Jacques VILLENEUVE
 J.VILLENEUVE
Williams Renault
Damon HILL
 D.HILL
Williams Renault
Eddie IRVINE
 E.IRVINE
Ferrari

582. Großer Preis

LXI Australian Grand Prix
Sonnig
Melbourne
Sonntag, 10. März 1996
58 Runden x 5.302 km - 307.516 km
Rennunterbrechung nach 1 Runde aufgrund von Unfalls und über die ursprüngliche Distanz neu gestartet.
Affiche
F1
Coupe

Wussten Sie es?

Fahrer
Konstruktor
Motor

Présentation de la saison

 

Grand Prix d'Australie: d'Adélaïde à Melbourne

La saison 1995 s'est achevée par le Grand Prix d'Australie à Adélaïde. Cinq mois plus tard, le paddock retrouve le pays des kangourous pour le coup d'envoi de la saison 1996, mais cette fois il pose ses bagages à Melbourne. La capitale de l'État de Victoria est parvenue à s'arroger l'épreuve nationale grâce à une législation anti-tabac plus souple que celle de sa voisine d'Australie méridionale. Le nouveau circuit est dessiné autour du lac de l'Albert Park, à trois kilomètres au sud de la métropole. En dépit de son caractère semi-urbain (les glissières ne sont jamais loin), c'est un tracé plutôt rapide (60% de pleine charge selon Bernard Dudot) qui met les moteurs, mais aussi les freins, à rude épreuve. Les pilotes seront dans l'ensemble satisfaits du nouveau tracé, mais se feront souvent piéger par un revêtement poussiéreux. L'organisation a été confiée à Judith Griggs, une avocate australienne qui travaillait jusqu'ici pour la FOPA, la société de promotion de Bernie Ecclestone.

 

En dépit des criailleries de quelques écologistes, cette nouvelle course remporte un franc succès: plus de 300 000 spectateurs seront enregistrés sur l'ensemble du week-end. Ecclestone en profite pour lancer une pique contre la Formule Indy qui visitera aussi l'Australie trois semaines plus tard, à Surfers Paradise: « La Formule 1 est le championnat du monde de boxe des poids lourds. L'Indy n'est qu'une compétition de lutte. »

 

Ligier: Walkinshaw contre Chirac

Ligier a connu un hiver tumultueux marqué par des licenciements massifs et le déménagement d'une partie de ses activités en Angleterre, dans les locaux du Tom Walkinshaw Racing. Guy Ligier - qui possède encore 18 % du capital - s'alarme de la « défrancisation » de son écurie, la chair de sa chair, et tonne avec sa verve habituelle contre Walkinshaw. Selon lui, l'Écossais aurait l'intention de fermer purement et simplement l'usine de Magny-Cours ! Pour sauver ce qui peut l'être, Ligier compte comme toujours sue ses amis politiques. Jadis proche de François Mitterrand, il est aujourd'hui au mieux avec le président Jacques Chirac. Ce dernier charge son ministre des Sports Guy Drut d'établir des pistes pour redonner son lustre d'antan à l'écurie française, notamment en créant autour d'elle une forme de « synergie » nationale. Le gouvernement envisage ainsi de retisser des liens entre Ligier et l'un des deux grands constructeurs nationaux (Renault ou PSA), avec, pourquoi pas, le concours d'un champion incontesté tel qu'Alain Prost.

 

Pour l'heure, le « parti français » (Guy Ligier, Bruno Michel, Jacques Laffite), encouragé par Chirac, cherche à évincer Ton Walkinshaw, fragilisé par des tripatouillages financiers un peu trop visibles. Avec son bras droit Daniele Audetto, il aurait cavalièrement endossé l'argent des nouveaux commanditaires (Parmalat et les boissons énergisantes Power Horse). Un cadre des « Bleus », cité par Patrick Camus d'Auto Hebdo, affirme même que la justice française est prête à ouvrir une enquête. L'affaire est en fait entre les mains de Flavio Briatore, le propriétaire du team, qui doit décider de se séparer ou non de son vieux complice.

