Présentation de la saison
Dramatique accident pour Philippe Streiff
Le 15 mars 1989, dix jours avant le coup d'envoi de la saison, la plupart des équipes se retrouvent sur le circuit de Jacarepaguá pour une séance d'essais de pneumatiques organisée par Goodyear. A 11 heures, Philippe Streiff évolue au volant de son AGS lorsque dans le virage de Suspiro, une rupture de suspension arrière-gauche le projette contre un vibreur. La voiture décolle à près de 220 km/h, passe au-dessus du rail, part en tonneaux et transperce les filets de protection avant de s'immobiliser, complétement détruite. L'AGS a perdu son arceau de sécurité. L'assistance est glacée d'horreur. Streiff est conscient mais ne peut pas bouger. C'est alors que les secouristes brésiliens, totalement inexpérimentés, l'extraient sans aucune précaution de son épave pour le placer sur un simple brancard. Ils n'ont même pas de coquille pour immobiliser son dos !
Streiff a la clavicule droite brisée et l'omoplate gauche fracturée, mais souffre surtout d'une double luxation de la colonne vertébrale. Sa neuvième vertèbre dorsale est complétement écrasée. Il doit être opéré de toute urgence. Mais les chirurgiens compétents se trouvent à São Paulo, à 400 km de Rio de Janeiro ! Pis encore, une grève des contrôleurs aériens les empêche de se déplacer dans l'immédiat ! Ce n'est que tard dans la soirée qu'ils arrivent à Rio. De son côté, le malheureux blessé est transféré en hélicoptère vers la clinique la plus proche. Mais le pilote de l'appareil se perd en route et atterrit... sur une plage ! C'est dans une simple ambulance roulant à tombant ouvert sur une mauvaise route que Philippe arrive à bon port. Les médecins brésiliens l'opèrent pendant la nuit mais c'est hélas bien tard pour qu'il puisse récupérer. La moelle épinière est très gravement atteinte. Le résultat de ces lamentables péripéties ? Streiff risque la paralysie à vie ! Son épouse Renée fulmine contre l'irresponsabilité des organisateurs du Grand Prix et des services de soins.
Cet accident et les conditions déplorables dans lesquelles Philippe Streiff a été secouru soulignent la nécessité de mettre en place de véritables hôpitaux de campagne lors des séances d'essais privés, et non plus seulement pendant les Grands Prix. Cette déficience a déjà probablement coûté la vie à Elio de Angelis en 1986. La FISA va s'atteler à cette réforme, mais bien trop tardivement selon certains.
Ferrari: haro sur John Barnard
Ferrari est sous le feu des critiques dans la presse transalpine. Les derniers essais de présaison ont été absolument désastreux, tant sur le plan de la fiabilité que des performances. La nouvelle boîte semi-automatique ne semble pas du tout fonctionner. Le « parti italien » de Maranello se déchaîne contre John Barnard et son bureau d'études situé en Grande-Bretagne. Pour ses tenants, il est temps d'éliminer cet importun qui jouit d'une totale impunité et précipite la Scuderia dans le chaos. Mais le grand patron de Fiat Gianni Agnelli tient bon et refuse de leur donner sa tête.
La boîte de vitesses électromagnétique de la 640 est donc la cible de toutes les critiques. Jusqu'ici, Berger et Mansell n'ont jamais parcouru plus de quinze tours sans qu'elle se dérègle. Johnny Rives explique pourtant dans L'Équipe tout l'intérêt de ce dispositif: « La tenue de route dépend beaucoup des qualités aérodynamiques. John Barnard a choisi une voie très personnelle. Dans la recherche du plus grand effet de sol possible, la boîte de vitesses intervient comme un élément parasite. De son encombrement dépend le bon fonctionnement du carénage intérieur arrière. Lequel détermine la dépression sous le fond plat. C'est-à-dire la force qui plaque la F1 au sol lorsqu'elle est en mouvement. » Barnard a résolu ce problème en concevant une boîte minuscule, malgré ses sept rapports. D'où l'excellente tenue de route des Ferrari. Mais l'interférence des gestions électroniques du moteur et de la boîte provoque pour l'heure de très nombreux soucis de fonctionnement, d'où la fureur de la presse italienne.
