Damon HILL
 D.HILL
Williams Renault
Michael SCHUMACHER
 M.SCHUMACHER
Benetton Ford Cosworth
Mika HAKKINEN
 M.HAKKINEN
McLaren Peugeot

562nd Grand Prix

XXXIX Gran Premio de Europa
Sunny
Jerez de la Frontera
Sunday, 16 October 1994
69 laps x 4.428 km - 305.532 km
Affiche
F1
Coupe

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M. Schumacher mitraille D. Hill

Michael Schumacher retourne à la compétition après ses deux courses de suspension consécutives à l'incident du drapeau noir à Silverstone. Il revient le couteau entre les dents: son rival Damon Hill a profité de son absence pour engranger un maximum de points et revenir à une petite longueur au classement mondial. Le jeune Allemand ne digère pas sa punition et estime que la FIA lui a jeté des peaux de banane pour créer un suspens artificiel. Hill n'y est pour rien, mais Schumacher est résolu à ne pas le ménager. Il a en effet appris de son modèle Ayrton Senna qu'un combat sportif se gagne aussi (et surtout) sur le terrain psychologique. Aussi, alors que Hill, naïf, fait part de sa joie de pouvoir l'affronter loyalement, Schumacher l'attaque de front dans l'espoir de le déstabiliser. Il ouvre le feu jeudi en conférence de presse, et sous un angle pour le moins inattendu: il accuse Hill de le calomnier ! « Depuis quelques temps, Damon tient des propos inacceptables ! » éructe-t-il. « Je les lui ferais regretter de la meilleure façon qui soit: sur la piste ! » Schumacher reste vague quant à la teneur de ces propos, mais vise visiblement certains sous-entendus autour de la légalité de la Benetton: « Pourquoi est-il allé dire au GP de France qu'il avait pris le meilleur départ de sa vie alors que je suis mieux parti que lui ? Il voulait sûrement faire comprendre que je conduisais une voiture non-conforme. Plus encore, au lieu de se comporter comme un gentleman anglais qu'il dit être, il n'a pas cessé d'amplifier ces sales rumeurs contre Benetton. On a essayé de me détruire. Quand je repense à cela, ma détermination à remporter le championnat ne fait que décupler ! » Puis l'Allemand déclare méchamment que Hill n'est pas un adversaire à sa hauteur: « Il est devenu premier pilote chez Williams après le drame que nous avons vécu à Imola. Je connais ses faiblesses, et ce n'est pas le point qui me sépare de lui qui changera le cours du championnat. Hill n'est jamais arrivé à me battre lorsque nous nous sommes retrouvés ensemble à conditions égales. J'ai suivi ses deux courses de Monza et Estoril. Il n'était pas rapide. Sa Williams l'était. Et Coulthard aussi. C'est lui qui devait gagner, mais à cette phase du championnat il ne le pouvait pas. C'est dommage. Dommage aussi qu'il ne puisse pas continuer car c'est un super-pilote. Sa progression rapide a démontré que Hill ne possède ni l'étoffe ni la consistance d'un premier pilote. »

 

Schumacher pousse ensuite la provocation jusqu'à prétendre que son principal adversaire pour la fin de saison est... Nigel Mansell ! « Nigel est un grand pilote, qui a besoin de résultats pour s'assurer un bon contrat pour 95. Damon doit s'en méfier. Son équipe sera beaucoup plus occupée à plaire à Mansell qu'à travailler avec lui. Le futur de Williams, c'est Mansell. Pas Hill. Avec son nom et son palmarès, Nigel ne va pas s'amuser à jouer les aides de camp, comme Coulthard avant lui. N'ayant de compte à rendre à personne, il ne va courir que pour lui et viser la victoire. Moi, j'essaierai de l'en empêcher. » Et qu'importe si, bien au contraire, Mansell prétend être prêt à se mettre au service de son équipier pour l'aider à conquérir le titre mondial... Enfin, pour enfoncer le clou, Schumacher ose convoquer Ayrton Senna: « Cette saison n'est pas une saison normale avec tous ces accidents, les incidents et les changements de règlement que nous avons connus. Normalement, j'aurais dû me battre contre Senna. Avec lui, la bagarre aurait été formidable car il aurait su montrer et exploiter le vrai potentiel de la Williams. » Fermez le ban...

