Avenir de Ligier - Walkinshaw évincé
Walkinshaw: la main dans le pot au lait !
Comme on l'a vu, les bailleurs de fonds de Ligier et le gouvernement français lui-même ont exigé fin mars le départ de Tom Walkinshaw, lequel se détourne de toute façon de l'écurie bleue puisqu'il vient de racheter Arrows. Mais l'ombrageux businessman entend « se tirer avec la caisse », c'est-à-dire avec Pedro Diniz, ou plus exactement le contrat de huit millions de dollars qu'il a négocié avec Parmalat en échange de l'engagement du Brésilien. Il affirme détenir des droits sur cette manne et prétend l'emmener avec lui chez Arrows ! Jean-Dominique Comolli, le président de la Seita, furieux, lance un ultimatum à Flavio Briatore: si Walkinshaw n'est pas débarqué avant le 31 mars, il coupera les vivres à l'équipe de Magny-Cours.
Le jeudi 28 mars, à São Paulo, Bernie Ecclestone, bien décidé à ménager une porte de sortie à son ami Walkinshaw, préside une réunion de crise à l'hôtel Trans-America. Sont présents: Flavio Briatore, Tom Walkinshaw, Gianni Grisendi, président de Parmalat-Brésil, José Carlos Brunoro, directeur du sponsoring du géant laitier, et Abilio Diniz, richissime homme d'affaires (42ème fortune mondiale) et père de Pedro, le pilote. Walkinshaw se bat pied à pied: il déclare jouir d'un accord avec Parmalat qui lui permettrait d'arracher Diniz et ses millions à Ligier. Il menace l'écurie française des pires maux: pénurie financière, fuite des cerveaux etc. MM. Grisendi, Brunoro et Diniz lui tiennent tête et affirment que le fameux contrat Ligier - Parmalat est fondé intuitu personæ sur la tête de Pedro Diniz. En conséquence, ce dernier ayant signé avec Ligier pour 1996, il ne peut en aucune façon partir chez Arrows. Au terme de rudes débats, Walkinshaw consent à abandonner Diniz en échange d'une présente réduite de Parmalat sur ses futures machines. Mais il n'a pas dit son dernier mot puisqu'il demande à son acolyte Briatore de lui rembourser les sommes investies dans Ligier...
Faute de Diniz, Tom Walkinshaw emmène tout de même avec lui Frank Dernie, le directeur technique de Ligier, quelque peu gêné de prendre congé dans un tel contexte. Il remplacera chez Arrows Alan Jenkins qui a rejoint le projet Stewart-Ford. Toutefois, son successeur à Magny-Cours est déjà trouvé: Guy Ligier et Bruno Michel font appel au très expérimenté André de Cortanze (ex-Renault, ex-Peugeot, ex-Sauber), ce qui permet aussi de redonner une touche tricolore à l' « équipe nationale ».
Présentation de l'épreuve
Le formidable engouement qui régnait l'an passé autour de Rubens Barrichello est retombé après la médiocre saison 1995 du Pauliste. Déçus, les Brésiliens sont de moins en moins nombreux à voir en lui le successeur d'Ayrton Senna. Paradoxalement, cela soulage l'intéressé qui supportait mal le poids de cette pression. « Depuis la disparition d'Ayrton, on a voulu que j'assume son héritage et cela a été mon principal problème », admet Rubinho. « Il est impossible d'oublier l'immense champion que fut Senna. Mais personne ne pourra jamais être un nouvel Ayrton, ni moi, ni qui que ce soit. Personnellement, je dois être Rubens Barrichello et personne d'autre. Je suis plus fort aujourd'hui, mentalement surtout. Je suis plus professionnel, mais aussi plus détendu. Je ne me suis fixé aucun objectif cette saison pour justement ne pas me mettre de pression supplémentaire. » Barrichello a tout de même l'espoir de suffisamment briller pour intégrer un « top team » en 1997. Végéter pendant quatre ans chez Jordan ne faisait pas partie de son plan de carrière...