 

Présentation de l'épreuve

Le matin du jeudi 7 mars, le circuit de Melbourne est officiellement inauguré par ses trois « parrains » : Jack Brabham (69 ans) mène la danse au volant de la Brabham-Repco BT20 avec laquelle il a décroché le titre mondial en 1966. Stirling Moss (66 ans) le suit avec la Maserati Sport 300S qui lui a permis de remporter le Tourist Trophy de Melbourne en 1956. Vient enfin Alan Jones (49 ans) qui pilote la Maybach avec laquelle son père Stan s'est illustré en 1953, lors du premier Grand Prix d'Australie ayant eu lieu dans cette même ville.

 

Dès le jeudi, les Williams-Renault et les Jordan-Peugeot sont pointées du doigt par Benetton, Ferrari et McLaren qui estiment que ces machines ne disposent pas de protections latérales conformes au nouveau règlement. Les commissaires techniques s'emploient à vérifier ces allégations et ne trouvent aucune anomalie sur les cockpits des deux monoplaces incriminées. Celles-ci respectent la réglementation qui exige que le bord supérieur de la protection latérale de l'habitacle passe par une ligne imaginaire située en parallèle à 22 cm à la ligne séparant les deux arceaux. A vrai dire, ce n'est pas la lettre mais l'esprit du règlement qui est contourné, car les protections de la Williams et surtout de la Jordan sont abaissées pour des considérations aérodynamiques. Des parois latérales trop hautes perturbent en effet l'écoulement de l'air vers l'aileron arrière. Ainsi, chez Williams, Adrian Newey a reculé l'arceau de sécurité, ce qui permet au pilote de conduire dans une position plus allongée, et a installé un mini-aileron sur la paroi. De son côté, chez Jordan, Gary Anderson a modifié la forme de l'arceau principal pour tirer une ligne la plus basse possible vers l'arceau avant. Ces deux procédés ne contreviennent pas aux normes édictées par la FIA.

 

Assailli par les journalistes, les photographes et les badauds, Jacques Villeneuve est la coqueluche de ce premier rendez-vous australien. Le jeune Canadien, avec son look d'étudiant attardé (lunettes, polo, jeans, baskets) paraît débouler d'un campus nord-américain et détonne dans le petit milieu très classique et policé de la F1, non seulement par son apparence, mais aussi par ses propos. Ainsi, il recadre immédiatement les journalistes trop nostalgiques qui voudraient le voir évoquer le souvenir de Gilles Villeneuve: « Je ne suis pas ici pour perpétuer sa mémoire. Je suis fier de ce qu'il a accompli, mais j'ai toujours voulu devenir pilote de course pour atteindre mes propres objectifs. » Du reste, cornaqué par son manager Craig Pollock et son ingénieur Jock Clear, « Junior » n'aura guère l'occasion de fréquenter la presse au cours de ce week-end. Il travaille en effet d'arrache-pied pour maîtriser les derniers détails de sa Williams FW18, sous l'œil inquiet de Damon Hill.

 

Ce dernier se montre très circonspect devant le potentiel pourtant évident de sa nouvelle monture. « Ce championnat ne sera pas une promenade de santé pour les Williams-Renault », énonce-t-il. En vérité, Hill n'a jamais eu entre les mains de meilleure voiture. Adrian Newey a entièrement réorganisé l'habitacle selon ses désirs, et l'Anglais peut dorénavant y loger sans peine ses grands pieds (il chausse du 46). A noter enfin que Patrick Head est seul aux commandes du team Williams lors de ce Grand Prix d'Australie. Frank Williams est en effet resté en Angleterre pour superviser le début du déménagement de l'équipe qui quitte son fief historique de Didcot pour une nouvelle usine ultra-moderne sise à Grove dans l'Oxfordshire.

