Réformes techniques et sportives
La fédération impose cette année de nouvelles normes techniques visant à réduire l'appui aérodynamique des monoplaces et donc leur vitesse de passage en courbe. Est ainsi proscrit le « mid-ship wing », le mini-aileron coiffant le capot-moteur inventé par McLaren, tandis que la hauteur des déflecteurs placés devant les roues arrière ne peut pas dépasser 50 centimètres par rapport au plan de référence. En outre, afin d'éviter que les triangles de suspension ne se transforment en éléments aérodynamiques mobiles, toutes les pièces de suspension ont désormais une largeur n'excédant pas 3,5 fois leur épaisseur. Ces règles ne sont que le prélude à une vaste refonte du réglementent technique qui entrera en vigueur en 1998.
La sécurité des bolides fait aussi l'objet de grandes réformes. Les structures déformables latérales sont renforcées, ce qui entraîne une modification de la procédure du crash-test. Une structure absorbante est aussi installée dans le prolongement de la boîte de vitesses pour atténuer les chocs par l'arrière. Le volant et la colonne de direction sont dorénavant soumis au crash-test afin d'éprouver leur résistance et la capacité de déformation du volant. D'autre part, les triangles inférieurs de suspension doivent pouvoir s'articuler sur au moins 60° afin d'éviter que la roue ne vienne frapper la cellule de survie en cas d'accident. Enfin, une boîte noire (ou « enregistreur de données d'accident »), réalisée par Delco Electronics, est installée derrière le siège du pilote afin d'enregistrer les paramètres-clés qui précèdent un accident.
Sur le plan sportif, la FIA tente d'atténuer les effets de la nouvelle guerre des pneus opposant Goodyear à Bridgestone. Elle limite pour cela la dotation de pneus par Grand Prix. Ainsi, pour l'ensemble du week-end, 36 slicks sont désormais disponibles pour chaque pilote et deux types de gommes sont autorisés lors des essais libres. Mais à partir des qualifications, les participants ne peuvent plus user que de 28 pneus pour un seul type de gomme, lequel est définitivement choisi à l'issue des essais libres. Pour la séance qualificative, le délégué technique fédéral sélectionne au hasard 16 pneus (8 avants et 8 arrières) sur les 28 possibles. Toutes ces restrictions ont pour but d'empêcher le retour des pneumatiques de qualification qui avaient fait s'envoler les coûts de production dans les années 1980.
Bridgestone vs. Goodyear, la nouvelle guerre des pneus
Après cinq années de monopole pour la fourniture des pneumatiques, Goodyear affronte cette année la concurrence de Bridgestone. Celle-ci s'annonce des plus rudes, car le manufacturier japonais débarque dans l'intention de triompher au plus vite. Hiroshi Yasukawa, son directeur sportif, a ainsi conquis pas moins de cinq clients pour cette première saison: Arrows, qui sera le partenaire privilégié, mais aussi Prost, Stewart, Minardi et Lola. Bridgestone joue dans un premier temps la carte japonaise en offrant 4 millions de dollars à Arrows, motorisée par Yamaha, et 3,5 millions à Prost, qui est alliée à Mugen-Honda. Il ne s'agit que d'une première étape, l'objectif étant bien entendu de débaucher au moins un des quatre « top teams » que fournit Goodyear dès 1998. Après deux ans de réflexion, M. Yasukawa est en effet parvenu à la conclusion que la contrainte imposée à Goodyear de fournir toutes les équipes à égalité quantitative de produits ne pouvait que nuire à la qualité intrinsèque de ceux-ci, ainsi qu'aux efforts de recherche et développement. En clair: l'hégémonie de Goodyear sur la F1 ne serait qu'un château de cartes que Bridgestone prétend faire écrouler.