McLaren: Senna et Prost, à l'aube d'un nouveau duel
Ayrton Senna est attendu par les Brésiliens tel un demi-dieu. Toujours à la recherche de sa première victoire à domicile, le nouveau champion du monde entend combler ses supporteurs extatiques. Des dizaines de milliers d'affiches, de banderoles, de t-shirts chantent sa gloire. Le gouvernement brésilien a même émis un timbre en son honneur ! Du reste, Senna attire plus que jamais l'attention de la presse depuis qu'il a officialisé sa liaison avec Xuxa, une playmate et présentatrice de télévision brésilienne très célèbre. Pourtant, toujours à cheval quant au respect de sa vie privée, il fuit les paparazzi et s'enferme avec ses mécaniciens afin de mieux cerner le comportement de cette MP4/5 capricieuse. En outre, il ne néglige pas ses intérêts financiers. Son agent Armando Botelho Teixeira demande ainsi à Bernie Ecclestone pourquoi la cassette vidéo du championnat 1988, produite par FOCA TV, est sponsorisée par la Banco do Brasil alors que Senna bénéficie d'un contrat exclusif avec la Banco Nacional...
On s'en souvient, fin 1988 Alain Prost avait mis publiquement en doute l'égalité de traitement offert par Honda aux deux pilotes McLaren, provoquant l'ire de Ron Dennis. Durant l'hiver, le Français s'est entretenu avec Nobuhiko Kawamoto, le directeur du développement de la firme japonaise, qui l'a rassuré sur la bonne foi de ses ingénieurs. Prost s'est réconcilié avec Dennis, mais ce sceptique perpétuel sent bien que c'est désormais Senna, champion du monde en titre, qui jouit de la faveur, au moins morale, de son patron.
Présentation de l'épreuve
Nelson Piquet accepte désormais avec philosophie la ferveur qui entoure son ennemi juré. D'autant plus qu'il sait que ce n'est pas avec sa Lotus-Judd qu'il pourra de nouveau occuper les sommets. Pour ne rien arranger, il s'est cassé une côte en tombant dans sa baignoire fin février ! Il est malgré tout présent sur le circuit de Jacarepaguá qui, rappelons-le, porte son nom...
Thierry Boutsen a aussi été victime d'un effrayant accident lors des essais privés de Rio. Sa Williams a heurté le rail à 220 km/h. Les conséquences sont bien moins importantes que pour Streiff, mais le Bruxellois souffre de contusions multiples. Il parvient tout de même à récupérer avant le Grand Prix, sous la surveillance de l'ostéopathe Pierre Baleydier.
Malgré sa francophobie notoire, Frank Williams tient à honorer son nouveau partenaire et fait installer un drapeau tricolore au fronton de son stand, juste à côté de l'Union Jack ! Voilà qui ravit Patrick Faure, le président de Renault Sport, qui n'envisage pas sans appréhension ce grand retour de la marque au losange en Formule 1. Bernard Dudot et Jean-Jacques His le rassurent: les premiers essais du V10 se sont révélés très encourageants. « Avec Renault, nous avons retrouvé le goût des grands objectifs » assure Williams, radieux.
Les écuries se cotisent pour permettre le rapatriement en France de Philippe Streiff, un voyage fort coûteux du fait des multiples précautions qu'il engendre. AGS n'est en tout cas pas au bout de ses peines car Roberto Moreno, qui n'a jamais été payé pour les deux courses qu'il a disputées avec cette équipe fin 1987, menace de faire saisir son matériel ! Cyril de Rouvre met la main à la poche pour éviter ce désastre.
Un nouveau visage dans le paddock: celui de Martin Whitaker, le nouveau directeur de la communication de la FISA, chargé de délivrer leurs passeports d'entrée aux journalistes, sous l'œil attentif de Bernie Ecclestone qui a bien sûr agréé cette nomination...
