Hill vs. Villeneuve: courtes escarmouches
Damon Hill pose le pied à Estoril avec la ferme intention de conquérir pour de bon cette couronne mondiale qui lui tend les bras depuis de nombreuses semaines. En effet, alors que la compétition semblait jouée, l'Anglais accumule les erreurs et les déboires depuis trois courses, ce qui a permis à son jeune équipier Jacques Villeneuve de revenir à seulement treize points au classement mondial. À Monza cependant, Hill a limité les dégâts puisque s'il a abandonné sur tête-à-queue, Villeneuve a lui-même commis une erreur et n'a inscrit aucun point. Néanmoins, cette mauvaise passe - associée à l'incertitude qui entoure son avenir en Formule 1 - inquiètent ses fans. « Je me sens tout à fait serein », réplique-t-il. « Contrairement à ce que certains croient ou disent, mes nerfs sont parfaitement solides. »
Puisqu'il en est ainsi, Jacques Villeneuve s'essaie à la guerre psychologique. Depuis neuf mois, le fils de Graham Hill et celui de Gilles Villeneuve cohabitent en bonne intelligence, sans heurt, mais aussi sans chaleur excessive. Certaines (petites) rancunes se sont accumulées entre les deux hommes, sans qu'évidemment ni Frank Williams ni Patrick Head n'intervienne pour les aplanir. Villeneuve, avec la fougue et l'inhabileté d'un jeune loup, croit pouvoir en user pour déstabiliser son adversaire. Il accuse ainsi Hill de l'avoir cette saison plusieurs fois bloqué lors des départs, notamment lors du GP du Canada, défaite qu'il n'a, dit-il, toujours pas digéré. Cette charge, bien mal fondée, fait l'effet d'un pétard mouillé. Mais le Québécois reçoit le renfort inattendu (et involontaire) de Martin Brundle qui, voulant faire rire, déclare que Hill n'a qu'à répondre à Villeneuve en le balançant hors de la piste à la première occasion !
Intelligemment, Damon Hill n'entre pas dans ce petit jeu malsain et désamorce la polémique en usant d'un humour froid: « Je cours comme j'ai envie de courir, en défendant un titre mondial que je tiens presque. Dans ces circonstances, tous les coups sont permis ! Non, je plaisante... Je ne crois pas que l'on puisse m'accuser d'incorrection. J'ai pleine confiance en mes moyens et je compte remporter ce titre de la façon la plus correcte qu'il soit. J'ai un code moral à respecter. Et puis, à Monza, si Dieu a montré qu'il était avec les tifosi, il a aussi montré qu'il voulait que je sois champion du monde ! Quelque part, le résultat de cette course a tenu du miracle. » Devant cet équipier imperturbable, Jacques Villeneuve se replie sagement et temporise à son tour: « Le combat restera sur la piste. Ce n'est pas la franche camaraderie entre Damon et moi, mais il n'y a aucune haine non plus. Je ne l'ai jamais détesté. Tout va bien entre nous. Ces histoires d'accrochage ? Non, je n'attends pas ça de la course ! » Place au sport donc. Pour retarder la consécration de Hill et prolonger le suspense jusqu'à Suzuka, Villeneuve doit impérativement inscrire au moins quatre points de plus que lui. Un rude challenge...
Présentation de l'épreuve
Lorsque le Grand Prix du Portugal a posé ses bagages sur le circuit d'Estoril en 1984, celui-ci était à l'époque l'un des plus modernes du plateau. Mais le temps a passé, et ses infrastructures, faute de travaux d'entretien, sont dorénavant dépassées. C'est ce qu'expliquent Max Mosley et Bernie Ecclestone à Cesar Torres, le promoteur de l'épreuve, lequel se retranche derrière la mauvaise volonté du gouvernement portugais qui ne débloque pas assez de fonds pour rénover l'autodrome. Torres présente malgré tout à Mosley une salle de presse flambant neuve. Mais vendredi, du fait des averses, les parkings se transforment en bourbier tandis que les gradins sont traversés par des fuites d'eau... Les VIP du Paddock Club pataugent dans des flaques d'eau noirâtres. « Ce circuit a dix ans de retard sur tous les autres. Il ne correspond plus aux standards de la F1 », tonne Ecclestone. Le jour de la course, le dirigeant de la FOCA annonce au président portugais Jorge Sampaio, en visite sur le circuit, que l'édition 1997 du GP du Portugal pourrait bien ne pas avoir lieu...
