Damon Hill chez Arrows
Règlement 1997: restrictions aérodynamiques
Max Mosley et les principaux ingénieurs de la Formule 1 se sont réunis à la fin de l'été pour mettre au point le règlement technique de 1997, rendu public début octobre 1996. Celui-ci apportera quelques restrictions en matière aérodynamique. Le président de la FIA souhaitait en effet proscrire les astuces apparues au printemps chez Tyrrell et McLaren, à savoir le carénage des triangles de suspension. Les profils d'aile seront ainsi bannis dans ce secteur, tandis que la hauteur des déflecteurs sera réduite pour diminuer leur impact aérodynamique.
En outre, la fédération imposera à compter de l'an prochain un volant déformable afin d'éviter des chocs comme celui subi par Mika Häkkinen à Adélaïde en 1995: la tête du Finlandais avait violemment cogné contre son volant, occasionnant de graves blessures. McLaren a d'ailleurs anticipé cette décision en proposant dès cette année un manche en matériau flexible. Enfin, toujours dans un souci sécuritaire, une structure déformable, soumise au crash-test, enveloppera la boîte de vitesses. En 1996, John Barnard a déjà muni la Ferrari F310 de pareil élément qui sert de support aux points d'attache des suspensions et de l'aileron arrière.
La finale Hill - Villeneuve
C'est à Suzuka que l'on saura lequel des deux pilotes Williams sera sacré champion du monde des conducteurs. A priori, toutes les chances sont du côté de Damon Hill qui, avec 87 points, jouit d'un confortable matelas de neuf longueurs sur Jacques Villeneuve (78 pts). Pour être titré, l'Anglais n'a donc pas que d'un petit point supplémentaire. Mais il a si souvent craqué sous la pression par le passé que rien ne paraît joué. Évincé par Williams, Hill sait qu'il tient là son unique opportunité de devenir champion du monde, à l'instar de son père Graham. Cependant, il semble avoir appris de ses erreurs passées et affiche un détachement relatif. Il passe quelques jours à Hong Kong avec son épouse Georgie avant de gagner le Japon, où il répond avec affabilité aux nombreuses sollicitations des supporteurs japonais. Ainsi, assailli dans le hall de son hôtel, il se débarrasse de ses encombrants admirateurs en entonnant avec eux Love me do des Beatles... Devant la presse, Hill se montre serein et tente de détourner la tension vers son rival: « Je ne suis pas d'accord avec ceux qui disent que ma carrière se jouera sur cette course. J'ai démontré que j'étais capable de belles victoires. Le titre mondial sera la cerise sur le gâteau. Ici, ma responsabilité est de gagner le championnat, pas la course. Ce sera à Jacques d'aller chercher la victoire. »
Jacques Villeneuve aborde pour sa part cette ultime étape sans aucun complexe. Son avenir n'est en effet pas en jeu: qui l'eût cru en début de saison capable de coiffer la couronne mondiale dès sa première saison de Formule 1 ? Ses chances sont du reste fort minces, puisqu'il doit impérativement gagner sans que Damon Hill ne finisse dans les points. Il considère donc ce challenge comme un bonus, sachant très bien que 1997 sera sans doute « son » année. En outre, Villeneuve connaît très bien Suzuka, circuit qui a vu sa première victoire en F3 japonaise, et s'affirme comme le favori de la course. « Je suis d'une tranquillité absolue, car je n'ai rien à perdre », affirme le Québécois. « Damon se trompe: la course est entre ses mains et non entre les miennes. Je dois attaquer, comme toujours, et lui se garder de toute erreur qui lui serait fatale. Il doit se méfier de sa mécanique, de ses adversaires, de Schumacher, de moi, et peut-être de lui-même. Moi, au pire, je serai vice-champion. Pour une première saison de F1, il ne faut pas se plaindre ! »
Après ces échanges à fleurets mouchetés, Damon Hill et Jacques Villeneuve feignent de s'ignorer au cours du week-end, chacun travaillant de son côté avec son staff technique. L'équipe Williams aborde quant à elle cette confrontation avec son impartialité habituelle puisqu'elle confie deux monoplaces, dont un mulet, à ses deux pilotes. D'autre part, chacun sera informé de la stratégie de l'autre, afin de pouvoir arrêter ses choix en pleine connaissance de cause. Même neutralité du côté de Renault: « Tout le monde nous demande à qui va notre préférence », soupire Jean François Robin, interrogé mardi 8 octobre, au Salon de l'automobile de Paris. « Tout ce que je peux dire, c'est que nous ne pouvons plus rien pour eux: les moteurs sont partis ce matin pour le Japon. » Son supérieur Bernard Dudot laisse néanmoins échapper ses sentiments: « J'aimerais que Damon l'emporte, il a tellement participé au développement de nos moteurs ! Il a également fait la preuve de son talent et n'a pas toujours eu la chance qu'il méritait. Hill mérite d'être champion cette année... et Villeneuve l'année prochaine ! » Un avis largement partagé.