 

Mika Häkkinen concentre lui aussi une bonne part de l'attention médiatique: il y a seulement cinq mois, le Finlandais a failli se tuer à Adélaïde, ne devant son salut qu'au sang-froid du professeur Sid Watkins qui lui a prodigué une trachéotomie à même l'asphalte. Il a ensuite subi une longue remise à niveau physique, notamment supervisée par son compatriote Aki Hintsa, le médecin de McLaren. Bien que les spécialistes assurent qu'il ne souffre d'aucune séquelle tant physique que neurologique, Häkkinen doute encore quelque peu d'avoir retrouvé l'ensemble de ses réflexes. Aussi ne souffre-t-il aucune intrusion dans le stand McLaren. « Mika a surtout besoin de tranquillité », assène son agent Didier Coton, transformé en cerbère. Ron Dennis veille aussi jalousement sur son pilote. Par bonheur, Häkkinen balaie les interrogations dès les premiers essais en signant des chronos tout à fait satisfaisants.

 

La Jordan-Peugeot 196 attire tous les regards grâce à sa robe tout jaune, « la couleur de l'argent », précise en souriant Ian Philips, le directeur commercial de l'équipe irlandaise. En effet, Benson & Hedges, le nouveau sponsor, offre une manne de 30 millions de dollars sur trois ans, plus un complétement de 20 millions de dollars en cas de bons résultats. « Je vais finir par me prendre au sérieux », plaisante Eddie Jordan qui n'a jamais été aussi fortuné depuis son arrivée en Formule 1.

 

La nouvelle Ferrari F310 n'a été dévoilée que fort tard et manque encore de roulage. Depuis sa présentation à Fiorano, elle a reçu une toute nouvelle entretoise en carbone. Le journaliste Giorgio Piola décrit dans Sport Auto la remarquable précision de l'extrémité du train arrière de la machine rouge, qui fait songer à la quille d'un bateau. Il relève que les dérives de l'extracteur, ainsi que le haut du tunnel central, sont incurvées afin de mieux évacuer le flux d'air. Mais la principale interrogation porte sur la fiabilité du nouveau V10 marqué du cheval cabré: tiendra-t-il la distance d'un Grand Prix ?

 

Essais et qualifications

Ils se déroulent dans une chaude atmosphère. Jeudi, lors des essais de familiarisation sur le nouveau du circuit, Villeneuve réalise à la stupéfaction générale les meilleurs chronos. Il confirme lors des séances libres du vendredi et lors de celle du samedi matin. Pas de doute: le jeune Canadien n'est pas là pour faire de la figuration. L'événement est de taille: c'est la première fois qu'un débutant occupe d'emblée les premiers rangs depuis l'apparition de Mario Andretti avec Lotus, au GP des USA 1968. « Ce n'est pas si mal, mais on peut faire mieux », lâche Villeneuve sous la vague de micros qui l'a submergé.

 

Samedi après-midi, Villeneuve transforme l'essai en réalisant la pole position (1'32''371'''), 138 millièmes devant Hill (2ème, 1'32''509'''). Les Williams-Renault apparaissent sans rivales. Les Ferrari sont véloces mais difficiles à conduire. Irvine (3ème) crée la sensation en devançant Schumacher (4ème). Suite à une panne de boîte de vitesses, l'Allemand a dû se rabattre sur son mulet, mal réglé. Häkkinen décroche une très belle cinquième place avec sa McLaren-Mercedes, à une seconde et demie toutefois de la pole. Coulthard (13ème) a beaucoup de mal à dénicher les bons réglages et n'émerge pas. Il exécute même un tête-à-queue au début des qualifications. Mauvais départ pour les Benetton-Renault, très instables sur les bosses. Alesi (6ème) est victime vendredi d'une casse moteur stupide (pour cause de bouchon d'huile mal vissé !) et Berger (7ème), qui se crashe samedi matin, est tout à faire transparent.

