Nelson PIQUET
 N.PIQUET
Williams Honda
Alain PROST
 A.PROST
McLaren TAG Porsche
Stefan JOHANSSON
 S.JOHANSSON
McLaren TAG Porsche

437th Grand Prix

XVI Grande Premio do Brasil
Sunny
Jacarepagua
Sunday, 12 April 1987
61 laps x 5.031 km - 306.891 km
Affiche
F1
Coupe

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Driver
Constructor
Engine

Turbos bridés, retour des moteurs aspirés

Jean-Marie Balestre est parvenu à imposer au forceps le bannissement progressif de la suralimentation en Formule 1. En 1987 et 1988, deux types de motorisation cohabiteront en attendant le retour définitif à la propulsion atmosphérique en 1989.

Afin de limiter l'escalade des puissances, les moteurs turbo sont désormais obligatoirement munis d'une soupape de décharge calibrée de façon à s'ouvrir si une pression de quatre bars est dépassée. L'objectif est de réduire la puissance des moteurs dans une fourchette de 900 à 950 chevaux. Ces soupapes dites « pop-off valves » sont construites par la firme américaine Qued qui équipe déjà les voitures du CART. Elles seront fournies et entretenues par la FISA. Leur allocation s'effectue par tirage au sort.

 

En parallèle, la fédération permet l'emploi de moteurs aspirés d'une capacité de 3,5 litres. Le poids minimal de cette catégorie descend de 540 à 500 kilos. En outre, la FISA crée pour celle-ci une « seconde division ». Les pilotes concourront pour le « Trophée Jim Clark » et les constructeurs pour le « Trophée Colin Chapman », selon le même barème que pour le championnat du monde. Ford-Cosworth est l'unique fournisseur de cette catégorie et a pour cela remis au goût du jour son vieux V8, désormais baptisé DFZ. Il offre 575 chevaux à 11 5000 tours/minute, ce qui est évidemment très inférieur à la cavalerie des turbos.

 

L'Accord Concorde II: Bernie tout-puissant

L'hiver 86-87 est marqué par une pénible pantomime. Jean-Marie Balestre, las des attaques dont sa politique en F1 et surtout en rallye fait l'objet, démissionne en décembre avec fracas de la présidence de la FISA, poste qu'il récupère quelques semaines plus tard puisque personne ne désire l'occuper à sa place...

 

Plus sérieusement, Balestre négocie avec Bernie Ecclestone l'« Accord Concorde II », ratifié le 20 mars 1987 par les présidents de la FISA et de la FOCA et par Enzo Ferrari. C'est une nouvelle étape dans l'ascension d'Ecclestone. A 56 ans, le patron de Brabham assume depuis 1981 l'exploitation commerciale de la Formule 1 et a amassé en quelques années des dizaines de millions de dollars. Mais il estime que l'association des constructeurs n'est plus une base viable pour sa fructueuse entreprise. Officiellement, il n'est en effet rien d'autre que le syndic de ses pairs. C'est pourquoi, sur les conseils de Max Mosley, il crée début 1987 la Formula One Promotions and Administration (FOPA), un organisme agréé par la FISA pour la promotion et le management des Grands Prix. Tout en restant le patron de la FOCA, Ecclestone retire donc aux constructeurs tout droit de regard sur ses activités commerciales. Selon le nouvel Accord Concorde, la FOPA empoche 23% des revenus des droits télés, 30% revenant à la FISA (contre 10% autrefois) et 47% aux écuries. Celles-ci, hormis Ferrari, ont été tenues à l'écart des négociations et sont donc placées devant le fait accompli.

 

En outre, Ecclestone est nommé vice-président de la FIA en charge de la promotion de tous les championnats de la fédération. Celui que les journalistes britanniques surnomment le « Supremo » est désormais libre de sévir dans d'autres disciplines. Par ailleurs, Balestre officialise l'existence d'un « bureau permanent » de la Commission F1 de la FISA, qui est en fait le triumvirat comprenant lui-même, Ecclestone et Marco Piccinini. Cet organe est chargé de résoudre les affaires politiques « les plus urgentes ». Là encore, les ténors de la FOCA se retrouvent mis à l'écart, et si cela ne contrarie pas trop les ecclestoniens Peter Warr et Frank Williams, Ron Dennis est très mécontent. Enfin, Max Mosley prend la présidence de la commission des constructeurs de la FISA, ce qui permet donc à la FOCA de pratiquer encore un peu plus l'entrisme au sein des instances fédérales.

