McLaren et Renault: non, c'est non !
Patrick Faure, le président de Renault Sport, est l'homme le plus guetté du paddock. Les journalistes, anxieux, se demandent si oui ou non, en dépit du veto posé par Elf, la firme au losange va accepter de motoriser McLaren en 1993. Elle voit en effet s'offrir une occasion en or. Fournir à la fois Williams et McLaren, c'est s'assurer une hégémonie sans partage sur la Formule 1. Hélas, ce rêve n'est pas réalisable. Bernard Dudot le réaffirme: les V10 Renault sont conçus pour des produits Elf. Mais entre les GP du Japon et d'Australie, Ron Dennis, aux abois, fait discrètement savoir à ses interlocuteurs qu'il est prêt à renoncer à son mirifique contrat avec Shell pour obtenir le V10 Renault. Mais il est trop tard. À Billancourt et à la Défense, on estime qu'un accord avec McLaren, aussi prestigieux puisse-t-il être, serait forcément préjudiciable à l'alliance avec Williams. Or Renault et Elf n'ont rien à reprocher au maître de Didcot. S'ils s'entendaient avec McLaren, nul doute que Frank Williams n'accorderait plus aux deux compagnies françaises un partenariat technologique total, voire s'en défierait. Par ailleurs, Renault n'a pas du tout apprécié la violente campagne menée par Ayrton Senna contre Alain Prost. La rivalité entre les deux champions est à ce point exacerbée que Patrick Faure et Christian Contzen ne veulent pas jeter de l'huile sur le feu en motorisant McLaren. En effet, Prost ne cache pas qu'il prendrait très mal un tel accord. Aussi, Ron Dennis doit se rendre à l'évidence: en 1993, il devra sans doute se contenter d'un V8 Ford client...
Senna et Mansell: partiront, partiront pas ?
Tout au long du week-end australien, Ayrton Senna apparaît crispé, les nerfs à vifs. Le Brésilien réaffirme à Ron Dennis qu'il n'entend pas piloter une McLaren sous-motorisée. Il pourrait donner suite aux avances de Roger Penske ou prendre une année sabbatique.
Cela désespère Dennis, mais également... Bernie Ecclestone. En effet, avec les retraits d'Ayrton Senna et de Nigel Mansell, le promoteur de la F1 voit avec terreur se profiler un cavalier seul d'Alain Prost au volant de la Williams-Renault en 1993, catastrophique pour ses chères audiences télévisées ! Aussi, après avoir essayé (en vain) de persuader Guy Ligier de vendre son écurie à McLaren, il se rend aux USA pour racheter le contrat de Mansell auprès de Carl Haas ! L'Américain accepterait le marché contre un énorme dédit de 12 millions de dollars. A Adélaïde, l'intéressé, probablement sincère, dit ne rien savoir: « Je m'en moque ! Je me bouche les oreilles ! Mes essais en Formule Indy commenceront en janvier, et c'est tout ! »
Mika Häkkinen: entre Williams et McLaren
Williams n'a toujours pas de deuxième pilote pour l'année prochaine. Riccardo Patrese a opposé une fin de non-recevoir aux avances de son employeur qui souhaitait qu'il casse son contrat avec Benetton. D'après les dernières rumeurs, Frank Williams et Patrick Head jetteraient leur dévolu sur Mika Häkkinen, valeur montante de la F1, et auraient rencontré son manager, qui n'est autre que leur ancien employé Keke Rosberg. Mais le jeune Finlandais est aussi approché par Ron Dennis qui aimerait l'associer à Michael Andretti, au cas où Senna mettrait ses menaces de départ à exécution.
Convoité par les deux plus grandes écuries du plateau, à seulement 24 ans, le blond taciturne boit du petit lait. Peter Collins est moins content car Häkkinen a un contrat en bonne et due forme avec Lotus pour 1993. Mais l'écurie de Ketteringham Hall, en difficultés financières, est prête à le libérer moyennant une indemnité substantielle. Les temps sont durs...