 

Les Jordan-Peugeot connaissent un week-end mitigé. Très rapide en essais libres, Barrichello est déçu de sa huitième place sur la grille. Brundle vit lui un cauchemar: il ne parvient pas à dénicher le bon « set-up » et casse un moteur. Il s'élancera 19ème. Les Sauber-Ford (Frentzen 9ème, Herbert 14ème) pâtissent d'un manque évident de mise au point. Joli exploit de Salo: après un bris de suspension sur sa Tyrrell-Yamaha attitrée, il réalise le dixième chrono avec son mulet. Katayama (15ème) s'offre comme toujours quelques figures. Les Ligier-Mugen-Honda souffrent de la chaleur. Panis (11ème) fait de la figuration et Diniz (20ème), peu à l'aise, se contente d'arracher sa qualification. Déception aussi chez Arrows-Hart: après avoir navigué dans le « top ten » en essais libres, Verstappen espérait mieux qu'une douzième position sur la grille. Rosset (18ème) se signale par un tête-à-queue. Les Minardi-Ford se qualifient aisément, au grand soulagement de leur patron. Le néophyte Fisichella (16ème) fait mieux que Lamy (17ème), mais interrompt les qualifications par un drapeau rouge en heurtant les glissières. Enfin, les Forti-Ford ne passent pas la barre fatidique des 107 % et sont donc éliminées. Badoer (21ème) commet un « tout-droit » dans son tour lancé et Montermini (22ème) est victime d'une inopportune panne électrique.

 

Le Grand Prix

Hill réalise le meilleur temps de l'échauffement du dimanche matin, quelques centièmes devant Villeneuve qui rencontre un problème hydraulique. Les pilotes sont extrêmement prudents car le bitume est très poussiéreux. L'allée des stands est même une vraie patinoire. Lors d'un arrêt, Alesi se laisse surprendre: sa Benetton se dérobe et fauche l'un de ses mécaniciens qui sera évacué vers l'infirmerie avec une jambe abîmée. L'Avignonnais s'en veut évidemment beaucoup...

 

Le briefing des pilotes est animé par le nouveau directeur de course et délégué fédéral à la sécurité, le contre-amiral Roger Lane-Nott, un authentique officier de la Royal Navy féru de sports mécaniques. Celui-ci explique la nouvelle procédure de départ mise en place à compter de ce Grand Prix: dorénavant, cinq feux rouges s'allumeront successivement avant de s'éteindre d'un seul coup pour libérer les bolides. La course se déroule sous une forte chaleur, et la majorité des écuries tablent sur deux arrêts-ravitaillements. Williams et McLaren ne planifient cependant que deux relais. Lamy rencontre un problème de boîte de vitesses lors de sa mise en grille et s'élancera donc des stands.

 

Tour de formation: Une panne électronique frappe la Sauber de Frentzen qui range sa voiture sur le bord de la piste et ne pourra pas rejoindre les stands.

 

Départ: Villeneuve prend un excellent envol, contrairement à Hill qui reste toutefois second au premier virage. Mais il patine à la réaccélération et les deux Ferrari en profitent pour le dépasser. Alesi est aussi très mal parti et se retrouve englué dans le paquet.

 

1er tour: Le peloton aborde le virage n°3. Coulthard est alors touché par Verstappen, puis esquisse un début d'embardée et croise la trajectoire de Herbert. Ce dernier freine en catastrophe et surprend Brundle qui arrive lancé à 280 km/h. La Jordan décolle en chandelle sur la McLaren et la Sauber, retombe lourdement sur son train arrière, exécute un ou deux tonneaux puis glisse sur plusieurs centaines de mètres, jusqu'au bac à graviers. La monoplace s'immobilise sur son arceau, complétement disloquée, le moteur rabattu sur le fond plat. Par bonheur, Brundle s'extirpe parfaitement indemne de son épave. Le drapeau rouge est instantanément déployé. Un nouveau Grand Prix va donc être lancé pour la distance originelle.