 

Cette salve d'artillerie lourde a bien évidemment pour but de troubler Damon Hill, et au-delà d'ôter toute légitimité à son éventuelle consécration mondiale. L'intéressé ne se départ cependant pas de son flegme: « Ce ne sont que des gamineries, n'y prêtons aucune attention. Je pense que son comportement est immature et mal venu. C'est de mauvais goût dans le contexte difficile de cette saison. S'il compte me déstabiliser ainsi, c'est raté ! » Pas rancunier, Hill ira jusqu'à tendre la main à Schumacher lors de la traditionnelle conférence de presse d'après-qualifications, main que l'Allemand acceptera de serrer.

 

Lotus en faillite - Briatore fait ses emplettes

Début septembre, le team Lotus a été placé sous administration judiciaire, le temps d'épurer ses dettes, pour une période qui prendra fin le 24 octobre 1994. Il lui faut donc trouver d'ici là le moyen de financer son déplacement au Japon et en Australie. Son dernier actif est le contrat de Johnny Herbert. Or celui-ci est à la fois convoité par McLaren et par Benetton. Flavio Briatore dégaine plus vite que Ron Dennis. Au cours du week-end des 8-9 octobre, il mène des pourparlers accélérés avec Robson Rhodes, l'administrateur désigné de Lotus, et Tim Waigh, le conseil de Herbert au sein de l'International Management Group, et parvient à racheter le contrat du pilote britannique. Toutefois, il ne peut pas le caser immédiatement chez Benetton puisque Jos Verstappen est inscrit pour le GP d'Europe. Du coup, il le place dans son autre écurie, Ligier, en lieu et place d'Éric Bernard. Gitanes et Elf, les commanditaires du Français, tiquent un peu, mais n'en peuvent mais. Afin de préserver les apparences, Briatore « prête » Bernard à Lotus pour la manche de Jerez. Un jeu de chaises musicales béni par Bernie Ecclestone, qui a facilité les tractations.

 

Jeudi 13 octobre, sous le chaud soleil andalou, Éric Bernard paraît donc, tout penaud, sur le seuil du garage Lotus, son équipe d'un week-end. Heureusement, les Anglais accueillent chaleureusement ce « Frenchie » victime de l'impitoyable loi du marché. Bernard conduira aux côtés d'Alessandro Zanardi, rappelé par Peter Collins qui n'a plus d'autres pilotes payants en stock. Pendant ce temps-là, Johnny Herbert prend place dans la seconde Ligier-Renault, sous le regard ébahi d'Olivier Panis, irrité du sort fait à son ami Bernard. Le blond Anglais est également un peu gêné puisqu'il n'est que de passage chez les Bleus. Selon toute vraisemblance, Briatore lui confiera la seconde Benetton-Ford pour les GP du Japon et d'Australie. A signaler enfin qu'outre Herbert, Ligier-Gitanes accueille un autre petit nouveau. Il s'agit de l'espoir tricolore Franck Lagorce, récent vice-champion international de F3000, recruté comme pilote essayeur.

 

Nigel Mansell : Papy fait de la résistance

Nigel Mansell prend possession de la Williams n°2 pour la seconde fois cette saison, après sa pige du Grand Prix de France. Mais cette fois, l'énième come-back du Vieux Lion ne suscite plus l'enthousiasme. Il vient de boucler une médiocre saison en Formule Indy, vierge de toute victoire, à mille lieues de sa splendide épopée de 1993. Surtout, entretemps, le jeune David Coulthard s'est révélé comme un pilote de grand avenir, parfaitement capable d'épauler et - le cas échéant - de titiller Damon Hill. On ne voit donc pas très bien en quoi le concours de Mansell serait indispensable au team Williams. A Jerez, une banderole malicieusement placée dans le gradin faisant face au stand Williams résume le sentiment dominant: « Nigel, on t'aime bien, mais laisse les clefs à David... » Mansell tente d'en faire fi, mais il sent bien que Frank Williams et Patrick Head envisagent dorénavant de lui préférer Coulthard pour la saison 1995. Du reste, Bertie Gaerdner, le directeur du marketing de Rothmans, en visite à Estoril, n'a pas caché à ses associés que sa firme préférerait sponsoriser un champion en herbe plutôt qu'un quadragénaire sur le retour.