Le titre mondial des pilotes n'est pas l'unique enjeu de ce rendez-vous nippon. Michael Schumacher (53 points) et Jean Alesi (47 pts) se disputent encore la troisième place de ce même championnat. Surtout, chez les constructeurs, la deuxième place se jouera entre Benetton-Renault (65 points) et Ferrari (64 pts). On peut noter que ces deux équipes concèdent plus de cent unités à Williams-Renault (164 pts)...
Présentation de l'épreuve
Pour la première fois, le Grand Prix du Japon accueille la dernière manche du championnat du monde de Formule 1. Cela ne devrait pas se reproduire car Bernie Ecclestone aimerait clore la prochaine saison sur le Vieux continent, soit par un GP d'Europe à Jerez, soit par le GP du Portugal à Estoril. Masaru Unno, le promoteur de l'épreuve, est cependant inquiet car le calendrier 97 prévoit le GP du Japon pour le 5 octobre, époque où les typhons déferlent généralement sur l'archipel. Il espère faire revenir Ecclestone sur sa décision. Toutefois, question affluence, l'épreuve se porte toujours aussi bien, puisque 120 000 Nippons seront enregistrés le dimanche dans les gradins.
Frank Williams recherche toujours un motoriste pour remplacer Renault qui quittera la F1 dans un an. S'il mène des négociations avec BMW, il lorgne aussi du côté de Honda avec qui il a déjà remporté deux titres mondiaux des constructeurs en 1986 et 1987. À Suzuka, Williams rencontre Nobuhiko Kawamoto, le président de Honda, à l'occasion d'une entrevue ménagée par Bernie Ecclestone et Claude Sage, l'influent président de Honda Suisse. Ce tête-à-tête ne débouche sur rien de concret. Kawamoto déclare en effet que Honda préfère se consacrer à l'IndyCar parce que le marché américain lui offre près de 800 000 ventes annuelles. Il déplore qu'a contrario les Européens soient trop frileux à l'égard des modèles japonais. Il n'y aura donc pas de retour officiel de Honda en Formule 1 à court terme.
Le 9 octobre à Tokyo, Bridgestone officialise ce qui n'était qu'un secret de polichinelle, à savoir son arrivée en Formule 1 en 1997 avec TWR-Arrows. Le manufacturier nippon ne s'interdit pas de fournir une ou deux autres équipes dès l'année prochaine, et l'on parle beaucoup d'une connexion avec Ligier qui rappelons-le est motorisée par Mugen-Honda. Dans le même temps, Yamaha officialise son divorce avec Tyrrell et la conclusion d'un partenariat d'exclusivité d'un an avec Arrows. Dans la foulée, Tom Walkinshaw confirme que ses pilotes seront l'an prochain Damon Hill et Pedro Diniz. Quant à Tyrrell, elle devra dorénavant se contenter d'un V8, soit le Hart, soit le Ford-Cosworth. Sauber achève ici la pire saison de sa jeune présence en Formule 1. En quinze Grands Prix, l'officine helvétique n'a inscrit que dix points, dont sept ramassés lors de l'hécatombe monégasque. Pis: elle n'a toujours pas trouvé de motoriste pour 1997, puisque Ford l'abandonne au profit de Stewart GP. Yamaha se tournant vers Arrows, Peter Sauber craint de devoir se rabattre - comme Tyrrell - vers Cosworth ou Hart. Mais il se murmure que l' « l'homme au cigare » négocierait avec Maranello la fourniture d'un V10 Ferrari client...
