Tom Walkinshaw, de Ligier à Arrows
Peu avant ce Grand Prix d'Argentine, Tom Walkinshaw a quitté Ligier pour prendre les rênes de sa nouvelle écurie, Arrows, qu'il entend à terme absorber au sein de sa propre structure, TWR. Il place à la tête du département technique Frank Dernie, lui aussi transfuge de Ligier, tandis que Jackie Oliver n'est désormais plus que « team manager ». Le premier objectif du ruffian écossais est de dénicher un bon moteur pour 1997 car selon lui le V8 Hart manque de puissance... et de prestige. Le développement de la FA17 dessinée par Alan Jenkins, parti chez Stewart GP, sera réduit au strict minimum, le staff se penchant plutôt vers la prochaine monoplace. Quant au duo de pilotes formé par Jos Verstappen et Ricardo Rosset, il sera conservé jusqu'à la fin de la saison. Walkinshaw n'est en effet pas parvenu à dérober Pedro Diniz à Ligier. Certains affirment même qu'il souhaitait aussi emmener Olivier Panis avec lui !
De leur côté, Flavio Briatore et Bruno Michel restructurent le département technique de Ligier-Gauloises Blondes: André de Cortanze est nommé ingénieur en chef et fera équipe avec Loïc Bigois (responsable R&D) et Didier Perrin (directeur des opérations). Pendant ce temps-là, de nouvelles rumeurs courent au sujet du futur des Bleus: selon le Journal du Dimanche, l'État voudrait racheter les parts de Briatore pour créer une « Écurie France » dont la direction serait confiée à un tandem René Arnoux - Jacques Laffite ! Jean-Dominique Comolli, le président de la Seita, s'agace de ces bruits saugrenus: « Tout ce battage fait ces derniers temps ne peut que dissuader les gens sérieux de s'intéresser au projet Ligier... »
Présentation de l'épreuve
Jacques Villeneuve attire les regards sur le circuit de Buenos Aires. D'abord par son look inusité (il est vêtu d'une salopette en jean...), ensuite grâce la première apparition dans le paddock de sa petite amie, une jolie blonde prénommée Sandrine. Michael et Corinna Schumacher présentent quant à eux leur nouvelle amie: Flo, une petite chienne qu'ils ont recueillie alors qu'elle errait au pied de leur hôtel à São Paulo, et qui partagera désormais leur vie luxueuse à Monte Carlo. Schumacher charge Willi Weber d'organiser le rapatriement de l'animal: il a trop affaire entre un cocktail Shell - Ferrari et une réception chez Carlos Menem, le président argentin.
Après sa victoire au Brésil, Damon Hill a la curieuse idée d'aller surfer sur une plage de São Paulo sise près de la sortie d'égout d'une des pires favelas de la mégapole ! Si le Britannique a la chance inouïe de rentrer chez lui sain et sauf, il attrape tout de même un méchant microbe qui va malmener son tube digestif pendant plusieurs jours. Cela ne l'empêchera pas de prendre part au Grand Prix d'Argentine, mais il visitera souvent les toilettes du stand Williams...
Il ne fait aucun doute qu'Heinz-Harald Frentzen sera la grande vedette du futur marché des transferts. L' « autre » Allemand n'a prolongé son contrat avec Sauber-Ford que pour une seule saison, et se trouve aujourd'hui désappointé par le piètre niveau de performance affichée par l'écurie suisse après deux Grands Prix. Frentzen, comme Johnny Herbert, est satisfait de la puissance délivrée par le nouveau V10 Ford, mais pas de châssis C15. Aussi ne fait-il rien pour contredire les rumeurs, généreusement colportées par la presse allemande, selon laquelle il bénéficierait d'une option avec Williams pour 1997. En attendant, Frentzen s'offre un joli succès personnel en répondant en espagnol aux journalistes argentins. Comme le trahissent ses traits, sa mère est en effet native d'Espagne.