Cinq ans après avoir fait débuter Michael Schumacher en Formule 1, Eddie Jordan est tout fier de recruter son petit frère Ralf. Les négociations avec Willi Weber, qui supervise la carrière du cadet comme de l'aîné, ont été menées tambour battant. Ralf Schumacher signe un contrat de trois ans avec l'écurie de Silverstone. Bon sang ne saurait mentir car le jeune Allemand (21 ans) s'est distingué l'an passé en gagnant le prestigieux Grand Prix de Macao de F3 et est aujourd'hui en passe de triompher en F3000 japonaise dès sa première saison. Peugeot se satisfait également de ce recrutement qui participe d'un plan de renforcement de sa collaboration avec Jordan (Schumacher Jr. apporte quelques sponsors allemands). « La saison 1997, dernière année du contrat exclusif de Peugeot avec Jordan, sera cruciale », prévient Pierre-Michel Fauconnier.
Pedro Diniz traîne une certaine morosité. Le jeune Brésilien ne se sent plus à l'aise chez Ligier où sa position est discutée. Selon plusieurs journalistes bien informés, Mugen et Honda auraient imposé à l'équipe française la présence d'un pilote japonais (peut-être le jeune Toranosuke Takagi) aux côtés d'Olivier Panis en 1997. Diniz dit envisager un départ vers l'IndyCar mais Tom Walkinshaw (qui l'a engagé chez Ligier voici un an), garde espoir de l'attirer chez Arrows... et de glaner ainsi son copieux budget Parmalat.
Sans beaucoup de surprise, McLaren annonce le 13 septembre la prolongation de Mika Häkkinen pour l'année suivante. Le jeune Finlandais a en effet réalisé une très belle saison au volant d'une MP4/11 assez rétive, terminant dix fois dans les points en quatorze courses, des résultats admirables pour un pilote qui a frôlé la mort dix mois plus tôt à Adélaïde, et souffre encore de quelques séquelles de cet accident (céphalées, légère paralysie faciale). Ron Dennis ne cache pas l'admiration qu'il porte à son pilote et estime qu'à terme il saura conduire la paire McLaren-Mercedes vers les sommets: « J'ai toujours cru que Mika possédait le talent et la volonté nécessaires pour devenir champion du monde. Ses performances cette saison, surtout après son accident, m'ont encore conforté dans cette conviction. » Peter Sauber annonce pour sa part la prolongation de Johnny Herbert pour deux saisons supplémentaires (1997 et 1998).
Forti Corse ne réapparaîtra plus en Grand Prix. La petite équipe italienne, qui devait deux millions de dollars à la FIA en raison de ses forfaits aux Grands Prix de Hongrie et de Belgique, avait requis la clémence des autorités pour participer au GP d'Italie, en vain. En outre, mi-septembre, Guido Forti perd le procès en propriété qui l'opposait à son ex-partenaire, la douteuse compagnie financière Shannon Racing. Comme celle-ci est en faillite et retire l'une après l'autre les équipes qu'elle sponsorisait dans les formules de promotion, il n'y a plus aucun espoir de revoir les bolides conçus à Alexandrie en Formule 1. Triste épilogue pour ce grand passionné qu'est Guido Forti qui aura eu la naïveté de penser que la F1 était comme la F3000, « ma oune peu plous chère ». À signaler que Forti est la dix-huitième écurie à disparaître en l'espace de sept ans. L'époque dorée des constructeurs-artisans est bien terminée.
C'est dans le plus grand secret qu'Alain Prost poursuit ses tractations en vue de reprendre Ligier. De nombreuses rumeurs bruissent autour des projets du quadruple champion du monde qui en parallèle roule toujours en essais privés pour le compte de McLaren-Mercedes. Dans le paddock d'Estoril, Prost est surpris en grande discussion avec John Barnard, ce qui alimente la machine à fantasmes. « Avec John, nous avons parlé bateaux et avions, mais personne ne va me croire ! » sourit le Français.
