerez, l'an passé, il s'agissait d'un pur cadeau, à Melbourne l'Écossais a agi en vertu des consignes de Ron Dennis qui avait décrété que le pilote qui virerait en tête au premier freinage gagnerait la course. Or, Häkkinen a perdu la première place à cause d'une mésentente avec son stand, alors que jamais son collègue ne fut en mesure de l'inquiéter. Il n'est donc pas scandaleux de le voir récupérer un succès mérité. Mais certains critiquent cette politique de consignes. « Ce que nous avons fait n'est peut-être pas très beau aux yeux des passionnés, mais je l'assume », déclare Ron Dennis. « Mettez-vous notre place ! Pour nos commanditaires et notre partenaire Mercedes, je devais établir une stratégie d'écurie. Dimanche matin, nous avons librement parlé à David et à Mika. Nous n'étions pas sûrs de notre fiabilité mécanique, en particulier celle de freins. Alors, pour éviter tout risque et toute contrainte supplémentaire, nous avons décidé de geler les positions après le premier virage. Mais Häkkinen a perdu sa première place suite à une erreur de notre part. Il était juste de la lui restituer. »
« Tout allait bien lorsque, quatre tours avant mon second ravitaillement, j'ai cru comprendre par radio que je devais stopper plus tôt », narre Mika Häkkinen. « Ce que j'ai fait, mais je me suis aperçu que personne ne m'attendait. La radio fonctionnait mal et nous nous sommes mal compris. J'ai repris la piste pour m'arrêter un peu plus tard. Ce qu'a fait David aujourd'hui est vraiment remarquable. Par le passé, je ne crois pas que beaucoup de pilotes aient accepté un pareil geste. Travailler dans ce genre de situation est exceptionnel. Et je ne dis pas cela sous le coup de la joie que me procure cette victoire. » Häkkinen nage en effet dans le bonheur. Cette victoire en Australie est en effet pour lui une sorte de revanche sur le sort. Il ne faut pas oublier qu'il a failli perdre la vie deux ans et demi plus tôt dans ce pays, à Adélaïde. De son côté, David Coulthard reconnaît avoir cédé les lauriers à son équipier de bonne grâce, même si au fond de lui, l'équipier-modèle a sans doute fait violence au compétiteur. Aussi ne s'étend-il pas sur les péripéties qui ont animé ce Grand Prix: « Notre objectif était de glaner le plus de points possibles. Il a été atteint et je suis heureux d'y avoir contribué. » On ne peut pas faire plus « corporate »...
Reste à comprendre pourquoi diable Mika Häkkinen a regagné les stands avant l'heure. Cela restera un mystère. Ron Dennis parle d'erreur, mais en fait il n'est pas en mesure d'expliquer ce qui s'est passé, car personne chez McLaren n'avait alors contacté le pilote finlandais, et certainement pas son ingénieur de course, Tim Goss. Or Häkkinen est certain d'avoir entendu l'ordre de rentrer, bien qu'il soit incapable d'identifier la personne qui lui a parlé. Bien plus tard, Dennis affirmera que « quelqu'un », sous-entendu d'extérieur au team, a piraté la radio de McLaren pour transmettre cette fausse information à Häkkinen. Mais qui ?...
Enfin ce GP d'Australie marque la première victoire de Bridgestone en Formule 1, tout juste un an après son arrivée dans cette discipline. Le manufacturier japonais retire bien sûr les fruits de sa collaboration avec McLaren-Mercedes, mais participe aussi à la nouvelle hégémonie de l'écurie de Woking. On l'a vu, Ron Dennis vante l'excellence des enveloppes qui lui sont fournies, et il ne fait aucun doute que la nouvelle réglementation a permis à Bridgestone de combler son retard sur Goodyear. Mais la réplique des Américains ne devrait pas se faire attendre, car ceux-ci mettront un point d'honneur à ne pas se retirer sur une défaite.
Ferrari, Williams: le coup de massue
L'événement principal de ce GP d'Australie restera cependant l'incroyable domination des McLaren-Mercedes qui ont achevé l'épreuve avec un tour d'avance sur toute la concurrence, Ferrari et Williams comprises ! Les ingénieurs rivaux ont beau gloser sur les « freins directionnels » de la MP4/13 et souhaiter son interdiction, il est évident que la dernière pépite d'Adrian Newey plane au-dessus du lot et serait encore redoutable, même privée de cette astuce. « Je n'ai jamais vu les McLaren, sauf quand elles m'ont pris un tour ! » soupire Jacques Villeneuve, désappointé par la non-compétitivité absolue de sa Williams-Mecachrome. Heinz-Harald Frentzen, qui obtient tout de même un podium, n'est pas plus enthousiaste.
Seuls Michael Schumacher et sa Ferrari auraient peut-être pu échapper à l'humiliation de concéder un tour aux Flèches d'Argent. Mais le V10 flanqué du cheval cabré a explosé dès le 6ème tour... « Les températures ont grimpé d'un coup sans que je comprenne pourquoi », explique le Baron rouge. « Je suis très déçu car jusqu'à cette panne, nos chronos étaient assez bons. Il faut maintenant reporter nos espoirs vers le GP du Brésil. » Schumacher paraît impressionné par la supériorité des McLaren. Curieusement, c'est d'Eddie Irvine que provient un relent d'optimisme. « Nous sommes aussi rapides que les Williams: c'est déjà un bon point par rapport à l'an dernier », souligne l'Irlandais. « De plus, je ne crois pas que les McLaren seront toujours aussi rapides qu'à Melbourne. La saison sera longue. » Elle le sera surtout si la concurrence ne réagit pas...
Tony