Les malheurs de Ligier masquent un fait nouveau et inquiétant: avec Jean Alesi et Olivier Panis, la France ne compte plus que deux représentants en Formule 1. Jamais ceux-ci n'avaient été aussi rares depuis les années 60. Mais beaucoup de jeunes espoirs tricolores gravitent autour de la discipline reine. Jean-Christophe Boullion est ainsi toujours l'essayeur attiré de Williams-Renault. Emmanuel Collard vient d'être engagé par Tyrrell-Yamaha comme troisième pilote et a quelque espoir d'être titularisé en cours de saison, si d'aventure Ukyo Katayama pliait trop de châssis. Franck Lagorce remplit le même office pour le compte de Forti, moyennant un petit pécule offert par Elf. Enfin après avoir testé une Ligier-Mugen cet hiver, l'espoir roannais Jérémie Dufour conduira dorénavant l'Arrows-Hart en essais libres.
Après des essais intensifs menés à Silverstone, la Benetton adopte une nouvelle prise d'air dans l'espoir de retrouver un peu de puissance moteur. La nouvelle embouchure est divisée en trois canaux chargés d'alimenter en air les cylindres du V10 Renault. Côté châssis, un ingénieur de la firme WP apporte de nouveaux amortisseurs qui doivent améliorer la tenue de route très perfectible de la B196. En outre, afin de contrôler l'assiette de façon ultraprécise, l'équipe d'Enstone fait l'acquisition d'un système de rayon laser placé au point d'attache des triangles inférieurs, sous le nez de la voiture, et directement relié à sa télémétrie.
Ferrari supprime le troisième amortisseur rajouté à ses suspensions au GP du Brésil. La McLaren-Mercedes MP4/11 reçoit de nombreuses modifications à Buenos Aires: un aileron avant muni de dérives latérales incurvées et de volets assez imposants, nouveau profil pour l'aileron arrière et suspension retravaillée. La Jordan 196 adopte ici une configuration spéciale « circuits lents » avec un déflecteur retravaillé derrière les roues avant, ainsi qu'un « midship wing », un petit aileron central type « McLaren MP4/10 ». Les Minardi-Ford sont dotées du même modèle d'aileron. Enfin les Sauber-Ford C15 se distinguent par un imposant aileron arrière ultra-chargé.
Le tortueux et poussiéreux circuit Oscar Gálvez n'est guère apprécié par les pilotes qui se plaignent aussi d'un revêtement de mauvaise qualité. Vendredi, ils identifient deux énormes bosses, l'une à la fin de la ligne droite principale, la seconde à l'entrée de la courbe Ascari. « Je me crois en train de monter un chameau ! » lâche Michael Schumacher. « Il y a tellement de bosses que j'ai peur d'y perdre mes dents », renchérit plaisamment Damon Hill. Selon Jean Alesi, ces aspérités serait le fruit d'un différend entre les promoteurs et les organisateurs d'une épreuve de tourisme: afin de se venger, ces derniers auraient lancé sur le circuit un tracteur à charrue qui aurait creusé d'énormes tranchées ! Ces trous ont été rebouchés à la hâte, d'où les bosses. Bernie Ecclestone convoque les représentants de l'Automobile Club d'Argentine afin que des travaux soient effectués dans la nuit du vendredi au samedi. Malgré la célérité des ouvriers argentins, le mal ne sera pas vraiment réparé, et presque tous les pilotes partiront à la faute durant le week-end. Pour ne rien arranger, Buenos Aires est balayée par des rafales de vents contraires, ce qui perturbe l'aérodynamisme des monoplaces.
Essais et qualifications
Bien que frappé de « turista », Hill domine la première séance d'essais du vendredi. Le lendemain matin, Schumacher s'empare du meilleur chrono. L'après-midi, lors de la session qualificative, l'Allemand croit un temps tenir sa première pole position avec Ferrari, mais Hill et sa Williams-Renault s'imposent finalement (1'30''346'''). Avec treize poles positions en F1, le pilote anglais rejoint son père Graham au palmarès. Villeneuve exécute un tête-à-queue vendredi et tâtonne dans ses réglages, mais il arrache tout de même le troisième chrono, à une demi-seconde de Hill. Schumacher (2ème) se place donc pour la première fois en première ligne avec Ferrari, et ce malgré une F310 très nerveuse au freinage. Irvine (10ème) concède une seconde et demie à son leader. Il y a du mieux chez Benetton-Renault, même si les B196 peinent à faire chauffer leurs pneus. Alesi (4ème) se plante dans les graviers au début des qualifications et achève sa séance au volant du mulet. Berger (5ème) déplore une tenue de route perfectible.