Avec Rubens Barrichello, Pedro Diniz, Ricardo Rosset et le néophyte Tarso Marques, le Brésil compte pas moins de quatre représentants à l'aube de son Grand Prix national. Bernie Ecclestone s'en réjouit dans l'optique de son bras de fer avec l'IndyCar qui a calqué son calendrier sur celui de la F1: après Surfers Paradise en Australie, les bolides américains ont vrombi deux semaines plus tôt à Rio de Janeiro. Et la F. Indy foisonne d'« Auriverdes » : Roberto Moreno, Raul Boesel, Emerson et Christian Fittipaldi, Maurício Gugelmin, André Ribeiro, Gil de Ferran et Marco Greco (presque tous vétérans de la F1) ont roulé à Jacarepaguá. Ce fut un immense succès populaire. « Les promoteurs de la F. Indy ont réquisitionné les taxis pour aller chercher les spectateurs », ricane Ecclestone, courroucé.
Taki Inoue ayant définitivement perdu son sponsor, la deuxième Minardi est à louer au plus offrant. Le prometteur Giancarlo Fisichella aurait pu poursuivre l'intérim inauguré à Melbourne, mais il est lui aussi désargenté. Du coup, Giancarlo Minardi engage pour deux Grands Prix (Brésil et Argentine) le jeune Brésilien Tarso Marques qui apporte 500 000 dollars garantis par la compagnie pétrolière Hudson, les montres Magnum et... son papa, richissime propriétaire terrien. Âgé d'à peine 20 ans, Marques n'est cependant pas un inconnu puisqu'il a remporté l'an passé une course de Formule 3000 à Estoril pour le compte de DAMS.
Nommé directeur des opérations chez Ligier par Flavio Briatore en 1994, Cesare Fiorio n'est resté qu'une seule année à Magny-Cours, poussé vers la sortie par Tom Walkinshaw. Le revoici néanmoins dans le paddock à São Paulo en tant que directeur sportif de Forti Corse. « Hollywood » et ses lunettes noires n'ont cependant signé qu'un contrat de quatre moins avec la petite équipe italienne. En effet, selon quelques indiscrétions, Fiorio devrait en effet retourner chez Ligier dès juillet, en lieu et place de... Walkinshaw.
La future écurie Stewart GP, soutenue par Ford, enrichit son futur staff technique. Alan Jenkins en sera comme prévu le directeur technique. Parmi ses assistants, on notera Dave Rendall et Richard McAinsh (transfuges de Benetton), Dave Amey (ex-Arrows) et Andy le Flemming. Toujours du côté des techniciens, Williams enregistre le retour de James Robinson, transfuge de McLaren et spécialiste de la conception par ordinateur, promu ingénieur en chef.
Après leurs piètres prestations inaugurales en Australie, les Benetton-Renault B196 ont fait l'objet d'examens attentifs en soufflerie pour déterminer l'origine de leurs maux. Les données collectées par les ingénieurs d'Enstone ont mis en évidence un manque d'alimentation du moteur. Il semblerait que le problème vienne de la boîte à air contenue dans le capot-moteur. « Pour diverses raisons, le cockpit se met en dépression et perturbe le flux d'air-moteur », explique Bernard Dudot. Lors d'essais privés menés à Silverstone entre l'Australie et le Brésil, le handicap est apparu flagrant: en pleine accélération, la Benetton roule 8 à 12 km/h moins vite que la Williams dotée du même moteur Renault. Une nouvelle prise d'air devrait donc faire son apparition à Buenos Aires. Cependant, l'équilibre de la B196 est aussi très perfectible à cause d'une variation des appuis aérodynamiques.
La Ferrari F310 apparaît ici dotée du train arrière de sa devancière, la 412 T2, une solution adoptée au début de l'hiver et jugée plus fiable. Du coup, la voiture possède une boîte de vitesse plus volumineuse et perd l'usage du diffuseur fort complexe entrevu en Australie. John Barnard a aussi redessiné les protections latérales afin d'améliorer le flux d'air sans exposer la tête des pilotes. D'autre part, Schumacher et Irvine reçoivent un nouveau volant supprimant de fait le tableau de bord puisque incrusté de deux mini-écrans à cristaux liquides leur fournissant toutes les informations indispensables. A noter enfin que Ferrari est la seule écurie à utiliser jusqu'ici une direction assistée.