Évin enfume le GP de France
Le Grand Prix de France 1993 est en danger. En effet, en application de la stricte loi Évin, le tribunal de Quimper, très en pointe sur la lutte anti-tabac, inflige à Williams-Renault (sponsorisée par Camel) une amende exorbitante de 35 millions de francs dont elle sera redevable à sa prochaine prestation sur le territoire français. Williams est la seule équipe touchée car le texte législatif prévoit que les cigarettiers impliqués dans le sport automobile avant la loi Veil de 1976 (Philip Morris et la Seita) soient exemptés de sanctions, pour le moment. Camel, arrivé en F1 en 1987, n'est pas dans ce cas. Le président de la FISA Max Mosley prévient son homologue de la FFSA, Jean-Marie Balestre, que si Williams ne peut se rendre en toute sûreté à Magny-Cours en juillet prochain, le GP de France sera retiré du calendrier. Exaspéré, Balestre harcèle ses amis politiciens pour qu'un amendement soit voté ou que Williams puisse être dédommagée. L'heure est grave: le Grand Prix motocycliste est également menacé. Bref, comme le craignaient les spécialistes, la lutte contre la publicité pour le tabac met en péril les sports mécaniques dans l'Hexagone.
Fin décembre, afin de faire pression sur le gouvernement français, Mosley annonce l'annulation de l'édition 93 du GP de France... Ce n'est alors qu'un cri chez tous les fanatiques: « Tonton, au secours ! »
Présentation de l'épreuve
Mansell affiche en Australie une grande décontraction et vise sa dixième victoire de l'année 1992. Patrese (56 pts) espère s'assurer le titre honorifique de vice-champion du monde encore convoité par Senna (50 pts) et Schumacher (47 pts). Chez les constructeurs, McLaren-Honda (89 pts) souhaite conserver sa deuxième place devant Benetton-Ford (81 pts).
L'avenir de l'épreuve d'Adélaïde s'assombrit. Le Grand Prix ne fait plus recette et accuse un lourd déficit de trente millions de dollars australiens Le Parlement d'Australie Méridionale se plaint en outre de ne pas avoir accès au contrat noué avec la FOCA. L'affaire semble avant tout politique: la course d'Adélaïde est l'œuvre de l'ancien premier ministre travailliste John Bannon qui a récemment démissionné suite à un scandale financier, et l'opposition libérale en profite pour passer au crible toutes ses réalisations. Malgré ces problèmes, les organisateurs ont enfin effectué des travaux pour limiter les effets des averses sur le tracé. Un nouveau revêtement a été posé, muni d'un profil convexe favorisant le drainage.
Le GP d'Asie qui devait se tenir à Autopolis au printemps 93 est en revanche définitivement annulé. Tout d'abord parce que les organisateurs n'ont pas trouvé de commanditaire pour l'événement. Ensuite parce qu'il s'avère que certains d'entre eux sont, d'après la police nippone, de dangereux mafieux ! Bernie Ecclestone, qui en a vu d'autres, était prêt à fermer les yeux, mais s'est fâché tout rouge lorsqu'il a appris qu'aucune part des recettes éventuelles ne reviendrait à la FOCA, pour cause de séquestre judiciaire ! Exit donc Autopolis. Le seul vainqueur de cette histoire est Flavio Briatore qui durant deux ans a promené le logo de ce circuit sur les Benetton, moyennant dix millions de dollars...
Gérard Larrousse n'a jamais été verni avec ses associés. Cela se vérifie de nouveau avec la firme Comstock qui devait reprendre les parts de Venturi. Interpol a découvert que son président, qui se faisait appeler Rainer Walldorf, est en fait un dangereux bandit en cavale nommé Klaus Walz ! Interpellé à Nice, le gangster parvient à s'évader puis à repousser les forces de l'ordre au moyen d'une grenade ! Larrousse perd ainsi non seulement un partenaire, mais aussi un peu de crédibilité. Il aura du mal à boucler son prochain budget. Pour la petite histoire, le sinistre « Walldorf » finira abattu quelques temps plus tard pas la police allemande...