 

Présentation de la saison

Catégorie turbo

Championne du monde des constructeurs en 1986 avec neuf victoires en seize courses, Williams-Honda entame bien entendu cette nouvelle année avec le statut de grandissime favorite. Mais la finale manquée d'Adélaïde et la défaite au championnat des conducteurs restent en travers de la gorge de Frank Williams. Pour cette saison, Nelson Piquet et Nigel Mansell sont sommés de ne plus se disputer et de collaborer. Un beau vœu pieux... Durant l'hiver, Piquet déclare ainsi que Williams a perdu le titre en 1986 parce qu'elle ne lui a pas donné la priorité durant l'année, à lui, le pilote n°1...

Patrick Head a conçu une version B de la splendide FW11 qui se distingue principalement par un circuit de refroidissement plus volumineux. Une « suspension active », évolution du dispositif Citroën, a été testée en essais privés mais n'est pas présente à Rio. Honda introduit la version « G » de son V6 turbo, avec une bobine par bougie, selon le système introduit par Renault l'an passé. Les ingénieurs nippons gardent le secret sur les innovations internes. Une chose est sûre: malgré la bride, ce V6 est encore plus puissant qu'en 1986 !

 

John Barnard parti chez Ferrari, c'est Steve Nichols qui a dessiné la nouvelle McLaren MP3 qui se distingue surtout de la MP4/2 par ses conduits de refroidissement placés sur les côtés des pontons, et non plus au-dessus. Les lignes sont abaissées et la position de conduite quelque peu rallongée. Le moteur TAG-Porsche a été largement remanié et supporte désormais une plus forte pression de suralimentation. L'objectif est bien évidemment de conduire Alain Prost à un troisième titre mondial. Son nouvel équipier est Stefan Johansson, laissé libre par Ferrari. Le Suédois arrive avec une réputation de pilote rapide et solide, mais il ne peut pas prétendre être traité sur le même pied que Prost. On attend qu'il soit un bon lieutenant. Enfin, Ron Dennis a engagé Gordon Murray pour assister Nichols et plancher sur le programme 1988.

 

Changement de sponsor chez Lotus: exit JPS, bienvenue à Camel, filiale du groupe RJ Reynolds. Les voitures de Ketteringham Hall sont repeintes en jaune bouton d'or. La grande nouveauté est cependant l'arrivée du V6 Honda que Gérard Ducarouge parvient sans trop de mal à intégrer à sa 99T. Toutefois le bloc japonais engendre de terribles vibrations et les attaches devront être renforcées. La 99T est une évolution de sa devancière. Sa principale innovation est la suspension « active » imaginée par l'ingénieur Dave Williams et adaptée par Peter Wright. Des senseurs fixés sur les triangles des suspensions enregistrent les informations concernant le revêtement et les transmettent à un ordinateur situé sous le siège du pilote. Celui-ci actionne alors une pompe hydraulique qui comprime chaque ressort des quatre roues. L'objectif est d'obtenir une garde au sol minimale et constante, donc plus d'effet de sol, et de traîner un aileron plus petit. Évidemment, un système si ambitieux donne bien du fil à retordre aux hommes de Ducarouge.

Ayrton Senna espère remporter le titre de champion du monde au volant de cette prometteuse Lotus-Honda. Son nouvel équipier est Satoru Nakajima, Japonais de 34 ans imposé par Honda dont il est le pilote d'essais depuis plusieurs années.

 

Ferrari écrit un nouveau chapitre de son histoire avec l'arrivée à la direction technique de John Barnard. Toutefois, celui-ci n'a pu prendre part à la conception de la nouvelle F1.87, dessinée par Gustav Brunner. Cette voiture n'a rien à voir avec sa devancière et se présente comme un mixte de la McLaren MP4/2C et de la Williams FW11. La section centrale et le capot épousent étroitement le moteur (comme sur la Williams) tandis que la carrosserie arrière, les ailerons et le carénage de la boîte sont d'inspiration McLaren. Les sorties d'air latérales ont été « empruntées » à Patrick Head. Une boîte de vitesses longitudinale remplace l'originale boite latérale. Le moteur V6 à 90° (contre 120° naguère), œuvre de Jean-Jacques His, est entièrement nouveau, avec un bloc en fonte plus petit et plus léger. Côté pilotes, Michele Alboreto cohabite dorénavant avec l'Autrichien Gerhard Berger, grande révélation de la saison 1986.

 

Fin 1986, Benetton conclut un partenariat de longue durée avec Ford et se charge d'accompagner le développement du V6 turbo de la firme américaine. Le changement est radical pour les hommes de Rory Byrne, habitués depuis des années à travailler autour de quatre cylindres dissymétriques. La 187 s'adapte donc au petit moteur Ford, et tous les organes externes au bloc sont déplacés, des radiateurs aux échangeurs. Le profil arrière du bolide s'en trouve très abaissé. A noter qu'avec le TAG-Porsche, le V6 Ford est le seul moteur à utiliser deux « pop-off valves ». Teo Fabi est désormais associé au talentueux Thierry Boutsen. Les essais d'avant-saison ont été brillants, et l'écurie italo-anglaise espère obtenir quelques victoires cette saison.