Le GP du Japon pourrait être le dernier de Martin Brundle. Le vétéran anglais (37 ans), évincé par Jordan, n'a en effet pas de volant pour 1997. Certes, ce n'est pas la première fois qu'il se trouve en pareille situation à l'orée de l'hiver, mais la quasi-totalité des baquets sont attribués. Il espère encore pouvoir rejoindre son copain Johnny Herbert chez Sauber... Dans le cas contraire, s'achèverait une carrière pour le moins mouvementée: en douze ans et 158 Grands Prix, Brundle a connu huit écuries, et non des moindres (Tyrrell, Zakspeed, Williams, Brabham, Benetton, Ligier, McLaren et Jordan - ne lui a manqué que Ferrari), sans jamais gagner une course ni même mené un seul tour ! Il pourrait se tourner en 97 vers l'Endurance, discipline qui lui a souri par le passé puisqu'il a remporté les 24 heures du Mans en 1990 avec Jaguar et TWR.
Ce Grand Prix sera aussi le dernier d'Elf en Formule 1... du moins, officiellement. Car Gilles Chapelet, l'ingénieur traitant du pétrolier de la Défense, négocie pour continuer à alimenter en 1997 les deux écuries motorisées par Renault: « Williams à titre gratuit, et Benetton, à un tarif à fixer », dit-il. L'affaire est en bonne voie, mais cela n'empêche pas Frank Williams de discuter avec Castrol. La compagnie américaine serait prête à officier comme simple sponsor, au cas où Elf poursuivrait sa collaboration avec Williams.
L'aileron avant inauguré par McLaren à Estoril donne des signes inquiétants de fragilité, au point que son support central se brise lors de l'arrivée au Japon. Les mécaniciens effectuent une réparation de fortune tandis que les ingénieurs de Woking se mobilisent pour dénicher une solution. Häkkinen et Coulthard usent ainsi pas moins de cinq museaux lors des essais du vendredi et du samedi, avant que Woking ne faxe de nouvelles instructions. Un bricolage peu digne de McLaren... Benetton essaie ici un nouvel aileron arrière combiné à des modifications de suspensions. L'ensemble ne donne aucune satisfaction à Alesi qui s'en plaint sur l'ensemble du week-end. L'empattement des Tyrrell-Yamaha est allongé de cinq centimètres, une modification imposée par Mike Gascoyne en prévision de la prochaine monoplace. Ligier revient à une suspension avant traditionnelle et remise le troisième élément-tampon inspiré par Arrows. Pour les qualifications, Panis bénéficie d'une évolution vitaminée du moteur Mugen, baptisée « Spec C+ ». Minardi étrenne la version 1997 du V8 Ford-Cosworth, baptisée ED4, qui offre un gain de puissance d'environ vingt-cinq chevaux.
Essais et qualifications
Les essais du vendredi matin se déroulent sous la pluie et les chronos réalisés n'ont donc pas grande signification. L'après-midi, la piste s'assèche peu à peu et le meilleur temps revient à Berger. Le lendemain matin, les coureurs sortent de nouveau sur une piste détrempée. Il faut attendre la fin de la matinée et l'apparition du soleil pour voir quelques chronos intéressants. Villeneuve survole les débats, mais la plupart des pilotes se concentrent sur leurs réglages pour piste sèche.
La séance qualificative se déroule sous un ciel menaçant. Une dizaine de voitures prend la piste dès le coup d'envoi. Les débats sont interrompus au bout de cinq minutes par le drapeau rouge: Herbert s'est crashé dans le 130R. A cet instant, la pole revient à... Coulthard ! Et s'il pleuvait ? Par bonheur, les nuages ne crèveront pas et, après quelques instants d'interruption, la bataille reprend. Très en forme, Villeneuve s'empare aisément de la pole position (1'38''909'''), quatre dixièmes devant Hill (2ème) qui s'est un peu égaré dans ses réglages. Les Williams-Renault verrouillent la première ligne pour la neuvième fois en 1996. Schumacher (3ème) est repoussé à plus d'une seconde de la pole suite à un problème moteur. Irvine (6ème) peine à dénicher un bon équilibre sur l'autre Ferrari. Berger (4ème) parvient à gommer le sous-virage frappant sa Benetton grâce à de nouveaux ressorts. En revanche Alesi (9ème) y perd son latin et doit en outre composer avec un moteur poussif. Déceptions chez McLaren-Mercedes: Häkkinen ne réalise que le cinquième temps alors qu'il visait la deuxième ligne, et Coulthard (8ème) se fait tamponner par Verstappen vendredi, avant de sortir de la route en qualifications.