Ken Tyrrell confirme que ses monoplaces seront bien propulsées l'an prochain par des V10 Yamaha, en fait des moteurs préparés par John Judd. Andrea de Cesaris et Ukyo Katayama seront ses pilotes. Il révèle également que ses voitures utilisent un anti-patinage depuis quelques courses, en sus de la suspension semi-active avant apparue à Silverstone. Pour sa part, Eddie Jordan annonce que son équipe bénéficiera en exclusivité du nouveau moteur Hart, un V10 à 72°, avec quatre soupapes par cylindre et une injection Zytek.
L'Espagne aura-t-elle une écurie nationale en 1993 ? C'est en tout cas ce qu'affirme Jaume Magrans i Perello, importateur de motos Ducati et président du groupe d'industriels catalans patronnant ce projet, baptisé Bravo F1. Ce personnage est en visite à Adélaïde pour présenter ses plans. Ils ne sont guère convaincants: Bravo doit en effet prendre la suite d'Andrea Moda en rachetant ses châssis, construits par Simtek ! Jean-François Mosnier est chargé de la direction sportive, assisté du pilote Adrián Campos. Les pilotes pourraient être Thierry Boutsen, sans contrat pour l'an prochain, et le jeune Espagnol Jordi Gené.
Une page se tourne chez Goodyear: Lee Gaug prend sa retraite à 68 ans. L'ingénieur américain, vétéran de la guerre de Corée, était à la tête du service F1 de la firme d'Akron depuis 1980. Il quitte la discipline non sans une certaine amertume. Il déplore la décision arbitraire de Bernie Ecclestone d'imposer des pneus de 15 pouces à compter de 1993. Il n'affiche pas non plus une grande affection pour les pilotes qu'il qualifie « d'enfants gâtés trop payés » ! Malgré tout, Nigel Mansell et Ayrton Senna participent à sa soirée d'adieux organisée par Marlboro.
Essais et qualifications
Mansell obtient sans se forcer sa quatorzième pole position en seize courses, nouveau record absolu. Patrese (3ème) rencontre du sous-virage et quelques soucis de moteur. Pour leur dernière apparition, les McLaren-Honda sont très en verve. Ce circuit tortueux, qui réclame une excellente motricité, leur est très propice. Senna (2ème) ne rend que trois dixièmes à Mansell, et ce malgré une touchette avec Suzuki. Berger (4ème) est moins performant à cause d'un moteur qui perd progressivement de la puissance. Les Benetton-Ford sont comme souvent délicates à mettre au point. Schumacher (5ème) heurte un mur en marche arrière. Brundle (8ème) se débat contre un mélange de sous-virage et de survirage. Chez Ferrari, Alesi (6ème) est plutôt content de l'équilibre de sa voiture. Larini (19ème) n'est absolument pas dans le coup avec la suspension active.
Les Tyrrell-Ilmor se montrent sous leur meilleur jour. De Cesaris (7ème) réalise sa meilleure qualification de la saison. Grouillard (13ème) ne parvient pas en revanche à dénicher un tour clair. Comas place sa Ligier-Renault au neuvième rang, loin devant Boutsen (22ème) qui casse deux amortisseurs. Les Lotus-Ford (Häkkinen 10ème, Herbert 12ème) ne sont pas aussi à l'aise qu'à l'accoutumée. Chez Footwork, Alboreto (11ème) se dit satisfait de sa voiture, contrairement à Suzuki (18ème) qui rencontre du sous-virage. Les Dallara-Ferrari connaissent une dernière sortie difficile. Martini (14ème) gâche son meilleur tour par un travers et Lehto (24ème) prend la piste très tardivement vendredi, car ses mécaniciens doivent changer tout son câblage électronique. Les Jordan-Yamaha (Modena 15ème, Gugelmin 20ème) sont un tout petit peu plus compétitives. Les Minardi-Lamborghini (Morbidelli 16ème, Fittipaldi 17ème) sont affectées d'une très mauvaise tenue de route. Les Venturi-Lamborghini ne brillent pas: Gachot (21ème) subit une crevaison lente et Katayama (26ème), qui découvre le circuit, multiplie les erreurs. Les vieilles March-Ilmor terminent enfin leur carrière. Naspetti (23ème) sort violemment samedi et Lammers (25ème) fait ce qu'il peut avec un matériel très éprouvé.
