Philippe Gurdjian à la tête du Grand Prix de France
Fin 1984, les comptes du Castellet sont dans le rouge vif. Patrick Ricard, le fils du magnat des alcools, s'interroge sur l'opportunité de poursuivre une aventure si onéreuse. Dans l'ombre, Bernie Ecclestone compte ses dollars et guette sa décision. Le président de la FOCA aimerait acquérir le tracé varois. Ses ambitions sont légitimes: puisqu'il demande une énorme garantie d'un million de dollars et récolte les droits télévisés, il paraît être le meilleur repreneur possible.
Cependant Patrick Ricard sait toute l'importance qu'attache son père au circuit qui porte son nom. En outre, en tant que dirigeant du consortium Pernod-Ricard, il doit prouver qu'il est en mesure de rentabiliser ce magnifique complexe. Finalement, en février 1985, il contacte Philippe Gurdjian, directeur de l'agence de publicité Gemap et co-animateur avec Jean-Pierre Beltoise de la Noscar, l'officine qui gère le championnat de France de voitures de tourisme, et le charge de sauver le circuit du Castellet. Nommé promoteur du Grand Prix de France par Jean-Marie Balestre, Gurdjian lance une gigantesque campagne de travaux pour moderniser l'autodrome. Ricard investit cinq millions de francs dans un chantier pharaonique mobilisant plus de deux cents ouvriers. Le futur Grand Prix réclame deux millions de francs de frais de base, dont la moitié reviendra à la FOCA. Gurdjian table sur un succès populaire tout à fait envisageable grâce à la nouvelle date de l'événement (début juillet) et à la popularité des pilotes français. Il ouvre aussi un village V.I.P. et multiplie les contrats publicitaires en liaison avec le duo Ecclestone - McNally. Petits détails : le prix des billets est fortement majoré et un onéreux ticket de parking fait son apparition...
Georges Besse et l'avenir de Renault-Elf
Branle-bas de combat chez Renault-Elf : le nouveau patron de la Régie Georges Besse est en visite sur le circuit Paul-Ricard. L'avenir de l'équipe française est en jeu. Nommé en janvier par le gouvernement afin d'assainir les comptes du géant automobile, M. Besse agit avec pragmatisme. Ce qui est cher et inutile doit disparaître. Plusieurs journaux annoncent qu'il a déjà signé l'arrêt de mort de l'aventure en Formule 1. C'est aller trop vite en besogne. Certes, les partisans du retrait de Renault du sport automobile sont nombreux et haut placés. Selon le journaliste Renaud de Laborderie, les pressions proviennent directement du cabinet du Premier ministre Laurent Fabius. Mais si Renault Sport ne peut échapper à la vague d'économies qui déferle sur Boulogne-Billancourt, Besse envisage de sauver l'écurie de F1 en faisant appel à un sponsor de complément. Elf-Aquitaine paraît tout désigné pour cette fonction. Ainsi au Castellet, le président de la Régie a un entretien de près de deux heures avec François Guiter et d'autres responsables d'Elf. De son côté Patrick Tambay, bon pilote et businessman avisé, bat le rappel de tous ses commanditaires.
Mais la conjuration a des ramifications profondes. Au sein du conseil d'administration, plusieurs conseillers de Georges Besse lui portent le témoignage des concessionnaires, durement touchés par la crise, et qui ne comprennent pas pourquoi des millions de francs sont dépensés pour la Formule 1. Ces mêmes éminences grises, plus ou moins pilotées par Matignon, ont aussi beau jeu de pointer du doigt les piètres performances de Renault-Elf en 1985 : douze points inscrits en six courses, une voiture ratée, aucune victoire depuis 1983... Pourtant, le nouveau moteur EF15 est une réussite. Et les Lotus ont déjà gagné deux fois avec un bloc Renault... Mais le travail de sape avance bien. Et que penser de ce Gérard Toth, aussi incompétent qu'infatué, propulsé à la tête de Renault Sport ? Beaucoup s'interrogent sur le véritable sens de sa mission.
