La Formule 1 débarque dans une Hongrie en pleine révolution politique. Le régime communiste est en effet sur le point de s'effondrer après la mort du dictateur János Kádár et surtout l'ouverture de la frontière avec l'Autriche. Les touristes de l'ouest et de l'est affluent, ce qui permet de gonfler l'affluence de ce Grand Prix historique à tous égards. Allemands de l'Est, Tchèques et même Soviétiques arpentent les rues de Budapest en fumant des Marlboro et en buvant du Coca Cola. Car la fin de la tyrannie socialiste libère certes un peuple, mais ouvre surtout un marché supplémentaire aux annonceurs. Ce qui n'est pas pour déplaire à Bernie Ecclestone.
Le dessin du Hungaroring a été un peu retouché depuis 1988. Les organisateurs ont supprimé la lente chicane qui suivait les virages n°1 et 2. Elle est remplacée par un droit assez rapide qui débouche sur la montée. Mais ce circuit est toujours aussi lent et poussiéreux. D'où une adhérence quasi nulle. Les voitures sont donc équipées d'ailerons volumineux. Celui de la Ferrari est le plus imposant: avec 2,5 kg, il annule le gain de poids obtenu sur la nouvelle version du V12 !
La Williams FW13 se fait toujours attendre. Patrick Head avait annoncé un exemplaire pour le GP de Belgique, ce dont se réjouissait Thierry Boutsen. Mais voilà maintenant que ce modèle unique ne serait disponible qu'à Monza. « Je vous laisse deviner qui en disposera... » soupire Boutsen. Celui-ci cache mal un certain désarroi. Il estime que Riccardo Patrese a la préférence de Patrick Head, ce qui n'est pas injustifié car si Boutsen a gagné le GP du Canada, il a tout de même inscrit deux fois moins de points que son équipier.
Goodyear apporte un nouveau type de gomme de qualification. Pirelli choisit d'amener les pneus fournis à Monaco et à Phoenix qui pourraient se révéler excellents sur cette piste hongroise, certes naturelle, mais aussi tortueuse et vallonnée.
Coloni est dans la tourmente: après Christian Vanderpleyn, c'est son adjoint Michel Costa qui a donné sa démission. Par ailleurs, Pierre-Henri Raphanel prépare ses bagages car ses sponsors refusent de financer davantage l'équipe italienne. Quatre pilotes seraient sur les rangs pour le remplacer: Julian Bailey, Mauro Baldi, Enrico Bertaggia et Bruno Giacomelli.
L'avenir de Brabham est aussi incertain. Son propriétaire Joachim Lüthi est en effet menacé par la justice helvétique. Il est soupçonné de détournements s'élevant à plusieurs millions de francs. Herbie Blash avoue ne pas savoir si son équipe sera encore présente en 1990.
Du côté de Ligier, Nick Wirth devient le nouvel ingénieur de piste de René Arnoux qui ne s'est jamais entendu avec Ken Anderson. Le Grenoblois est cependant dorénavant en froid avec Guy Ligier qui lui a appris que son contrat ne serait pas renouvelé l'année prochaine.
Les amendes pleuvent en Hongrie. Senna écope ainsi de 5000 dollars de pénalité pour avoir abandonné sa McLaren sur l'aire de pesage à quelques minutes de la fin des essais. 5000 dollars aussi et chrono annulé pour Weidler car l'aileron arrière de sa Rial n'est pas conforme. Gunter Schmidt refuse de payer. « Tu es le vrai coupable ! » lance-t-il à son ingénieur Stefan Fober. « A toi de payer l'amende ! » « D'accord », répond celui-ci, « Vous n'aurez qu'à retenir cette somme sur les salaires que vous me devez ! » Et sur ce, Fober remet à Schmidt sa démission... Le patron de Rial est de toute façon en négociations avec Christian Vanderpleyn. Celui-ci pourrait amener avec lui Pierre-Henri Raphanel, car Schmidt tempête contre ses pilotes, en particulier Volker Weidler, qu'il juge incapables... Pour ce volant Raphanel est toutefois en balance avec le Suédois Thomas Danielsson qui a déjà essayé la Rial.