Essais et qualifications
Les essais pré-qualificatifs du vendredi matin réunissent cette année les Brabham, les Osella, les Zakspeed, les Onyx, les AGS, l'Eurobrun de Foitek, la Dallara de Caffi, la Rial de Weidler et la Coloni de Raphanel. Seuls quatre pilotes doivent être en principe sélectionnés, mais ils seront cinq ici grâce à l'absence de Streiff. Les Brabham-Judd dominent cette séance devant un étonnant Foitek. Larini et Schneider sont aussi sauvés. Les éliminés sont Caffi (moteur cassé), Suzuki, Raphanel, Ghinzani, Weidler, Winkelhock et les deux Onyx de Johansson et de Gachot qui n'ont presque pas roulé avant de se rendre au Brésil.
Williams-Renault crée la sensation en permettant à Patrese de s'adjuger la pole provisoire vendredi après-midi. L'Italien recule au second rang le lendemain, mais cette performance est d'excellent augure pour la collaboration franco-anglaise, d'autant plus que Boutsen se classe quatrième. Les nouvelles McLaren-Honda souffrent de sous-virage, mais Senna arrache tout de même sa trentième pole position, laissant Patrese à huit dixièmes. Prost n'est que cinquième après avoir rencontré des soucis avec ses amortisseurs. Les controversées Ferrari rencontrent bien des soucis de fiabilité, mais Berger (3ème) et Mansell (6ème) sont bien présents aux avant-postes.
Capelli (7ème) est le premier des V8. Gugelmin est douzième avec la seconde March. Chez Arrows, Warwick signe le huitième chrono tandis que Cheever n'est que vingt-quatrième. Il a en effet fallu adapter à la dernière minute son cockpit dont il ne parvenait pas à s'extraire suffisamment rapidement du fait de sa grande taille. Piquet (9ème) qualifie sa Lotus loin devant celle de Nakajima (21ème). Satisfaction chez Benetton où le jeune Herbert (10ème) parvient à devancer son équipier Nannini (11ème). Les Brabham-Judd (Brundle 13ème, Modena 14ème) démontrent toutes leurs qualités. De Cesaris place la Dallara survivante sur le 15ème rang. Du côté de Minardi, Martini (16ème) fait toujours beaucoup mieux que Pérez-Sala (23ème). Danner est dix-septième avec la Rial. Palmer (18ème) met sa Tyrrell devant celle d'Alboreto (20ème) qui a connu de nombreux problèmes de transmission. Sont aussi qualifiés Larini (19ème), Grouillard (22ème) et Schneider (25ème). Alliot arrache le dernier ticket d'entrée. Il a fallu démonter le capot de sa pataude Lola pour assurer le refroidissement de son V12 Lamborghini. Dalmas (27ème) est en revanche éliminé après un surrégime.
Arnoux (28ème) n'est pas parvenu à trouver les bons réglages sur sa Ligier. Il passa à la trappe à l'instar de Foitek (moteur cassé) et de Moreno (pannes récurrentes d'allumage).
Le Grand Prix
Dimanche matin, les McLaren paraissent enfin bien équilibrées puisque Prost et Senna trustent les deux premières places devant les Williams-Renault. En revanche, c'est la débâcle chez Ferrari où les deux monoplaces rencontrent des ennuis de transmission. La boîte électromagnétique fait encore des siennes...
La course se déroule sous une chaleur torride. Le mercure affiche 41°C. Plusieurs équipes agrandissent les conduits d'aérations pour les moteurs, quand elles ne démontent pas complétement le capot. De leur côté, Goodyear et Pirelli prévoient au moins deux changements de pneus. Sur la pré-grille, Bernie Ecclestone fait dresser un petit arc-de-triomphe en l'honneur de Riccardo Patrese qui fête son 177ème départ en Grand Prix, un nouveau record.