Les Jordan-Peugeot sont en proie à un violent sous-virage en entrée de courbe et ne peuvent approcher les « top teams ». Barrichello arrache tout de même une belle sixième place. Il devance nettement Brundle (15ème) qui est parti à la faute. Le même mal (train avant vicieux), aggravé par le vent soufflant sur Buenos Aires, frappe les McLaren-Mercedes (Häkkinen 8ème, Coulthard 9ème). L'excellent Verstappen réalise un petit exploit en amenant son Arrows-Hart en septième position, preuve que celle-ci est bien née. Sa performance contraste avec celle de Rosset (20ème) qui accumule les sorties. Les Sauber-Ford sont excessivement délicates au freinage. Une fois de plus, Frentzen (11ème) en tire un meilleur parti que Herbert (17ème), souvent aperçu dans la poussière. Des difficultés également chez Ligier-Mugen: Panis (12ème) manque de motricité et Diniz (18ème) est handicapé par un survirage chronique. Les Tyrrell-Yamaha n'ont ici presque aucun grip. Excellent cinquième vendredi, Salo sombre le lendemain au seizième rang et se fait même devancer par son collègue Katayama (13ème). Le jeune Marques réalise décidément d'excellents débuts puisqu'il hisse sa Minardi-Ford en quatorzième position. Son collègue Lamy (19ème) est stoppé en qualifications par une panne électronique. Enfin, les deux Forti-Ford (Badoer 21ème, Montermini 22ème) décrochent sans trembler leur ticket pour la course.
Le Grand Prix
Dimanche matin, le soleil brille sur Buenos Aires et surtout le vent a disparu, ce qui permet aux pilotes de s'en donner à cœur joie. Schumacher signe le meilleur chrono devant les deux Benetton-Renault. Hill se contente de vérifier ses réglages. Cette épreuve est un beau succès puisque 75 000 Argentins se pressent dans les tribunes, malgré l'absence de tout compatriote sur la grille. La plupart des écuries planifient une course à deux arrêts-ravitaillements.
Départ: Hill parvient à conserver l'ascendant sur Schumacher alors que Villeneuve peine à démarrer à cause d'un embrayage récalcitrant. Les deux Benetton dépassent le Canadien qui se retrouve englué au beau milieu du peloton.
1er tour: Hill mène devant Schumacher, Alesi, Berger, Coulthard, Barrichello, Verstappen, Häkkinen, Villeneuve et Irvine.
2e: Schumacher met la pression sur Hill. Les Benetton restent au contact de ceux-ci. Villeneuve harcèle Häkkinen pour le gain de la huitième place.
3e: Le quatuor Hill - Schumacher - Alesi - Berger s'échappe rapidement. Coulthard, cinquième, est sous la menace de Barrichello. Villeneuve dépasse Häkkinen.
4e: Neuf dixièmes séparent Hill de Schumacher. Villeneuve s'empare de la septième position aux dépens de Verstappen.
5e: Schumacher est un peu plus rapide que Hill mais n'a pas les moyens de porter une estocade. Alesi et Berger peinent à les suivre. Villeneuve déborde Barrichello et se lance aux trousses de Coulthard.
6e: Hill précède Schumacher (0.4s.), Alesi (2.2s.), Berger (4s.), Coulthard (14.7s.), Villeneuve (16.5s.), Barrichello (18.7s.), Verstappen (19.3s.), Häkkinen (20.3s.) et Irvine (20.6s.).
7e: Schumacher suce la roue de Hill qui ne se laisse pas impressionner. Alesi reste encore au contact de ce duo. Salo exécute un tête-à-queue et passe du 17ème au 19ème rang.