Afin de faire bonne figure devant les huiles, Renault apporte dans le Var une version B de la RE60 confiée à Tambay. Bernard Dudot, Jean-Marc d'Adda et Jean-Claude Migeot n'ont pas ménagé leurs efforts pour améliorer ce qui peut l'être. Cette voiture est presque entièrement nouvelle : suspensions, aérodynamisme, ailerons... Le museau est effilé, les pontons sont placés plus bas et le carter de la boîte permet d'adopter cinq ou six rapports selon les besoins. Surtout, la RE60B n'affiche plus que 540 kilos sur la balance, soit le poids minimal autorisé. L'ingénieur motoriste Jean-François Robin signale qu'elle ne peut accueillir que l'EF15, aussi une version « qualification » de ce moteur a-t-elle été conçue.
Présentation de l'épreuve
Le producteur Norbert Saada fait une jolie surprise à Alain Prost: des centaines de badges « Touche pas à mon Prost » ont été distribués dans le paddock et même parmi les spectateurs. Le jeune Français a besoin de se détendre : si les soucis de freinage et d'adhérence des Marlboro-McLaren ne sont pas prochainement résolus, il devra une nouvelle fois renoncer au titre mondial. Son principal adversaire est sans conteste Michele Alboreto dont le pilotage à la fois vif et précis fait merveille au volant d'une Ferrari rapide et fiable. Les Lotus-Renault paraissent moins dangereuses: redoutables aux essais, elles sont toujours moins performantes en course ou ralenties par des soucis techniques. En outre, Peter Warr ne peut élaborer une stratégie à long terme puisque si Ayrton Senna domine nettement Elio de Angelis, c'est cependant ce dernier qui est le mieux placé pour coiffer la couronne mondiale. Prost et Alboreto se méfient surtout des Williams-Honda. Sa victoire à Détroit a donné un coup de fouet au jeune papa Keke Rosberg qui compte bien profiter de l'incroyable puissance du moteur Honda pour s'imposer sur les prochaines pistes rapides.
Quant à Niki Lauda, avec seulement trois points inscrits en six épreuves, il a évidemment tiré un trait sur un quatrième titre mondial. Une incroyable malchance l'accable depuis le début de l'année. « Je n'en finis pas d'avoir des ennuis... Je ne vais pas m'illusionner longtemps sur mes résultats... » soupire-t-il. Dominé par Alain Prost, en froid avec Ron Dennis, l'Autrichien songe de plus en plus à prendre sa retraite.
La plupart des écuries ont effectués des tests intensifs à Silverstone avant de se présenter au Castellet. McLaren a découvert que les problèmes de moteur rencontrés en Amérique du Nord étaient provoqués par un carburant français défectueux. Désormais, le V6 TAG-Porsche est alimenté par de l'essence allemande. En outre, les suspensions avant de la MP4/2B adoptent une nouvelle géométrie afin de corriger le sous-virage. Chez Williams, les moteurs Honda comportent de nouveaux turbos et des échangeurs inédits. Pour la première fois, les Brabham-BMW sont munies de turbos Garrett, en lieu et place des KKK. Zakspeed apporte une nouvelle voiture à coque rigidifiée et affichant quelques kilos de moins. Le précédent modèle se transforme en mulet.
Ferrari a emmené quatre châssis, dont deux possèdent une suspension avant modifiée. Suite à des essais négatifs le vendredi, Alboreto et Johansson choisiront les modèles conventionnels. L'Alfa Romeo affiche douze kilos en moins après que son volumineux extracteur inférieur a été tronçonné. On commence à être à court d'idées du côté de la firme au trèfle... On remarque tout de même aussi quelques retouches aérodynamiques destinées à évacuer plus facilement l'air chaud. Stefan Johansson apparaît pâle et fébrile. Il se remet tout juste d'une... varicelle ! Ferrari a songé à le remplacer par son pilote d'essais, le jeune Anglais Johnny Dumfries, mais finalement le Suédois a répondu présent.