Frentzen met à profit son excellente connaissance du circuit pour hisser sa Sauber-Ford au septième rang, et ce malgré trois tête-à-queue. Herbert est, on l'a vu, victime d'un accident au début des qualifications et se qualifie en 13ème position avec le mulet. Brundle (10ème) place sa Jordan-Peugeot devant celle de Barrichello (11ème) qui se débat avec du survirage. Les Ligier-Mugen-Honda manquent cruellement d'adhérence: Panis (12ème) comme Diniz (16ème) visitent plus d'une fois les bas-côtés. Katayama (14ème) satisfait les Japonais en devançant son équipier Salo (15ème), très mécontent du comportement de sa Tyrrell-Yamaha. Les Arrows-Hart sont dépourvues de tout équilibre. Verstappen (17ème) relègue Rosset (19ème) à plus de deux secondes. Lamy (18ème) fait de son mieux avec la Minardi dotée du nouveau V8 Ford, tandis que Lavaggi (20ème) ne parvient pas à franchir la barre des 107% et n'est donc pas qualifié.
Le Grand Prix
Il pleut de nouveau dans la nuit du samedi au dimanche, si bien que le warm-up débute sur une piste détrempée. Les chronos s'améliorent en fin de séance alors que les pilotes chaussent les slicks. Par bonheur, le soleil apparaît pour de bon et la course déroulera dans des conditions optimales. Toutes les écuries programment une course à deux ravitaillements, sauf Arrows qui n'en prévoit qu'un seul. Chez Williams, Villeneuve et Hill se marquent à la culotte et adoptent sans surprise la même tactique.
Grille de départ: Les pilotes s'installent à leur emplacement à l'issue du tour de formation. Coulthard signale alors que son moteur a calé. Roger Lane-Nott annule la procédure du départ et renvoie les pilotes pour un second tour de chauffe, tandis que Coulthard s'élancera depuis la dernière position de la grille. La distance du Grand Prix est amputée d'une boucle.
Départ: Villeneuve prend un très mauvais envol: son moteur s'engorge et son régime moteur chute pendant deux à trois secondes. Hill se saisit immédiatement du commandement devant Berger, Häkkinen, Schumacher, Irvine et Alesi. Villeneuve franchit le premier virage en septième position.
1er tour: Alesi escalade la bordure du premier Esse, part en toupie et fracasse sa Benetton contre les murailles. Hill mène devant Berger, Häkkinen, Schumacher, Irvine, Villeneuve, Brundle, Barrichello, Frentzen et Panis.
2e: Berger se montre menaçant derrière Hill. Plus loin, Villeneuve doit absolument remonter pour garder un espoir d'être titré et met la pression sur Irvine. Les commissaires brandissent les drapeaux jaunes dans le premier secteur et évacuent la voiture d'Alesi. Coulthard passe par le stand McLaren pour remplacer son museau, endommagé lors de ce premier tour.
3e: Berger prend l'aspiration de Hill après le 130R puis plonge à l'intérieur de la petite chicane. Mais l'Autrichien part de trop loin tandis que son adversaire ne l'a même pas vu. Il freine tard et endommage sa calandre contre la Williams.
4e: Hill s'envole en tête pendant que Berger poursuit avec un aileron de travers. Ce dernier regagne les stands en fin de tour pour réparer son train avant et reprend la piste en quatorzième position. Flavio Briatore laisse éclater sa colère: en quatre tours, Benetton a perdu la seconde place au classement des constructeurs au profit de Ferrari.
5e: Hill est premier devant Häkkinen (4.6s.), Schumacher (5.2s.), Irvine (6s.), Villeneuve (6.7s.), Brundle (7.8s.), Barrichello (10s.), Frentzen (11s.), Panis (13.5s.) et Herbert (17.1s.).
6e: Suite à la touchette entre Hill et Berger, les mécaniciens de Williams extraient du garage des pneus et un aileron de rechange, mais par bonheur la télémétrie indique que la n°5 est intacte. Hill poursuit en toute quiétude.
8e: Hill compte quatre secondes et demie d'avance sur Häkkinen, lequel doit surveiller Schumacher. Villeneuve bute toujours sur Irvine et concède huit secondes à son coéquipier. Berger a doublé Katayama, Verstappen et Diniz.