9e: Schumacher réduit sa cadence pour ne pas surchauffer son moteur et ses pneus. Hill prend une pleine seconde d'avance. Villeneuve dépasse Coulthard au premier virage et se retrouve cinquième.
11e: Alesi réduit l'écart avec Schumacher qui a sans doute trop tapé dans sa gomme. Un groupe comprenant Barrichello, Verstappen, Häkkinen, Irvine et Frentzen se bagarre à la porte des points.
12e: Hill repousse Schumacher à deux secondes. Verstappen manque son freinage à l'entrée des Esses et tire tout droit dans la pelouse. Il rejoint le circuit en onzième position, entre Frentzen et Brundle.
13e: Hill devance Schumacher (2.2s.), Alesi (4.5s.), Berger (7.1s.), Villeneuve (21.8s.), Coulthard (30.7s.), Barrichello (32s.), Häkkinen (33.1s.), Irvine (34.2s.) et Frentzen (35.1s.).
15e: Villeneuve est actuellement le plus rapide et tente de remonter sur le quatuor de tête. Katayama dépasse Brundle au premier virage en s'appuyant contre la Jordan. Repoussé vers la bordure, Brundle doit aussi laisser passer Herbert. Salo passe chez Tyrrell pour faire examiner son boîtier électronique. Il redémarre cinq minutes plus tard.
16e: Hill prend un tour aux Forti de Montermini et Badoer qui sont les premiers retardataires. Arrêt de Marques.
17e: Hill accroît son avance sur Schumacher dont la Ferrari est de plus en plus nerveuse. Alesi et Berger restent au contact du double champion du monde. Ravitaillement de Montermini.
18e: Hill est premier devant Schumacher (5s.), Alesi (7.3s.), Berger (9.7s.), Villeneuve (24s.), Coulthard (38.8s.), Barrichello (39.9s.), Häkkinen (41s.), Irvine (41.8s.), Frentzen (42.3s.) et Verstappen (43.2s.).
19e: Alesi a repris une seconde à Schumacher et le menace franchement. Trahi par son accélérateur électronique, Häkkinen rejoint son garage pour renoncer.
20e: Tout va bien pour Hill, nonobstant une panne de radio qui fait travailler le panneauteur de Williams. L'Anglais possède six secondes et demie de marge sur Schumacher. Frentzen exécute un arrêt-ravitaillement et retrouve la piste derrière son équipier Herbert.
21e: Schumacher fait halte chez Ferrari pour son premier ravitaillement (7s.) et redémarre devant Villeneuve. Verstappen et Katayama passent aussi par les stands.
22e: Benetton « couvre » la stratégie de Ferrari: Alesi ravitaille en seulement six secondes. L'Avignonnais quitte la pit-lane à la hauteur de l'Allemand, mais ce dernier est lancé à pleine vitesse et franchit le premier tournant devant la Benetton. Ravitaillent également Herbert, Badoer et Rosset.
23e: Hill mène dorénavant avec dix secondes d'avance sur Berger. A vingt-trois secondes de là, Schumacher contient Alesi et Villeneuve.
24e: Hill rejoint le stand Williams pour prendre de l'essence et des nouvelles enveloppes (9.6s.). Il conserve la première place car Berger le suit dans les stands (7.9s.). L'Autrichien se retrouve cinquième.
25e: Quatre secondes séparent Hill de Schumacher. Alesi talonne l'Allemand. Villeneuve fait escale chez Williams pour un pit-stop assez long (11.8s.). Le Canadien se retrouve entre Irvine et Frentzen. Salo stoppe de nouveau chez Tyrrell pour remplacer son boîtier électronique.
26e: Coulthard et Irvine passent aux stands pour ravitailler. Diniz harponne Badoer avant le virage d'Ombu: la Forti décolle sur la roue avant-droite de la Ligier, se retourne et atterrit sur l'arceau dans le bac à sable. Badoer n'est pas blessé et tente de s'extraire seul de sa machine. C'est alors que quelques commissaires viennent lui tirer les bras alors que ses jambes sont encore dans l'habitacle ! L'Italien les envoie au diable et parvient à se tirer sans aide de ce mauvais pas. La voiture de sécurité (une Renault Clio) entre en piste pour permettre l'évacuation de la Forti retournée.