On découvre enfin la Tyrrell 014 à moteur turbo Renault EF14bis, présente en deux exemplaires. C'est une monoplace de facture classique, dérivant directement de la 012. Elle possède des conduits d'admission des turbos de type « schnorchel », analogues à ceux des Ferrari. Pour l'heure, seul Martin Brundle pilote cette Tyrrell-Renault. Stefan Bellof se contente de la 012 à moteur Cosworth.
Après un début de saison calamiteux, Pirelli présente un nouveau type de pneus avant. C'est une des dernières chances de salut pour l'équipe Brabham qui ne compte qu'un petit point au compteur après six courses.
Les qualifications
Les essais se déroulent sous une forte chaleur. Senna est le plus rapide le vendredi, mais le lendemain une panne de moteur le contraint d'abandonner la pole position à Rosberg. La Williams-Honda montre « qu'elle en a dans le ventre » et est désormais une prétende très sérieuse à la victoire. Senna se contente donc de la deuxième place. Son collègue de Angelis (7ème) n'est pas content car il a dû se qualifier avec le moteur EF15 à petits turbos. Alboreto se classe troisième mais concède huit dixièmes à Rosberg. Johansson (15ème) n'est pas parvenu à réaliser un tour convenable. Les Ferrari sont mal équilibrées et pas assez rapides dans la longue pleine charge. Grâce aux modifications apportées par John Barnard, les McLaren ont une bien meilleure adhérence, mais le V6 TAG-Porsche doit toujours être ménagé en qualifications. Prost est quatrième, Lauda sixième. L'Autrichien partage la troisième ligne avec Piquet. Le moteur BMW est le plus puissant du plateau avec le Honda et donne sa pleine mesure dans la ligne droite du Mistral (338 km/h pour Surer). Piquet est très heureux de ce retour au premier plan, d'autant plus que ses pneus Pirelli sont particulièrement à l'aise dans ces conditions météorologiques. Suite au forfait de Mansell, Berger récupère la huitième place avec l'Arrows-BMW. Victime de problèmes d'alimentation, Boutsen n'est que douzième.
Les Renault de Tambay et de Warwick occupent la cinquième ligne, sans avoir brillé à cause d'une pression de suralimentation fluctuante. En outre, Tambay est fiévreux et très incommodé par la chaleur. Les Ligier-Renault (de Cesaris 12ème, Laffite 14ème) ne profitent pas du regain de compétitivité des Pirelli. Elles encadrent la Brabham de Surer. Les Alfa Romeo (Patrese 16ème, Cheever 17ème) ont connu leur habituelle série de pannes diverses. Fabi est dix-huitième avec la Toleman. Le moteur Hart rencontre de graves problèmes de détonation, ce qui affecte particulièrement la peu fortunée écurie RAM (Winkelhock 19ème, Alliot 22ème). Brundle place la nouvelle Tyrrell-Renault au vingtième rang. Suivent Palmer (21ème), Ghinzani (23ème) et Martini (24ème). Bellof est dernier au volant de la seule machine à moteur atmosphérique en lice. Il concède douze secondes à Rosberg, quatre secondes et demie à son coéquipier Brundle !
Mansell le miraculé
Nigel Mansell est arrivé au Castellet avec le poignet droit bandé, séquelle de son accident de Détroit. Cela ne l'a pas empêché de se classer septième lors de la séance qualificative du vendredi. Samedi matin, au cours de la séance libre, sa Williams est lancée à 320 km/h dans la courbe de Signes lorsque son pneu arrière-droit se désintègre. En se déchiquetant, les lambeaux de caoutchouc brisent le train et l'aileron arrière de la Williams qui quitte la route et troue plusieurs rangées de grillages avant de s'écraser contre un poteau en plastique. Dans le choc, Mansell reçoit une roue sur son casque. L'accident est absolument effroyable. Le malheureux Anglais est extrait inconscient de son épave, mais fort heureusement, il n'est que sonné. Transféré à l'hôpital de Marseille, il s'en tire avec une sévère commotion cérébrale. Il doit évidemment déclarer forfait pour le Grand Prix.