10e: Hill devance Häkkinen (4.2s.), Schumacher (5.3s.), Irvine (8s.), Villeneuve (8.4s.), Brundle (10.7s.), Barrichello (15s.), Frentzen (15.8s.), Panis (19.9s.), Herbert (24s.) et Berger (27.5s.). Si les choses en restaient là, Hill serait champion du monde avec 97 points contre 80 pour Villeneuve.
11e: Villeneuve se fait de plus en plus pressant derrière Irvine car Hill poursuit son échappée en tête de l'épreuve. Le Québécois ne peut plus compter que sur des circonstances exceptionnelles pour être sacré.
12e: Villeneuve fait l'intérieur à Irvine à la chicane Casio. Il retarde son freinage, allume sa roue avant-droite et passe en force. Le voilà quatrième.
13e: Hill possède quatre secondes de marge sur Häkkinen. Villeneuve revient à une seconde et demie de Schumacher.
14e: Villeneuve entre aux stands à l'issue de ce tour pour son premier ravitaillement. Berger prend la dixième place à Herbert. Diniz part en tête-à-queue à la chicane et se plante dans le bac à graviers.
15e: Villeneuve reprend de l'essence et des pneus neufs, mais perd un peu de temps au redémarrage car il doit céder le passage à Barrichello qui rejoint lui-même son emplacement pour ravitailler. Le Canadien repart derrière Berger, qu'il doublera un peu plus tard à la chicane. Ravitaillement aussi pour Katayama.
16e: Six secondes séparent Hill et Häkkinen. Villeneuve se débarrasse de Panis. Schumacher effectue son premier arrêt-ravitaillement (8.7s.) et reprend la piste loin devant Villeneuve. Brundle, Frentzen et Lamy passent aussi aux stands.
17e: Hill possède six secondes d'avance sur Häkkinen, douze secondes sur Irvine. Villeneuve est le pilote le plus rapide en piste et pourchasse Schumacher. Panis, Herbert et Coulthard ravitaillent.
18e: Hill apparaît dans la pit-lane en fin de parcours pour ravitailler. Comme son équipier, il est gêné par l'entrée au garage d'un concurrent (en l'occurrence Irvine), mais reste premier car Häkkinen et l'Irlandais du Nord opèrent donc aussi un pit-stop. Häkkinen fait une mauvaise affaire puisqu'il retrouve le circuit une seconde derrière Schumacher.
20e: Hill précède Schumacher (1.8s.), Häkkinen (3.3s.), Villeneuve (4.9s.), Irvine (11.6s.), Berger (12.6s.), Brundle (20.3s.), Barrichello (27s.), Frentzen (28.5s.) et Panis (37s.). Au championnat, Hill compterait 97 points, Villeneuve 81 points.
21e: Schumacher évolue dans le sillage de Hill. Villeneuve tente pour sa part de recoller à Häkkinen. Salo renonce suite à une surchauffe de son moteur Yamaha.
22e: Berger effectue un premier « refueling » (6.2s.) et ressort juste derrière Brundle.
24e: Hill compte deux secondes et demie d'avantage sur Schumacher. Villeneuve est maintenant dans le sillage de Häkkinen.
25e: Le quatuor de tête rencontre les premiers attardés, notamment Rosset qui tarde à s'écarter. Plus loin, Barrichello, huitième, résiste farouchement aux assauts de Frentzen. Le jeune Brésilien se débat avec une Jordan instable qui détruit ses pneumatiques.
26e: Villeneuve pourchasse Häkkinen qui est protégé par la puissance de son moteur Mercedes. Katayama attaque Verstappen pour la 13ème place à la chicane. Le Japonais freine tard et endommage son aileron avant contre l'Arrows. Il parcourt un tour supplémentaire avant de regagner les stands pour réparer. Rosset écope d'un « stop-and-go » de dix secondes pour obstruction.
27e: Frentzen et Panis « klaxonnent » derrière Barrichello. Ces trois pilotes luttent pour la huitième position. Rosset ravitaille puis subit au tour suivant sa pénalité.
28e: Hill est en tête devant Schumacher (3.2s.), Häkkinen (4.8s.), Villeneuve (6s.), Irvine (18.8s.), Berger (27.6s.), Brundle (34s.), Barrichello (45s.), Frentzen (45.2s.), Panis (45.9s.) et Herbert (50.5s.).
29e: Villeneuve compte maintenant sur la deuxième salve d'arrêts pour se défaire de Häkkinen. Frentzen effectue son second pit-stop. Verstappen observe pour sa part son unique arrêt.