27e: La course est neutralisée. Les pilotes se rangent peu à peu aux ordres de la voiture de sécurité. Rosset renonce suite à une rupture de pompe à essence. Les commissaires retournent la Forti de Badoer, qui est ensuite tractée par une grue.
28e: Barrichello exécute son uniquement ravitaillement (14s.) et repart entre Verstappen et Brundle. Diniz passe chez Ligier et fait remplir son réservoir à ras bord. Hélas, la soupape de sécurité reste ouverte...
29e: Hill, Schumacher, Alesi et Berger évoluent au petit trot derrière le véhicule de sûreté. Villeneuve les rejoint. Katayama se range dans les graviers suite à une panne de transmission. Premiers ravitaillements de Panis et de Brundle, alors que Montermini stoppe une seconde fois.
30e: De l'essence gicle de la Ligier de Diniz et se répand sur les échappements. Lorsque le Brésilien aborde la courbe d'Ombu, sa monoplace se transforme en boule de flammes ! Elle tournoie sur elle-même et se plante dans les graviers. Par bonheur, Diniz garde son sang-froid: il détache son harnais et bondit hors de son habitacle devenu brasier, le tout en quelques secondes. Il en est quitte pour de la peur. Les commissaires se précipitent sur leurs extincteurs et circonscrivent rapidement l'incendie.
31e: Les bolides sont regroupés derrière la Safety Car. Hill devance Schumacher, Alesi, Berger, Villeneuve, Coulthard, Frentzen, Irvine, Verstappen, Barrichello, Lamy (seul pilote à ne pas avoir ravitailler), Herbert, Marques, Brundle, Panis, Montermini et Salo, ces deux derniers étant relégués à plus d'un tour.
32e: Les monoplaces de Badoer, de Katayama et de Diniz ont été évacuées. La course va reprendre au tour suivant.
33e: La voiture de sécurité s'efface. Hill conserve le commandement devant Schumacher et Alesi. Grand bénéficiaire de la neutralisation, Villeneuve menace Berger. Frentzen attaque Coulthard mais, trop pressé, il manque son freinage au troisième virage, part en toupie et s'enlise dans le bac à graviers. Le jeune Allemand n'ira pas plus loin.
34e: Villeneuve tente de faire l'intérieur à Berger au premier virage, mais l'Autrichien ferme la porte. Brundle prend la douzième place à Marques au premier virage. Deux tournants plus loin, le Brésilien freine trop tard, percute violemment le train arrière de la Jordan et échoue dans le sable.
35e: Hill devance Schumacher d'une seconde. Les commissaires dégagent rapidement les monoplaces de Frentzen et de Marques. Brundle rejoint son stand et abandonne avec une suspension arrière détruite.
36e: À mi-parcours, Hill est leader devant Schumacher (0.6s.), Alesi (1.3s.), Berger (2.9s.), Villeneuve (4.7s.), Coulthard (12.4s.), Verstappen (12.8s.), Irvine (14s.), Barrichello (17.8s.) et Herbert (18.8s.).
38e: Hill tourne en 1'29''847''' et commence à se détacher devant Schumacher et Alesi. Berger repousse Villeneuve à deux secondes.
39e: Schumacher est sous la pression des deux Benetton auxquelles recolle Villeneuve. Lamy exécute son premier ravitaillement.
40e: Schumacher regagne son stand pour remettre de l'essence et des gommes neuves (12.6s.). Il redémarre en huitième position derrière Irvine. Lamy gare sa Minardi sur le bas-côté après une rupture de transmission.
42e: Hill précède Alesi (4.1s.), Berger (6.7s.), Villeneuve (7.8s.), Coulthard (25.7s.), Verstappen (26s.), Irvine (26.5s.), Schumacher (31.6s.), Barrichello (34.8s.), Herbert (36.2s.), Panis (41.3s.) et Montermini (-1t.).