 

Baquets à l'encan

Larrousse F1 n'a plus un sou vaillant. Pour achever la saison, l'écurie de Signes est contrainte de recruter le Japonais Hideki Noda. Âgé de 25 ans, cet inconnu n'est pas à proprement parler un grand espoir. Après quelques succès initiaux en karting, il a roulé sa bosse en Formule 3 puis en Formule 3000 sans jamais briller. Il vient ainsi de conclure sa campagne 94 de F3000 avec six petits points au compteur. Mais il bénéficie de l'appui financier de plusieurs sponsors nippons, et conquiert ainsi le volant de la Larrousse n°19 (ex-Beretta, ex-Alliot, ex-Dalmas...), après avoir failli signer chez Simtek. Il devrait ainsi sauf imprévu finir l'année aux côtés d'Érik Comas.

 

Ayant échoué à attirer Noda, Simtek recrute l'Italien Domenico Schiattarella, dit « Mimmo », un Italien de 27 ans qui n'a pour tout palmarès que deux titres nationaux de Formule 4 et de Formule Ford 2000. Il court depuis en Formule Atlantic avec un certain succès puisqu'il a décroché en 1993 le titre de débutant de l'année. Il a également fait trois apparitions en F. Indy en 1994. Schiattarella apporte dans sa besace quelques commanditaires transalpins qui devraient lui permettre de disputer plus tard le GP d'Australie.

 

En revanche, Jean-Marc Gounon ne prend pas place au volant de l'Arrows n°10, comme cela semblait probable à Estoril. Gianni Morbidelli a en effet une fois de plus sauvé sa tête grâce à un sponsor de dernière minute. L'Ardéchois, remplacé par Schiattarella chez Simtek, se retrouve donc à pied.

 

Présentation de l'épreuve

Ce Grand Prix d'Europe remplace le Grand Prix d'Argentine qui devait se tenir sur le circuit rénové de Buenos Aires, et qui est finalement reporté à 1995. Les pilotes retrouvent sans plaisir le circuit de Jerez de la Frontera, au cœur de l'Andalousie. Ce tourniquet lent et tortueux, éprouvant sur le plan physique, accueillait le GP d'Espagne à la fin des années 80 sans attirer les foules. Il n'est pas plus attrayant aujourd'hui. Ainsi, cette épreuve tardive et improvisée débouche sur un véritable bide: dimanche, on totalisera au grand maximum 10 000 spectateurs ! L'autodrome de Jerez a cependant fait l'objet de quelques modifications. La grande courbe à droite où Martin Donnelly a failli perdre la vie en 1990 est remplacée par une petite chicane baptisée Ayrton Senna. Plus en amont, le lent enchaînement des virages n°5 à 8 cède la place à un très long droit, nommé Sito Pons en l'honneur du champion motocycliste, qui aboutit à une ligne droite plus étendue, laquelle s'achève sur une épingle serrée. La chicane qui précédait ce bout droit est aussi supprimée, ce qui pourrait favoriser les dépassements.

 

Malgré les discours creux de Ron Dennis et Jean-Pierre Jabouille, il est désormais certain que McLaren va se séparer de Peugeot pour convoler avec Mercedes. L'officialisation du divorce et des épousailles devrait avoir lieu peu après ce GP d'Europe. De son côté, Peter Sauber a appris le 13 octobre que Mercedes l'abandonnait. L'artisan suisse doit donc impérativement se trouver un nouveau partenaire, sans quoi il sera contraint de mettre la clef sous la porte. L'idée de forger « alliance des cocus » Sauber - Peugeot l'effleure un temps, comme d'ailleurs Frédéric Saint-Geours et Jean-Pierre Jabouille. Mais les responsables de Peugeot penchent plutôt en faveur d'Eddie Jordan, dont l'écurie jeune, dynamique et bien structurée, offre plus de garanties que Sauber, en délicatesse sur le plan financier. Jordan s'est rendu en France le 8 octobre pour négocier les termes d'un contrat de motorisation portant sur plusieurs années.