 

Après une saison 1986 calamiteuse, Arrows a frôlé la faillite avant de recevoir le soutien financier de la compagnie américaine d'assurance USF&G. Le nouvel ingénieur en chef Ross Brawn dessine une A10 plate et élégante propulsée par le quatre cylindres BMW vertical, préparé par Heini Mader et baptisé Megatron, du nom d'une filiale d'USF&G. Jackie Oliver a recruté un solide duo de pilotes composé de Derek Warwick et d'Eddie Cheever, qui se connaissent très bien pour avoir piloté ensemble l'an passé pour Jaguar en Endurance. Arrows paraît donc repartir sur des bases saines et envisage d'inscrire quelques points.

 

La saison 87 commence sans enthousiasme à Chessington: Gordon Murray a quitté le navire fin 86 et Bernie Ecclestone parle de plus en plus de mettre en vente l'écurie. Sergio Rinland et David North se chargent de transformer la Brabham BT55 en BT56, plus courte et plus effilée grâce au replacement en hauteur du réservoir et à une nouvelle boîte de vitesses à six rapports conçue par John Baldwin. Les suspensions à tirant ressemblent beaucoup à celles de la BT49. Pour des raisons politiques, Brabham doit encore utiliser un quatre cylindres BMW couché, mais cette fois muni d'une injection électronique. Riccardo Patrese conserve son statut de premier pilote. Les sponsors ne se bousculant pas, Ecclestone est obligé de lui adjoindre Andrea de Cesaris, toujours soutenu par Marlboro.

 

Pour sa troisième année en Formule 1, le team allemand Zakspeed désire inscrire enfin un point. Il débute cependant la saison avec la monoplace de 1986 revue et corrigée, en attendant un nouveau modèle. Le quatre cylindres allemand utilise désormais une injection Bosch 100% électronique. Après trois saisons médiocres chez Tyrrell, Martin Brundle tente de donner un second souffle à sa carrière en rejoignant l'équipe d'Erich Zakowski. Son partenaire sera l'Allemand Christian Danner, laissé libre par Arrows.

 

Faute de moyens, c'est avec des ambitions très modestes que Minardi-Motori Moderni aborde sa troisième saison. La nouvelle M187 est une 186 plus légère dont on a revu les suspensions et la boîte de vitesses. L'Italien Alessandro Nannini, auteur d'une première saison fort prometteuse, est désormais associé au jeune Espagnol Adrián Campos, troisième du championnat d'Allemagne de F3 en 1985.

Même misère chez Osella qui utilise encore le châssis 86, mais avec un empattement réduit, une suspension arrière corrigée et un nouvel aérodynamisme. La FA1I est toujours mue par le vieux V8 Alfa Romeo à injection mécanique, beaucoup trop gourmand. C'est au jeune Alex Caffi que revient l'honneur de conduire ce bolide. A noter que Minardi et Osella sont les deux dernières équipes à utiliser des freins en fonte.

 

Catégorie atmosphériques

Ken Tyrrell est le premier heureux de l'abandon de la trop onéreuse suralimentation. Il a signé un contrat avec Ford-Cosworth pour la fourniture d'un V8 DFZ atmosphérique. « Uncle Ken » peut ainsi motiver ses troupes en leur donnant pour objectif de remporter le « Trophée Colin Chapman ». Brian Lisles a dessiné une DG016 assez volumineuse, munie d'une grosse bosse sur le dos: la prise d'air chargée d'aérer le moteur. L'injection électronique est signée Cosworth et l'entretien des V8 est confié à Brian Hart. Philippe Streiff conserve son baquet grâce au soutien d'Elf. Son coéquipier est Jonathan Palmer, choisi à la dernière minute en attendant qu'un autre pilote soit capable de compléter le budget du team.

 

March a remporté le championnat d'Europe de F3000 en 1985 et 1986 avec Christian Danner et Ivan Capelli. Ce retour de l'équipe de Bicester au plus haut niveau pousse son patron Ian Philipps à monter un troisième programme de Formule 1. Le projet est patronné par le groupe financier japonais Leyton House, propriété du businessman Akira Akagi. L'Italien Cesare Gariboldi sera le team manager. Gordon Coppuck préside à la conception de la future monoplace qui sera bâtie autour du Ford-Cosworth DFZ. Mais en attendant, il rafistole une Formule 3000 dotée d'un réservoir de 126 litres pour le voyage sud-américain. Ce modèle hybride est confié au jeune et brillant Capelli.

 

Après deux apparitions en Grands Prix fin 1986, la minuscule équipe AGS se lance pour de bon dans le grand bain. Le précédent modèle est retouché pour accueillir un V8 Ford-Cosworth préparé par Mader et prend le nom de JH22. Il se remarque surtout par sa prise d'air en forme de périscope. Le jeune Français Pascal Fabre, 26 ans, auteur de jolis résultats en F3000, est chargé de le conduire.