44e: Hill réalise son meilleur chrono de la journée (1'29''653'''). Alesi est aussi très rapide et pourrait repartir devant Schumacher après son prochain pit-stop. Coulthard, Verstappen et Irvine se battent pour la cinquième place.
45e: Alesi arrive chez Benetton pour son deuxième ravitaillement. Tout se passe bien jusqu'à ce qu'il cale au redémarrage. L'Avignonnais se relance après vingt secondes d'immobilisation et se retrouve une fois de plus derrière Schumacher.
46e: L'intervalle entre Hill et Berger s'élève à neuf secondes. Verstappen observe son deuxième arrêt-ravitaillement. Schumacher ralentit et laisse passer Alesi puis de nombreux concurrents. Il regagne son stand en fin de tour.
47e: Les mécaniciens de Schumacher s'aperçoivent que l'aileron arrière de la Ferrari a été endommagé, probablement pas un débris. Le champion du monde doit renoncer. Salo abandonne aussi: son accélérateur électronique est définitivement hors d'usage. Le Finlandais était dernier avec onze tours de retard...
48e: Berger s'arrête chez Benetton pour son second pit-stop (8.6s.) et laisse les deux Williams seules en tête. L'Autrichien reprend la piste devant son équipier Alesi. Irvine passe aussi par la case stands. Barrichello, qui ne doit plus stopper, entre dans les points.
50e: Villeneuve arrive chez Williams pour un « refueling » et un changement de gommes (7.8s.). Il retrouve le circuit deux secondes derrière Berger. Second arrêt pour Herbert. Le blondinet de Sauber connaît une fin de course pénible car il n'a plus de freins à l'arrière.
51e: Hill fait halte aux stands pour un second arrêt-ravitaillement exécuté en toute quiétude (7.7s.). Coulthard opère son deuxième pit-stop et redémarre entre Barrichello et Irvine.
52e: Hill est premier devant Berger (11.3s.), Villeneuve (12.2s.), Alesi (23.1s.), Barrichello (33.1s.), Coulthard (45s.), Irvine (45.7s.), Panis (47.6s.), Verstappen (49.3s.) et Herbert (1m.). Troisième arrêt de Montermini.
53e: Irvine pourchasse Coulthard, peu à l'aise avec son nouveau train de pneus. Panis suit de près ce duo mais Verstappen le remonte.
55e: Berger décramponne Villeneuve. Cependant le pilote Benetton peine à se maintenir en piste et soupçonne une crevaison. Irvine prend la sixième place à Coulthard.
56e: Berger rejoint son stand et fait changer ses quatre roues, puis reprend la piste en quatrième position. Verstappen déborde Panis qui souffre de survirage.
57e: Hill précède Villeneuve de dix-huit secondes. Berger s'immobilise dans l'herbe: sa machine est en fait frappée d'un bris de suspension arrière. Coulthard retrouve la sixième place mais il est la cible des assauts de Verstappen.
59e: La course est jouée et devrait aboutir à un nouveau doublé Williams. En revanche, la bagarre fait rage entre Coulthard, Verstappen et Panis pour le dernier point.
60e: Verstappen se jette à l'intérieur de la première courbe, freine tard et parvient ainsi à dépasser Coulthard.
61e: Hill est en tête devant Villeneuve (17.3s.), Alesi (26.2s.), Barrichello (45s.), Irvine (57.3s.), Verstappen (1m. 02s.), Coulthard (1m. 06s.), Panis (1m. 07s.), Herbert (-1t.) et Montermini (-2t.).
63e: Alesi tente un dernier effort pour revenir sur Villeneuve, mais il ne lui reprend que quelques dixièmes.
64e: Verstappen et son Arrows-Hart sont irrésistibles et remontent sur Irvine qui rencontre des problèmes de boîte de vitesses.
66e: Alesi s'empare du meilleur tour en course (1'29''413'''). Verstappen est revenu à deux secondes d'Irvine.
67e: Hill possède dix-sept secondes d'avance sur Villeneuve, vingt-quatre secondes sur Alesi.