 

Cette interruption sauve la mise à Frentzen qui pourra repartir avec le mulet depuis sa huitième position initiale. Mais par conséquent Herbert, dont la monoplace a été rudement touchée, ne prendra pas le second départ. Coulthard s'installe au volant de la McLaren de rechange réglée pour Häkkinen. Enfin, en dépit de son effrayant accident, Brundle se dirige au pas de course vers l'infirmerie du circuit pour obtenir l'aval de Pr. Watkins et participer ainsi à la course. Il obtient le précieux sésame et grimpe dans son mulet. Sa bravoure rappelle celle dont fit preuve Derek Warwick à Monza en 1990 dans des circonstances similaires.

 

Après vingt-cinq minutes d'immobilité, les bolides s'ébranlent pour un second tour de formation. Seules dix-sept voitures se retrouvent sur la grille car Coulthard et Brundle s'élanceront depuis les stands.

 

Second départ: Villeneuve conserve l'avantage devant Hill et Irvine. Alesi est cette fois bien parti et se faufile entre Häkkinen et Schumacher. L'Allemand récupère toutefois la quatrième place à la sortie du deuxième virage.

 

1er tour: Villeneuve mène devant Hill, Irvine, Schumacher, Alesi, Häkkinen, Barrichello, Frentzen, Berger et Salo.

 

2e: Irvine ouvre la porte à Schumacher au virage Clark. Brundle tente de doubler Diniz au virage n°3, mais il freine trop tard, effleure la Ligier, part en toupie et cale son moteur. L'Anglais achève ici son après-midi mouvementé.

 

3e: Villeneuve précède Hill de quelques dixièmes. Schumacher recolle aux Williams alors qu'Alesi menace Irvine. Berger prend la huitième place à Frentzen.

 

4e: Villeneuve devance Hill (1s.), Schumacher (1.7s.), Irvine (4.1s.), Alesi (4.9s.), Häkkinen (11.2s.), Barrichello (12s.), Berger (12.4s.), Frentzen (14s.) et Salo (14.6s.).

 

5e: Rosset assaille Lamy au virage Ascari et se rate complètement: il part en tête-à-queue, touche la roue avant-droite du Portugais et se retrouve à contre-sens. Le Brésilien se relance sans dommage mais bon dernier.

 

6e: Schumacher évolue dans le sillage de Hill. Il est visible que la Ferrari est partie avec moins d'essence que la Williams.

 

8e: Villeneuve, Hill et Schumacher se tiennent en une seconde et demie. À dix secondes de là, Alesi commence à s'impatienter derrière Irvine.

 

9e: Salo prend la neuvième position à Frentzen. Lamy passe aux stands pour changer d'enveloppes suite à son accrochage avec Rosset.

 

10e: Alesi prend l'aspiration d'Irvine dans la seconde ligne droite et se déporte à l'intérieur avant le troisième virage. Mais il part de beaucoup trop loin et, en outre, Irvine lui ferme la porte. Tassé contre la bordure, l'Avignonnais esquisse un tête-à-queue et son ponton gauche fait tampon avec le train arrière de la Ferrari. Alesi se relance mais le flanc de la Benetton crache des morceaux de carbone sur le tarmac.

 

11e: Villeneuve conserve quelques dixièmes d'avance sur son coéquipier. Alesi rentre à son garage pour abandonner.

 

13e: Villeneuve précède Hill (0.7s.), Schumacher (1.5s.), Irvine (11.8s.), Häkkinen (27s.), Barrichello (27.5s.), Berger (28.2s.), Salo (28.8s.), Frentzen (36.7s.) et Verstappen (37.2s.).

 

14e: Villeneuve s'empare du meilleur chrono provisoire (1'34''166''') et impressionne par son sang-froid. Voilà une demi-heure que Hill le menace sans pouvoir l'attaquer.