Le Grand Prix
De gros nuages noirs envahissent le ciel d'Adélaïde dimanche matin, mais un fort vent les pousse vers la mer et écarte les risques d'averse. Les Williams dominent le warm-up comme à l'ordinaire. Les responsables australiens ont le sourire: 100 000 spectateurs se massent dans les tribunes, ce qui leur promet une recette satisfaisante.
Tour de formation: Larini cale au drapeau vert. Il parvient à démarrer son moteur mais devra s'élancer derrière tout le monde.
Départ: Bon envol de Mansell qui conserve le commandement. Senna repousse une attaque de Patrese et demeure second. Suivent Schumacher, Alesi et Berger. Au premier freinage, Grouillard est tamponné par Gugelmin. Il se met à l'équerre et harponne la Dallara de Martini, avant de subir un nouveau contact avec Herbert. Martini, en tête-à-queue, abandonne sa voiture alors que Grouillard se traîne quelques mètres avant de renoncer.
1er tour: Berger se défait rapidement d'Alesi. Senna prend l'aspiration de Mansell dans Brabham Straight et se jette à l'intérieur. Il double la Williams au prix d'un freinage osé, puis glisse, ce qui permet à Mansell de reprendre l'ascendant. L'Anglais mène en fin de tour devant Senna, Patrese, Schumacher, Berger, Alesi, Brundle, de Cesaris, Häkkinen et Comas. Impliqué dans la mêlée du départ, Alboreto casse une suspension arrière sur Wakefield Street, part en toupie et heurte le muret par l'arrière. Herbert rejoint le stand Lotus pour remplacer sa calandre et une biellette de direction.
2e: Mansell et Senna s'échappent tandis que Patrese est sous la pression de Schumacher et de Berger. Brundle dépasse Alesi.
3e: Senna demeure dans la boîte de Mansell. Berger s'impose à Schumacher dans la longue accélération.
4e: De Cesaris attaque Häkkinen à la grande épingle. Le Finlandais vire au large, coupe la route à l'Italien à la réaccélération et se fait harponner. Il pirouette et doit laisser passer tout le peloton avant de repartir en vingt-deuxième position. Son équipier Herbert reprend la piste avec trois boucles de retard.
5e: Mansell prend un léger avantage sur Senna. Comas commet un surrégime fatal à son moteur Renault.
6e: Mansell précède Senna (1.1s.), Patrese (7.4s.), Berger (8.4s.), Schumacher (9.4s.), Brundle (12.8s.), Alesi (18s.), de Cesaris (25s.), Modena (26s.) et Morbidelli (27s.).
7e: Mansell et Senna se battent à coups de records du tour. Ils tournent tous deux en 1'19''. Les leaders prennent un nouveau tour à Herbert qui doit surveiller attentivement ses rétroviseurs.
8e: Gugelmin perd totalement l'usage de ses freins au bout de Brabham Straight et heurte violemment les glissières. La Jordan râpe le béton puis s'échoue dans l'échappatoire, très endommagée. Heureusement son pilote est indemne.
9e: Senna roule en 1'18''318'''. Berger se démène derrière Patrese, mais il ne peut pas tenter de dépassement car le drapeau jaune est brandi au niveau de l'épingle pour permettre l'évacuation de la voiture de Gugelmin.