Le GPDA se réunit ici sous la présidence de Michael Schumacher pour renouveler son comité directeur. Si l'Allemand conserve son poste, ses collègues Gerhard Berger et Martin Brundle cèdent leurs places à Damon Hill et à David Coulthard. L'Écossais de 25 ans fera figure de porte-parole des jeunes pilotes. Jacques Villeneuve se tient quant à lui à l'écart de ce syndicat dont il ne voit pas l'utilité et préfère transmettre directement ses doléances à Bernie Ecclestone. Le Canadien a compris où se situait le vrai pouvoir en Formule 1...
Pour ce tracé tortueux d'Estoril, la plupart des voitures sont fortement gréées, le plus souvent avec les gros ailerons déjà aperçus au GP de Monaco. Benetton utilise pour la première fois son différentiel électronique, en gestation depuis plus d'un an. Alesi l'étrenne vendredi avant que Berger ne prenne le relais le lendemain. Ceux-ci peuvent désormais caler le réglage du différentiel sur le virage de leur choix où ils rencontrent des problèmes de motricité. Mais ils ne disposent pas encore du contrôle électronique - qui sera testé cet hiver - et du coup ne signalent aucune amélioration. Pour la course, les deux équipiers reviennent au différentiel classique. Les Williams-Renault sont ici équipées de leur premier type d'aileron, braqué au maximum, alors que les triangles de suspension avant sont de nouveau profilés. Chez Ferrari, Irvine dispose pour la première fois de la boîte à sept rapports alors que les deux bolides sont munis de nouveaux disques de frein Carbone Industrie censés remédier à d'éventuels blocages. McLaren continue de copier Williams en adoptant un aileron avant très inspiré de celui de la FW18. Ligier adopte une suspension à trois éléments inspirée du système mis au point par Arrows. Les Tyrrell possèdent une nouvelle géométrie de suspension avant, incluant des triangles carénés et non plus en profil d'aile, dans le souci d'améliorer le flux d'air. Enfin Ford et Cosworth apportent à Sauber une nouvelle évolution de leur V10, la troisième en quatre courses, mais qui en fait servira de base au moteur qui débutera la prochaine saison avec Stewart GP.
Essais et qualifications
La demi-séance d'essais du vendredi matin est perturbée par un crachin. L'après-midi Schumacher s'empare du meilleur chrono devant Hill et... Katayama, qui a chaussé un train de pneus neufs. La première session du samedi matin se déroule sur une piste humide. A la reprise, en fin de matinée, Schumacher se montre de nouveau le plus rapide.
Les qualifications commencent sous un ciel menaçant qui incite les coureurs à ne pas s'attarder aux stands. La pluie ne tombe toutefois qu'à 13h50, ce qui leur laisse le temps de s'empoigner. De nouveau, les Williams-Renault occupent la première ligne. Hill s'empare de la vingtième pole position de sa carrière (1'20''330''') avec seulement neuf petits millièmes d'avance sur Villeneuve (1'20''339''') qui a donné le maximum pour vaincre son équipier, au point de finir la séance dans la poussière. Les Benetton-Renault (Alesi 3ème, Berger 5ème) se montrent ici stables et performantes. Les Ferrari (Schumacher 4ème, Irvine 6ème) souffrent d'un terrible survirage dans les virages lents, mais sont très rapides dans les grandes courbes. Les McLaren-Mercedes (Häkkinen 7ème, Coulthard 8ème) sont également très vicieuses dans la portion la plus sinueuse du circuit. Les Jordan-Peugeot (Barrichello 9ème, Brundle 10ème) pâtissent comme d'ordinaire d'une certaine instabilité.