On apprend que Damon Hill et Jacques Villeneuve n'appréhendent pas de la même façon la Williams-Renault FW18, ce qui s'explique par des styles de pilotages différents. Le Britannique réclame ainsi un troisième amortisseur de suspension dont le Canadien ne veut pas entendre parler. Villeneuve utilise d'autre part un embrayage manuel alors que Hill tient au pédalier. Les McLaren MP4/11 reçoivent une nouvelle suspension avant dotée d'un tampon central, en prévision d'un troisième amortisseur. Après des essais privés menés à Lurcy-Levis, Sauber rehausse les tubulures d'échappements dans l'extracteur de la C15, ce qui offre une charge aérodynamique plus constante et donc une meilleure adhérence. Pour finir sur cette page technique, afin d'obtenir plus d'appui, les Minardi-Ford sont munies d'un petit double fond plat, sous l'habitacle, à l'entrée des pontons.
Essais et qualifications
Les essais du vendredi sont favorables aux Benetton d'Alesi et de Berger qui occupent le haut du classement. Mais dès le samedi matin, Hill et sa Williams reprennent le pouvoir. L'après-midi, le Britannique réalise sans forcer sa douzième pole position (1'18''111'''). Villeneuve est beaucoup moins à l'aise qu'à Melbourne. Il attaque fort, s'offre samedi une excursion dans la pelouse, mais conquiert tout de même le troisième chrono. La sensation vient des Jordan-Peugeot: flamboyant devant son public, Barrichello (2ème) se hisse en première ligne et démontre ainsi la puissance du V10 Peugeot. Brundle (6ème) est un peu en retrait à cause d'une avarie de boîte de vitesses. Schumacher (4ème) se débat avec une Ferrari très survireuse: visiblement le train arrière de la 412 T2 ne convient pas à la F310. Irvine (10ème) détruit sa monoplace vendredi puis est frappé d'une fuite d'essence samedi après-midi. Catastrophe chez Benetton: Alesi et Berger sortent tous deux de la piste samedi matin et compromettent ainsi leur programme de mise au point. Mais, on l'a vu, la B196 souffre surtout d'un cruel manque de vitesse de pointe. Alesi se classe cinquième, Berger huitième. Les McLaren-Mercedes pâtissent d'un manque d'équilibre général, mais comme à Melbourne Häkkinen (7ème) s'en sort beaucoup mieux que Coulthard (14ème).
Les écarts sont serrés en milieu de plateau (une seconde sépare la troisième de la quatorzième place). Les Sauber-Ford (Frentzen 9ème, Herbert 12ème) font plutôt bonne figure. Chez Tyrrell-Yamaha, Salo (11ème) domine une fois de plus Katayama (16ème). Les Arrows-Hart affichent un certain potentiel: Verstappen (13ème) se bat contre les Sauber et les Tyrrell alors que Rosset (17ème) améliore ses chronos à chaque séance. Un samedi difficile pour Ligier-Mugen: Panis (15ème) fait de la figuration en qualifications à cause d'un amortisseur grippé et Diniz provoque un drapeau rouge en se mettant en tête-à-queue. Il repart à la poussette, ce qui est interdit, et se voit disqualifié. Le jeune Brésilien (18ème chrono) partira bon dernier. La même sanction frappe un temps Panis, lui aussi victime d'une pirouette, mais le Français arrive à prouver son innocence. Du côté de Minardi, le jeune Marques réalise une belle entrée en matière en réalisant le 19ème temps devant son collègue Lamy. Hélas, il omet de se soumettre à un contrôle de pesée et se retrouve renvoyé en dernière ligne aux côtés de Diniz. Lamy partira donc 18ème. Enfin, les Forti (Badoer 19ème, Montermini 20ème) franchissent cette fois la barre des 107 % et prendront donc leur premier départ de la saison.
Le Grand Prix
Dimanche matin, un chaud soleil luit au-dessus de São Paulo mais l'atmosphère est lourde et moite, ce qui ne présage rien de bon. Le warm-up se déroule toutefois dans des conditions optimales. Les Jordan-Peugeot confirment leur bonne forme puisque le meilleur temps revient à Brundle devant Villeneuve, Häkkinen et Barrichello.
Cependant, en fin de matinée, de gros nuages s'amoncellent et crèvent avec violence vers la mi-journée. C'est la « chuva », le déluge court mais intense propre au climat subtropical. Lorsque les bolides s'ébranlent pour s'installer sur la grille de départ, la piste est noyée sous les eaux. Tous les réglages doivent être revus et bien évidemment les pilotes s'équipent en pneus rainurés. Ces nouvelles conditions embarrassent Jacques Villeneuve qui, du fait de son exil américain, n'a plus conduit sous la pluie depuis ses débuts en F3 ! Les Williams et les Benetton démarrent avec un réservoir rempli à ras bord afin de n'effectuer qu'un seul ravitaillement. Les Brésiliens se mettent à rêver d'une victoire de Barrichello, toujours excellent dans ces conditions perturbées.