Cet accident laisse ses collègues songeurs. La gigantesque bataille des essais, au cours de laquelle les moteurs frôlent voire dépassent les mille chevaux, est devenue extrêmement dangereuse. Les hommes, les mécaniques, les pneus sont poussés à la limite de leurs capacités d'endurance. En tout cas, cet accident justifie pleinement les mesures de sécurité drastiques édictées ces dernières années par le FISA.
Le Grand Prix
Ce dimanche 7 juillet 1985, la canicule enveloppe le Castellet. Malgré la concurrence des stations balnéaires, une foule grouillante se presse dans les tribunes. Philippe Gurdjian paraît avoir gagné son pari. Il annonce 50 000 spectateurs. « Je n'y crois pas ! » lance Bernie Ecclestone. En fait, l'affluence se chiffrerait à 30 000 personnes, ce qui est tout de même bien mieux qu'en 1983. Les investissements de Gurdjian et de Ricard sont rentabilisés.
Les épreuves annexes attirent un large public. En Production, Jean-Pierre Jarier s'impose au volant d'une Chevrolet. A 39 ans, « Godasse de Plomb » a fait une croix sur la Formule 1 mais a encore un joli coup de volant. La course de Formule 3 voit la victoire de Yannick Dalmas devant Pierre-Henri Raphanel et Frédéric Delavallade. C'est un triplé des machines de Tico Martini. Enfin en Formule Renault, les lauriers reviennent au Martégal Éric Bernard qui précède Érik Comas, Jean Alesi et Éric Bayol.
L'échauffement (c'est le cas de le dire) place les McLaren au premier rang, suivies de près par la Brabham de Piquet. Les pneus Pirelli confirment leur efficacité par temps chaud. Pourtant, Piquet ne déborde pas d'optimisme car il doit partir avec son mulet à cause d'un souci de boîte de vitesses. Rosberg se rabat aussi sur sa FW10 de réserve. Chez Goodyear, la sélection des enveloppes engendre bien des tergiversations. « Après trois tours, on est sur du verglas ! » s'alarme Alain Prost. Le choix se porte principalement sur un panachage de pneus A et B. Côté Pirelli, Piquet sélectionne les 05 durs, Surer les 03 tendres.
Départ: Senna prend un excellent envol mais Rosberg conserve toutefois l'avantage en s'engouffrant dans les S de la Verrerie. Prost manque son démarrage et se retrouve septième tandis que Piquet s'est hissé en troisième position.
1er tour: Rosberg mène devant Senna, Piquet, Alboreto, de Angelis, Lauda, Prost, de Cesaris, Berger et Warwick.
2e: Rosberg parvient à semer Senna dans la ligne droite du Mistral. Warwick prend la neuvième place à Berger.
3e: Un léger creux apparaît entre les trois hommes de tête et le peloton emmené par Alboreto. Laffite s'arrête dans le sable avec un turbo gauche en feu.
4e: Rosberg mène devant Senna (2s.), Piquet (2.2s.), Alboreto (4.1s.), de Angelis (4.4s.), Lauda (4.8s.), Prost (5.2s.) et de Cesaris (5.8s.). A dix secondes se trouve un troisième groupe dont Berger et Tambay sont à l'avant-garde.
5e: De Cesaris se gare devant les stands avec un demi-arbre cassé. Les deux Ligier sont déjà hors-course pour leur Grand Prix national. Quelques secondes plus tard le moteur d'Alboreto explose avant Signes: le leader du championnat n'ira pas plus loin.
6e: Rosberg compte deux secondes d'avance sur Senna. Piquet se montre dans les rétroviseurs de son compatriote à Signes. Plus loin, de Angelis subit la pression de Lauda et de Prost.