Ce combat dépasse en effet de loin le cadre étroit de la Formule 1. Depuis sa fusion en 1988 avec l'Américain Firestone, Bridgestone aspirait à devenir le numéro un mondial du pneumatique. L'objectif a été atteint en 1996 avec 19% des parts du marché mondial, devant Michelin (18%) et Goodyear (16%). Cette montée en puissance s'est accompagnée d'un investissement massif dans la compétition automobile américaine. Bridgestone a ainsi rapidement conquis l'IndyCar. Avec la Formule 1, son objectif est de percer sur le marché européen. Face à l'offensive déployée par Hiroshi Yasukawa au cours de la saison 1996, Stu Grant, son homologue chez Goodyear, a préparé la réplique en consolidant ses accords préférentiels avec Williams, McLaren, Ferrari et Benetton. Mais nul doute que ceux-ci scruteront avec intérêt les performances des gommes japonaises...
1997 sera en outre une année de transition puisque la fédération a décidé de bannir les slicks en 1998 pour imposer des pneumatiques sculptés. Néanmoins Bridgestone n'a pas fait l'impasse sur cette saison, bien au contraire: il s'agit de prouver aux grandes écuries que le manufacturier japonais est le partenaire le plus qualifié pour aborder cette nouvelle réglementation. Ainsi, lors des essais hivernaux, les pneus Bridgestone ont fait forte impression sur les pistes poussiéreuses et sous la pluie. Le staff de Carl Lint, le directeur technique de Goodyear, travaille d'arrache-pied à une riposte.
Présentation des écuries
Les favorites
La domination de Williams-Renault sur la F1 a atteint en 1996 son apogée. Elle sera encore l'équipe à battre en 1997, même si l'inévitable déclin point à l'horizon, ne serait-ce parce que Renault va se retirer à l'issue de cette saison 1997. En outre, Adrian Newey, son génial concepteur, a choisi de rejoindre McLaren après avoir dessiné la FW19 dont le développement est dès lors confié à son adjoint Geoff Willis. Plus fine, plus appuyée, bénéficiant d'une meilleure répartition des masses, cette monoplace est l'évolution ultime de la remarquable FW18. Pour sa dernière campagne, Renault développe un V10 RS9 que Bernard Dudot qualifie « d'inédit d'A à Z ». L'utilisation de nouveaux matériaux permettrait à ce moteur sur-puissant d'atteindre les 18000 tours/minute. D'autre part, Elf continue cette année à fournir Renault de manière anonyme. Williams a ainsi pu ainsi signer un accord de pur sponsoring avec Castrol. Après ses débuts éblouissants en 1996, Jacques Villeneuve aborde cette saison en favori logique et assumé. Aucun doute n'est permis: il a le talent nécessaire pour devenir champion du monde. Un bémol cependant: metteur au point médiocre, il aura du mal à combler le vide laissé en la matière par Damon Hill. Son nouvel équipier sera Heinz-Harald Frentzen qui, après trois saisons chez Sauber, atteint enfin avec Williams le pinacle de la F1. Saura-t-il prendre la mesure de Villeneuve et devenir, après son ennemi Schumacher, le second champion du monde allemand ? « HHF » en rêve, mais nombreux sont ceux, peu éblouis par sa saison 1996, qui en doutent.
Après une saison 1996 passable (trois victoires et la deuxième place du championnat des constructeurs), la Scuderia Ferrari doit parachever sa renaissance en 1997 en luttant pour le titre mondial. C'est en tout cas ce qu'espère Michael Schumacher, toujours épaulé par Eddie Irvine. Cependant la nouvelle F310B dessinée par John Barnard n'a pas donné satisfaction lors des essais de présaison. Cette évolution de la F310 de l'année précédente est en fait un mélange de Williams FW18 (pour l'avant rehaussé), de Benetton B196 pour la partie centrale et de Ferrari 412T2 pour l'arrière. Or Schumacher et Irvine déplorent un intense sous-virage, quelque peu corrigé par un réajustement des déflecteurs effectué au Mugello, juste avant le départ pour Melbourne. Voilà qui devrait précipiter la fin de la collaboration entre la firme italienne et John Barnard, d'autant plus que Jean Todt a recruté Ross Brawn (directeur technique) et Rory Byrne (designer en chef). Schumacher retrouve donc les ingénieurs qui lui ont permis de remporter deux titres avec Benetton en 1994 et 1995, et ceux-ci planchent déjà sur la monoplace de 1998. Enfin l'équipe de Paolo Martinelli veille à fiabiliser le V10 tout en l'allégeant. Le moteur italien gagnerait cette année environ trente chevaux.