Herbert s'élancera des stands avec son mulet car le moteur de sa Sauber de course donne des signes de faiblesses. Il voisinera avec Montermini, pour sa part victime d'une fuite d'huile, et qui a pris le mulet Forti.
Départ: Hill prend un départ médiocre. Barrichello, mieux parti, tente de l'attaquer mais l'Anglais le tasse vers l'intérieur. Il conserve ainsi la première place au freinage et Villeneuve, qui est resté à droite, profite de cette manœuvre pour se porter à la hauteur de Barrichello. Schumacher patine au démarrage et se fait doubler par Alesi et Brundle.
1er tour: La piste est inondée et la visibilité quasi nulle. Villeneuve s'impose à Barrichello après le S de Senna. Alesi déborde aussi le Brésilien dans la ligne droite suivante. Schumacher reprend l'avantage sur Brundle. En fin de tour, Hill précède Villeneuve, Alesi, Barrichello, Schumacher, Brundle, Frentzen, Verstappen, Coulthard et Berger. Marques part en tête à queue à l'amorce de la grande côte et s'enlise dans la pelouse. Il n'ira pas plus loin.
2e: Leader, Hill est épargné par les projections d'eau et s'enfuit aisément. Il compte six secondes d'avance sur Villeneuve, attaqué par Alesi. L'Avignonnais tente de faire l'intérieur au Québécois au virage n°8, mais celui-ci résiste fermement.
3e: La pluie a cessé. Hill tourne deux secondes au tour plus vite que Villeneuve dont la Williams est partiellement réglée pour le sec. Verstappen a doublé Frentzen puis Brundle et se retrouve sixième avec son Arrows. Salo prend la dixième place à Berger. En queue de peloton, Lamy et Katayama entrent en contact à Descida do Lago et partent en tête-à-queue. Ils parviennent à repartir sans dégâts.
4e: Alesi harcèle Villeneuve, sous le regard de Barrichello, prêt à saisir la moindre opportunité. Verstappen manque un freinage et exécute un 360° dans la portion sinueuse. Cela permet à Frentzen et à Brundle de le redoubler.
5e: Hill mène devant Villeneuve (12.1s.), Alesi (14s.), Barrichello (14.6s.), Schumacher (16.9s.), Frentzen (21.7s.), Brundle (26s.), Verstappen (26.3s.), Coulthard (27.4s.) et Salo (28.1s.). Häkkinen dépasse Berger.
6e: Alesi est gêné par les gerbes d'eau renvoyées par la Williams de Villeneuve. Barrichello est désormais sur ses talons, et Schumacher n'est pas loin...
7e: La trajectoire commence à s'assécher même si l'ensemble du bitume reste très humide. Barrichello fait l'intérieur à Alesi au premier virage sous les vivats de la foule. Mais le Français « croise » le Brésilien et quitte le S devant la Jordan. Verstappen dépasse Brundle derechef.
8e: Hill est impérial et porte son avantage sur Villeneuve à près de quinze secondes. Barrichello menace Alesi au bout de la grande accélération, mais en vain. Häkkinen double Salo. Frentzen réalise le meilleur temps provisoire: 1'39''090'''.
9e: L'étonnant Frentzen enchaîne les meilleurs temps en course et revient sur Schumacher.
10e: Barrichello fait de nouveau l'intérieur à Alesi à l'entrée du S, mais il glisse encore vers l'extérieur et permet ainsi à son adversaire de se replacer à gauche et de rester deuxième. Badoer effectue un changement de pneus.
11e: Hill devance Villeneuve (14.8s.), Alesi (16.9.), Barrichello (17s.), Schumacher (17.5s.), Frentzen (18.5s.), Verstappen (24.8s.), Brundle (33.1s.), Coulthard (34.4s.), Häkkinen (34.6s.), Salo (36.6s.) et Berger (37.8s.).