Essais et qualifications
Les essais pré-qualificatifs montrent l'efficacité des pneus Pirelli. Ghinzani se sort de cette épreuve pour la première fois de la saison, et son équipier Larini en aurait fait de même sans une panne d'allumage. Johansson, Gachot et Alboreto se sauvent malgré des Goodyear peu performants. Les AGS de Dalmas et Tarquini, les Zakspeed de Schneider et Suzuki, les Coloni de Moreno et Raphanel, ainsi que l'Eurobrun de Foitek, passent à la trappe. Alliot est éliminé après avoir été gêné par Suzuki dans un tour rapide. Le Vovéen s'emporte contre le Japonais: « C'est vraiment incroyable de se promener sur les trajectoires en sachant pertinemment que d'autres sont en train de jouer leur Grand Prix ! » Il est vrai que ces pré-qualifications ressemblent beaucoup à une loterie. Gérard Ducarouge tonne contre ce format: « On n'a pas le droit de condamner une écurie de cette manière ! Si le système ne change pas en 90, il faudra sortir les fusils ! »
Les qualifications se déroulent sous une forte chaleur et réservent beaucoup de surprises. Grâce à une Williams bien équilibrée et surtout à un V10 Renault très souple, Patrese réalise sa première pole position depuis six ans ! « C'est mon fils Simone, que j'ai amené ici, qui m'a porté chance, bien qu'il n'aime pas vraiment la course ! » explique en souriant le vétéran. Frank Williams est lui aussi aux anges: c'est la première pole de son équipe depuis deux ans. Boutsen se classe quatrième après avoir subi de nombreuses pannes vendredi. Les McLaren-Honda n'apprécient pas du tout les nouveaux pneus Goodyear et dansent dans les courbes. Senna est tout de même second, mais Prost doit se contenter du cinquième chrono. C'est la fin d'une série de dix-sept poles consécutives pour Marlboro-McLaren.
Mais la vedette de ce week-end est le petit Caffi qui fait des étincelles au volant de sa Dallara: second vendredi, troisième temps au final samedi ! L'Italien peut remercier son très bon châssis Dallara et les pneus ultra-tendres fournis par Pirelli: « Ce circuit correspond parfaitement aux caractéristiques de notre matériel. Nos pneus notamment. Nous avons pu déjà nous en apercevoir à Monaco et à Phoenix. » Curieusement, son collègue de Cesaris (18ème) ne parvient lui jamais à dénicher les bons réglages. Les Ferrari (Berger 6ème, Mansell 12ème) sont « dans les choux » à cause de pneus mal adaptés. En outre, Mansell est gêné samedi par Alesi. Le jeune Avignonnais, excellent dixième, loin devant Palmer (19ème), refuse de s'excuser auprès du Britannique... Les Benetton-Ford manquent de grip et tressautent sur les bosses. Nannini (7ème) trouve tout de même de bons réglages, contrairement à Pirro (25ème).
Les Brabham ne profitent guère des pneus Pirelli. Modena (8ème) et Brundle (15ème) peinent à équilibrer leurs châssis. Les Arrows (Warwick 9ème, Cheever 16ème) sous-virent avec excès. Martini place sa Minardi sur le dixième rang grâce à ses bons pneus et fait encore une fois mieux que Pérez-Sala (23ème). Les March-Judd rencontrent leurs problèmes habituels: sous-virage et pannes en tout genre. Gugelmin et Capelli se partagent la septième ligne. Les Lotus (Piquet 17ème, Nakajima 20ème) manquent de grip. Les deux Onyx (Gachot 21ème, Johansson 24ème) obtiennent leur ticket d'entrée. Ghinzani (22ème) se qualifie pour la première fois cette année. Comme en Allemagne, Alboreto partira depuis la dernière place. Une belle prouesse car le vendredi matin, l'Italien s'est abîmé une côte contre un renforcement de la coque en heurtant un trottoir. Mais il ne cache pas sa déception vis à vis du V12 Lamborghini: « Un moteur dégonflé avec du couple en bas et rien en haut. Nos vitesses de pointe sont catastrophiques. » Mauro Forghieri appréciera....