Les Sauber confirment leurs progrès, en partie grâce au V10 Ford qui offre plus de puissance à haut régime. Hélas, Frentzen (11ème) et Herbert (12ème) tâtonnent trop longtemps dans leurs réglages. Les Tyrrell-Yamaha (Salo 13ème, Katayama 14ème) sont pour une fois à leur avantage et réalisent un beau tir groupé en septième ligne. Malgré un gros travail pour gommer un fort sous-virage, les Ligier-Mugen-Honda (Panis 15ème, Diniz 18ème) se retrouvent en fond de grille. Du côté d'Arrows-Hart, Verstappen (16ème) casse un moteur et effectue quelques figures. Rosset (17ème) ne rend que sept dixièmes à son équipier dont il a pris l'aspiration en qualifications. Lamy (19ème) se fait une frayeur samedi après-midi puisque sa Minardi et son mulet sont successivement frappés de ruptures de pompe à eau ! Le Portugais se qualifie de justesse, plus d'une seconde devant Lavaggi (20ème) qui s'est offert un vendredi un passage dans les graviers.
Le Grand Prix
Schumacher a planché sur ses réglages samedi soir et cela semble payer puisqu'il survole le warm-up du dimanche matin. L'Allemand se pose en trouble-fête du duel entre les pilotes Williams. La course se déroule sous un ciel clair et dégagé. Les stratégies sont assez variées: trois arrêts sont planifiés chez Williams, deux seulement chez Benetton et McLaren. Ferrari propose trois passages aux stands à Schumacher et deux à Irvine. Sur la grille, Damon Hill accueille deux de ses plus grands fans: le rockeur Mick Jagger et son épouse Jerry Hall, invités par Bernie Ecclestone. Les paparazzi ne tardent pas à s'agglutiner autour de la Williams n°5, au point que Hill doit les pousser afin qu'ils n'écrasent pas son aileron...
Départ: Hill démarre moyennement, tout comme Villeneuve, tandis que de nouveau Alesi prend un envol-canon. Le Français tente aussitôt de faire l'extérieur à Hill mais celui-ci le tasse contre la bordure et reste devant au premier tournant. Viennent ensuite Alesi, Schumacher et Villeneuve. Lamy ne parvient pas à démarrer suite à une surchauffe de son embrayage. Sa Minardi est poussée vers les stands.
1er tour: Hill précède Alesi, Schumacher, Villeneuve, Berger, Irvine, Coulthard, Häkkinen, Barrichello et Brundle.
2e: Hill compte près de deux secondes d'avance sur Alesi. Villeneuve menace Schumacher.
3e: Hill tourne une demi-seconde au tour plus vite qu'Alesi. Villeneuve est dans les échappements de Schumacher. Lamy démarre depuis la pit-lane avec deux boucles de retard, juste devant Hill, qu'il laisse toutefois passer sans souci.
5e: Hill est premier devant Alesi (3.5s.), Schumacher (4.8s.), Villeneuve (5.2s.), Berger (9.5s.), Irvine (11.1s.), Coulthard (12.7s.), Häkkinen (13.4s.), Barrichello (14.8s.), Brundle (16.1s.) et Herbert (16.8s.). Si les choses en restaient ainsi, Hill serait sacré champion du monde.
7e: Alesi concède maintenant quatre secondes et demie à Hill. Villeneuve évolue à trois dixièmes de Schumacher sans trouver d'ouverture. Plus loin, Berger et Irvine luttent pour la cinquième place.
9e: Villeneuve prend l'aspiration de Schumacher dans la ligne droite principale, mais il lui manque quelques mètres pour se décaler au premier freinage.
10e: Hill devance Alesi (7s.), Schumacher (8s.), Villeneuve (8.4s.), Berger (15s.), Irvine (17.4s.), Coulthard (18.8s.), Häkkinen (20.1s.), Barrichello (23.1s.), Brundle (25.3s.), Herbert (26.3s.) et Salo (30.3s.).
12e: L'intervalle entre Hill et Alesi atteint neuf secondes. Schumacher et Villeneuve se rapprochent sensiblement de la Benetton n°3.
13e: Jusqu'alors treizième, Panis est le premier pilote à observer un arrêt-ravitaillement. Katayama l'imite au tour suivant.
14e: Hill porte son avantage sur Alesi à onze secondes. Villeneuve se montre de plus en plus pressant derrière Schumacher.