10e: Mansell mène devant Senna (1.5s.), Patrese (12.3s.), Berger (13.3s.), Schumacher (14.6s.), Brundle (19.1s.), Alesi (29.8s.), de Cesaris (43.2s.), Modena (43.6s.), Morbidelli (45.8s.), Suzuki (49.7s.) et Boutsen (50.3s.).
11e: Häkkinen regrimpe dans la hiérarchie. Il a déjà doublé Katayama, Lammers et Naspetti.
13e: Berger fait l'intérieur à Patrese au bout de Brabham Straight, mais il lui manque quelques mètres pour s'imposer. Boutsen prend la douzième place à Suzuki.
14e: Häkkinen double Larini. Quelques tours plus tard, il passera devant Gachot.
15e: Senna signe un chrono de référence (1'17''818''') et se rapproche de Mansell. Nouvel assaut de Berger sur Patrese à l'épingle, à la faveur du dépassement de Katayama, et nouvel échec.
16e: Senna est quelques dixièmes derrière Mansell. Tous deux repoussent à quinze secondes leurs équipiers respectifs Patrese et Berger.
17e: Piqué par le retour de Senna, Mansell rappuie sur le champignon et gagne une seconde d'avance sur son adversaire.
18e: Mansell précède Senna (1.4s.), Patrese (18.1s.), Berger (19.5s.), Schumacher (21.1s.) et Brundle (31.5s.). Les leaders arrivent sur les attardés Larini et Gachot.
19e: Mansell se défait avec peine de Larini dans Brabham Straight. Senna lui file le train. Les deux hommes arrivent roues dans roues à la dernière épingle, Mistral Hairpin. Mansell décélère un peu tôt et surprend Senna. Le Brésilien monte sur ses freins mais ne peut éviter d'emboutir la Williams, perdant une roue au passage. Les deux bolides vont mourir dans la pelouse. Mansell, hors de lui, retire son volant, l'accroche à un de ses rétroviseurs (!) et traverse imprudemment la piste pour rejoindre son garage. Senna, tout aussi en colère, l'observe d'un œil mauvais.
20e: Patrese hérite des commandes de l'épreuve devant Berger (1.6s.), Schumacher (2.8s.), Brundle (14s.), Alesi (34s.), de Cesaris (48.5s.), Modena (50s.), Morbidelli (51.3s.), Boutsen (52s.), Suzuki (56.7s.), Fittipaldi (1m.), Lehto (1m. 01s.) et Häkkinen (1m. 02s.).
21e: Berger fait l'extérieur à Patrese au bout de la longue ligne droite et retarde son freinage au maximum. La manœuvre est trop hardie: l'Autrichien part au large et doit emprunter les bas-côtés pour reprendre la piste derrière l'Italien. Häkkinen efface Lehto.
23e: Berger maintient la pression sur Patrese. Schumacher perd un peu de temps en doublant Naspetti et concède quatre secondes au leader.
25e: Patrese, Berger et Schumacher se tiennent maintenant en trois secondes. Boutsen prend la huitième place à Morbidelli.
27e: Berger demeure dans le sillage de Patrese. L'intervalle avec Schumacher fait le yo-yo, entre une et trois secondes. Brundle est dix secondes derrière son équipier. Häkkinen double Fittipaldi.
28e: Patrese et Berger prennent un tour à Larini. Cela permet à la McLaren de se rapprocher de la Williams.
29e: Patrese commet un petit écart en début de tour, ce qui permet à Berger de grappiller encore quelques dixièmes.
30e: Patrese devance Berger (0.6s.), Schumacher (2.2s.), Brundle (16.1s.), Alesi (45.1s.), Modena (1m. 04s.), Boutsen (1m. 05s.), Morbidelli (1m. 07s.), Suzuki (1m. 10s.) et Häkkinen (1m. 12s.). De Cesaris s'immobilise car sa Tyrrell commence à prendre feu suite à une fuite d'essence.