30e: Hill contrôle la situation et repousse Schumacher à quatre secondes. Sauf catastrophe, le titre est dans sa poche. Villeneuve manque son freinage à la chicane et crée ainsi un méplat sur son pneu avant-droit. Panis effectue son deuxième pit-stop.
31e: Pressentant une crevaison, Villeneuve demande à son stand d'anticiper son second ravitaillement. Ce sera fait au passage suivant.
32e: Schumacher, Häkkinen et Villeneuve pénètrent dans l'allée des stands pour leur deuxième arrêt. L'Allemand et le Finlandais redémarrent au bout de huit secondes sans avoir perdu de position. L'arrêt de Villeneuve est un peu long: le Québécois repart derrière Irvine et Berger. Barrichello ravitaille et se retrouve derrière Frentzen et Panis.
33e: Irvine fait escale chez Ferrari (8.1s.). Arrêt aussi pour Herbert.
34e: Hill entre aux stands pour son second ravitaillement (7.5s.) et reprend la piste nettement devant Schumacher. Villeneuve réalise le meilleur chrono de la journée (1'44''043'''). Brundle se plie à son deuxième ravitaillement et retombe en septième position.
35e: Villeneuve est longuement bouchonné par Katayama. Hill devance Schumacher (1.5s.), Häkkinen (4.6s.), Berger (8.8s.), Villeneuve (15.2s.), Irvine (26.3s.), Brundle (51s.), Frentzen (57s.), Panis (59s.) et Barrichello (1m. 02s.). Arrêts de Coulthard et de Lamy.
36e: Villeneuve se démène dans l'espoir de rattraper de Häkkinen, mais le championnat est perdu pour lui. Berger effectue un très court ravitaillement (6.5s.) et repart derrière Irvine. Katayama reçoit une pénalité de dix secondes pour avoir ignoré les drapeaux bleus.
37e: La roue arrière-droite de Villeneuve s'envole brutalement à l'entame du premier virage. Elle dépasse la Williams et s'envole vers les gradins, mais sera heureusement arrêtée par un filet de sécurité. Villeneuve tire tout droit dans le bac à graviers, retire placidement son volant et s'éloigne en saluant la foule. Hill est officiellement champion du monde 1996.
38e: Libéré de toute pression, Hill conduit à sa main, avec deux secondes et demie de marge sur Schumacher. Häkkinen lorgne en revanche sur la seconde position détenue par l'Allemand.
39e: Berger assaille Irvine pour la quatrième place. Katayama regagne son garage avec un moteur cassé. Voilà un Grand Prix national calamiteux pour Yamaha.
40e: Arrivant sur la chicane, Berger jette sa Benetton à l'intérieur pour surprendre Irvine... qui a déjà commencé à braquer. Le maladroit Autrichien harponne l'Irlandais qui se retrouve à contre-sens en travers de la piste. Berger coupe par les graviers pour continuer alors qu'Irvine doit renoncer. Les commissaires interviennent rapidement pour retirer la Ferrari.
42e: Hill mène devant Schumacher (4s.), Häkkinen (4.8s.), Berger (31.7s.), Brundle (57s.), Frentzen (1m 09s.), Panis (1m. 10s.), Barrichello (1m. 14s.), Herbert (1m. 18s.) et Coulthard (1m. 20s.).
44e: Deux batailles animent cette fin de course: Häkkinen se fait menaçant derrière Schumacher tandis que Panis pourchasse Frentzen dans l'espoir de lui chiper le point de la sixième place. Très loin de là, Coulthard prend en chasse Herbert qui souffre de survirage.
46e: L'intervalle entre Hill et le duo Schumacher - Häkkinen demeure stable, autour de quatre secondes.
47e: Häkkinen évolue dans la boîte de Schumacher sans pouvoir le doubler. Coulthard prend la neuvième place à Herbert. Il se défera aussi de Barrichello au tour suivant.
48e: À quatre tours du but, Hill précède Schumacher (6.1s.), Häkkinen (7.1s.), Berger (31.7s.), Brundle (1m. 03s.), Frentzen (1m. 18s.), Panis (1m. 19s.), Coulthard (1m. 30s.), Barrichello (1m. 31s.) et Herbert (1m. 33s.).
50e: Hill achève la course avec cinq secondes d'avance sur Schumacher et Häkkinen, eux-mêmes séparés par huit dixièmes.