 

Gérard Larrousse et l'homme d'affaire Gérard Calmels se sont associés pour lancer leur propre écurie, Larrousse & Calmels. Un châssis a été commandé à Lola pour être confié à Philippe Alliot, mais il n'est pas prêt pour le Brésil. La troisième écurie française débutera en Europe.

 

Affaire Ligier - Alfa Romeo

L'écurie Ligier est absente de ce premier rendez-vous brésilien, et pour cause: elle n'a plus de moteurs ! Elle avait pourtant conclu un accord pour utiliser le nouveau quatre cylindres turbocompressé Alfa Romeo pendant trois années. Mais fin mars, après des essais plus que médiocres, René Arnoux s'est largement répandu dans la presse pour dénoncer la médiocrité de ce moteur et la faible qualité des services alfistes. La firme milanaise saute sur l'occasion pour dénoncer son contrat deux semaines avant l'ouverture du championnat !

 

En fait, le coup vient de Turin. Fiat a en effet racheté la marque au trèfle en 1986 et entend imposer une stricte « répartition des tâches » entre ses filiales impliquées dans la compétition automobile: la F1 pour Ferrari, le rallye pour Lancia, le Tourisme pour Alfa Romeo. Gianni Agnelli rejette donc tout engagement supplémentaire d'Alfa en F1 et projette son retrait définitif à court terme. Et le pauvre Guy Ligier doit en catastrophe dénicher un nouveau partenaire s'il ne veut pas fermer la boutique...

 

Le monopole de Goodyear

Le retrait de Pirelli laisse à Goodyear le monopole de la fourniture des gommes, une situation qui est loin de réjouir la firme d'Akron. L'heure est aux économies. Leo Mehl et Lee Gaug ont décidé de réduire drastiquement leur offre. Plus de pneus de qualifications, plus pneus ultra-tendres ! Chaque écurie sera limitée à une allocation de dix trains d'enveloppes par voiture pour le week-end, deux jeux seulement pouvant être utilisés lors de chacune des deux séances de qualifications. Toutefois, le circuit de Jacarepaguá et la chaleur brésilienne vont très certainement faire souffrir la gomme, et Goodyear accepte de relever son offre à douze trains de pneus pour cette épreuve seulement.

 

Super-licence et fronde des pilotes

La FISA crée un malaise en décidant au cours de l'hiver de faire payer leur super-licence aux pilotes. Le tarif de base sera de 5000 francs auxquels s'ajouteront 1000 F par point inscrit lors de la saison précédente. Alain Prost doit ainsi par exemple payer sa licence pour 1987 80 000 F. Les pilotes sont très mécontents de cette échelle mobile et de la façon autoritaire avec laquelle le président Balestre a imposé cette mesure. La fronde prend de telles proportions qu'une fois arrivés à Rio de Janeiro, les intéressés ressuscitent le défunt GPDA et menacent de boycotter le premier Grand Prix de la saison. On assiste à une répétition de la crise de 1982. Alain Prost s'improvise chef de la révolte: « Nous refusons catégoriquement cette taxation au point, assène-t-il. C'est un nouvel impôt levé pour les besoins de la FISA. Dès lors tout sera possible. Elle pourra augmenter son pourcentage au gré des années, contrôler les transferts, les salaires des pilotes etc. »

 

Soutenu par ses pairs, Prost négocie avec le secrétaire-général de la FISA Yvon Léon, puis avec le président Balestre, absent mais joint par téléphone. Le champion français ne se bat pas uniquement pour éviter une ponction qu'il estime injuste, mais aussi afin de redonner aux pilotes un poids politique qu'ils ont perdu depuis de nombreuses années: « La F1 tourne actuellement autour d'Ecclestone, de Balestre et de Piccinini, relève-t-il justement. Trois personnes qui, à tout moment, peuvent tout changer. Ce n'est pas logique ! » Cependant, les coureurs sont isolés et ne reçoivent aucun soutien extérieur. Bernie Ecclestone appuie entièrement Balestre et affirme même qu'en tant qu'organisateur, il est prêt à annuler le GP du Brésil si cela permet à la F1 de se débarrasser de certaines fortes têtes ! « Nous engagerions d'autres pilotes... dit-il avec aplomb. Et dans trois mois, qui se souviendrait d'Alain Prost ? [...] Les pilotes ne sont pas prêts à payer les outils de leur profession. Ils veulent tout recevoir et rien donner ! »

 

Finalement, la situation se débloque jeudi soir. Par la voix d'Yvon Léon, la FISA annonce qu'elle accepte d'indexer le montant de la super-licence selon le montant de l'inflation en vigueur au sein de la CEE, et que d'autres modalités pourront être négociées en Europe entre Balestre et Prost, désigné président du nouveau GPDA. Le Grand Prix du Brésil est sauvé. D'aucuns trouvent cependant que Prost a capitulé sans avoir obtenu de sérieuses garanties. « Vous vous êtes faits b***** ! » lui lance un célèbre journaliste français.