31e: Les deux leaders se défont de Gachot au bout de la longue pleine charge. Schumacher les imite bientôt. Boutsen dépasse Modena et s'empare de la sixième place. Naspetti commet un tête-à-queue et laisse passer son équipier Lammers.
32e: Berger décroche un peu car il a usé ses pneus avant en suivant Patrese. Il peine à se défaire de l'attardé Lehto et Schumacher le rattrape. Naspetti change de gommes.
33e: C'est maintenant Fittipaldi qui concède un tour aux trois premiers.
35e: Berger pénètre dans la pit-lane pour chausser des pneus neufs, puis reprend la piste en troisième position. Katayama prend aussi de nouvelles gommes.
36e: Patrese mène désormais avec quatre secondes de marge sur Schumacher.
37e: Berger est le plus rapide en piste et ne concède que neuf secondes à Schumacher. Katayama renonce suite à une panne de différentiel.
39e: Pressé par le retour de Berger, Schumacher comble une partie de son retard sur Patrese. Il est aidé par Häkkinen qui bouchonne le leader. Naspetti revient à son garage pour faire examiner sa boîte de vitesses qui fait des siennes.
40e: Häkkinen s'efface devant Patrese, puis bloque Schumacher au freinage de la dernière épingle. L'Allemand, très excité, brandit le poing à son ancien rival de Formule 3. Brundle prend des pneus frais (7.3s.).
42e: Häkkinen laisse finalement passer Schumacher, mais il ouvre aussi la voie à Berger qui revient comme une fusée sur la seconde position !
43e: Berger déborde Schumacher dans Brabham Straight et récupère la deuxième place. Le jeune Allemand rejoint ensuite le stand Benetton pour chausser des pneus frais (6.5s.), ce qui est bien tardif puisqu'il repart vingt secondes derrière Berger. Morbidelli exécute un tête-à-queue et perd deux positions.
44e: Patrese possède sept secondes et demie d'avance sur Berger. Schumacher est englué dans le trafic.
46e: Berger n'est plus qu'à six secondes de Patrese. Si ce dernier change de pneus, il perdra irrémédiablement la tête de la course...
47e: Berger enchaîne les meilleurs chronos. Il tourne en 1'17''502''' et devrait sous peu rattraper Patrese.
48e: Patrese devance Berger (5s.), Schumacher (24s.), Brundle (35s.), Alesi (55s.), Boutsen (-1t.), Modena (-1t.), Suzuki (-1t.), Häkkinen (-1t.) et Morbidelli (-1t.).
50e: Quelques gouttes de pluie tombent sur le circuit, mais rien qui ne puisse modifier l'adhérence. Berger recolle à trois secondes de Patrese. Schumacher est également très rapide et reprend plusieurs secondes aux leaders.
51e: Patrese stoppe soudainement entre les virages n°4 et 5, trahi par sa pompe à essence. Berger s'empare des rênes de la course.
52e: Les drapeaux jaunes sont agités pendant que les commissaires ôtent la Williams de Patrese. Schumacher retrouve son « ami » Häkkinen... qui le gêne encore !
53e: Schumacher se débarrasse d'Häkkinen au prix d'un freinage appuyé à la dernière épingle. Gachot abandonne suite à une rupture moteur.
54e: Berger mène devant Schumacher (25s.), Brundle (38s.), Alesi (1m. 04s.), Boutsen (-1t.), Modena (-1t.), Suzuki (-1t.) et Häkkinen (-1t.).
55e: La pluie continue mais le bitume demeure relativement sec. Le vent fort chasse déjà les nuages.
57e: Vingt-quatre secondes entre Berger et Schumacher. Häkkinen grimpe au septième rang après avoir doublé Suzuki. Privé d'embrayage depuis le départ, Naspetti renonce, boîte de vitesses bloquée.