 

On l'aura compris, en cette fin 1994, de nombreuses écuries rencontrent de graves difficultés financières. Voilà qui ne décourage apparemment pas les entrepreneurs ambitieux, puisque pas moins de quatre nouvelles équipes prévoient de faire leurs débuts en 1995 ! Ainsi, Jean-Paul Driot et René Arnoux ont l'intention de faire grimper en F1 leur écurie DAMS qui vient encore de triompher en F3000, cette fois avec Jean-Christophe Boullion. Un autre Français, Jean Messaoudi, met sur pied le Junior Team qui, comme son nom l'indique, doit servir de pépinière de jeunes talents tricolores. De l'autre côté des Alpes, Guido Forti, dont l'écurie a également brillé en F3000 avec des coureurs comme Gianni Morbidelli ou Andrea Montermini, est sur le point de boucler un projet qu'il médite depuis 1991. Enfin, l'ancien pilote japonais Tetsu Ikuzawa a recruté l'ingénieur Enrique Scalabroni et le journaliste Peter Windsor pour monter une écurie nippone, mais la récession qui frappe l'archipel complique sa tâche, et il devrait reporter ses débuts à 1996.

 

Karl Wendlinger s'estime prêt à reprendre le volant, près de six mois après son grave accident de Monaco. Coaché par Karl Feshner, le « gourou-soigneur » de l'écurie Sauber, il a récupéré l'essentiel de ses aptitudes physiques et se sent prêt à disputer les deux derniers Grands Prix de la saison. Prudent, Peter Sauber lui ménage cependant un test qui se tiendra au Castellet le 19 octobre. Si Wendlinger parvient à couvrir la distance d'un Grand Prix, alors il pourra s'embarquer pour l'Extrême-Orient. Sinon, l'intérim d'Andrea de Cesaris sera vraisemblablement prolongé.

 

La Williams FW16B est une des rares machines à bénéficier encore d'évolutions. Elle se pare ainsi d'un nouvel aileron doté d'un large « flap » disposé entre les roues arrière. En règle générale, les écuries gréent ici leurs machines comme à Budapest, avec des ailerons imposants. Peugeot lance l'ultime évolution de son V10, l'A6 « évolution 2 ter » (sic !) qui apporte un gain annoncé de dix chevaux. Au total, selon les estimations de Jean-Pierre Boudy, le moteur flanqué du Lion aura gagné quatre-vingts chevaux en un an. De son côté, Ferrari teste à Monza un moteur V12 qui serait capable d'offrir 870 chevaux à 16 000 tours/minute ! Sa fiabilité est inconnue... Ici, à Jerez, Berger utilise un moteur spécial doté d'un meilleur couple, dont Alesi ne veut pas.

 

Essais et qualifications

Schumacher n'est pas satisfait de sa première séance qualificative: victime d'un bris de support moteur, il doit se contenter du troisième temps. Mais le lendemain, il conduit sa Benetton-Ford fiable et bien réglée en pole position pour la cinquième fois de la saison. Verstappen (12ème) déplore du sur-virage et se crashe assez rudement vendredi après-midi. Auteur de la pole provisoire le premier jour, Hill est repoussé au deuxième rang le lendemain, mais ne rend que 130 millièmes à Schumacher. Mansell progresse peu à peu tout au long du week-end: cinquième vendredi, il arrache le lendemain un satisfaisant troisième chrono. Très belle performance du jeune Frentzen, quatrième au volant d'une Sauber-Mercedes enfin fiable et équilibrée. En revanche, de Cesaris sort violemment de la piste samedi et n'obtient qu'une très médiocre 18ème place. Les Jordan-Hart (Barrichello 5ème, Irvine 10ème) sont très en verve et peuvent décrocher de gros points dimanche. Comme prévu, les Ferrari se montrent très instables sur ce circuit tortueux. Berger (6ème) est plus à l'aise qu'Alesi (16ème) qui se plante samedi dans les graviers, et n'est ensuite pas autorisé à repartir sur la voiture de son équipier, sous prétexte que leurs réglages seraient trop différents. D'où une grosse colère de Jean d'Avignon.

 

Herbert s'accommode remarquablement bien à la Ligier-Renault et réalise un exceptionnel septième chrono, quatre dixièmes devant Panis (11ème). Morbidelli (8ème) déniche le bon set-up pour son Arrows, contrairement à Fittipaldi (19ème) qui souffre d'un manque de grip. Les importantes variations de température du vendredi au samedi sont néfastes au châssis McLaren, très sensible à ce genre d'impondérables. Häkkinen (9ème) et Brundle (15ème) ne peuvent que limiter les dégâts. Week-end mouvementé pour Tyrrell: Katayama (13ème) perd beaucoup de temps vendredi à cause d'une fuite de carter d'huile, alors que le même jour Blundell (14ème) percute les murailles à haute vitesse. Le jeune Anglais, très étourdi, ne sera pas au mieux de sa forme le lendemain. Les Minardi-Ford (Martini 17ème, Alboreto 20ème) font de la figuration comme à l'ordinaire. Chez Lotus, Bernard (22ème) surprend en ne rendant que quelques millièmes à Zanardi (21ème). Du côté de Larrousse, Noda (24ème) concède une seconde à Comas (23ème). Les Simtek (Brabham 25ème, Schiattarella 26ème) sont en dernière ligne. La non-qualification est encore une fois au bout du chemin de Gachot et de Belmondo, dont les Pacific sont toujours fragiles et instables.