12e: Barrichello se jette une fois de plus à l'intérieur du premier virage pour surprendre Alesi, et nouveau l'Avignonnais « croise » la Jordan, mais cette fois-ci les deux bolides dévalent la pente et entament la Curva del Sol roue contre roue. Alesi reprend l'avantage à l'accélération. Schumacher et Frentzen talonnent ce duo.
13e: Frentzen prend l'aspiration de Schumacher dans la Reta Oposta mais ne peut pas se déporter. Il freine tard et rattrape in extremis sa Sauber qui esquissait une embardée. Le pilote le plus rapide en piste est dorénavant... Verstappen ! Le Hollandais tourne en 1'35''435'''.
15e: La trajectoire s'assèche et les pilotes commencent à rouler sur les portions humides du bitume pour préserver leurs gommes. Hill compte quinze secondes d'avance sur Villeneuve. Schumacher peine à contenir Frentzen.
16e: Villeneuve est gêné par Badoer, ce qui permet au quatuor Alesi - Barrichello - Schumacher - Frentzen de le recoller. Brundle perd trois places à cause d'une sortie dans l'herbe.
17e: Frentzen déborde Schumacher sur la ligne de chronométrage, mais le double champion du monde riposte dans le S de Senna et conserve l'ascendant sur son compatriote.
19e: Dix-sept secondes séparent Hill de Villeneuve. Le Québécois a décramponné Alesi. Schumacher se rapproche de Barrichello. Verstappen rejoint son stand avec un moteur coupé. Voilà une grosse déception pour l'écurie Arrows-Hart qui pouvait glaner des points à la régulière.
20e: Coulthard glisse et part en tête-à-queue dans la portion sinueuse du circuit. Il se relance en quatorzième position.
21e: Hill précède Villeneuve (15.6s.), Alesi (18s.), Barrichello (18.8s.), Schumacher (19.7s.), Frentzen (22s.), Häkkinen (47.1s.), Salo (47.7s.), Brundle (48.8s.), Irvine (50.4s.), Berger (51.3s.) et Panis (52.1s.).
22e: Schumacher harcèle Barrichello qui se débat avec des pneus abîmés. Coulthard stoppe chez McLaren. Il reprend de l'essence, chausse le premier des slicks et fait ôter une réglette de son aileron arrière pour réduire ses appuis. L'Écossais redémarre en 18ème position.
24e: Le bitume s'assèche mais quelques gouttes tombent à l'extrémité du circuit. Coulthard, en slicks, tourne une seconde au tour plus vite que Hill. Schumacher rejoint son stand pour ravitailler et reprend des pneus pluie (11.5s.).
25e: Hill compte dix-sept secondes d'avance sur Villeneuve qui voit Alesi grossir dans ses rétroviseurs.
26e: Rosset dérape sur une plaque d'humidité en entamant la remontée vers les stands, part en toupie et heurte le rail par l'avant. Le Brésilien abandonne là sa monoplace qui heureusement n'a pas semé de débris. Berger regagne son stand pour renoncer: sa transmission ne fonctionne plus suite à une chute de pression hydraulique.
27e: Villeneuve et Alesi doublent l'attardé Montermini après la Curva do Sol. Le Français tente d'en profiter pour faire l'intérieur au Canadien qui le serre vers la portion humide. Alesi ne s'en laisse pas compter et reste à la hauteur de son adversaire. Villeneuve, à l'extérieur, aborde trop vite la courbe du lac. Il met deux roues sur le mouillé, part en tête-à-queue et s'enlise dans les graviers. Cette erreur de jeunesse entraîne son abandon. Frentzen observe un ravitaillement et prend des pneus slicks. Il redémarre surtout devant Schumacher.
28e: Herbert et Panis passent aux stands pour remettre de l'essence. Le premier chausse des pneus pluie, le second des slicks. Montermini exécute un tête-à-queue dans la portion sinueuse et abandonne sa Forti dans le gazon humide.
29e: Hill est en tête devant Alesi (15.4s.), Barrichello (20s.), Häkkinen (49.8s.), Salo (50.3s.), Brundle (52.1s.), Irvine (54.7s.), Frentzen (58s.), Schumacher (1m. 08s.) et Diniz (1m. 19s.). Herbert renonce suite à une perte de puissance de son V10 Ford.