51e: Georgie Hill se dresse sur le muret des stands, prête à présenter à son époux le panneau « Damon World Champion 1996 » lorsque le drapeau à damiers s'abaissera au tour suivant.
52ème et dernier tour: Damon Hill remporte le GP du Japon et le titre de champion du monde des pilotes. Son ami Murray Walker, le commentateur de la BBC, pleure de joie à l'antenne. Schumacher termine second et donne à Ferrari la deuxième place au championnat des constructeurs. Häkkinen se classe troisième pour la quatrième fois de la saison. Berger achève sa remontée en quatrième position. Brundle quitte Jordan en apportant les deux points de la cinquième place. Frentzen finit sixième. Viennent ensuite Panis, Coulthard, Barrichello, Herbert, Verstappen, Lamy et Rosset.
Après la course: Damon Hill, vingt-huit ans après Graham
Damon Hill savoure son tour d'honneur au volant de la magnifique Williams-Renault FW18, puis se gare au pied du podium. Là, il étreint longuement et amoureusement Georgie, avant de recevoir les compliments de ses mécaniciens. Puis le héros du jour se hisse sur la plus haute marche du podium. Tandis que retentit le God Save the Queen, nul doute qu'il songe à son regretté père, double champion du monde en 1962 et 1968. Il est ensuite copieusement aspergé de champagne par Mika Häkkinen et Michael Schumacher. L'Allemand déverse même tout le contenu de son magnum sur la tête de son ancien ennemi. « Damon mérite largement ce titre, je le félicite », déclare-il un peu plus tard. « Il a longtemps attendu cette réussite, ne cédant jamais au découragement, mais en visant à chaque instant la victoire. Les huit qu'il a acquises cette année ne sont pas les fruits du hasard. » La chaleureuse poignée de mains échangée ensuite entre les deux hommes n'est pas l'image la moins émouvante de la journée. Frank Williams et Patrick Head félicitent aussi chaudement leur pilote: s'ils ne l'ont certes pas ménagé en six ans de collaboration, ils savent tout ce que leur équipe doit à son travail et à sa patience.
Ruisselant de sueur et de champagne, Damon Hill apparaît éprouvé mais heureux en salle de presse. Il devance d'ailleurs toutes les questions: « Ne me demandez rien ! » lâche-t-il aux journalistes. « Il y a tant de gens à remercier que je ne sais pas par qui commencer. Cette victoire est, pour chacun des membres de l'équipe Williams, mon cadeau d'adieu. Je dois tous les remercier pour ce qu'ils ont fait. Tim Preston, mon ingénieur, mes mécaniciens, Bob, Les, Matthew et Paul. Adrian Newey qui a travaillé très étroitement avec moi tout au long de cette saison. Denis Chevrier, mon motoriste. Tous ceux de Renault, de Rothmans... Merci à tous... Trois ans de travail, d'attente et de nuits blanches pour en arriver là. C'est merveilleux... » Il en vient malgré tout à évoquer sa course: « Bien sûr, voir Jacques aussi loin après le premier tour m'a fait plaisir, cependant j'ai repensé à Monza et je me suis dit: « O.K., c'est très bien, mais maintenant reste calme et va au bout ! » J'ai alors décidé de piloter à ma main, me contentant de conserver une marge tout juste suffisante sur Schumacher et Häkkinen. Berger ? J'ai simplement entendu le bruit d'un autre moteur que le mien ! C'est la première fois que ça m'arrivait depuis l'époque où je courais en moto ! Mais quand j'ai voulu regarder mes rétros, il avait disparu ! (...) L'abandon de Villeneuve ? Lorsque le message radio est arrivé, j'ai aussitôt pensé que j'étais champion du monde. Mais j'ai sorti ça de mon esprit pour me concentrer sur ma course. Croyez-moi, je la voulais vraiment celle-là ! »
Jacques Villeneuve surmonte assez rapidement sa déception, même si la cause de son abandon demeure insolite: la roue arrière-droite a-t-elle été mal serrée lors de son second passage aux stands ? Les mécaniciens de Williams n'en seraient pas à leur coup d'essai... Quoiqu'il en soit, même sans cette mésaventure, Villeneuve ne serait pas devenu champion du monde, c'est pourquoi il accueille cette défaite avec philosophie: « Je suis déçu, mais je n'ai pas à rougir de ma saison. Peu de personnes m'accordaient de chances d'être encore dans la course au titre lors du dernier Grand Prix. Je suis donc satisfait de mon année. » Craig Pollock est moins fataliste et estime que son ami aurait été champion du monde sans la panne de radio qui l'a privé de la victoire en Belgique. L'intéressé préfère oublier tout cela le soir même en participant à une virée de clôture en compagnie de David Coulthard et Mika Salo. Suite à un parti quelconque, les trois amis finissent la soirée le crâne rasé !