 

Le Grand Prix

Lors du warm-up, Hill réalise le meilleur chrono, huit dixièmes devant Schumacher qui testait plusieurs configurations aérodynamiques. Suite à l'échauffement, Brundle choisit de partir sur son mulet qu'il estime mieux réglé. Las, une fuite d'eau est détectée sur cette machine juste avant la mise en grille, et l'Anglais doit se rabattre sur sa voiture de course. Une forte chaleur règne sur Jerez, ce qui promet un après-midi pénible pour les pilotes, d'autant plus que ce tourniquet éprouve durement les muscles du cou. Les stratégies sont diverses: la plupart des coureurs partent pour deux arrêts, mais Schumacher prévoit trois pit-stops, de même que Morbidelli. Frentzen, audacieux, n'effectuera lui que deux relais.

 

Départ: Hill prend un meilleur envol que Schumacher et vire en tête au premier virage. Mansell fait patiner ses roues, et se retrouve derrière Frentzen, Barrichello et Berger. Katayama et Noda calent et restent scotchés sur la grille. Le Japonais de Tyrrell parvient à démarrer au bout de quelques secondes alors que celui de Larrousse patiente près d'une minute avant que son moteur réponde.

 

1er tour: Fittipaldi se frotte à Alboreto et endommage sa calandre. Il regagne son garage en fin de tour pour réparer. Hill mène devant Schumacher, Frentzen, Barrichello, Berger, Mansell, Irvine, Herbert, Häkkinen et Morbidelli.

 

2e: Hill et Schumacher s'échappent facilement car Frentzen retient le reste du peloton. Mansell repasse devant Berger.

 

3e: Schumacher concède quelques dixièmes à Hill. Mansell pourchasse Barrichello. Alesi évolue en treizième position, entre Brundle et Panis.

 

5e: Hill précède Schumacher (0.6s.), Frentzen (11s.), Barrichello (12s.), Mansell (13s.), Berger (14s.), Irvine (15s.), Herbert (17s.) et Häkkinen (19s.).

 

6e: Mansell prend l'ascendant sur Barrichello à l'épingle. Un peu plus loin, Herbert fait la jonction avec le groupe Frentzen.

 

7e: A quinze secondes des deux leaders, Frentzen emmène un peloton comprenant Mansell, Barrichello, Berger, Irvine et Herbert. Häkkinen contient pour sa part Morbidelli, Blundell, Brundle et Alesi.

 

9e: Hill ne compte que huit dixièmes de marge sur Schumacher. Le moteur Peugeot de Brundle explose au bout de la longue ligne droite. Le pilote McLaren se gare dans l'herbe.

 

10e: Hill et Schumacher ne se lâchent pas d'une semelle et tournent tous deux en 1'25''500'''. Le « groupe Frentzen » est relégué à vingt-cinq secondes. Mansell klaxonne derrière le pilote Sauber.

 

12e: Mansell tombe sur Noda, au ralenti suite une panne de boîte de vitesses. Le Britannique freine fort pour éviter une collision, ce qui permet à Barrichello de se porter à sa hauteur entre les virages Nieto et Peluqui. Le Pauliste s'impose et reprend ainsi la quatrième place.

 

13e: Frentzen tracte un train interminable comprenant: Barrichello, Mansell, Berger, Irvine, Herbert, Häkkinen, Morbidelli, Blundell et Alesi. Noda met pied à terre. Fittipaldi effectue un premier ravitaillement.

 

14e: Hill précède Schumacher (0.8s.), Frentzen (37s.), Mansell (37.7s.) Barrichello (38.5s.), Berger (39s.), Irvine (39.5s.), Herbert (41s.), Häkkinen (42.3s.), Morbidelli (42.8s.), Blundell (43s.), Alesi (43.3s.) et Panis (45.2s.). Katayama opère sa désormais traditionnelle remontée. Il figure au 19ème rang.