30e: L'averse a définitivement cessé. L'asphalte est désormais surtout humide dans la portion sinueuse du circuit. À cet endroit, Coulthard met une roue sur une flaque, part en tête-à-queue et se retrouve à contre-sens dans le gazon. Il ne repartira pas. Brundle et Häkkinen apparaissent aux stands pour ravitailler et remettre des pneus striés.
31e: Alesi est plus rapide que Hill et réduit son retard à douze secondes.
32e: Alesi commet une faute au premier freinage et tire tout droit dans la pelouse. Il rejoint la piste sans trop de peine, mais Barrichello est passé entretemps. Katayama puis Lamy effectuent un pit-stop.
34e: Barrichello fait halte chez Jordan pour se ravitailler en essence. Il reprend aussi des pneus pour la pluie (10s.), et ce bien que la piste s'assèche de plus en plus. Le Brésilien repart quatrième derrière Salo. Sixième, Schumacher pourchasse Frentzen sans trouver d'ouverture.
35e: Hill compte vingt secondes d'avance sur Alesi. Irvine s'arrête chez Ferrari afin de remettre de l'essence. Il garde les gommes pour le mouillé.
36e: Alesi tourne une seconde au tour plus vite que Hill. Salo stoppe chez Tyrrell pour refaire le plein d'essence.
37e: Auteur d'un très beau début de course, Frentzen est hélas trahi par son moteur. L'Allemand regagne son garage et met pied à terre.
38e: Hill est leader devant Alesi (16s.), Barrichello (57s.), Schumacher (1m 09s.), Salo (1m. 26s.), Häkkinen (1m. 29s.), Irvine (1m. 34s.) et Brundle (1m. 35s.). Jusqu'alors cinquième, Diniz effectue son ravitaillement.
39e: Hill retarde son pit-stop afin de chausser les slicks lorsque l'humidité se sera évaporée. Le ciel est avec lui puisque le soleil fait son apparition. Alesi améliore le record du tour à chaque passage.
40e: Hill s'arrête enfin chez Williams, reprend de l'essence et saisit les pneus lisses (11.2s.). Il repart second derrière Alesi. Schumacher fait escale chez Ferrari pour prendre les slicks et remettre un peu de carburant.
41e: Schumacher est tombé au neuvième rang. Il quitte les stands sous le nez d'Alesi qu'il laisse passer, non sans réticence, dans la courbe du lac. L'Allemand bénéficie en effet de plus de grip que le pilote Benetton et fait ensuite tout pour se dédoubler. Alesi regagne toutefois les stands en fin de tour.
42e: Alesi prend de l'essence et des slicks (11s.), et redémarre environ vingt-cinq secondes derrière Hill. Salo, Panis et Badoer passent aux stands pour prendre les gommes lisses. Katayama s'arrête aussi mais seulement pour remettre de l'essence.
43e: C'est la ruée aux stands: Barrichello, Häkkinen, Irvine et Diniz s'emparent de gommes pour le sec.
44e: Hill possède vingt-cinq secondes d'avance sur Alesi. Schumacher double Brundle et se retrouve troisième. Reparti derrière Salo, Häkkinen se bagarre avec son compatriote pour la sixième place.
45e: Brundle fait escale chez Jordan afin de changer de pneus. Malheureusement il cale au redémarrage et ne quitte les stands qu'en neuvième position. Katayama stoppe une seconde fois chez Tyrrell pour mettre des slicks.
46e: Salo déborde Häkkinen sur la ligne de chronométrage. Mais au tour suivant le Finlandais de McLaren reprend l'ascendant sur celui de Tyrrell.
47e: Hill améliore le record du tour à chaque passage. Alesi est gêné par Panis qui tarde à s'écarter.
48e: Hill devance Alesi (25.8s.), Schumacher (1m. 13s.), Barrichello (1m. 22s.), Häkkinen (-1t.), Salo (-1t.), Panis (-1t.), Irvine (-1t.), Brundle (-1t.) et Diniz (-1t.). Lamy passe chez Minardi pour chausser des slicks.
50e: L'asphalte est presque sec. Hill a en point de mire Barrichello, relégué à près d'un tour. Toutefois le Pauliste tourne dans les mêmes chronos et comble peu à peu son retard sur Schumacher. Loin de là, Panis remonte à grandes enjambées sur Häkkinen et Salo.
52e: Barrichello ne concède plus que six secondes à Schumacher. Cinquième, Häkkinen résiste aux assauts de Salo.