7e: Profitant de ses gommes Pirelli très performantes, Piquet est l'homme le plus rapide en piste. Il attaque et déborde Senna dans la ligne droite du Mistral. Palmer abandonne suite à une défaillance de son moteur Zakspeed.
8e: Senna peine à rester dans le sillage de Piquet. Le drapeau rayé jaune et rouge est agité à Signes pour signaler l'essence répandue par le moteur d'Alboreto.
9e: Piquet est revenu sur les talons de Rosberg. Lauda dépasse de Angelis. Tambay est huitième après avoir doublé Berger. Alliot revient à son garage pour abandonner, faute de pression d'essence.
10e: Senna rejoint les stands car sa boîte de vitesses est bloquée en troisième. Ses mécaniciens démontent son capot et essaient de dégripper la boîte. Rosberg mène devant Piquet (0.2s.), Lauda (5.4s.), de Angelis (7.6s.), Prost (8s.), Warwick (18.5s.) et Tambay (20.3s.). Boutsen prend la huitième place à Berger.
11e: Piquet surprend Rosberg par l'extérieur à Beausset. Le Finlandais tente de répliquer en prenant l'intérieur à Bendor mais sans résultat. Piquet est donc le nouveau leader. Plus loin, Prost dépasse de Angelis et Surer déborde Berger. Senna revient en course en dernière position.
13e: Piquet s'échappe et compte déjà trois secondes d'avance sur Rosberg. Celui-ci se retrouve maintenant sous la menace de Lauda. Johansson entre dans les dix premiers en doublant Berger. Changement de gommes pour Patrese.
14e: Rosberg manque d'adhérence dans la partie sinueuse, ce qui permet aux McLaren de se rapprocher. Surer est un des hommes les plus rapides en piste et prend la huitième place à Boutsen.
15e: Cinq secondes entre Piquet et Rosberg. Tambay double Warwick tandis que Surer revient sur les deux Renault.
16e: Dans la ligne droite de La Bretelle Rosberg et Lauda reviennent sur la Minardi de Martini. L'Italien laisse passer la Williams mais coupe la route à la McLaren qui s'engouffrait à l'intérieur. Lauda monte sur ses freins et escalade la bordure pour éviter de le percuter. Prost en profite pour revenir sur les talons de son équipier. Dans la ligne droite du Mistral, Martini s'efface devant Lauda mais pas devant Prost, qui doit faire un gros écart pour se débarrasser de lui. Warwick entre aux stands pour changer ses pneus.
17e: Rosberg, Lauda et Prost se tiennent en un mouchoir de poche. Warwick fait remplacer ses Goodyear A par des B.
19e: Surer prend la sixième place à Tambay qui est handicapé par un fort survirage.
20e: Piquet mène devant Rosberg (9.5s.), Lauda (10s.), Prost (10.6s.), de Angelis (17.3s.), Surer (33.1s.), Tambay (37.6s.), Boutsen (39.6s.), Johansson (43s.), Berger (45.7s.), Warwick (59.5s.), Brundle (1m. 10s.) et Fabi (1m. 11s.).
21e: A Beausset, Berger s'accroche avec Martini auquel il prenait un tour. Les deux voitures partent en toupie et atterrissent dans les filets de protection. Très fâché, Berger sort de son Arrows pour enguirlander l'inconséquent Martini.
22e: Onze secondes séparent Piquet de Rosberg.
24e: Lauda se montre à plusieurs reprises dans les rétroviseurs de Rosberg au bout de la ligne droite du Mistral, mais il en faut beaucoup plus pour impressionner le vaillant Finlandais...
25e: Les deux McLaren sont toujours bloquées derrière Rosberg. La puissance du moteur Honda compense en effet les faiblesses de châssis Williams dans les virages.