Tour de formation: A l'issue de celui-ci, les monoplaces s'arrêtent un peu plus loin que sur la pré-grille. Cela trompe Larini qui se gare au mauvais emplacement
Départ: Senna et Patrese prennent un bon envol et se retrouvent côte à côte. Soudain, Berger surgit à la droite de Senna et tente de forcer le passage au freinage. Le Brésilien ne cède pas et le contact est inévitable. Berger arrache l'aileron avant de la McLaren avec son ponton puis part en toupie sur le vibreur. Patrese vire en tête au premier virage devant Boutsen, Mansell et Prost.
1er tour: Gêné par son accélérateur grippé, Grouillard donne un gros coup de frein au deuxième virage et surprend Pérez-Sala qui le suivait. L'Espagnol escalade l'arrière de la Ligier et atterrit dans les glissières. Le Français peut en revanche continuer. Berger renonce suite à un bris de suspension arrière. Patrese mène devant Boutsen, Mansell, Prost, Capelli, Warwick, Nannini, Herbert, Gugelmin et Brundle. Les deux Williams-Renault sont en tête dès leur première apparition !
2e: Boutsen est sous la menace de Mansell. Senna rejoint les stands pour faire remplacer son museau. La nouvelle pièce est fixée avec de l'adhésif ! Le Pauliste reste immobilisé trois minutes. Martini regagne son garage après avoir cassé son support-moteur. Les deux Minardi sont déjà éliminées.
3e: Patrese caracole en tête. Mansell déborde Boutsen dans la ligne droite de Juncao.
4e: Mansell se rapproche de Patrese. Le V10 Renault de Boutsen a rendu l'âme. Le Belge se gare dans la pelouse. Senna reprend la piste avec deux tours de retard.
5e: Patrese mène devant Mansell (1.3s.), Prost (5.9s.), Capelli (6.9s.), Warwick (8.5s.) et Nannini (10s.). Senna s'arrête une seconde fois chez McLaren pour consolider la réparation de sa calandre. Il perd un nouveau tour.
6e: Mansell est désormais dans le sillage immédiat de Patrese. Cinq dixièmes les séparent.
8e: Patrese et Mansell sont roues dans roues, quatre secondes devant Prost. Senna enchaîne les tours rapides, pour l'honneur seulement puisqu'il roule en vingt-deuxième position, à trois tours du leader.
9e: Larini reçoit le drapeau noir pour ne pas s'être élancé depuis la bonne place. Il est actuellement dix-huitième.
10e: Patrese résiste toujours à Mansell. Prost se rapproche des deux leaders. Piquet regagne le stand Lotus avec un moteur bafouillant. Larini se conforme aux ordres de la direction de course et s'arrête. Modena renonce aussi après avoir cassé un joint de cardan.
11e: Piquet met pied à terre car sa pompe à essence ne fonctionne plus. Brundle est le premier pilote à changer de gommes. Son aileron avant a été endommagé dans la bousculade du premier tour et le sous-virage a usé prématurément ses pneus.
12e: Patrese mène devant Mansell (0.5s.), Prost (3.5s.), Capelli (6.3s.), Warwick (9.4s.), Nannini (13s.) et Gugelmin (15s.). Changement de pneus pour Herbert.
14e: Prost demeure derrière Patrese et Mansell et s'aperçoit qu'il ne pourra pas les dépasser. C'est donc le meilleur moment pour changer de pneus. Il s'engouffre en fin de tour dans la voie des stands.
15e: Prost chausse des pneus frais (9.1s.) et repart derrière Gugelmin. Herbert reprend la huitième place à de Cesaris.
16e: Mansell se blottit derrière la Williams de Patrese dans la ligne droite de Juncao. A l'approche du freinage, il se déporte brutalement vers l'extérieur puis se rabat avec autorité devant l'Italien qui, surpris, n'a pas eu le temps faire ouf ! De Cesaris change ses enveloppes.
17e: Capelli entre aux stands pour remplacer ses pneus et repart derrière Herbert. Palmer, Nakajima et Nannini passent aussi aux stands. L'opération se passe mal pour ce dernier à cause du cric pneumatique qui se débranche. L'Italien perd une dizaine de secondes.