Après ses consécrations de 1994 et 1995, Benetton est tombée de haut en 1996 avec une saison vierge de toute victoire, une première depuis huit ans. L'équipe italo-anglaise a donc soif de revanche. Son staff technique est ainsi remanié: partis chez Ferrari, Ross Brawn et Rory Byrne (aimablement qualifiés de « cerveaux usés » par Flavio Briatore) sont remplacés par Pat Symonds et Nick Wirth. Ceux-ci devront faire évoluer une B197 dessinée par leurs prédécesseurs. Cette monoplace descend de la B196 mais possède un centre de gravité abaissé grâce à un V10 Renault réduit. Une nouvelle répartition des masses et une transmission inédite sont censées rendre l'ensemble plus stable. On se souvient que régler la B196 était un casse-tête insoluble... Très critiqué l'an passé pour son pilotage parfois erratique, Jean Alesi doit absolument relever la barre en 1997. L'Avignonnais, très ambitieux, se pose derechef en prétendant au titre mondial. Quant à Gerhard Berger, transparent en 1996, il présente comme atouts son expérience et ses talents de metteur au point, mais quid de sa motivation ? À bientôt 38 ans, le vétéran du peloton songe à la retraite...
Trois ans. Voilà trois ans que McLaren n'a plus gagné un Grand Prix ! Cette anomalie doit absolument disparaître en 1997 car cette longue disette désespère Ron Dennis, tandis que Mercedes donne des signes d'impatience. Aussi, afin d'offrir enfin un châssis digne de ce nom au moteur allemand, le maître de Woking arrache à Williams Adrian Newey, le meilleur ingénieur de ces années 90. Mais, en vertu d'une clause de non-concurrence, celui-ci ne se mettra l'ouvrage que l'été prochain. Aussi, c'est à Neil Oatley qu'est revenue la conception de la MP4/12, une voiture très légère (en dessous du poids minimum sans les pilotes), dotée d'un centre de gravité abaissé, de pontons rehaussés et d'un nez plongeant pour limiter le sous-virage. L'équipe de Mario Illien produit pour sa part un V10 Mercedes encore plus compact avec de nouveaux systèmes d'admission et de distribution. D'où un moteur plus souple et, surtout, encore plus puissant (720 chevaux à 15 700 tr/min). D'autre part, désormais parrainée par les cigarettes West, McLaren arbore une toute nouvelle livrée gris métallique, clin d'œil appuyé à Mercedes. Côté pilotes, Mika Häkkinen, désormais complétement remis de son terrible accident de novembre 95, espère enfin remporter sa première victoire. David Coulthard a davantage de pression car ses performances en demi-teinte ont quelque peu déçu Ron Dennis l'an passé.
Les autres
1997 sera une saison cruciale pour Jordan qui doit enfin se hisser au niveau des meilleurs écuries dans l'espoir de conserver le V10 Peugeot, dont elle perdra l'exclusivité en fin d'année. Conscient de l'enjeu, Eddie Jordan profite d'une rallonge budgétaire accordée par Benson & Hedges pour moderniser son usine de Silverstone et doubler son personnel. Revenu en grâce, Gary Anderson présente une 197 radicalement nouvelle, très inspirée de la Williams FW18. Il parvient surtout à rajouter de l'appui avec le concours de Peugeot qui fournit un V10 plus léger et plus compact. Ce dernier, baptisé A14, offre plus de puissance (750 chevaux à 15500 tours/min) tout en réduisant la consommation. Les ingénieurs des deux parties ont aussi travaillé à une meilleure intégration entre le moteur et la boîte. Cette Jordan-Peugeot se fait aussi remarquer par une superbe livrée jaune vif. D'autre part, Jordan joue à fond la carte de la communication en recrutant Ralf Schumacher, le frère cadet de Michael, ce qui ravit ses sponsors, les Allemands et Bernie Ecclestone, mais laisse perplexe certains observateurs qui ont une médiocre appréciation de ce jeune homme. Pour le second baquet, le maquignon irlandais a un temps songé à... Nigel Mansell. Les calamiteux essais réalisés par le quadragénaire ventripotent ont vite eu raison de cette hypothèse farfelue. Du coup, Jordan engage le jeune espoir italien Giancarlo Fisichella, « prêté » par Flavio Briatore qui compte le titulariser chez Benetton en 1998. Ce duo de lionceaux inexpérimentés a pour mission de ramener quelques podiums et, pourquoi pas ? une victoire...