 

15e: Villeneuve, Hill et Schumacher roulent toujours de concert. Irvine est isolé au quatrième rang, puis vient un quatuor comprenant Häkkinen, Barrichello, Berger et l'étonnant Salo. Ravitaillement de Verstappen.

 

16e: Parti léger, Salo passe chez Tyrrell pour mettre de l'essence et des pneus neufs. Le moteur Hart de Verstappen ratatouille: le jeune Hollandais préfère renoncer avant une inévitable explosion.

 

17e: Villeneuve affole le chronomètre à chaque passage mais ne parvient pas à décramponner Hill, qui lui-même garde Schumacher sur ses talons. Fisichella et Panis effectuent leurs premiers pit-stops.

 

19e: Schumacher arrive chez Ferrari pour ravitailler. L'arrêt est assez long (13s.). L'Allemand reprend la piste en quatrième position. Frentzen et Diniz sont aussi aperçus aux stands.

 

20e: Les Williams restent en piste puisqu'elles n'ont prévu qu'un seul arrêt. Elles rencontrent cependant les premiers attardés. Villeneuve garde toujours Hill à distance mais l'Anglais se fait de plus en plus pressant.

 

21e: Villeneuve et Hill prennent un tour à Coulthard qui se traîne en douzième position. Irvine ravitaille à son tour (12s.) et se retrouve septième.

 

22e: Villeneuve mène devant Hill (0.7s.), Schumacher (30.4s.), Häkkinen (42.9s.), Barrichello (43.3s.), Berger (43.8s.) et Irvine (49.4s.).

 

23e: Berger s'arrête aux stands pour ravitailler (9s.). Il redémarre juste devant Katayama qui tente en vain de le dépasser.

 

24e: Barrichello passe chez Jordan pour son premier arrêt (11.3s.) et ressort des stands devant Berger.

 

26e: La course semble basculer en faveur des Williams qui atteignent la mi-course avec un seul arrêt à effectuer, soit autant que la Ferrari de Schumacher qui est reléguée à plus de trente secondes. L'accélérateur de Coulthard demeure grand ouvert. Le jeune Écossais regagne son box pour mettre pied à terre. Ravitaillement de Katayama.

 

27e: Villeneuve réalise le meilleur tour de la course (1'33''42'''). Arrêt-ravitaillement pour Rosset.

 

28e: Villeneuve mène devant Hill (1.2s.), Schumacher (38s.), Häkkinen (55s.), Irvine (59.5s.), Berger (1m. 22s.), Barrichello (1m. 24s.), Panis (1m. 30s.), Salo (-1t.) et Frentzen (-1t.).

 

29e: Villeneuve pénètre dans la pit-lane. Ses mécaniciens ont quelque peine à fixer sa roue arrière-droite. Le Québécois redémarre néanmoins deuxième après dix-sept secondes d'immobilisation. Häkkinen effectue aussi son unique ravitaillement (14s.) et repart sixième.

 

31e: Hill perd du temps derrière les attardés Panis et Fisichella. Barrichello rencontre une perte de puissance et préfère abandonner avant de casser son moteur Peugeot. Second ravitaillement pour Diniz.

 

32e: Hill compte trente-huit secondes d'avance sur Villeneuve lorsqu'il s'engouffre dans la voie des stands pour son unique ravitaillement. Celui-ci ne dure pas moins de dix-huit secondes. Schumacher regagne son stand et se plaint d'un problème de freins. Ses mécaniciens démontent la calandre, examinent la Ferrari sous toutes les coutures, puis le relâchent au bout d'une minute. Seconds pit-stops également pour Panis et Lamy.

 

33e: Hill quitte les stands quelques mètres devant Villeneuve. Celui-ci prend l'aspiration de son équipier dans la seconde accélération et se déporte à l'extérieur avant le troisième virage. Hill reste devant, mais Villeneuve change de trajectoire, se place à droite de l'autre Williams et la contourne dans le gauche suivant.