Désastre chez Ligier: Grouillard détruit sa voiture vendredi, ce qui l'oblige à partager le mulet avec Arnoux. Résultat: les deux Français sont éliminés ! Les Rial de Danner et Weidler sont aussi recalées, mais cela sans surprise.
Le Grand Prix
Le ciel se couvre dimanche matin et il semblerait que la hiérarchie du jour ne sera pas celle des essais. La faute aux pneumatiques: les Goodyear de course sont beaucoup plus performants que ceux de qualifications. Chez Pirelli, c'est le contraire... Ainsi, c'est un Mansell retrouvé qui réalise le meilleur chrono du warm-up devant Palmer qui a adopté les réglages d'Alesi sur sa Tyrrell. La voiture de Pirro est détruite par un incendie causée par une fuite d'essence. L'Italien devra se rabattre sur le mulet Benetton.
Lee Gaug avance devant Gérard Crombac une explication des mauvaises performances des McLaren et des Ferrari aux essais. « Ces voitures ont un équilibre aérodynamique prévu pour les circuits rapides. Ici, elles n'allaient pas assez vite pour générer suffisamment d'appui à l'avant. » Dimanche après-midi, le choix des gommes s'annonce donc capital alors que le soleil s'est effacé pour de bon. Dans le camp Goodyear, presque tout le monde s'empare des enveloppes tendres de type C qui devraient normalement être remplacées à mi-parcours. Patrese, Senna, Prost et Cheever choisissent eux les « B » durs et parient sur une course « non-stop ». Tous les pilotes « Pirelli » prennent des pneus durs. Boutsen rencontre une panne électrique dans son tour d'installation et monte dans la Williams de réserve réglée pour Patrese.
L'épreuve s'annonce très tendue, surtout si le fougueux Senna venait à buter sur un Patrese que l'on sait peu scrupuleux quant aux moyens propres à défendre sa position. « Si Ayrton ne double pas Riccardo au départ, il devra le tuer pour le dépasser... Et il est prêt à le faire ! » s'amuse Cheever.
Départ: Patrese conserve sa première place devant Senna. Caffi est troisième après avoir a eu un temps l'espoir de se faufiler entre les deux premiers. Suivent Berger, Prost, Boutsen et Nannini. Mansell prend un envol-canon et se retrouve huitième. De Cesaris abandonne aussitôt avec un embrayage collé.
1er tour: Brundle percute Alesi entre les virages n°1 et 2. La Brabham se met à l'équerre et laisse sa calandre contre la Tyrrell. Patrese est premier devant Senna, Caffi, Berger, Prost, Boutsen, Nannini, Mansell, Warwick et Capelli. Brundle s'arrête chez Brabham pour réparer son train avant et repart bon dernier.
2e: Senna reste derrière Patrese. Alesi passe par les stands pour changer ses pneus endommagés dans l'accrochage avec Brundle.
3e: Patrese et Senna prennent la tangente tandis que Caffi retient un groupe comprenant Berger, Prost, Boutsen, Nannini et Mansell.
4e: Quelques gouttes de pluie tombent sur le circuit. Berger se glisse dans le sillage de Caffi et lui fait l'intérieur au premier freinage.
5e: Patrese roule en 1'25''501''' et distance Senna. Prost attaque Caffi avant le premier freinage. Le jeune Lombard se déporte dangereusement devant le Français qui n'insiste pas.
6e: Patrese est premier devant Senna (2s.), Berger (4.3s.), Caffi (7.8s.), Prost (8.2s.), Boutsen (8.9s.), Nannini (9.3s.) et Mansell (10s.).
7e: Caffi n'a pas une bonne adhérence et ralentit considérablement le quatuor Prost - Boutsen - Nannini - Mansell, que rejoint Warwick.