 

La Popov fait des siennes

Le fonctionnement des « pop-off valves » imposées par la fédération pose bien du souci aux ingénieurs. Le procédé paraît simple sur le papier: lorsque la surpression présente dans le ou les collecteurs d'admission atteint 4 bars, un double ressort est comprimé, la soupape s'ouvre et le surcroît de pression est rejeté vers l'extérieur par une lumière.

 

Mais en réalité, la « pop-off » agit de manière très aléatoire, et laisse une certaine marge de manœuvre aux motoristes. Ainsi, chez Williams, Honda monte de gros turbos pour pousser la pression si haut que les soupapes ne peuvent plus débiter suffisamment pour la réguler. D'autres sont en revanche complètement perdus. Chez Benetton, Thierry Boutsen se plaint d'achever ses essais avec une pression de 3,3 bars ! « C'est dingue ! La perte de puissance frôle les 200 chevaux, et ma vitesse de pointe est à peine supérieure à celle des atmosphériques ! rapporte le Belge. Cette soupape n'est pas fiable pour l'instant. » Responsable du stock, l'ingénieur de la FISA Gabriele Cadringher réplique que les écuries ne savent tout simplement pas se servir du fameux objet ! Cependant, tous les teams ne sont pas logés à la même enseigne. Ainsi, McLaren ne rencontre aucun problème car le V6 TAG-Porsche fonctionne avec une faible pression de 3,4 bars. En définitive, Honda, Ferrari, Ford et BMW décident de fixer leur pression à 4,2 bars et comptent sur la pop-off valve pour ensuite réguler le système à 4 bars.

 

Les qualifications

Les Williams-Honda surclassent la concurrence lors de ces premiers essais. Mansell réalise la pole position devant Piquet, mortifié d'être ainsi vaincu à domicile par son rival. Le chrono de l'Anglais (1'26''128'''), obtenu sans pneus de qualifications et sans forte pression de turbo, ne rend que six dixièmes à la pole réalisée par Senna en 1986. La suspension active de Lotus donne satisfaction, à voir l'élégante façon dont la 99T négocie les bosses qui parsèment le circuit. Senna (troisième) concède toutefois plus de deux secondes à Mansell. Nakajima (12ème) est ralenti par une panne de son système informatique. Chez McLaren, Prost (5ème) et Johansson (10ème) s'accoutument à leur nouveau châssis et travaillent surtout pour la course. Les Benetton-Ford se sont montré les plus rapides lors des essais privés, mais des problèmes de soupape de régulation les empêchent de rééditer leur exploit. Fabi (4ème) et Boutsen (6ème) sont tout de même bien qualifiés. Les Ferrari (Berger 7ème, Alboreto 9ème) font bonne figure mais leur moteur nécessite un usage permanent de la pression maximale. Les nouvelles Arrows sont tout de suite dans le coup: Warwick obtient une très belle huitième place. Cheever, seulement quatorzième, a rencontré beaucoup de problèmes de fiabilité.

 

Privé de grand sponsor, Brabham n'est désormais plus qu'une écurie de milieu de grille. Les nouvelles BT56 (Patrese 11ème, de Cesaris 13ème) paraissent bien poussives. Les Minardi (Nannini 15ème, Campos 16ème) enregistrent des progrès significatifs. Grosse désillusion en revanche pour les Zakspeed (Danner 17ème, Brundle 19ème) qui côtoient les Tyrrell aspirées (Palmer 18ème, Streiff 20ème). Caffi sur Osella, Fabre sur AGS et Capelli sur March ferment la marche.

 

Comme attendu, les écarts entre moteurs turbo et aspirés sont énormes. Dix secondes séparent ainsi le chrono de Piquet de celui de Palmer, le meilleur des « atmos ».

 

Senna semble dépité par le gouffre qui le sépare des Williams. Prost lui ne s'affole pas et attribue l'écart de performance avec les Williams à la soupape de décharge que Honda utiliserait à la limite de la rupture du moteur. De plus, il mise sur une consommation excessive de leurs pneumatiques par Mansell et Piquet, obnubilés par le besoin impératif de finir l'un devant l'autre, omettant les conséquences possibles de ne plus avoir de trains de pneus neufs disponibles pour la course...