 

34e: Hill n'a pas dit son dernier mot et harcèle Villeneuve. Privé de freins, Schumacher tire tout droit dans les graviers au virage n°3. Il parvient à rejoindre le circuit et ramène sa Ferrari jusqu'aux stands. Fisichella renonce suite à une panne de transmission.

 

35e: Villeneuve glisse au premier virage et met les quatre roues dans la poussière. Mais il contre-braque et rattrape superbement ce début d'embardée et garde l'ascendant sur Hill. Jacques est bien le fils de son père ! Hill tente ensuite en vain de se porter à la hauteur de son nouvel équipier. Salo effectue son second pit-stop.

 

36e: Villeneuve devance Hill (0.5s.), Irvine (22.3s.), Berger (42s.), Häkkinen (1m. 01s.), Frentzen (1m. 24s.), Salo (1m. 31s.), Panis (1m. 34s.), Katayama (-1t.) et Rosset (-1t.). Schumacher est revenu au stand Ferrari. Une fuite de liquide de frein est à l'origine de son abandon.

 

38e: Villeneuve repousse Hill à une petite seconde. Lamy fait halte chez Minardi pour faire resserrer son harnais qui s'est détaché.

 

39e: Frentzen exécute son second arrêt-ravitaillement et repart en huitième position, derrière Panis.

 

40e: Hill demeure dans les échappements de l'autre Williams... et s'aperçoit que celle-ci projette de l'huile sur son casque. Berger passe chez Benetton pour remettre de l'essence et des pneus frais (9.6s.). Il parvient à rester quatrième devant Häkkinen.

 

41e: Irvine observe à son tour son second pit-stop (11s.) et demeure troisième.

 

43e: À quinze tours de l'arrivée, Villeneuve précède Hill (0.6s.), Irvine (50.3s.), Berger (1m. 11s.), Häkkinen (1m. 16s.), Salo (1m. 33s.), Panis (-1t.) et Frentzen (-1t.).

 

44e: Les Williams prennent un tour à Salo. Hill file le train de Villeneuve, bien décidé à ne pas lui céder la victoire pour ce premier Grand Prix.

 

45e: Lamy quitte l'épreuve pour une raison singulière: la boucle centrale de son harnais a cédé !

 

47e: Villeneuve se forge une courte avance d'une seconde sur son équipier. Il est néanmoins inquiet car son voyant de pression d'huile s'allume par instants. Irvine évolue à cinquante-et-une secondes des Williams.

 

49e: Hill se rapproche de Villeneuve dont la Williams émet quelques volutes de fumée. Le Canadien va-t-il vraiment remporter son premier Grand Prix ?

 

50e: Villeneuve est premier devant Hill (1s.), Irvine (55.7s.), Berger (1m. 16s.), Häkkinen (1m. 26s.), Salo (-1t.), Panis (-1t.), Frentzen (-1t.), Katayama (-1t.), Rosset (-2t.) et Diniz (-2t.).

 

52e: Jock Clear prévient Villeneuve que son moteur perd de l'huile et qu'une rupture est à craindre. Katayama effectue un ravitaillement très tardif et perd deux positions.

 

53e: La murette de Williams présente à Villeneuve le panneau « Slow » afin qu'il préserve son moteur... et laisse la victoire à Hill.

 

54e: Villeneuve ouvre la porte à Hill entre les virages n°2 et 3. Le néophyte ne triomphera pas pour ses débuts en F1 et doit maintenant rallier l'arrivée.

 

55e: Villeneuve laisse Hill s'envoler afin de ménager son moteur. Il jouit d'une telle avance sur Irvine que le doublé des Williams n'est pas en péril.

 

56e: A deux tours du but, Hill mène devant Villeneuve (21.5s.), Irvine (58s.), Berger (1m. 16s.), Häkkinen (1m. 31s.) et Salo (-1t.).