8e: Berger est revenu derrière Senna. Prost déborde Caffi par l'extérieur sur la ligne de chronométrage. A Boutsen désormais de faire sauter le « bouchon rouge ».
9e: Mansell attaque audacieusement Nannini dans la grande côte, en vain. Ghinzani quitte la route au même endroit et laboure la pelouse avant de rejoindre la piste.
10e: Patrese mène devant Senna (1.9s.), Berger (2.7s.), Prost (9.2s.), Caffi (15s.), Boutsen (15.5s.), Nannini (15.8s.), Mansell (16.3s.), Warwick (17.3s.), Capelli (18.4s.), Martini (21.4s.), Modena (23s.), Gugelmin (23.3s.) et Cheever (23.9s.).
11e: L'intervalle entre Patrese et Senna oscille entre deux et trois secondes. Berger demeure dans la boîte du Pauliste.
12e: Le crachin a cessé. Nannini choisit de passer très tôt en pneus durs pour bénéficier d'une piste claire. Le Siennois repart pourtant au beau milieu du paquet, en dix-neuvième position.
14e: Senna et Berger se rapprochent de Patrese. Prost rencontre, comme son équipier, du sous-virage et remonte lentement. Boutsen ne trouve pas l'ouverture sur Caffi, et Mansell s'impatiente derrière la Williams. Tête-à-queue sans conséquence de Johansson au dernier virage.
15e: Handicapé par ses pneus Pirelli, Modena dégringole et se fait successivement dépassé par Cheever, Piquet, Palmer et Nakajima.
16e: Boutsen tente de porter l'estocade contre Caffi au bout de la longue ligne droite, mais l'Italien lui claque la porte au nez.
17e: Patrese garde deux secondes de marge sur Senna et Berger. Prost rattrape le trio de tête. Caffi, Boutsen et Mansell se tiennent en quelques dixièmes.
19e: Patrese est moins rapide. Senna et Berger réduisent leur retard sous la pression de Prost. Martini regagne son garage avec un porte-moyen arrière-droit en feu. C'est l'abandon.
20e: Patrese, Senna, Berger et Prost roulent désormais de concert. Mansell dépasse Boutsen devant les stands et s'empare de la sixième place.
21e: Patrese devance Senna (0.5s.), Berger (1.2s.), Prost (2.2s.), Caffi (18s.), Mansell (18.5s.), Boutsen (19s.), Warwick (19.5s.), Capelli (22.4s.), Gugelmin (24.6s.), Cheever (25s.) et Piquet (30.2s.). Ghinzani renonce, pompe à essence cassée.
22e: Prost s'agite derrière Berger. Mansell déborde Caffi au sommet de la grande côte. Boutsen s'arrête chez Williams pour chausser des pneus neufs et ressort au quinzième rang derrière Nannini et Johansson.
24e: Patrese retient Senna, Berger et Prost. Mansell se rapproche de ce quatuor et signe un temps d'1'23''338'''. Les leaders tombent sur les premiers retardataires.
25e: Patrese précède Senna (0.4s.), Berger (1.1s.), Prost (1.8s.), Mansell (13.1s.), Caffi (21.3s.), Warwick (23.2s.), Capelli (24.4s.), Gugelmin (25s.) et Cheever (25.5s.).
26e: Capelli sort dans l'herbe. Il revient sur la route mais les pions d'entraînement d'une roue arrière se sont rompus. Le Milanais regagne son garage et quitte l'épreuve.
28e: Patrese prend une seconde d'avance sur Senna. Alboreto se range sur le bas-côté, moteur serré. Gugelmin stoppe lui dans le gazon après un court-circuit.
29e: Berger entre aux stands en fin de tour pour changer de pneus (8s.) et revient sur le circuit derrière Caffi.
30e: Patrese est leader devant Senna (1.8s.), Prost (3.4s.), Mansell (9.3s.), Caffi (24.6s.), Berger (26.4s.), Warwick (26.9s.), Cheever (27.4s.), Piquet (29.1s.) et Nannini (37.8s.).
31e: Mansell rattrape les trois premiers. Changement de pneus pour Johansson.