18e: Mansell compte deux secondes d'avance sur Patrese. Warwick, troisième, est repoussé à vingt secondes. Arrêt pneus de Schneider.
19e: Warwick stoppe chez Arrows. Ce changement de pneus dure près de vingt secondes à cause d'une roue arrière récalcitrante. Arrêts également pour Danner et Alliot. Gugelmin occupait la troisième place mais il fait halte chez March pour prendre des enveloppes neuves (9.9s.). Il ressort huitième.
20e: Mansell devance Patrese (2.9s.), Prost (24s.), Herbert (42s.), Capelli (44s.), Nannini (51s.), Warwick (54s.), Cheever (56s.) et Brundle (59s.).
21e: Mansell arrive à son stand et prend un second jeu de Goodyear en dix secondes. Mais ce ravitaillement est un peu tardif car le Britannique repart derrière Prost dont la décision fut plus prompte ! Patrese récupère le commandement. Arrêt de Cheever.
22e: Williams choisit de laisser Patrese en piste pour qu'il n'effectue qu'un seul arrêt. C'est une erreur car la gomme du Padouan est détruite et ses temps sont mauvais. Prost le rejoint à pas de géant. Capelli se plaint d'un souci de tenue de route et stoppe pour la seconde fois. Warwick grimpe ainsi dans les points. Grouillard change ses gommes.
23e: Prost est sur les talons de Patrese. Il le déborde sans coup férir à Juncao et s'empare ainsi du commandement.
24e: Mansell repasse devant Patrese dont les pneus crient grâce. Capelli renonce suite à une rupture de porte-moyeu.
25e: Prost est en tête mais il vient de perdre l'usage de son embrayage. S'arrêter une seconde fois aux stands s'annonce donc périlleux. Patrese s'arrête enfin chez Williams pour mettre des nouvelles gommes et paie cash son entêtement à demeurer en piste: il tombe au septième rang. Deuxième arrêt pour Brundle.
26e: Gugelmin prend la cinquième place à Nannini. Alboreto est le dernier pilote à changer ses pneus.
27e: Mansell se rapproche très sensiblement de Prost qui peine à changer de vitesses. Pendant ce temps-là, Senna bon dernier refait son retard sur les voitures les plus lentes.
28e: Mansell se colle derrière Prost dans la première portion du circuit, puis le déborde par l'intérieur dans la pleine charge de Juncao. L'Anglais ressaisit le commandement. Warwick prend la troisième place à Herbert qui souffre de la chaleur et de ses jambes.
29e: Mansell prend la clé des champs. Prost ne le suit pas car, faute d'embrayage, il doit achever la course avec ce train de pneus. Patrese dépasse Nannini et retrouve une position dans les points. Brundle renonce après une chute de pression d'essence.
30e: Mansell est premier devant Prost (4s.), Warwick (18.6s.), Herbert (21.1s.), Gugelmin (22.8s.), Patrese (31.2s.), Nannini (34s.), de Cesaris (1m. 21s.), Cheever (1m. 23s.) et Nakajima (-1t).
31e: Senna se fraie un chemin dans le peloton. Il avale ainsi d'un coup Nannini et Alboreto avant la Curva Sul. Nannini observe un second changement de pneus à la fin de cette boucle. Il ne perd aucune position.
33e: Treize secondes entre Mansell et Prost. Gugelmin menace de plus en plus Herbert.
34e: Gugelmin dépasse Herbert avant la courbe de Sul.
35e: Prost perd du temps dans le trafic. Patrese prend à son tour le meilleur sur Herbert.
36e: Mansell précède Prost (22.7s.), Warwick (28s.), Gugelmin (34.4s.), Patrese (36.1s.), Herbert (48s.), Nannini (58s.), de Cesaris (1m. 32s.), Cheever (-1t.) et Nakajima (-1t.).
37e: Warwick change à nouveau de pneus et cette fois ses mécaniciens rencontrent un problème de cric. Lorsqu'ils le libèrent, son moteur cale ! Warwick ne repart qu'au bout de trente secondes... Palmer et Alliot passent aussi par les stands.