16e: Le trio Alesi - Schumacher - Villeneuve arrive sur l'attardé Lavaggi. Ce dernier s'écarte devant Alesi mais gêne Schumacher dans la dernière portion du circuit. À l'entame de la parabolique, Schumacher lève le pied une fraction de seconde. Villeneuve saisit cette opportunité et prend hardiment l'extérieur. Les deux hommes se cramponnent à leur volant et franchissent côte à côte la terrible courbe. Villeneuve s'impose à la réaccélération. Une manœuvre d'anthologie. Barrichello, Herbert, Verstappen et Diniz effectuent leur premier pit-stop.
17e: Villeneuve et Schumacher effacent Lavaggi sur la ligne de chronométrage. L'Allemand tente de faire l'extérieur au Canadien mais celui-ci reste devant, à la troisième place. En fin de tour, Hill regagne les stands pour ravitailler (7.7s.). Brundle passe aussi aux stands et repart derrière Herbert.
18e: Alesi se retrouve en tête du Grand Prix mais Villeneuve est sur ses talons. Hill quitte les stands en quatrième position. À l'issue de cette boucle, Villeneuve et Schumacher pénètrent dans la pit-lane.
19e: Villeneuve et Schumacher ravitaillent en sept secondes et repartent dans cet ordre. Berger effectue aussi son premier arrêt.
20e: Alesi devance Hill de cinq secondes. Irvine opère son premier pit-stop (8.7s.) et fait une bonne opération car il redémarre devant Berger. Coulthard subit un arrêt de dix secondes. Ravitaillements aussi pour Rosset et Lamy.
21e: Jusqu'alors troisième, Häkkinen fait escale au stand McLaren pour reprendre de l'essence et des pneus neufs (7.5s.), puis s'intercale entre Coulthard et Herbert. Salo ravitaille aussi.
22e: Alesi escalade rudement un vibreur à l'entrée des stands, puis rejoint son garage pour ravitailler (8s.). Le natif d'Avignon glisse au quatrième rang, mais il n'a prévu que deux arrêts. Frentzen observe son premier pit-stop.
23e: Hill mène devant Villeneuve (7.1s.), Schumacher (11.2s.), Alesi (22.5s.), Irvine (32.1s.), Berger (33.6s.), Barrichello (36s.), Coulthard (37s.), Häkkinen (42s.), Herbert (46.3s.), Brundle (47.2s.) et Frentzen (56s.).
25e: Hill accroît son avance sur Villeneuve: neuf secondes les séparent. Schumacher se maintient à une douzaine de secondes du leader. Lavaggi est le dernier pilote à ravitailler.
27e: Tout va bien pour Hill qui jouit d'une dizaine de secondes d'avance sur son équipier et roule donc pour l'heure avec le titre en poche.
29e: Hill rencontre un peu de trafic mais Villeneuve ne le recolle pas. Schumacher est en revanche semé.
30e: Hill devance Villeneuve (8.6s.), Schumacher (17.2s.), Alesi (31.7s.), Irvine (43.8s.), Berger (46.5s.), Barrichello (49.8s.), Coulthard (50.7s.), Häkkinen (51.2s.) et Herbert (1m. 02s.).
32e: Barrichello effectue son second ravitaillement et se retrouve englué dans le peloton, entre Salo et Panis. Häkkinen menace son équipier Coulthard pour la septième place.
33e: Hill concède quelques dixièmes en prenant un tour Katayama puis à Verstappen. Villeneuve revient à cinq secondes de son compagnon d'écurie. Deuxième arrêt pour Verstappen.
34e: Hill arrive chez Williams pour le deuxième de ses trois ravitaillements (7s.) et redémarre en seconde position. Brundle s'arrête pour la seconde fois chez Jordan.
35e: Villeneuve précède Hill de quinze secondes, mais il regagne les stands en fin de parcours pour son propre pit-stop (7.4s.).
36e: Villeneuve reprend la piste trois secondes seulement derrière Hill. Schumacher exécute son deuxième arrêt (7s.) et repasse derrière Alesi.