32e: Senna se rapproche à nouveau de Patrese. Berger efface Caffi. Arrêts pneus pour Nakajima et Gachot.
33e: Warwick regagne inopinément son stand car une de ses roues est en train de se desserrer. Il reste immobilisé près de 30 secondes.
34e: Warwick sort lentement des stands lorsqu'il croise la route de Nakajima dans la descente qui mène vers la première courbe. Le Japonais prend l'extérieur et pense que l'Anglais le laisse passer. Il n'en est rien. Warwick accroche sa roue arrière-droite. La Lotus décolle et atterrit dans les graviers avec une suspension totalement pliée.
35e: Patrese, Senna et Prost se tiennent en à peine plus d'une seconde. Piquet observe un changement de gommes (10.7s.) et se retrouve derrière Boutsen.
36e: Berger cravache pour rattraper les quatre premiers qui n'ont semble-t-il pas l'intention de changer leurs pneus. Caffi remplace ses Pirelli en onze secondes et tombe au dixième rang.
37e: Mansell n'est plus qu'à trois secondes de Patrese. Berger améliore le record du tour: 1'23''214'''.
38e: Mansell se raccroche à Patrese et aux McLaren. Alesi attaque Brundle pour la 14ème place. Le Français fait l'extérieur au Britannique avant de se jeter vers la corde. Brundle monte sur ses freins, escalade le vibreur et part en tête-à-queue. Il redémarre à la poussette, très mécontent contre Alesi.
39e: Mansell menace Prost dont le V10 coupe par intermittence. Nannini fond sur Cheever qui roulera en pneus durs jusqu'à la fin.
40e: Patrese mène devant Senna (0.4s.), Prost (1.2s.), Mansell (1.5s.), Berger (9s.), Cheever (32.5s.), Nannini (33.6s.), Boutsen (34.3s.), Piquet (56s.), Caffi (59.6s.), Palmer (1m. 07s.) et Modena (1m. 08s.).
41e: Senna est dans la roue de Patrese. Mansell dépasse Prost dans la grande montée et s'empare de la troisième position. Gachot abandonne, boîte de vitesses bloquée.
43e: Mansell est aux trousses de Senna, ce qui libère quelque peu Patrese. Berger fait la jonction avec Prost.
44e: Patrese devance Senna (0.8s), Mansell (1.4s.), Prost (3.7s.), Berger (5.6s.), Cheever (31s.), Nannini (32s.) et Boutsen (34s.). Johansson passe chez Onyx pour faire examiner sa boîte de vitesses. Il y reste stationné dix minutes.
46e: Patrese, Senna et Mansell sont roues dans roues. A quatre secondes se trouvent Prost et Berger. Nannini rejoint son stand au ralenti. Son levier de vitesses lui reste dans les mains ! C'est fini pour le Siennois.
48e: Patrese emprunte des trajectoires assez erratiques. Un de ses radiateurs a crevé et la Williams perd de l'eau. Senna ne le lâche pas d'une semelle mais ne peut lui-même se défaire d'un Mansell très incisif. Warwick fait bouchon entre Prost et Berger.
50e: Patrese est premier devant Senna (0.7s.), Mansell (1.1s.), Prost (1.8s.), Berger (3s.), Cheever (26s.), Boutsen (26.4s.), Piquet (51s.), Caffi (1m. 02s.), Palmer (1m. 16s.), Pirro (1m. 17s.) et Modena (1m. 19s.).
51e: L'intensité est à son comble: Patrese, Senna, Mansell, Prost, Warwick (qui ne s'efface pas!) et Berger sont dans un mouchoir.
52e: Palmer regagne les stands avec un problème d'injection. Il repartira toutefois après une assez longue réparation.
53e: Le moteur de Patrese hoquette devant les stands. Senna se glisse à l'intérieur. Son adversaire tente de se rabattre mais il est trop tard: le Brésilien s'empare du leadership ! Mansell se débarrasse ensuite de Patrese dans la seconde courbe. En revanche Prost bute sur le Padouan.