 

15e: Schumacher fait escale chez Benetton pour le premier de ses trois arrêts (6.8s.) et demeure second. Mansell tente de doubler Barrichello à l'épingle mais ne réussit qu'à briser son aileron avant contre la Jordan. Le vétéran britannique regagne le stand Williams pour ravitailler et réparer son nez. L'opération dure 50 secondes et Mansell chute au vingt-deuxième rang.

 

16e: Blundell et Alboreto opèrent leurs premiers ravitaillements. En bagarre avec de Cesaris pour la 13ème place, Verstappen freine trop tard à l'approche de la dernière épingle et échoue dans le bac à graviers. Le Hollandais abandonne sa Benetton, sous le regard consterné de Flavio Briatore.

 

17e: Schumacher réalise le meilleur tour de la journée (1'25''040''') et ne concède que dix-huit secondes à Hill. Premier arrêt de Morbidelli.

 

18e: Hill apparaît au stand Williams (8.7s.)... et repart derrière Schumacher. Berger, Herbert, de Cesaris et Brabham passent aussi aux stands.

 

20e: Schumacher mène avec cinq secondes d'avance sur Hill. Il doit stopper une fois de plus que son adversaire, mais son excellent rythme lui permet de creuser l'écart. Alesi ravitaille pour la première fois. Comas fait aussi halte aux stands.

 

21e: Barrichello effectue son premier pit-stop et repart sous le nez de Berger. Arrêt aussi pour Zanardi.

 

22e: Seuls rescapés du premier groupe de chasse, Frentzen et Irvine luttent pour la troisième place. Katayama et Schiattarella ravitaillent.

 

23e: Schumacher repousse Hill à six secondes et demie. Arrêts-ravitaillements pour Martini et Bernard.

 

24e: Schumacher est gêné par de Cesaris. Ce dernier lui laisse juste l'espace nécessaire pour prendre la corde à l'ultime épingle. Häkkinen observe son premier pit-stop (6.8s.), imité peu après par Panis.

 

25e: Irvine stoppe à son tour pour se ravitailler en carburant, puis a la mauvaise surprise de reprendre la piste derrière Häkkinen.

 

26e: Schumacher est premier devant Hill (7s.), Frentzen (26s.), Häkkinen (45s.), Irvine (47s.), Berger (50s.), Barrichello (53s.), Herbert (56s.), Alesi (57s.), Panis (59s.) et Morbidelli (1m. 02s.).

 

28e: Histoire de faire bonne mesure, de Cesaris louvoie devant Hill avant de le laisser passer. L'Anglais perd encore une seconde dans cette mésaventure.

 

30e: Schumacher possède dix secondes d'avance sur Hill, un écart qui sera difficile à combler pour le pilote Williams.

 

31e: Mansell grappille des positions et pointe au 17ème rang. Il va bientôt se défaire d'Alboreto et de Comas. Troisième arrêt de Fittipaldi.

 

32e: Schumacher tourne une seconde au tour plus vite que Hill. La stratégie de Benetton reposant sur quatre relais et un réservoir toujours léger semble payante.

 

33e: Schumacher opère son second ravitaillement (6.6s.). Hill récupère momentanément le commandement. Frentzen effectue pour sa part son unique arrêt (11.4s.) et reprend la piste entre Barrichello et Herbert. Panis prend l'ascendant sur Alesi qui a perdu un déflecteur.

 

35e: Hill ne devance Schumacher que de quatre secondes lorsqu'il observe son deuxième et dernier ravitaillement (9s.). Suite à une défaillance de sa jauge en carburant, le stand Williams croit n'avoir pas suffisamment rempli son réservoir lors du premier arrêt et rajoute donc ici des dizaines de litres superflus. Premier pit-stop pour Alboreto et second arrêt de Morbidelli.

 

36e: Schumacher est premier devant Hill (17s.), Häkkinen (54s.), Irvine (56.4s.), Berger (59.4s.), Barrichello (1m. 04s.), Frentzen (1m. 08s.), Herbert (1m. 09s.), Panis (1m. 10s.), Alesi (1m. 12s.), Katayama (-1t.), Blundell (-1t.) et Morbidelli (-1t.).

 

37e: Hill est une fois de plus bouchonné par de Cesaris. Il passe un tour complet derrière le Romain.