37e: Villeneuve s'empare du meilleur tour de la course (1'22''873''') et reprend une seconde à son équipier et rival. Schumacher se rapproche d'Alesi.
38e: Villeneuve fait la jonction avec Hill qui ménage sa monture. Herbert effectue son deuxième pit-stop.
40e: Hill précède Villeneuve (0.8s.), Alesi (17.8s.), Schumacher (18.7s.), Irvine (31.3s.), Berger (39s.), Coulthard (44.2s.), Häkkinen (45.4s.), Frentzen (1m. 04s.), Salo (1m. 10s.), Barrichello (1m. 11s.) et Brundle (1m. 21s.). Deuxième arrêt de Panis. Curiosité: aucun abandon n'est encore à déplorer.
42e: Villeneuve pourchasse Hill sans pouvoir se porter à sa hauteur. Lancé aux trousses de Salo, Barrichello part en tête-à-queue et s'enlise dans le bac à graviers. Voilà le premier abandon de la journée. Seconds arrêts pour Diniz et Katayama.
43e: Hill s'offre une courte marge d'une seconde sur Villeneuve. Schumacher trépigne derrière Alesi, plus chargé en essence, et tente en vain de le surprendre dans les Esses. Irvine opère son deuxième pit-stop. Salo et Rosset font de même.
44e: Alesi et Schumacher pénètrent ensemble aux stands. Le ravitaillement de l'Allemand dure une seconde et demie de moins que celui du Français. Schumacher redémarre ainsi devant son adversaire et conquiert la troisième place. Frentzen observe son second pit-stop.
45e: Berger ravitaille une seconde fois (8.2s.) et se retrouve de nouveau derrière Irvine. Arrêt aussi pour Coulthard (7s.) qui repart juste devant Häkkinen. Peu après, le Finlandais tente de faire l'intérieur à l'Écossais dans le gauche serré de Gancho. Mais la McLaren n°7 emboutit la n°8 et l'envoie en tête-à-queue ! Ron Dennis enrage...
46e: Hill repousse Villeneuve à deux secondes. Häkkinen rejoint son stand pour remplacer sa calandre. Il est rejoint par Coulthard qui souffre d'une crevaison à l'avant-gauche, mais les mécaniciens de McLaren sont occupés avec son équipier. Le Britannique est renvoyé en piste !
47e: Après un tour parcouru clopin-clopant, Coulthard regagne son garage pour remplacer ses roues et dégringole au classement. Diniz tente de faire l'intérieur à Rosset avant la parabolique intérieure. Le Brésilien d'Arrows ferme la porte à son compatriote qui monte sur ses freins, tamponne son concurrent et atterrit à contre-sens dans les graviers. Diniz renonce alors que Rosset peut poursuivre sans peine.
48e: Coulthard écope d'un « stop-and-go » de dix secondes pour avoir excédé la vitesse autorisée dans les stands. Deuxième ravitaillement de Lamy. Lavaggi l'imitera deux tours plus tard.
49e: Hill entre aux stands pour son troisième et dernier arrêt-ravitaillement (8.8s.) puis repart en deuxième position. Verstappen se gare dans la pelouse avec un moteur fumant.
50e: Villeneuve possède dix-neuf secondes de marge sur son équipier lorsqu'il surgit dans la pit-lane pour ravitailler. L'opération est courte (8s.) et le Québécois retrouve le circuit vingt mètres devant Hill ! À cet instant, le dénouement du championnat est reporté à Suzuka.
51e: Villeneuve est en tête devant Hill (1.5s.), Schumacher (30.6s.), Alesi (35s.), Irvine (46.8s.), Berger (54.8s.), Brundle (-1t.), Herbert (-1t.), Frentzen (-1t.), Panis (-1t.), Häkkinen (-1t.) et Salo (-1t.).
52e: Hill tente de pourchasser son équipier mais sa butée d'embrayage se grippe. Il doit dorénavant passer les rapports en force et donc réduire sa cadence. Brundle gêne quelque peu les leaders dans le secteur du « tire-bouchon ». Puis il effectue son troisième passage aux stands et repart entre Panis et Häkkinen.