Par ailleurs, Williams et Renault concluent la saison la plus fructueuse depuis le début de leur alliance en 1989. Outre les deux titres mondiaux, l'écurie de Grove et la firme au Losange ont remporté douze des seize Grands Prix disputés cette année, soit un taux de réussite de 75% qui n'avait pas été atteint les glorieuses saisons 1992-1993. Il sera délicat de faire mieux en 1997, mais Frank Williams caresse toujours le rêve d'accomplir un grand chelem...
Flavio Briatore est en revanche furax: les maladresses de ses pilotes coûtent à Benetton-Renault la seconde place au classement des constructeurs au bénéfice de Ferrari. Gerhard Berger n'a pourtant pas ménagé ses efforts en jouant les « terminators »... Il a même éliminé la seconde monoplace italienne, celle d'Eddie Irvine !... Tout penaud, le Grand Gerhard présente ses excuses au Nord-Irlandais. Jean Alesi a quant à lui achevé son piteux week-end au bout de après 200 mètres. « Maintenant, je vais demander à Walkinshaw s'il ne peut pas me donner Hill », ricane Briatore. Pour la première fois depuis 1988, Benetton termine une saison sans avoir remporté la moindre la victoire. Du côté de Ferrari, Jean Todt a le triomphe modeste: « Cette deuxième place était notre objectif », commente-t-il sobrement. Mais en 1997, la Scuderia compte bien viser le titre mondial...
L'incroyable destin d'un fils de champion
Cette victoire finale de Damon Hill paraît méritée à tout observateur sagace. Quoiqu'on pense de son talent réel, il a indubitablement dominé Jacques Villeneuve durant une grande partie de la saison, remporté huit des seize Grands Prix et n'a commis que fort peu d'erreurs. En outre, il a puissamment contribué au développement de la Williams-Renault FW18 et recueille les fruits d'un labeur intense. Cette consécration n'en est pas moins insolite, car Damon Hill est assurément un champion très atypique.
En effet, rien ne le prédestinait vraiment à une telle réussite. Contrairement aux apparences, sa jeunesse ne fut pas heureuse. Être le fils de Graham Hill, personnage flamboyant, charismatique, extrêmement exigeant, à la lisère de la mégalomanie, n'était pas une sinécure. Lorsque ce père terrible et vénéré mourut tragiquement en 1975, Damon n'avait que quinze ans. Ses sœurs Brigitte et Samantha étaient encore dans l'enfance. Pour comble de malheur, le défunt ne laissa que des dettes: les Hill connurent l'aridité après l'abondance. Aussi Damon, épris à son tour de compétition, eut-il à surmonter bien des obstacles pour suivre les traces de son père. Vaincre l'extrême réticence de sa mère Bette ne fut pas le moindre. Après avoir débuté en moto, il roula sa bosse pendant près de dix ans dans les formules inférieures avec quelques succès, mais sans jamais véritablement sortir de l'obscurité. Sa promotion au poste ingrat d'essayeur chez Williams-Renault en Formule 1, fin 1990, semblait devoir être le sommet d'une médiocre carrière. Un incroyable concours de circonstances, l'éviction de Nigel Mansell en 1992, la retraite anticipée d'Alain Prost en 1993, puis la mort tragique d'Ayrton Senna en 1994, a fait de ce trentenaire besogneux le leader de la meilleure équipe du monde et le premier rival de la nouvelle star de la Formule 1, Michael Schumacher. Sa grande gloire fut de s'être montré digne de cette tâche à laquelle il n'était absolument pas préparé. Certes, il y eut des moments où ses insuffisances éclatèrent au grand jour, comme lors de ce terrible été 1995 durant lequel il accumula les bourdes. Mais Damon Hill se releva en accomplissant cette superbe saison 1996, comme il était parvenu deux ans plus tôt à redresser une équipe Williams traumatisée par la disparition de Senna. L'exploit est d'autant plus admirable qu'il émane d'un pilote ordinaire, au destin extraordinaire.
Tony