69e: Alesi remonte toujours sur Villeneuve. Cinq secondes séparent les deux « cousins » francophones. Irvine maintient Verstappen deux secondes et demie derrière lui.
70e: À deux tours du but, Hill jouit d'un matelas de quinze secondes sur Villeneuve. Alesi est pour sa part trop loin du Canadien pour l'attaquer.
71ème et dernier tour: Irvine est gêné par un travers de Herbert. Verstappen en profite pour déborder l'Irlandais au prix d'un freinage appuyé... trop appuyé, car Irvine reprend l'ascendant à la réaccélération et conserve sa cinquième place.
Damon Hill empoche sa troisième victoire en 1996, la quatrième de rang. Villeneuve finit second et complète ce doublé Williams-Renault. Alesi monte sur la troisième marche du podium. Grâce à sa stratégie à un seul arrêt et surtout à la Safety Car, Barrichello finit quatrième et ouvre le score de Jordan-Peugeot. Irvine se classe cinquième avec la Ferrari survivante. Verstappen achève une course remarquable au sixième rang et donne un point à Arrows. Viennent ensuite Coulthard, Panis, Herbert et Montermini.
Après la course: Hill en promenade
Damon Hill a une fois de plus accompli une remarquable démonstration, dominant de bout en bout le week-end argentin. Ce championnat 96, placé sous sa férule, ne paraît pas devoir lui échapper. « Il faut reconnaître que Damon s'est épanoui, car il semble invulnérable de l'intérieur, tactiquement et techniquement », confie Bernard Dudot, admiratif. De fait, la spirale du succès semble enhardir Damon l'introverti, au point qu'il se permet d'embrasser à pleine bouche son épouse Georgie en public ! Quant à cette course, elle ne l'a guère fait trembler: « Schumacher fut un adversaire tenace, comme d'habitude. Il poussait fort et attendait la moindre occasion. Mais j'en avais la pleine maîtrise. Le seul problème fut ces tours passés derrière la voiture de sécurité. En roulant assez lentement, les pneus perdent de leur température, et donc de leur pression. A la reprise de la course, les bosses m'ont paru plus hautes qu'avant la neutralisation. »Deux bémols néanmoins: une panne de radio qui l'a contraint à communiquer avec la murette Williams par signes et panneaux, et son « indisposition gastrique »... « Je dois remercier Erwin Göllner, mon préparateur physique, qui m'a remarquablement remis sur pied pour cette difficile épreuve. Pendant deux jours je n'ai rien pu manger. Tout ce qui entrait par le haut ressortait aussitôt par le bas ! »
Jacques Villeneuve termine à la seconde place et assure ainsi le doublé pour Williams, ce qui permet à cette écurie d'égaler le record de McLaren (26). Le Québécois peut remercier la neutralisation qui lui a permis de recoller aux premiers après son envol raté. « Un départ vraiment affreux », commente-t-il. « Je ne sais pas ce qui s'est passé, l'embrayage n'a pas réagi comme à l'ordinaire. Je me suis retrouvé au milieu du peloton. Par chance, ma voiture était vraiment performante avec le plein d'essence. D'où un retour rapide vers les cinq premiers, mais les autres étaient trop loin devant... » L'accident de Badoer a sauvé la mise à Villeneuve qui, néanmoins, s'il paraît encore un peu tendre face à Hill, monte en puissance et devrait devenir un adversaire redoutable d'ici quelques courses.
Michael Schumacher aimerait pouvoir en dire autant. Malgré des qualifications et un début de course splendides, l'Allemand sait que ces performances doivent plus à son talent qu'à sa Ferrari, dramatiquement nerveuse. Il aurait pu néanmoins conquérir la deuxième place si son aileron arrière n'avait pas été ébréché par un débris provenant d'une monoplace non identifiée. « Ce circuit de Buenos Aires est de toute façon trop bosselé », peste-t-il. « Nous devrions être plus à l'aise au Nürburgring [NDLA: le prochain Grand Prix] qu'ici car le revêtement y sera plus lisse. » C'est tout ce qu'on lui souhaite. Quant aux Benetton-Renault, elles furent plus rapides qu'à Melbourne et à São Paulo, mais un monde les sépare encore des Williams. Pour ne rien arranger, Jean Alesi a laissé filer la deuxième position en calant après son second pit-stop. « Je ne peux accuser personne sinon moi-même ! » soupire le Français, penaud.