53e: Villeneuve possède deux secondes d'avance sur Hill et semble maintenant avoir la victoire en mains. Herbert opère son troisième pit-stop et se retrouve devant Brundle, mais derrière son équipier Frentzen qui ne stoppera plus. Häkkinen regagne son garage et met pied à terre. Ses suspensions ont trop souffert de sa collision avec Coulthard.
55e: Villeneuve accroît constamment son avantage sur Hill, maintenant relégué à plus de trois secondes. Schumacher laisse pour sa part Alesi à quatre secondes de sa Ferrari. Coulthard subit sa pénalité et navigue dorénavant en treizième position.
56e: Berger prend Irvine en chasse pour la cinquième place. Panis subit son troisième pit-stop et passe de la huitième à la dixième place.
58e: Cinq secondes éloignent désormais Villeneuve de Hill qui cherche seulement à rallier l'arrivée.
60e: Villeneuve précède Hill (8.1s.), Schumacher (45.1s.), Alesi (50.2s.), Irvine (1m. 08s.), Berger (1m. 09s.), Frentzen (-1t.), Herbert (-1t.), Brundle (-1t.) et Panis (-1t.).
62e: L'intervalle entre les Williams excède les dix secondes. Berger est sur les talons d'Irvine et guigne la cinquième place.
63e: Villeneuve tourne en 1'25'' contre 1'26'' environ pour Hill. Schumacher compte quatre secondes d'avance sur Alesi. Irvine retarde régulièrement ses freinages pour se prémunir d'un assaut de Berger.
64e: Irvine et Berger débordent Lavaggi dans la longue ligne droite de la mi-parcours. À cet instant, Berger déborde Irvine par l'intérieur et semble en mesure de s'imposer au freinage de la parabolique, mais il freine un peu trop tard. Irvine change alors de trajectoire et reprend sa position à la réaccélération.
66e: À quatre tours du but, Villeneuve devance (16.6s.), Schumacher (51.2s.), Alesi (55.9s.), Irvine (1m. 18s.) et Berger (1m. 19s.).
68e: Villeneuve jouit de dix-sept secondes de marge sur Hill. Une inquiétante fumée bleue s'échappe de la boîte du Britannique...
70ème et dernier tour: Berger porte une dernière attaque sur Irvine dans le « tire-bouchon ». La Benetton harponne la Ferrari qui esquisse un demi-tête-à-queue, mais Irvine parvient adroitement à se maintenir en piste, qui plus est devant Berger qui a quelque peu abîmé son museau. Leur duel épique en reste là.
Jacques Villeneuve remporte sa quatrième victoire devant Hill. C'est le sixième doublé de la saison pour Williams-Renault. Schumacher termine troisième, Alesi quatrième. Irvine, cinquième, inscrit ses premiers points depuis quatre mois. Berger recueille la sixième place. Viennent ensuite Frentzen, Herbert, Brundle, Panis, Salo, Katayama, Coulthard et Rosset, puis les Minardi de Lavaggi et Lamy, reléguées à cinq tours.
Après la course: Villeneuve s'accroche
En conférence de presse, Jacques Villeneuve reçoit presque plus de questions autour de son héroïque dépassement sur Michael Schumacher dans la parabolique qu'à propos de sa victoire. « Avant la course, j'avais dit à mon équipe qu'un dépassement était faisable à cet endroit », rapporte-t-il. « « Si tu fais ça, on ira te ramasser à la pelle contre la barrière métallique », m'avaient-ils répondu ! Pendant deux tours, j'ai bien observé la trajectoire de Schumacher dans ce virage. Oui, c'était possible, j'avais en tout cas envie d'essayer. Au fond, je n'avais rien à perdre. Ou je battais Hill ou je perdais toute chance au championnat. Nous sommes arrivés tous deux dans le virage en question. Schumacher s'est retrouvé derrière Lavaggi et a levé le pied un éclair de seconde. Je déboîte et je glisse mon nez à côté de lui dans le virage. Il ne s'y attendait visiblement pas. Nous restons côte à côte jusqu'à la sortie de la courbe. À la fin, ça glissait un peu, c'était limite. Mais le plus dur était fait. L'expérience des ovales m'a beaucoup servi sur ce coup-à ! » Michael Schumacher, beau joueur, ne manque pas de féliciter son adversaire pour cette témérité qu'il n'aurait certainement pas reniée...