 

38e: Schumacher jouit de vingt-trois secondes d'avance sur Hill dont la voiture, très en lourde en carburant, est bien lente. De Cesaris renonce suite à une rupture de son câble d'accélérateur. Comas, qui le suivait, quitte également l'épreuve à cause d'une panne d'alternateur.

 

39e: Frentzen, Herbert, Panis, Alesi et Katayama roulent groupés mais hors des points.

 

40e: Katayama et Brabham opèrent un deuxième ravitaillement.

 

41e: Häkkinen puis Herbert font escale aux stands pour prendre de l'essence et des pneus.

 

42e: Schumacher prend un tour aux pilotes du groupe Frentzen. Berger stoppe pour la seconde fois (9s.). L'Autrichien ressort derrière Häkkinen, mais devant Frentzen. Mansell ravitaille aussi. Il évolue en 14ème position.

 

43e: Seconds pit-stops de Panis et Alesi. Zanardi et Schiattarella les imitent au passage suivant.

 

45e: Trente secondes séparent Schumacher et Hill. Blundell et Martini ravitaillent. Brabham se range dans l'herbe, moteur cassé.

 

46e: Mansell se plaint du comportement de sa Williams. Il refait escale à son stand pour réajuster son aileron avant, puis reprend la piste sans trop se presser.

 

47e: Hill semble avoir capitulé et concède trente-trois secondes à Schumacher qui pourra ravitailler une fois de plus en toute quiétude. Barrichello observe son second pit-stop et parvient à repartir devant Berger. Bernard passe par le stand Lotus pour remettre de l'essence.

 

48e: Schumacher est premier devant Hill (34s.), Irvine (1m. 20s.), Häkkinen (1m. 30s.), Barrichello (-1t.), Berger (-1t.), Frentzen (-1t.), Morbidelli (-1t.), Katayama (-1t.) et Herbert (-1t.).

 

49e: Irvine et Fittipaldi effectuent leur deuxième arrêt-ravitaillement. Häkkinen s'empare de la troisième place. Mansell escalade le trottoir dans le gauche qui suit la grande épingle, part en tête-à-queue et s'enlise dans le bac à sable. Ainsi s'achève sa triste prestation.

 

51e: Schumacher klaxonne derrière Häkkinen qui lui claque la porte au nez au premier freinage.

 

52e: Schumacher effectue son dernier ravitaillement (7.7s.) et demeure en tête. Il bénéficie de pneus neufs et d'une voiture légère en carburant pour achever l'épreuve.

 

53e: Morbidelli et Alboreto font halte aux stands.

 

54e: Schumacher précède Hill (16.7s.), Häkkinen (1m. 09s.), Irvine (1m. 11s.), Barrichello (1m. 16s.), Berger (1m. 23s.), Frentzen (1m. 28s.), Katayama (-1t.), Herbert (-1t.), Panis (-1t.), Alesi (-1t.) et Morbidelli (-1t.).

 

56e: Schumacher jouit d'une vingtaine de secondes d'avance sur Hill. Irvine menace Häkkinen et guigne la troisième place.

 

58e: Schumacher prend un tour à Berger qui se contente de finir l'épreuve au volant d'une Ferrari très rétive.

 

60e: Barrichello subit une crevaison à l'arrière-gauche. Il parcourt une boucle au ralenti avant de rejoindre son garage pour changer de pneus. Il dégringole ainsi au treizième rang. Frentzen pénètre dans la zone des points.

 

62e: Schumacher est premier devant Hill (24s.), Häkkinen (1m. 13s.), Irvine (1m. 15s.), Berger (-1t.), Frentzen (-1t.), Katayama (-1t.), Herbert (-1t.), Panis (-1t.), Alesi (-1t.), Morbidelli (-1t.) et Blundell (-1t.).

 

64e: Le Grand Prix s'achève dans la torpeur. Häkkinen sème Irvine. La seule bagarre oppose les deux pilotes Ligier, Herbert et Panis, pour la huitième place.

 

66e: A trois tours du but, vingt-huit secondes séparent Schumacher et Hill. Häkkinen a repoussé Irvine à cinq secondes.

 

68e: Barrichello s'empare d'une inutile douzième place aux dépens d'un Blundell épuisé.