59e: La pluie a cessé. Berger jouit d'une marge de vingt-six secondes sur Schumacher, quarante secondes sur Brundle. Fittipaldi remplace ses pneus. Il repart derrière Larini qu'il doublera en peu de temps.
60e: Berger prend un tour à Alesi qui se trouve complètement isolé au quatrième rang.
61e: Schumacher signe un chrono d'1'17''158''' et se lance aux trousses de Berger. Il doit cependant combler un intervalle de vingt-quatre secondes.
62e: Berger est premier devant Schumacher (22.3s.), Brundle (45.4s.), Alesi (-1t.) Boutsen (-1t.), Modena (-1t.), Häkkinen (-1t.), Suzuki (-1t.), Morbidelli (-1t.) et Fittipaldi (-1t.).
63e: Berger s'aperçoit qu'il a consommé trop d'essence. Il enclenche alors le mode « mélange pauvre » qui réduit nettement la puissance de son moteur. Schumacher améliore le record du tour à chaque passage et réduit son retard à vingt-et-une secondes.
65e: Schumacher reprend deux secondes au tour à Berger. Son retard se chiffre à dix-sept secondes.
67e: Berger scrute anxieusement son tableau de bord. Celui-ci lui indique qu'il n'aura assez de carburant pour terminer que s'il demeure sur une configuration économique. Fittipaldi repasse devant son équipier Morbidelli.
68e: Schumacher s'adjuge le meilleur tour en course (1'16''078'''). Il ne concède plus que douze secondes à Berger.
70e: Berger tombe sur un groupe d'attardés comprenant Fittipaldi, Morbidelli, Herbert, Larini et Lammers. Il se débarrasse sans trop de peine de Lammers, qui n'a plus d'embrayage, puis double Larini.
71e: Berger se défait d'Herbert et de Morbidelli. Schumacher dépasse Lammers.
72e: Berger mène devant Schumacher (9s.), Brundle (50s.), Alesi (-1t.), Boutsen (-1t.), Modena (-1t.), Häkkinen (-1t.) et Suzuki (-1t.).
73e: Berger double Fittipaldi et bénéficie maintenant d'une piste claire. Lehto regagne son garage avec une boîte de vitesses cassée.
74e: Schumacher évolue parmi les attardés et perd ainsi un peu de temps. Berger n'en profite pas car il doit toujours conserver une cadence modérée.
76e: Schumacher s'est désenglué du trafic et revient à huit secondes de Berger. La course n'est pas jouée...
77e: Berger peine à doubler Suzuki alors que Schumacher donne libre cours à sa maestria. En fin de tour, l'écart est tombé à sept secondes.
78e: A trois tours du but, Berger devance Schumacher (6.3s.), Brundle (52s.), Alesi (-1t.), Boutsen (-1t.) et Modena (-1t.).
79e: Schumacher a lui aussi passé Suzuki mais concède encore six secondes à Berger. Cette fois, la messe est dite.
81ème et dernier tour: Schumacher revient comme une flèche sur Berger mais celui-ci contrôle parfaitement la situation.
Gerhard Berger remporte le GP d'Australie avec sept dixièmes d'avance sur Schumacher. Brundle amène la seconde Benetton au troisième rang. Alesi se classe quatrième. Boutsen, cinquième, inscrit enfin ses premiers points avec Ligier-Renault. Modena apporte in extremis un point à Jordan-Yamaha. Häkkinen, Suzuki, Fittipaldi, Morbidelli, Larini, Lammers et Herbert coupent aussi la ligne.
Ces résultats permettent à Schumacher, le « petit Mozart de la F1 », de prendre la troisième place du championnat des pilotes devant « Magic » Senna, dès sa première saison complète dans la discipline. McLaren-Honda s'assure de la médaille d'argent chez les constructeurs. Malgré son abandon, Patrese est vice-champion des conducteurs.