54e: Barrichello est pressé par Hill qui souhaite lui prendre un tour. Cependant le Brésilien attaque fort et a encore glané trois secondes sur Schumacher.
55e: Hill précède Alesi (27s.), Schumacher (1m. 20s.), Barrichello (1m. 21s.), Häkkinen (-1t.), Salo (-1t.) et Panis (-1t.). Brundle prend l'avantage sur Irvine.
57e: Un rayon de soleil fend les nuages. Barrichello fait la jonction avec Schumacher... avec Hill collé à ses basques. Alesi profite de cette situation pour tourner une seconde au tour plus vite que ce trio.
59e: Barrichello chercher une ouverture pour doubler Schumacher qui est en délicatesse avec ses freins. L'accélérateur de Panis reste partiellement ouvert au freinage. Le jeune Français doit se montrer prudent et abandonne la poursuite des Finlandais Salo et Häkkinen.
60e: Schumacher, Barrichello et Hill évoluent roue dans roue... mais pas dans le même tour. Alesi est revenu à vingt-deux secondes du pilote Williams. Häkkinen a semé Salo.
61e: Barrichello prend l'aspiration de Schumacher au passage devant les stands et se déporte à l'intérieur pour entamer S de Senna. La Jordan glisse vers l'extérieur, et Schumacher parvient à la « croiser » sans peine dans la descente. Quelques secondes plus tard, à la courbe du lac, les freins surchauffés de Barrichello ne répondent plus. La Jordan pivote sur elle-même et s'enlise dans le bac à graviers. Les Brésiliens sont effondrés: « Rubinho » est hors course !
62e: Hill prend un tour à Schumacher. Seul Alesi est désormais dans le même tour que le leader.
63e: Hill est premier devant Alesi (21.5s.), Schumacher (-1t.), Häkkinen (-1t.), Salo (-1t.), Panis (-1t.), Brundle (-1t.), Irvine (-1t.), Diniz (-2t.), Katayama (-2t.), Lamy (-2t.) et Badoer (-4t.).
65e: Hill s'empare du meilleur chrono de la journée (1'21''547''').
66e: Privé de freins, Brundle glisse au premier virage et dévale la pente en marche-arrière. Le Britannique ne parvient pas à relancer son moteur et met pied à terre.
67e: À quatre tours du but, Hill mène devance Alesi (23.3s.), Schumacher (-1t.), Häkkinen (-1t.), Salo (-1t.), Panis (-1t.) et Irvine (-1t.).
69e: Hill achève la course avec vingt-deux secondes d'avantage sur Alesi. Ce dernier n'est pas loin de prendre un tour à Schumacher.
71ème et dernier tour: Damon Hill remporte sa quinzième victoire en Formule 1 (une de plus que son père). Alesi se classe deuxième avec sa Benetton. Schumacher, troisième, monte sur son premier podium pour Ferrari. Häkkinen est un brillant quatrième. Salo finit cinquième et inscrit des points pour la quatrième course de rang. Panis, sixième, inscrit un point pour Ligier. Irvine, Diniz, Katayama, Lamy et Badoer achèvent aussi l'épreuve.
Après la course: Hill en démonstration
Damon Hill reçoit le trophée du vainqueur des mains de Pelé, légende du football et accessoirement ministre des Sports du Brésil. « Vous étiez mon idole de jeunesse », lui glisse le Britannique, passionné de ballon rond. Mais aujourd'hui, c'est lui qui écrit l'histoire: son cavalier seul sur le mouillé, sans commettre une seule erreur, et ce magnifique « hat trick » (pole, victoire, record du tour) démontrent que le Hill fragile et maladroit de 1995 est bien mort. De plus, un miracle s'est produit: en faisant ravitailler son pilote juste au moment où il devenait nécessaire de passer en pneus lisses, Williams a opté pour la bonne stratégie ! « Notre tactique à un arrêt fut dictée par deux facteurs importants », explique Hill. « D'abord parce que l'allée des stands est particulièrement longue, étroite et sinueuse. On y perd un temps fou. Ensuite, il a plu tellement avant le départ qu'il était certain qu'une bonne partie de l'épreuve aller se dérouler sur piste humide. Un seul arrêt s'imposait donc définitivement. Or la « fenêtre » a exactement correspondu au moment où il fallait passer en pneus lisses. Ce fut une superbe programmation ! » Damon Hill quitte le Brésil avec vingt points sur vingt possibles et s'affirme comme le grandissime favori de ce championnat 96: « L'année dernière, j'avais perdu trop de points en début de saison, cette année, je veux arriver en Europe avec un maximum d'avance sur mes adversaires », énonce-t-il gravement.