La glorieuse (et tumultueuse) épopée Ligier a pris fin le 14 février 1997 avec le rachat de la désormais mythique écurie française par Alain Prost (voir ici). Le quadruple champion du monde place toutefois ses pas dans ceux de Guy Ligier puisque 1997 sera comme de juste une saison de transition, avant que Prost GP ne s'allie en 1998 avec Peugeot. Pour l'heure donc, la première Prost est en fait la dernière Ligier, une JS45 dessinée par le jeune ingénieur Loïc Bigois. Cette belle bleue ressemble beaucoup à sa devancière, mais n'y est pas semblable. On remarque ainsi un nez plus fin, un nouvel extracteur, de nouvelles écopes de frein et un aileron arrière triplan. On note d'autre part que l'« équipe nationale française » bat pavillon japonais, puisqu'elle utilise les pneus Bridgestone, ainsi que le nouveau V10 Mugen-Honda, « soldé » en échange de l'engagement de Shinji Nakano (26 ans), un baroudeur des championnats nippons de F3 et de F3000 qui n'a jamais particulièrement brillé. Les regards se tournent surtout vers Olivier Panis, galvanisé par sa victoire l'an passé à Monaco et par d'excellents chronos réalisés lors des essais hivernaux. Le Grenoblois, désormais trentenaire, déborde d'ambition. Alain Prost se satisferait lui de quelques podiums, voire d'une victoire, avant d'entrer dans le « dur » en 1998.
Peter Sauber a passé l'année précédente à chercher un nouveau motoriste pour pallier la désertion programmée de Ford. Après l'échec des négociations avec Yamaha, il se tourne vers Ferrari par l'intermédiaire de Jean Todt, son ancien rival et néanmoins ami de l'époque des Sports Protos. L'affaire remonte jusqu'à Turin. Sauber implique alors dans les tractations son sponsor et pétrolier malais Petronas qui propose à Gianni Agnelli de faciliter l'implantation de Fiat en Asie du Sud-Est. Marché conclu. Ferrari fournira à Sauber des V10 clients de 1996, rebaptisés Petronas, et entretenus par une structure indépendante supervisée par l'ingénieur Osamu Goto, prêté par Maranello. L'ingénieur Leo Ress a dessiné en un temps record une Sauber C16 adaptée à ce moteur: ramassée, compacte, dotée d'un museau aplati, elle n'est cependant qu'une évolution de la très médiocre C15. Après le départ de Heinz-Harald Frentzen, le valeureux et sympathique Johnny Herbert se retrouve bombardé premier pilote. Son équipier est un revenant: Nicola Larini, parachuté par Ferrari dont il est l'essayeur depuis cinq ans. Sa connaissance approfondie du V10 italien sera évidemment très utile à Sauber.
Au seuil de l'hiver, l'avenir de la vénérable écurie Tyrrell s'annonçait des plus sombres. Après une énième saison décevante, l'officine du vieux Ken (73 ans) a perdu son moteur Yamaha et, avec Ukyo Katayama, un de ses principaux sponsors, le cigarettier Mild Seven. Le salut est cependant une fois de plus venu du Japon, par l'entremise de l'ancien pilote maison Satoru Nakajima, promu directeur sportif. En échange de l'engagement de l'espoir nippon Toranosuke Takagi, Tyrrell reçoit le soutien financier du groupe PIAA spécialisé dans les accessoires automobiles et le textile. Le jeune Takagi devra cependant se contenter cette année du rôle d'essayeur. Tyrrell confie ses bolides au fidèle Mika Salo et au fougueux Jos Verstappen, deux pilotes qui, de l'avis général, mériteraient de bien meilleurs volants... La 025 dessinée par Harvey Postlethwaite dérive de la 024 et se distingue par une poutre centrale placée sous le nez de la voiture afin d'améliorer l'équilibre dans les virages lents. Tyrrell part cependant avec un handicap patent puisqu'elle doit se contenter du vieillissant V8 Ford-Cosworth ED qui, bien qu'amélioré durant l'hiver, demeure le moins puissant du plateau.