Après la course: clap de fin sur 1992
Pour Nigel Mansell et Ayrton Senna, la saison s'achève en queue de poisson. Les éternels rivaux se rejettent mutuellement la responsabilité de la collision qui les a éliminés au 19ème tour. « Tout ce que je sais, c'est que j'ai été percuté à l'arrière à 60-80 km/h quand je négociais un virage ! » s'agace Mansell. « Dans le choc, je me suis abîmé durement le dos sur le flanc du cockpit. Je suis allé voir les commissaires pour me plaindre, mais on m'a répondu qu'il s'agissait d'un fait de course. Pas d'accord ! Je suis très déçu, très dégoûté. J'avais tout sous contrôle. » Évidemment, la version de Senna diffère: « Nigel a freiné brutalement. Il savait que j'étais derrière lui. Et comme j'étais également aux limites, je n'ai pas pu ralentir suffisamment. Il est décidément bien toujours le même ! » Les deux hommes ne se réconcilieront pas. Pendant que Mansell part se détendre sur un green de golf, Senna prend le premier avion pour São Paulo.
Gerhard Berger l'a donc emporté grâce aux abandons de Mansell, Senna et Patrese, mais aussi au moyen d'une stratégie audacieuse. « Après le warm-up, on a adopté un petit aileron, raconte-t-il. Un peu moins d'appuis, mais une bonne vitesse de pointe, utile pour les dépassements. Hélas, dès lors que je me suis retrouvé derrière Patrese, les difficultés ont commencé. Dans son sillage, je perdais le peu d'appuis que j'avais ! Mon unique possibilité de le doubler aurait été au bout de la ligne droite. Mais il m'était impossible d'être près de lui en sortant du virage qui la précède. Il fallait se méfier. La Williams ne freine pas très bien. Et en perdant ses appuis en roulant trop près, il est facile de bloquer une roue et de taper dans la voiture qui est devant. C'est sans doute ce qui est arrivé à Ayrton... J'ai préféré attendre. » Et il a bien fait, même s'il lui a fallu se montrer très économe en fin de course pour éviter la panne sèche. « Ici, la consommation est élevée et critique », reconnaît Akimasa Yasuoka. « Mais la coordination entre l'équipe et Gerhard a été excellente et nous avons parfaitement maîtrisé la situation. » Berger ne cache pas sa satisfaction: non seulement il quitte McLaren sur une victoire, mais en plus, au terme de cette saison, il ne concède qu'un point à Senna au championnat. Une petite satisfaction d'amour-propre...
Honda achève donc son aventure en Formule 1 par une belle victoire. Beaux joueurs, Patrick Faure et Christian Contzen félicitent Ron Dennis et Akimasa Yasuoka. « Renault a été très fort pour avoir eu raison de Honda », répond un Dennis gentleman. Les ingénieurs et mécaniciens japonais célèbrent leurs adieux un peu plus tard dans la soirée, à huis clos, avec une discrétion toute extrême-orientale. Sayonara Honda !
Benetton-Ford n'obtient pas la seconde place du championnat des constructeurs, mais aura réussi l'exploit d'inscrire des points à chacune des manches de la saison 92. Michael Schumacher et Martin Brundle ont fait preuve d'une régularité exemplaire. Cependant, leurs chemins se séparent au soir d'Adélaïde: alors que le jeune « Schum » piaffe d'en découdre l'an prochain avec Prost et Senna pour le titre mondial, le méritant Brundle, disgracié par l'impitoyable Flavio Briatore, ne sait pas s'il pourra demeurer en F1...
Chez Ferrari, Jean Alesi boucle ses valises avec soulagement. Il en a enfin fini avec cette horrible F92A et attend des jours meilleurs en 93. « Ça ne peut de toute façon pas être pire ! » dit-il en substance aux journalistes français. Certes. La Scuderia finit 1992 avec 21 points au compteur, son pire résultat depuis 1980. Quelle pitié...
Tony