L'ambiance est bien meilleure chez Arrows: pour sa première course à la tête de cette équipe, Tom Walkinshaw a le bonheur de voir Jos Verstappen lui offrir un point. Le jeune Hollandais fut admirable: en dépit d'une excursion hors-piste, il est remonté vers le haut de peloton à la force du poignet et aurait certainement conquis la cinquième place aux dépens d'Eddie Irvine avec quelques boucles supplémentaires. Désormais, celui que ses compatriotes surnomment « Jos the Boss » déborde d'ambition et place de grands espoirs en Walkinshaw: « C'est quelqu'un qui a beaucoup d'énergie, qui va de l'avant, son arrivée est plus qu'une chance: c'était une nécessité », s'enflamme le Hollandais. « Walkinshaw va nous débloquer des fonds pour pouvoir faire plus d'essais privés. Nous pourrons développer plus facilement le châssis et le moteur Hart. L'équipe technique va se retrouver, d'un coup, renforcée. » Et si les exploits de Verstappen étaient les prémices du renouveau d'Arrows ?
Diniz, retour d'enfer
Enfin, ce Grand Prix d'Argentine compte deux miraculés. Luca Badoer tout d'abord, dont le vol plané consécutif à une collision avec Pedro Diniz s'est achevé sur le toit. Par bonheur, l'arceau renforcé a parfaitement rempli son rôle et l'Italien n'a pas été écrasé sous le poids de sa Forti. Celui-ci préfère ironiser: « Paulo Guerci, mon ingénieur, m'a révélé que seul l'aileron arrière était finalement endommagé. Notre nouvelle voiture devant arriver au Nürburgring, je lui ai dit de mettre celle-là à la poubelle ! »
L'autre veinard est Pedro Diniz lui-même dont la Ligier s'est enflammée sans crier gare, à un endroit du circuit où ne stationnaient que deux commissaires armés d'un malheureux extincteur ! Le Pauliste s'est heureusement tiré d'affaire seul, bondissant hors de la fournaise avant même que sa machine folle ne stoppe. « Je suis brésilien, j'aime bien la chaleur, mais là c'était trop ! Insupportable ! » plaisante-t-il. « Le feu m'a sauté dessus à cause de l'essence qui a giclé. J'ai tout de suite freiné pour ralentir la voiture. Elle est partie en tête-à-queue. J'ai alors dégrafé mon harnais et sauté hors du cockpit. Il n'y avait pas une seconde à perdre car cela pouvait exploser d'un instant à l'autre... » Par bonheur, Diniz ressort indemne de cette situation effrayante. Un check-up médical révèle qu'il n'a inhalé ni gaz ni vapeur d'essence. Il ne souffre que d'une brûlure superficielle à la main gauche.
L'équipe Ligier détermine bien vite les causes de ce qui aurait pu être un épouvantable drame. « La valve de sécurité du système de remplissage est restée ouverte à la fin du ravitaillement, lorsque le mécanicien a retiré la « seringue » », explique Jacques Laffite. « Le niveau étant très haut, l'essence n'a eu aucune difficulté à dégueuler au premier freinage et à prendre feu sur les échappements. Il suffit d'un litre pour cela. » Les commissaires techniques confisquent la valve incriminée pour examen, mais plusieurs voix s'élèvent à nouveau pour réclamer la fin de ces dangereux ravitaillements en essence. Depuis leur réintroduction début 1994, on comptabilise en effet trois incidents qui auraient pu être tragiques (Hockenheim 94, Spa 95 et maintenant Buenos Aires 96). Selon les ingénieurs, ces opérations ne se justifient plus depuis que Ferrari a abandonné son V12 qui était très gourmand en essence. Mais Max Mosley et Bernie Ecclestone font la sourde oreille...
Tony