38e: L'intervalle se stabilise entre Mansell et Prost. Gugelmin prend des pneus neufs et repart derrière Nannini. Patrese récupère la troisième place. Herbert, de Cesaris et Nakajima changent également leurs gommes.
39e: Cheever fait l'extérieur à Schneider dans la Curva Sul lorsqu'une suspension se casse sur la Zakspeed. Celle-ci est précipitée contre l'Arrows et les deux bolides atterrissent dans le bac à sable. Schneider sort de sa voiture pour s'excuser auprès de Cheever. Mais celui-ci, très mal installé dans son cockpit, souffre d'horribles crampes. Il en sort avec peine et a bien du mal à marcher sans aide.
40e: Nannini occupait le quatrième rang mais hélas il doit passer une troisième fois par les stands pour faire resserrer une roue. Il se retrouve ainsi septième derrière Warwick. Second arrêt pour Grouillard.
42e: Mansell est leader devant Prost (24.5s.), Patrese (35s.), Herbert (56.7s.), Gugelmin (58.2s.), Warwick (1m. 08s.), Nannini (1m. 18s.), de Cesaris (-1t.) et Nakajima (-1t.). Arrêt de Danner.
44e: Vingt-cinq secondes séparent Mansell et Prost. Patrese est troisième à trente-deux secondes.
45e: Mansell stoppe chez Ferrari pour changer de pneus... et de volant car il juge que les manettes qui servent à changer les vitesses fonctionnent mal ! Il se relance au bout de treize secondes et abandonne la première place à Prost qui ne s'arrêtera plus.
46e: Prost est premier mais il doit absolument ménager ses pneus. Avec ses Goodyear tout neufs, Mansell le rattrape facilement. Alboreto remplace ses gommes. Danner est immobilisé à son garage pour réparer sa suspension arrière. En fin de tour, Patrese s'engouffre dans la voie des stands pour chausser son dernier jeu d'enveloppes (10.3s.). Williams a finalement revu sa stratégie.
47e: Mansell rejoint Prost et le dépasse sans peine à la Curva Sul. Le Français n'a pas résisté. Reparti derrière Herbert, Patrese lui reprend sans mal la quatrième place et réalise le meilleur tour de la course: 1'32''507'''.
48e: Mansell mène devant Prost (4.9s.), Gugelmin (12.5s.), Patrese (15.4s.), Herbert (18.6s.), Warwick (28.5s.) et Nannini (37s.).
49e: Mansell s'envole vers la victoire. Gugelmin voit la Williams de Patrese grossir dans ses rétroviseurs. Senna gagne une place aux dépens d'Alliot qui roule lentement car il s'avère que son réservoir est mal adapté à la consommation du V12 Lamborghini.
50e: Patrese harcèle Gugelmin. Celui-ci reçoit les encouragements du public brésilien qui a trouvé en lui un nouveau chouchou. Tous deux reviennent sur Prost dont les pneus sont usés jusqu'à la corde.
51e: Prost, Gugelmin et Patrese sont roues dans roues. L'Italien parvient à déborder le jeune Brésilien dans le virage n°10. Mais aussitôt le V10 Renault se tait et Patrese se gare sur le bas-côté: l'arbre à cames est cassé.
52e: Prost doit maintenant repousser les assauts du seul Gugelmin. Il est aidé par Danner qui bouchonne longuement celui-ci.
53e: Mansell devance Prost (9.8s.), Gugelmin (11.6s.), Herbert (13.3s.), Warwick (25s.), Nannini (27.3s.), de Cesaris (-1t.), Palmer (-1t.) et Nakajima (-1t.).
54e: Herbert rejoint Prost et Gugelmin et peut entrevoir le podium dès son premier Grand Prix !
55e: Prost, Gugelmin et Herbert se tiennent en deux secondes. Le double champion du monde utilise la puissance de son V10 pour semer ses deux jeunes poursuivants dans les lignes droites.
57e: Mansell conclut son meilleur tour de l'après-midi (1'33''948'''). Prost tient bon face à Gugelmin. Nannini rattrape Warwick bien qu'il ait perdu un tirant d'aileron. La Benetton devient très instable.