Reste que Jacques Villeneuve n'aurait peut-être pas gagné la course sans les ennuis rencontrés par Damon Hill. « Après avoir pris un bon départ - meilleur que d'habitude -, j'ai ressenti un grand plaisir à maîtriser cette course », explique l'Anglais. « Lorsque j'ai vu Jacques débouler derrière moi, après les premiers arrêts, j'arrivais à suffisamment augmenter mon rythme pour garder l'avantage. Puis, après mon troisième arrêt, j'ai vu une voiture bleue et blanche débouler des stands juste devant moi. « M**** une Tyrrell ! Pousse-toi de mon chemin ! » me suis-je dit. Puis j'ai vu l'inscription sur l'aileron arrière: Rothmans ! « Lui ! » ai-je crié. J'ai voulu le suivre pour voir. C'est alors que l'embrayage a commencé à ne plus marcher. J'avais du mal à changer les rapports. J'ai alors levé le pied de ma propre initiative pour assurer la seconde place. » Dans les derniers kilomètres, la boîte de la Williams crachait de l'huile. Hill n'aurait pas parcouru deux tours de plus ! Aussi, une fois de plus, il s'estime finalement assez heureux. Certes, il devra attendre Suzuka pour être titré, mais il bénéficiera d'un capital beaucoup plus substantiel (neuf points d'avance) que s'il avait renoncé. « Je pensais vraiment que j'allais devenir champion du monde aujourd'hui », soupire-t-il. « Me voici face à trois semaines d'attente supplémentaires. Bon, j'ai patienté toute la saison, je peux bien attendre quelques jours de plus ! »
On l'a dit, Jacques Villeneuve (78 points) a réduit son retard sur Damon Hill (87 pts) à neuf longueurs et conserve donc un minuscule espoir de lui chiper in extremis la couronne à Suzuka. Le néophyte est bien décidé à risquer sa chance jusqu'au bout: « Voilà plusieurs courses que l'on parle de pari impossible à mon propos. Il n'est pas encore perdu ! Il faut attendre le tout dernier tour du tout dernier Grand Prix ! Certes, Damon a neuf points de marge. Il pourra mener au Japon une course « pépère ». Mais je n'abdique pas. »
Dimanche soir, Frank Williams organise un grand dîner pour célébrer le titre des constructeurs de son écurie. Une soixante de convives se donnent rendez-vous dans un restaurant de Guincho, une petite bourgade qui jouxte Estoril. Tout le monde remarque l'absence de Damon Hill. Jacques Villeneuve accepte pour sa part d'accompagner ses mécaniciens dans une boîte de nuit d'Estoril, où il croise toute l'écurie McLaren. Seul Ron Dennis manque à l'appel: celui-ci s'envole tôt le lendemain matin pour Woking afin de rencontrer Ludger Straby, le président de Reemtsma, son nouveau commanditaire. Le patron de McLaren dort mal: la collision entre Mika Häkkinen et David Coulthard a gâché son dimanche. « Ce type d'incident entre deux équipiers est tout simplement inacceptable !», tonne-t-il. « David et Mika ont perdu la tête ! » renchérit Mansour Ojjeh. Mika Häkkinen temporise: « C'est un incident de course normal. Le problème est qu'il soit survenu avec mon équipier... » Le Finlandais est philosophe: il a vécu bien pire dans sa carrière...
Enfin, les Français ont passé un assez mauvais dimanche. Jean Alesi est déçu d'avoir manqué le podium et accuse (lui aussi) Damon Hill de l'avoir outrageusement serré au coup d'envoi. Quant à Olivier Panis, il a mené une course complétement anonyme que Cesare Fiorio attribue à de mauvais pneus que fournirait Goodyear... Hasard ou non, les Bleus sont en passe de signer avec Bridgestone pour 1997...
Tony