Arrows écrit un nouveau chapitre de sa déjà longue histoire sous la houlette de Tom Walkinshaw qui a investi 15 millions de livres sterling pour la tirer enfin du ventre mou. Bien établie dans une nouvelle usine à Leafield, annexée de facto à TWR, Arrows Grand Prix a vu ses effectifs grimper de 100 à 180 personnes. Surtout, pour la première fois de son histoire, elle aura l'honneur de porter le n°1 grâce à Damon Hill. En signant pour un an chez Arrows, le champion du monde en titre, limogé par Williams, a fait un choix osé mais lucratif... Gardant en mémoire le tragique destin de son père, il ne cache pas son souci de mettre sa famille à l'abri du besoin en cas de malheur. Hill fera équipe avec Pedro Diniz, un des financiers de l'aventure. Le jeune Brésilien apporte en effet 12 millions de dollars garantis par Parmalat. Par bonheur, il a aussi montré l'an passé chez Ligier qu'il savait tenir un volant... En outre, Arrows bénéficie des nouveaux pneus Bridgestone qu'elle a dégrossis en 1996, ainsi que du V10 Yamaha, lequel a été entièrement repensé par John Judd, son assembleur-préparateur. Très léger et très petit, ce bloc ne remplit cependant pas entièrement son rôle de moteur-porteur. Cela a contraint Frank Dernie de prolonger la coque de la nouvelle A18 vers l'arrière afin de soulager le Yamaha de ces contraintes structurelles. Construite dans l'urgence, cette voiture a fort peu roulé avant le coup d'envoi de la saison et ses performances se sont révélées calamiteuses. Walkinshaw a pourtant promis à Hill de gagner deux Grands Prix cette année...
Fin 96, le sort de Minardi ne tient plus qu'à un fil. En panne de liquidités, la courageuse petite équipe italienne frôle le dépôt de bilan, lorsqu'elle sauvée par un triumvirat comprenant l'inévitable Flavio Briatore, l'ancien pilote Alessandro Nannini et Gabriele Rumi, le propriétaire des jantes Fondmetal et du bureau d'études éponyme, déjà bien connu en F1. Ce trio achète 70% de la scuderia de Faenza, les 30% restants se partageant équitablement entre Giancarlo Minardi, qui reste directeur, et un groupe d'hommes d'affaires rassemblés par Beppe Lucchini. En reprenant Minardi, Briatore s'affirme en « Garibaldi » du sport automobile italien. Il place dans le premier baquet un de ses jeunes protégés, Jarno Trulli, 22 ans, ancien as du karting et récent vainqueur du championnat allemand de F3. Le jeune Italien fera équipe avec Ukyo Katayama qui apporte son expérience et surtout les yens du cigarettier Mild Seven. Ainsi Minardi reçoit enfin les moyens de développer une nouvelle monoplace, la fine et élégante M197 conçue sous la direction de Gabriele Tredozi. Celle-ci sera désormais propulsée par le fragile V8 Hart qui offre cependant plus de chevaux que l'antique Ford-Cosworth. Enfin, Minardi sera l'une des équipes à étrenner les pneus Bridgestone. L'objectif est simple: inscrire au moins quelques points...