58e: Mansell est premier devant Prost (10.7s.), Gugelmin (11.6s.), Herbert (12.6s.), Warwick (22.3s.) et Nannini (23s.). De Cesaris tombe en panne sèche à quatre tours du but, suite à un souci d'alimentation sur sa Dallara. Danner renonce aussi pour de bon, transmission cassée.
60e: Gugelmin garde le contact avec Prost mais celui-ci s'est assuré une seconde de marge qui lui suffit pour garder la seconde place.
61ème et dernier tout: Nigel Mansell remporte son premier Grand Prix pour le compte de Ferrari ! Prost termine deuxième avec des pneus complétement détruits. Gugelmin monte sur le premier podium de sa jeune carrière et sauve ainsi l'honneur du Brésil. Herbert finit quatrième dès son premier Grand Prix, et ce malgré une condition physique précaire. Warwick et Nannini inscrivent les derniers points. Palmer, Nakajima, Grouillard, Alboreto, Senna et Alliot rallient aussi l'arrivée.
Après la course: Ferrari les met en boîte !
Les responsables de Ferrari sont autant ravis que surpris par cette victoire. En effet, jamais la 640 n'avait jusqu'alors parcouru la distance d'un Grand Prix ! « Nous revenons quand même de loin, John ! » glisse furtivement Cesare Fiorio à John Barnard. Ce dernier sourit. Il tient une revanche éclatante sur tous ses détracteurs. « Victoire facile », commente Nigel Mansell, « surtout après les tonnes d'ennuis que nous avons connus lors des essais. Même lors du warm-up nos boîtes se sont bloquées ! » Tout n'est cependant pas parfait loin de là. Ainsi le moustachu n'a jamais su où en était sa consommation car son tableau de bord est resté éteint du début à la fin !
En tout cas, la victoire de Ferrari offre une lueur d'espoir à tous ceux qui se lassaient de la domination des McLaren-Honda. Mais qu'on ne s'y trompe pas: si Alain Prost avait gardé son embrayage, il serait resté devant Mansell. Mieux encore, malgré son accrochage, Ayrton Senna ne finit qu'à deux tours du vainqueur. Ce qui signifie que son rythme lui a permis de reprendre une boucle complète à Mansell, et sans changer de pneus ! Pour l'heure, la collision du départ lui reste sur l'estomac. « J'aurais aimé fêter les 26 ans de Xuxa en lui dédiant ma victoire » se borne à déclarer le froid amoureux. « J'aurais dû me souvenir qu'Ayrton ne laisse jamais un millimètre au départ ! » répond un Gerhard Berger grinçant.
On se congratule aussi chez Williams et chez Renault. Certes Boutsen et Patrese n'ont pas rallié l'arrivée. Mais les performances de la FW12C et du nouveau V10 français sont impressionnantes. « Après l'énorme travail effectué cet hiver, je savais que nous serions performants, mais je ne m'attendais pas à être aussi bien placé », admet Patrese. « Il me reste maintenant à rallier l'arrivée ! » conclut-t-il avec un large sourire. Après des années de galère, l'Italien voit enfin poindre le bout du tunnel. Ses ambitions se réveillent. Sa dernière victoire remonte à 1983...
Pendant ce temps-là, les Brésiliens célèbrent leur nouvel héros, Maurício Gugelmin, proclamé « Salavador da Patria » par les habitants de Curitiba, sa ville natale. Senna vient chaleureusement féliciter son meilleur ami. L'autre jeunot qui a régalé les spectateurs est Johnny Herbert, quatrième malgré ses jambes encore très douloureuses. Ce blondinet de 25 ans a le triomphe modeste. « Fatigué ? Un peu, maintenant que c'est fini. Dans la voiture, on n'a pas le temps de s'en rendre compte. »
Bref: une Scuderia Ferrari renaissante, un Prost et un Senna avides de revanche, un moteur Renault au top, des jeunes loups incisifs, la saison 1989 commence bien !
Tony