 

Le Grand Prix

Le premier Grand Prix de la saison se déroule sous une forte chaleur. Prost est le plus rapide lors du warm-up et démontre que la McLaren est bien armée pour affronter ces conditions très délicates pour la tenue des pneumatiques. Capelli brise le seul V8 dont disposait le team March qui est donc contraint de déclarer forfait. A quelques minutes du départ, Boutsen a la très mauvaise surprise de voir sa voiture prendre feu, la faute à une surchauffe qui nécessite l'utilisation d'extincteurs pour maîtriser l'incendie.

 

Tour de formation: Rendu fébrile par ce premier départ en F1, Campos quitte son habitacle peu avant le lancement de la boucle de reconnaissance... car il a oublié ses boules Quiès au stand ! Lorsqu'il remonte dans sa Minardi, les autres concurrents se sont déjà élancés et il les rattrape en zigzagant, ce qui est bien sûr interdit.

 

Départ: Mansell s'arrache comme un diable de sa position, mais ayant mal situé le régime de son moteur surpuissant, il ne parvient pas à enfiler la seconde correctement. Piquet et Senna le passent en trombe, ainsi que par les deux Benetton. Prost entame le premier virage en sixième position derrière Berger.

 

1er tour: Piquet mène devant Senna, Fabi, Boutsen, Mansell, Prost, Berger, Alboreto, Patrese et Johansson. Campos reçoit le drapeau noir pour ne pas avoir respecté la procédure de départ.

 

2e: Piquet prend une seconde et demie d'avance sur Senna. Mansell déborde Boutsen dans la ligne droite de Juncao.

 

3e: Mansell double Fabi et Prost dépasse Boutsen. Mais les pilotes constatent que, comme chaque année, les spectateurs brésiliens ont jeté sur la piste beaucoup de papiers qui s'accrochent aux radiateurs des monoplaces...

 

4e: Piquet a trois secondes d'avance sur Senna, rattrapé par Mansell. Johansson et Warwick se battent pour la dixième place. Campos s'arrête dans l'allée des stands pour obéir à sa disqualification.

 

5e: Piquet est en tête devant Senna (2.7s.), Mansell (3.3s.), Fabi (5.1s.), Prost (6.2s.), Boutsen (9.1s.), Berger (10s.) et Alboreto (10.6s.).

 

6e: Johansson prend la neuvième position à Patrese.

 

7e: Les flancs de la Williams de Piquet sont obstrués par des débris. Sa température d'eau augmente et atteint 120 °C !

 

8e: Piquet rentre aux stands pour changer de pneus et faire nettoyer ses radiateurs. Il repart après douze secondes d'immobilisation en douzième position. Senna est le nouveau leader. Prost prend l'avantage sur Fabi.

 

9e: Mansell est lancé aux trousses de Senna qui reçoit le plein soutien d'un public exalté. Prost se rapproche des deux leaders. Fabi regagne les stands pendant que Piquet rattrape facilement les deux Arrows qu'il doublera au tour suivant.

 

10e: Senna mène devant Mansell (1s.), Prost (1.6s.), Boutsen (7s.), Berger (10s.), Alboreto (12s.), Johansson (13s.), Patrese (23s.), Piquet (24s.), Warwick (25s.), Cheever (25.5s.) et Nannini (37s.). Fabi renonce suite à une surchauffe de son moteur Ford.

 

11e: Prost se rapproche de Mansell et le dépasse avant la courbe Sul.

 

12e: Comme Piquet, Mansell craint une surchauffe car des détritus se sont coincés dans ses entrées d'air. L'écurie Williams a négligé de grillager celles-ci. L'Anglais s'arrête à son stand, fait nettoyer ses pontons et redémarre avec des Goodyear neufs en neuvième position. Alboreto et Patrese observent aussi des changements de gommes.

 

13e: Mécontent de sa tenue de route, Senna se retrouve sous la menace de Prost. Le Pauliste choisit de s'arrêter chez Lotus en fin de boucle pour mettre des pneus neufs (12.4s.). Comme le laissait craindre la chaleur et le revêtement abrasif, la gomme se dégrade rapidement.

 

14e: Prost est désormais en tête devant Boutsen (5.2s.) et Berger (8.5s.). A onze secondes, Piquet prend la quatrième place à Johansson. Mansell est sixième. Senna a retrouvé le circuit en huitième position, entre les Arrows de Warwick et de Cheever. Danner change de gommes.

 

15e: Piquet remonte comme une fusée et efface Berger. Johansson s'arrête chez McLaren pour mettre ds enveloppes neuves.

 

16e: Piquet fond sur la Benetton de Boutsen. Senna dépasse Warwick. Brundle renonce sur panne de turbo.

 

17e: Prost s'engouffre dans l'allée des stands pour changer ses pneus (10.4s.). Il fait une excellente opération en repartant devant Senna. Boutsen se retrouve au commandement, mais pour quelques secondes seulement puisque Piquet le déborde à Juncao. Revoici le Carioca en tête. Warwick et Nakajima chaussent des pneus frais.