27e: Piquet possède douze secondes d'avance sur le trio Rosberg - Lauda - Prost. Johansson prend la huitième place à Boutsen. Comme son équipier plus tôt, Cheever chausse un jeu de pneus neufs.
29e: En pleine courbe de Signes, le moteur de Senna explose et arrose d'huile les pneus arrière de la Lotus. Celle-ci part en toupie à 250 km/h, démolit plusieurs rangées de grillage et percute les barrières de protection à très haute vitesse. Heureusement le jeune Brésilien est parfaitement indemne.
30e: Lauda se porte à la hauteur de Rosberg dans la ligne droite du Mistral, mais encore une fois le Finlandais conserve l'avantage.
Piquet précède Rosberg (16.7s.), Lauda (17.4s.), Prost (17.6s.), de Angelis (32.5s.), Surer (41.5s.), Tambay (50.6s.), Johansson (56.1s.), Boutsen (1m.) et Warwick (1m. 10s.).
31e: Lauda ralentit soudainement dans la ligne droite de la Bretelle. En panne de boîte de vitesses, le triple champion du monde stoppe sur le bas-côté.
32e: Prost reprend la lutte contre Rosberg mais est gêné par Winkelhock à la chicane.
33e: Piquet possède vingt secondes d'avance sur Rosberg et Prost. Brundle renonce à cause d'une commande de boîte bloquée. Il était dixième. La première sortie de la Tyrrell-Renault fut somme toute honorable.
34e: Prost harcèle Rosberg qui ne cède toujours pas. Chauffé à blanc, le public encourage le pilote français.
35e: Piquet mène devant Rosberg (20.5s.), Prost (20.8s.), de Angelis (35.8s.), Surer (45.1s.), Tambay (53.9s.) et Johansson (55s.). Ghinzani s'arrête chez Osella pour changer ses pneus.
37e: Johansson prend la sixième place à Tambay.
38e: Boutsen lève le pied car il a cassé son différentiel. Warwick lui chipe la huitième place.
39e: A l'abord des S de la Verrerie Prost « pique » Rosberg à l'intérieur et s'empare de la seconde place. Il était temps car les deux hommes finissaient par gêner Fabi, relégué à un tour sur sa modeste Toleman...
40e: Dix-sept secondes séparent Piquet et Prost.
41e: Prost remonte sur Piquet au rythme d'une seconde au tour, mais il semble trop loin pour pouvoir le menacer. Rosberg entre aux stands pour changer de pneumatiques. Il ressort quatrième, neuf secondes derrière de Angelis.
42e: Surer passe par les stands pour changer ses pneus usés et chute au huitième rang. Fabi déborde Boutsen.
44e: Prost est revenu à treize secondes de Piquet. Revigoré par son changement de gommes, Rosberg est l'homme le plus rapide en piste et efface de Angelis.
45e: Inquiet d'avoir vu Surer stopper, Piquet décide de diminuer son rythme pour protéger ses pneumatiques. Il n'a plus que douze secondes de marge sur Prost.
46e: Rosberg signe le meilleur tour en 1'39''914''', soit deux secondes de mieux que le chrono le plus rapide de Piquet.
47e: Prost est à onze secondes de Piquet. Mais, grâce à ses pneus frais, Rosberg revient à bride abattue sur le Forézien. Surer prend la septième place à Warwick.
49e: Piquet est leader devant Prost (9.6s.), Rosberg (20.1s.), de Angelis (52.4s.), Johansson (55.2s.), Tambay (1m. 09s.), Surer (1m. 28s.), Warwick (1m. 29s.), Boutsen (-1t.) et Fabi (-1t.).
50e: Prost rencontre un problème avec son moteur TAG-Porsche: celui-ci cale dès que le régime tombe. Le Français doit donc toujours maintenir l'accélérateur ouvert, même en freinant ou en changeant de rapport. Cette mésaventure lui fait perdre un temps précieux. Warwick repasse devant Surer qui termine avec un ressort de soupape brisé.