54e: Mansell est dans les échappements de Senna. Sa Ferrari est mieux équilibrée que la McLaren, mais le Pauliste résiste farouchement. Prost et Berger passent devant Patrese dont le moteur agonise.
55e: Une lutte à couteaux tirés oppose Senna à Mansell. Prost tente de contenir Berger, ce qui n'est pas facile car il a reçu des projections d'huile sur sa visière. Quatorze secondes séparent ces deux duos. Patrese se gare à la sortie des stands, moteur serré.
57e: Mansell ne laisse pas Senna respirer et le suit comme son ombre. Prost sort de la trajectoire et encrasse ses pneus. Berger s'arrête dans l'herbe, encore abandonné par sa boîte ! Cette fois c'est la pignonnerie qui a lâché.
58e: Senna et Mansell abordent la montée lorsqu'ils tombent sur Johansson qui vient de quitter les stands à faible allure. Senna donne un coup de frein et se décale pour contourner l'Onyx, mais Mansell, plus prompt, déborde les deux bolides en même temps, se rabat vivement devant la McLaren et prend la tête de la course ! Cette offensive éclair laisse Senna sur place.
59e: Senna reste au contact de Mansell. Prost roule à une quinzaine de secondes et est rattrapé par Cheever et Boutsen.
60e: Modena heurte Pérez-Sala au pied de la colline et l'envoie en tête-à-queue. Le Catalan cale et n'ira pas plus loin.
61e: Mansell est premier devant Senna (1.2s.), Prost (14.4s.), Cheever (16.3s.), Boutsen (19.3s.), Piquet (48.3s.), Caffi (1m. 01s.) et Pirro (1m. 16s.).
62e: Les pneus de Prost sont trop abîmés. Le Français choisit de les troquer contre des Goodyear tendres (7.5s.). Il repart logiquement loin derrière Cheever et Boutsen.
63e: Mansell repousse Senna à deux secondes et demie. Cheever roule avec les mêmes gommes depuis le départ. Il est très menacé par Boutsen dont les pneus sont plus frais. Johansson met pied à terre car sa boîte est définitivement hors d'usage.
64e: Mansell devance Senna (2.4s.), Cheever (23s.), Boutsen (24s.), Prost (43.6s.) et Piquet (54.4s.).
65e: Prost tourne en 1'22''654'''. Boutsen s'empare de la troisième place aux dépens de Cheever.
66e: En guise d'apothéose, Mansell conclut le meilleur chrono de l'après-midi (1'22''637'''). Les pneus tendres qu'il utilise depuis le feu vert ne donnent pas de signe de fatigue.
68e: Senna lâche prise et rend maintenant deux secondes par tour à Mansell. Prost remonte rapidement sur Cheever.
69e: En délicatesse avec ses pneus, Modena glisse dans la hiérarchie. Il s'est fait doubler par Alesi et par Warwick.
70e: Mansell est devant Senna (10.4s.), Boutsen (37.7s.), Cheever (45.7s.), Prost (48s.), Piquet (1m. 05s.), Caffi (1m. 17s.), Pirro (-1t.), Alesi (-1t.) et Warwick (-1t.).
72e: Treize secondes séparent Mansell et Senna. Prost est dans le sillage de Cheever.
74e: Senna rencontre de fortes vibrations. Il préserve ses gommes et concède plus d'une seconde à Mansell à chaque passage. Boutsen roule à trente-cinq secondes du leader. Prost reste bloqué derrière Cheever.
76e: Prost est à cinq dixièmes de Cheever et va devoir prendre des risques s'il veut conquérir la quatrième place.
77ème et dernier tour: Prost règle le compte de Cheever au bout de la longue ligne droite et s'empare in extremis de la quatrième place.
Nigel Mansell remporte pour la première fois le GP de Hongrie. Senna termine deuxième à vingt-six secondes. Boutsen est troisième: ce n'est que son deuxième podium de la saison. Prost achève sa course au quatrième rang et empoche trois points. Cheever finit cinquième, Piquet sixième. Après ses formidables essais, Caffi se contente d'une décevante septième place. Pirro, Alesi, Warwick, Modena, Brundle et Palmer rejoignent aussi l'arrivée.