 

18e: Piquet est premier devant Boutsen (1.7s.), Mansell (4.3s.), Prost (11.9s.) et Senna (13.4s.). Berger et Cheever changent leurs pneus. Dans l'enchaînement entre les virages Kartodromo et Nonato, Nannini perd sa roue arrière-droite après avoir cassé un moyeu. La Minardi traverse la piste en toupie avant de s'immobiliser dans le gazon. Le jeune Italien peut être heureux de n'avoir rien heurté.

 

20e: Boutsen observe son premier changement de roues. Piquet devance Mansell (5s.), Prost (6s.), Senna (10s.), Johansson (22s.), Berger (32s.), Patrese (38s.), Alboreto (39s.), Boutsen (42s.) et Cheever (58s.).

 

21e: Piquet entre pour la seconde fois au stand Williams, à nouveau pour mettre des pneus neufs... alors que nous sommes encore loin de la m-course ! L'arrêt dure onze secondes. Mansell est en tête mais Prost se trouve sur ses talons. Exactement comme dix tours plus tôt, le Français dépasse l'Anglais avant Sul. Warwick effectue un surrégime et casse une soupape. Sa course est finie. Indisposé par la chaleur, Caffi est au bord de la déshydratation et préfère renoncer.

 

22e: Prost s'installe au commandement mais adopte un rythme prudent pour ménager ses pneus et effectuer un arrêt de moins que Senna et les Williams. Streiff est chez Tyrrell pour effectuer son seul remplacement de gommes. De Cesaris renonce suite à une rupture de différentiel.

 

23e: Second changement de pneus pour Mansell en huit secondes. Il redémarre en cinquième position. Piquet est revenu dans les échappements de Johansson.

 

24e: Prost est premier devant Senna (7.5s.), Johansson (15.8s.), Piquet (16.5s.), Mansell (30.2s.), Berger (31.8s.) et Patrese (40s.).

 

26e: Johansson et Piquet prennent un tour à Nakajima. Le Brésilien tente de profiter de cette péripétie pour faire l'intérieur au Suédois dans la courbe Sul, mais ce dernier lui claque la porte au nez. Palmer et Fabre changent de pneus

 

27e: Prost accroît son avance: quinze secondes le séparent désormais de Senna.

 

28e: Senna s'arrête aux stands pour prendre un troisième jeu de pneus (9.4s.) et se trouve cinquième. Boutsen est victime d'une crevaison à l'arrière-droit à l'entame de ce tour. Fort heureusement, il conserve le contrôle de sa machine, boucle le parcours sur trois roues et regagne son stand pour changer ses pneus.

 

29e: Johansson oppose toujours une farouche résistance à Piquet qui perd ainsi un temps précieux... et abîme ses pneus.

 

30e: Prost est en tête devant Johansson (23s.), Piquet (23.6s.), Mansell (43s.), Senna (44.3s.) et Berger (51.1s.). Suivent Patrese, Alboreto, Cheever et Boutsen.

 

31e: Senna s'empare de la quatrième place aux dépens de Mansell. Deuxième changement de Goodyear pour Alboreto.

 

33e: Piquet demeure dans le sillage de Johansson mais se montre prudent car sa température d'eau augmente encore. Son collègue Mansell souffre du même mal. Cheever prend la septième place à Patrese.

 

35e: Johansson arrive aux stands pour son deuxième arrêt et redémarre en cinquième position. Arrêts pneus pour Patrese et Nakajima.

 

36e: Prost a trente-et-une secondes d'avance sur Piquet. Celui-ci frôle la catastrophe dans la dernière courbe lorsqu'il se frotte à l'AGS de Fabre le néophyte, sans conséquence heureusement. Deuxième changement de pneus pour Berger.

 

37e: Johansson dépasse Mansell qui tente de préserver ses pneus. Second arrêt de Danner.

 

38e: Prost observe son second et dernier changement de gommes en dix secondes. Il retrouve le circuit sans avoir cédé le commandement. La messe est dite.

 

39e: Piquet effectue un troisième remplacement de pneus en onze secondes et chute au quatrième rang. Arrêt de Cheever.

 

40e: Prost précède Senna (23.6s.), Johansson (32.7s.), Piquet (37.4s.), Mansell (47.5s.), Berger (1m. 08s.), Alboreto (1m. 13s.), Patrese (1m. 34s.), Boutsen (1m. 35s.) et Cheever (-1t.).

 

42e: Piquet signe le meilleur tour de la course (1'33''861''') et remonte facilement sur Johansson.

 

44e: Senna est contraint à un troisième changement de pneus (12.2s.) et repart en quatrième position. Piquet déborde Johansson et se retrouve au deuxième rang.