Deux nouvelles équipes: Stewart et Lola
À la fin des années 1980, Paul Stewart, le fils de Jackie, suit les traces de son glorieux paternel et pilote dans les catégories inférieures, avant de fonder sa propre écurie. Dans la première moitié des années 90, le Paul Stewart Racing (PSR) obtient de jolis résultats en F3 et F3000, au point que Stewart père et fils songent à faire le grand saut vers la Formule 1. Mais instruits par les malheureuses expériences de Simtek, Pacific et autres Forti, ils n'entendent pas s'y engager sans le soutien d'un grand constructeur. Jackie Stewart se tourne vers la Ford Motor Company avec laquelle il a conservé des liens très étroits depuis plus de vingt ans. Le géant de Détroit cherche justement à s'impliquer davantage en F1 via une équipe semi-officielle. Les deux parties annoncent le 4 janvier 1996 la création du Stewart Grand Prix qui débutera en Formule 1 en 1997 avec le soutien inconditionnel de Ford, que l'on chiffre à 100 millions de livres. La banque HSBC place aussi dans la corbeille un joli pactole. Avec cet argent, Paul Stewart réaménage ses locaux de Milton Keynes pour y installer une usine ultra-moderne. L'ingénieur Alan Jenkins dessine la SF01, une monoplace de facture fort classique, surtout remarquable par sa livrée immaculée traversée par le tartan des Stewart. Elle bénéficie surtout en exclusivité du V10 Ford Zetec-R qui a été considérablement remanié cet hiver afin d'accroître sa souplesse et sa fiabilité. Le leader de l'aventure sera Rubens Barrichello qui s'est enfin éloigné du cocon Jordan, mais doit dorénavant démontrer qu'il n'est pas l'espoir déçu que certains dépeignent. Son équipier sera Jan Magnussen, qui connaît la maison puisqu'il a remporté le titre de champion d'Europe de F3 avec PSR en 1994. Depuis, ce jeune Danois fougueux a piloté avec brio pour Mercedes en ITC tout en jouant les réservistes chez McLaren. Sa « pige » lors du GP du Pacifique 1995 a été très appréciée. Jackie Stewart le dépeint comme un futur champion du monde...
Depuis la fin de sa collaboration avec la Scuderia Italia en 1993, Lola désespérait de revenir en Formule 1. Une voiture, la T95/30, avait pourtant été conçue à cet effet fin 1994, mais son inefficacité avait contraint Eric Broadley à jeter l'éponge. En 1996, Lola Cars conclut cependant un partenariat avantageux avec la société de paiement MasterCard: dix millions de dollars annuels qui doivent permettre au constructeur anglais de revenir dans la catégorie reine. Cependant, alors que Broadley visait un retour en 1998, ses nouveaux associés insistent pour que celui-ci ait lieu dès 1997. Les ingénieurs de Huntingdon n'ont donc que quelques mois pour bricoler une T97/30 qui n'est qu'une grossière évolution du prototype T95/30. Faute de temps, cette monoplace ne bénéficie d'aucun essai en soufflerie et n'effectue ses premiers tours de roue que fin février, sur une piste de dragster ! D'autre part, Broadley avait dans un premier temps prévu de concevoir ses propres moteurs, mais devant l'urgence il doit se résoudre à acquérir en leasing des V8 Ford-Cosworth ED, ceux utilisés l'an dernier par Forti... On le voit, cette aventure paraît mal engagée. La paire de pilotes sélectionnée n'est pas non plus des plus rassurantes: l'Italien Vincenzo Sospiri (30 ans), vieux routier des formules de promotion, a décroché en 1995 le titre international de F3000 « à l'usure » et son expérience en F1 se limite à quelques séances d'essais pour Benetton. Il sera associé à Ricardo Rosset, son ex-équipier et rival chez Super Nova, qui a fort bien caché son talent l'année précédente avec Arrows.
Enfin, on peut relever l'échec du projet du constructeur japonais Dome qui s'est taillé une belle réputation en Formule 3 et Formule Nippon. Une monoplace, la F105 à moteur V10 Mugen-Honda, a été construite et testée durant l'année 1996 par les Japonais Shinji Nakano et Naoki Hattori, puis par l'Italien Marco Apicella. L'affaire a capoté devant le manque de compétitivité de ladite création et surtout le manque de financement.
Tony