Après la course: la chevauchée du Lion
Ce 13 août 1989 est à marquer d'une pierre blanche pour Nigel Mansell qui a sans doute livré la meilleure prestation de sa carrière. Gagner sur le Hungaroring en partant depuis la sixième rangée est une prouesse peu commune. « Il Leone » a droit à une ovation des tifosi qui ont fait le déplacement sur les rives du Danube. Dans les tribunes, une banderole proclamait à son attention: « Fatte rivivo il mito 27 » (Faites revivre le mythe de la numéro 27). Mission accomplie pour le Britannique qui ravive ainsi le souvenir de Gilles Villeneuve. Ce succès est aussi celui d'une Ferrari 640 ressuscitée après des essais catastrophiques. « Avec le plein et les pneus de course, la voiture fonctionnait parfaitement bien », explique Mansell. « Tout en attaquant, j'ai conduit avec prudence, préservant les pneus, la mécanique. J'ai parfois longtemps patienté avant de dépasser un concurrent. A aucun moment je ne suis sorti de la trajectoire idéale, propre. Et lorsque je me suis retrouvé derrière Senna, j'ai attendu le meilleur moment pour le doubler. J'ai fait l'accordéon, me collant derrière son aileron ou me laissant volontairement distancer pour refroidir les freins et laisser respirer le moteur. »
La vélocité de la Ferrari de Mansell, et de celle de Berger avant son abandon, démontre que John Barnard a déniché un « truc » pour optimiser le comportement des Goodyear, ce que n'est pas parvenu à faire McLaren. « Sur la fin, mes pneus étaient vraiment au bout du rouleau... » soupire Ayrton Senna, qui estime également que la gêne provoquée par Stefan Johansson n'a fait que précipiter sa défaite. Alain Prost a rencontré des ennuis d'un autre ordre: « Mon moteur n'a jamais fonctionné correctement à bas régime. Les Ferrari ont fait la différence en tenue de route. C'est pour cela que je n'ai pas voulu gêner Mansell dans sa remontée. Il était en mesure d'attaquer Senna et de lui prendre des points. Compte-tenu des circonstances, je ne m'en tire pas trop mal... » Le petit Français est d'humeur morose. Il n'a pas adressé la parole à son équipier de tout le week-end. « Je me sens de plus en plus isolé au sein de mon équipe,... » lâche-t-il.
L'amertume règne aussi chez Williams-Renault. Riccardo Patrese aurait bien mérité de remporter son premier Grand Prix depuis... 1983 ! Hélas un morceau de métal a perforé le radiateur de son ponton droit. « Il est vraiment dur d'admettre une telle chose après tant d'efforts », commente le pauvre Italien. « Les gommes étaient supers et je contenais parfaitement Senna. Mais la température a commencé à grimper, le moteur a perdu sa puissance et j'ai dû tout stopper. » Au moins Thierry Boutsen ramène-t-il quatre points qui permettent à Williams de préserver sa deuxième place au championnat des constructeurs face à Ferrari.
Prost (56 pts) est toujours leader du championnat mais Senna (42 pts) se rapproche, de même que Mansell (34 pts). Mais le vainqueur du jour n'envisage pas de disputer la couronne mondiale. « Il ne faut pas se faire d'illusions, dit-il. Si en Hongrie nous possédions le meilleur ensemble châssis/suspension, McLaren a encore le meilleur moteur. Ici la puissance n'a pas prévalu. Elle reprendra ses droits à Spa et à Monza. » En attendant, le brave Nigel gagne l'aéroport de Budapest au volant d'une BMW 325, escorté par deux gendarmes. Lorsqu'il remercie les braves agents, il leur lance: « Vous savez, moi aussi, je suis policier chez moi ! » En effet, lorsqu'il n'arpente pas les pistes à 300 km/h, Mansell est constable de l'Île de Man et règle parfois lui-même la circulation, un bâton de Bobby à la main...
Tony