51e: Rosberg revient comme une fusée sur Prost. Fabi tombe en panne d'essence et s'immobilise dans le sable.
52e: En fin de boucle, Rosberg est derrière l'aileron de Prost. Johansson lance une offensive contre de Angelis.
53ème et dernier tour: Rosberg recolle à Prost et lui chipe in extremis la deuxième place dans la ligne droite du Mistral. Quelques secondes plus tard, au même endroit, de Angelis perd sa pression de suralimentation. Johansson le déborde par l'extérieur à l'entrée de Signes et se rabat audacieusement devant la Lotus.
Nelson Piquet remporte le Grand Prix de France, sa première victoire depuis un an, la première également pour Pirelli depuis 1957. A cause d'une erreur informatique, Prost est tout d'abord classé second devant Rosberg mais l'erreur sera réparée. Malgré son passage aux stands, le Finlandais termine à seulement six secondes de Piquet ! Johansson finit quatrième devant de Angelis. Tambay sauve l'honneur des couleurs tricolores en inscrivant un point. Viennent ensuite Warwick, Surer, Boutsen, Cheever, Patrese, Winkelhock, Bellof et Ghinzani.
Après la course
Tout le monde constate que les Brabham-BMW chaussées par Pirelli n'avaient jamais été aussi rapides depuis les essais hivernaux qui se sont tenus cinq mois plus tôt à Kyalami... sous la canicule. L'ingénieur Mezzanotte peut laisser éclater sa satisfaction : ses pneus sont bien capables de dominer les Goodyear... dans des conditions bien particulières ! Ravi par cette victoire, Nelson Piquet plaisante avec les reporters : « Vous avez trouvé la course ennuyeuse ? Oui, moi aussi. Dans la ligne droite, j'avais même le temps de penser à toutes les conneries que vous alliez me demander après mon succès... »
La leçon de ce week-end, c'est que les Ferrari n'ont pas été dans le coup sur ce tracé où prime la vitesse de pointe. Le V6 italien semble rendre beaucoup trop de chevaux au Honda, au BMW et même au TAG-Porsche. Voilà qui n'est pas de bon augure avant les étapes sur les autres circuits rapides que sont Silverstone, l'Österreichring et Monza. Pire encore, Alboreto comme Johansson se plaignent d'un abondant sous-virage. Harvey Postlethwaite doit se remettre à sa planche à dessin...
Renault-Elf quitte le Grand Prix de France avec un point de plus au compteur. Au moins, les deux voitures jaunes et blanches sont à l'arrivée et finissent dans le tour du vainqueur. Mais si loin... En quittant le Castellet, Georges Besse dissimule ses sentiments. Ce qu'il a vu ne l'a pas épaté, c'est le moins que l'on puisse dire. Quelques jours plus tard, on apprend que Renix, la filiale qui construisait les boîtiers électroniques pour le compte de Viry-Châtillon, est purement et simplement liquidée. « Rationalisation » : le maître mot du nouveau PDG doit être pris très au sérieux...
Chez les Bleus, la déception prédomine. Grâce aux pneus Pirelli, de Cesaris et Laffite pouvaient entrevoir d'excellents résultats. La mécanique en a décidé autrement... « Sans nos problèmes, le podium du GP de France se serait composé d'une Brabham et de deux Ligier... » soupire Michel Tétu. Guy Ligier et Gérard Larrousse sont encore plus amers : voici des mois qu'ils demandent à Pirelli d'être traités sur un pied d'égalité avec Brabham. Et ils viennent de manquer une rare occasion de prouver la valeur des leurs JS25...
Au classement général, Alboreto (31 points) conserve la première place devant Prost et de Angelis (26 pts). Avec 18 unités, Rosberg revient dans la course au titre. Chez les constructeurs Ferrari (50 pts) précède Lotus-Renault (35 pts), McLaren-TAG-Porsche (29 pts) et Williams-Honda (23 pts). Brabham-BMW bondit au sixième rang, à trois points de Renault.
Tony