 

69ème et dernier tour: Michael Schumacher remporte la dixième victoire de sa carrière. Hill se classe second à vingt-cinq secondes. Häkkinen, troisième, grimpe sur le podium pour la quatrième fois de rang. Voilà qui ne suffira pas à rabibocher McLaren et Peugeot... Irvine décroche une excellente quatrième place. Berger, cinquième, rapporte deux points à Ferrari. La sixième position revient à Frentzen. Sont aussi classés: Katayama, Herbert, Panis, Alesi, Morbidelli, Barrichello, Blundell, Alboreto, Martini, Zanardi, Fittipaldi, Bernard et Schiattarella, lequel a concédé cinq tours au vainqueur.

 

Après la course: Schumacher reprend la main

Benetton et Schumacher ont vaincu Williams et Hill au moyen d'une stratégie fondée sur trois arrêts-ravitaillements, comme à Magny-Cours et à Budapest. C'est ce qu'explique l'ingénieur et tacticien Ross Brawn: « S'arrêter trois fois comporte pas mal d'avantages sur un tracé où il est difficile de doubler: les arrêts sont courts car on ajoute moins d'essence, ce qui permet de prendre la tête si on est second ; avec des réservoirs peu remplis, on adopte une cadence plus élevée tout en ne martyrisant pas les pneus ; enfin on peut programmer les arrêts en fonction du trafic et de l'évolution de la course. Ce n'est pas systématiquement valable sur tous les circuits, mais cela nous a bien réussi cette année. » Bernard Dudot estime cependant que Schumacher n'a pas gagné dans les stands: « Il était tout simplement plus fort en conditions de course, c'est évident. » Damon Hill digère avec peine sa défaite, et surtout l'erreur de son équipe qui a considérablement alourdi sa machine en effectuant un plein complet à mi-parcours. « La voiture était si lourde que je ne parvenais pas à dépasser les doublés », raconte l'Anglais. « J'ai ainsi perdu un temps précieux sur Michael dès avant la mi-course. Les jeux étaient faits. Je suis déçu car je croyais à la victoire, surtout après mon départ... »

 

Michael Schumacher a donc frappé un très grand coup pour son retour. Sa démonstration fut réellement très impressionnante. La Benetton-Ford, qui se traînait depuis deux courses dans le ventre mou du peloton aux mains de Jos Verstappen et JJ Lehto, est avec lui comme transfigurée. « Avec Michael, tout semble plus facile », confirme Tom Walkinshaw. « Dès son retour, le team a retrouvé toute sa cohésion. On a de nouveau du répondant. Les dialogues techniques avec les ingénieurs sont beaucoup plus riches. Les briefings sont plus productifs, on gagne du temps et on va de l'avant. Avec les résultats qu'on sait. » Riccardo Patrese, qui l'a côtoyé durant l'année 1993, estime après cette course que Schumacher est déjà un géant du sport automobile: « Il ne commet plus jamais la moindre erreur, c'est inouï. A ce stade de leur carrière, Prost et Senna ne pouvaient éviter des fautes. Michael tire la quintessence du matériel sans jamais être pris en défaut. Cela a quelque chose d'inhumain. D'ailleurs, son comportement paraît parfois artificiel: tout, chez lui, semble programmé. C'est vraiment un pilote moderne, conçu pour cette ère nouvelle de l'électronique. Un grand champion. » On ne saurait mieux dire.

 

Au classement mondial, avec 86 points, Schumacher se détache quelque peu de Hill (81 pts), mais la lutte demeure ouverte. Chez les constructeurs, Benetton-Ford (97 pts) repasse devant Williams-Renault (95 pts). En dépit de sa piète fin de saison, la Scuderia Ferrari (60 pts) est assurée de la troisième place.

 

Enfin, Nigel Mansell n'a guère emporté l'adhésion des sceptiques pour son retour en Grand Prix. Bien au contraire, le moustachu, sans doute à court de forme, a constamment été dominé par Hill, s'est accroché avec Barrichello et a fini par s'évanouir dans une pirouette. Il reconnaît cependant sa faute et déclare qu'il sera « au top » pour les deux dernières courses de Suzuka et Adélaïde. Mais la presse ne l'épargne pas. Ainsi, lorsque le fameux journaliste britannique Alan Henry annonce qu'il va publier une biographie de Damon Hill intitulée « De zéro à héros », un de ses facétieux collègues réplique: « Tu devrais aussi écrire une nouvelle biographie de Mansell, avec le même titre que pour Hill, mais à l'envers... » Dur...

Tony