Jacques Villeneuve n'a cette fois-ci guère brillé et a fini sa course dans les graviers. Mais tout le monde accorde les circonstances atténuantes au Québécois qui n'avait plus roulé sur piste humide depuis des années. « Ce fut très difficile durant les cinq premiers tours, car la visibilité était vraiment déplorable, mais j'ai réussi à me réhabituer », raconte-t-il. « J'ai perdu beaucoup de temps sur Damon, mais j'ai ensuite corrigé ma trajectoire et l'écart s'est stabilisé. Par contre Alesi revenait sur moi comme une fusée. Persuadé que le soleil allait revenir après 10-15 tours, j'avais conservé mes réglages pour piste sèche, ce qui n'était évidemment pas l'idéal. Pressé par Jean, j'ai commis une erreur... Mais c'est le métier qui rentre ! Cette course sous la pluie fut néanmoins une belle expérience. » On ne saurait se montrer plus raisonnable. « Ce qui a mené Jacques à la faute, c'est sa jeunesse », confie un Bernard Dudot indulgent.
Bien servi par une stratégie à un arrêt et toujours magistral sous la pluie, Jean Alesi escalade son premier podium pour le compte de Benetton-Renault. Voilà qui lance véritablement sa saison après son stupide accrochage avec Eddie Irvine à Melbourne. Toutefois, l'Avignonnais n'est pas satisfait de la B196. « Il faut absolument améliorer le châssis qui ne me convient pas du tout », peste-t-il. « Je me demande encore comment j'ai pu disputer une course pareille sous la pluie ! Mais j'ai pleine confiance en mon équipe, ce n'est qu'une question de temps. Si seulement la patience était ma principale qualité... »
Jean Todt dresse pour sa part un bilan assez lugubre du week-end des Ferrari: « Que les deux voitures soient à l'arrivée et que, de surcroît, Michael Schumacher soit parvenu sur le podium sont des faits éminemment positifs. Par contre, comment ne pas être désappointés par le gros écart nous séparant de ceux qui nous précèdent ? » En effet, Schumacher a fini troisième certes, mais à un plus d'un tour de Damon Hill ! Quant à Eddie Irvine, il n'a pas émergé du week-end. La F310 s'est révélée incroyablement nerveuse, pour ne pas dire inconduisible. Pis encore: Ferrari s'est fourvoyée dans sa stratégie en arrêtant Schumacher deux fois. « Un seul arrêt aurait été le bon choix, reconnaît l'Allemand, mais le cours de l'histoire n'en aurait pas été bouleversé. La voiture était moins bonne qu'en Australie. Nous devons nous améliorer dans tous les domaines: moteur, châssis et aérodynamique. » On peut compter sur lui pour multiplier les séances d'essais en ce sens.
Enfin, Rubens Barrichello est fort marri: sans un problème de freins (qui a frappé les deux Jordan-Peugeot), il aurait certainement doublé Schumacher pour grimper sur le podium à domicile. « Je suis parti avec des écopes de refroidissement un peu trop fermées », explique-t-il. « Au fur et à mesure que la piste devenait plus rapide, les disques ont chauffé, jusqu'au moment où ils n'ont plus répondu. Décevant. Mais aussi satisfaisant car je sais disposer d'une machine capable de jouer le podium. » Néanmoins certains ne sont pas convaincus par cette explication. Nelson Piquet estime ainsi que Barrichello a commis « une erreur digne d'un garçon-coiffeur ». Quoiqu'il en soit, si les Williams-Renault semblent intouchables, les Jordan-Peugeot voisinent effectivement dans le peloton de chasse avec les Ferrari et les Benetton-Renault. « Aucun point certes, mais nous avons la satisfaction de posséder la performance et la fiabilité », déclare Pierre-Michel Fauconnier, le nouveau patron de Peugeot Sport (il vient de succéder à Jean-Pierre Jabouille). Voilà qui est de bon augure pour l'association irlando-française qui attend beaucoup de cette saison 1996.
Tony