 

45e: Le pneu arrière-gauche de Mansell se dégonfle, et le Britannique couvre toute une boucle avant de rejoindre pour la troisième fois son garage. Muni d'un train de gommes neuves, il reprend sa route en neuvième position.

 

46e: Troisième arrêt de Boutsen. Cheever rencontre un souci de sélecteur de vitesses et regagne son stand pour réparer. Il repartira cinq minutes plus tard. Rappelé par la Scuderia pour passer un nouveau jeu de pneus, Alboreto ignore cet ordre et continue.

 

47e: Prost domine devant Piquet (29s.), Johansson (31.1s.), Senna (48s.), Berger (1m. 24s.), Alboreto (1m. 32s.), Patrese (-1t.) et Boutsen (-1t.).

 

49e: Prost a 31 secondes de marge sur Piquet. Berger change pour la troisième fois ses enveloppes et cède la cinquième place à Alboreto. Suite à un court-circuit sur la Brabham, Patrese tombe en panne de batterie et abandonne devant les stands.

 

51e: Un tube plongeur s'est détaché du réservoir d'huile de la Lotus de Senna. Le Brésilien s'aperçoit que sa pression de lubrifiant tombe à zéro, et préfère abandonner avant de casser son moteur. Le public manifeste bruyamment son désarroi.

 

54e: Prost poursuit tranquillement sa route en ménageant ses pneus. Il précède Piquet (33s.), Johansson (38s.), Alboreto (-1t.), Berger (-1t.), Boutsen (-1t.), Mansell (-1t.) et Nakajima (-1t.). Cheever abandonne car son moteur a surchauffé au cours de sa longue immobilisation.

 

55e: Malgré un moteur poussif, Berger rattrape facilement son équipier Alboreto qui roule avec des pneus usés. En outre, les dérives placées sous les extracteurs de la Ferrari du Milanais se désagrègent et frottent l'asphalte en projetant des étincelles.

 

56e: Prost compte trente-cinq secondes d'avance sur Piquet. Johansson diminue son rythme pour s'assurer la troisième place.

 

58e: Prost se retrouve entre les Ferrari d'Alboreto et de Berger. « Albo » semble avoir débranché son cerveau puisque lorsque le Français tente de le déborder dans la derniere courbe, il le tasse sans ménagement. Prudent, Prost choisit de lever le pied, ouvre la voie à Berger et laisse les deux Ferraristes s'expliquer.

 

59e: Alboreto verrouille toutes les portes et change plusieurs fois de trajectoire pour repousser les assauts de Berger. Mans dans la ligne droite de Juncao, le soubassement de la Ferrari n°27 s'effondre, soulevant une nuée de flammèches. Berger double Alboreto sans coup férir.

 

60e: Alboreto part en tête-à-queue et atterrit dans le gazon. Il sort furieux de sa monoplace. Prost domine devant Piquet (38s.), Johansson (52s.), Berger (1m. 37s.), Boutsen (-1t.), Mansell (-1t.) et Nakajima (-2t.).

 

61ème et dernier tour: Alain Prost remporte son vingt-sixième Grand Prix devant Piquet et Johansson. Berger réussit ses débuts avec Ferrari en terminant quatrième. Boutsen finit cinquième au volant de la Benetton-Ford, tandis que Mansell se contente d'un point chanceux. Nakajima, Danner, Palmer, Streiff rallient aussi l'arrivée, de même que Fabre qui a tout de même concédé six tours avec son AGS. Palmer est le premier « vainqueur » de la catégorie des moteurs atmosphériques. Voilà de quoi contenter Ken Tyrrell...

 

Après le Grand Prix

Avant cette course, Alain Prost redoutait que le monopole de Goodyear ne soit favorable aux Williams qui ont plus d'appuis que les McLaren. Il n'en a rien été. « Durant le warm-up, nous avions choisi de mettre très peu d'appuis, explique-t-il, comme sur les circuits rapides. Idéal pour la vitesse de pointe, mais le risque de fusiller la gomme était réel. A moi de piloter en la préservant. J'ai réussi. » Et pour preuve que le Forézien a roulé sagement, son meilleur chrono est deux secondes plus lent que celui de Nelson Piquet ! En outre, avec cette 26ème victoire, il n'est plus qu'à une longueur de record détenu par Jackie Stewart.

 

Du côté de Williams, Piquet et Mansell se plaignent d'une température d'eau excessive qui les a astreints à la prudence. Les papiers qui obstruaient les radiateurs ne sont pas seuls en cause puisque Senna, avec le même moteur Honda mais des flancs impeccables, a constaté le même mal...

 

 

Trophée Jim Clark Trophée Colin Chapman
1. J. Palmer 9 pts 1. Tyrrell-Ford-Cosworth 15 pts
2. P. Streiff 6 pts 2. AGS-Ford-Cosworth 4 pts
3. P. Fabre 4 pts
Antoine / Tony