 

58ème et dernier tour: Damon Hill remporte le premier Grand Prix de la saison. Sur l'autre Williams-Renault, Villeneuve achève finalement sa première course en deuxième position. Irvine amène sa Ferrari sur la troisième marche du podium. Berger finit quatrième après une course anonyme. Cinq mois après son dramatique accident, Häkkinen se classe cinquième au volant de sa McLaren-Mercedes. Son compatriote Salo prend le dernier point. Suivent Panis, Frentzen, Rosset, Diniz et Katayama.

 

Après la course: le doublé des « fils de »

Une simple fuite d'huile a donc empêché Jacques Villeneuve de triompher dès son premier Grand Prix. Ce problème fut en fait une conséquence de son excursion hors-piste du 35ème tour: comme l'explique Bernard Dudot, une grosse durite, installée dans le soubassement de la Williams, a alors été endommagée. « C'est l'équipe qui m'a appris que ma consommation d'huile était anormale », raconte Villeneuve. « En entendant mon stand pousser des cris, j'ai compris que quelque chose n'allait vraiment pas. Je n'avais presque plus d'huile dans le moteur. Sur l'instant ce fut une réelle déception, mais mon stand ne m'aurait pas demandé de lever le pied pour rien. Alors je l'ai fait, sans cela le moteur aurait cassé avant la fin. Pour l'équipe comme pour moi, c'est important de terminer ce premier Grand Prix aux deux premières places. C'est quand même dommage... Bien sûr, Damon aurait sûrement tenté sa chance, mais la victoire était là ! »

 

Le héros du week-end n'est cependant pas trop déçu: il termine tout de même second, et surtout a prouvé qu'il est un « client » redoutable. Son potentiel de futur champion du monde est unanimement reconnu. « Villeneuve peut même être sacré dès cette année », professe Alain Prost. « Nous savions depuis longtemps que Jacques a un gros potentiel », déclare Bernard Dudot. « Il croit beaucoup en lui-même et compte sur son instinct, ce qui le conduit à commettre encore quelques erreurs de jeunesse. Mais sa capacité d'adaptation à une situation particulière, à une machine pas au mieux de sa forme à cause de ces choix imparfaits, est impressionnante. » Au Québec, les performances du fils de Gilles ont un retentissement considérable. Les rues de Montréal se sont vidées pour la durée de la course. Jean Chrétien et Lucien Bouchard, les premiers ministres canadien et québécois, le joignent en ligne directe pour féliciter le nouveau héros. Villeneuve Junior n'aura mis que quatre jours à se faire un prénom...

 

Damon Hill ne pouvait ignorer le problème qui affectait son équipier: sa Williams finit l'épreuve maculée par une huile orangeâtre ! L'Anglais est rassuré: certes il s'est découvert en Jacques Villeneuve un adversaire redoutable, mais l'essentiel est acquis, à savoir les dix points de la victoire. En outre, l'Anglais a fait preuve dans la poursuite du Canadien d'une grande pugnacité, signe qu'il a retrouvé cet hiver tout le mordant nécessaire à la conquête du titre mondial. « Je me retrouve en tête du championnat, dit-il, et il y a très longtemps que cela ne m'était pas arrivé. Je ne sais évidemment pas ce que me réserve la suite, mais c'est un bon début... » Le regard froid et déterminé, le « Hill nouveau » semble paré à soutenir un duel implacable contre Villeneuve. En outre, avec dorénavant quatorze victoires à son palmarès, il a l'immense joie d'égaler son père Graham.

 

Malgré son abandon, Michael Schumacher est plutôt satisfait de son premier Grand Prix avec Ferrari. La F310 a montré un certain potentiel, et en début de course l'Allemand a sérieusement menacé les Williams-Renault, certes plus chargées en carburant. Jean Todt salue pour sa part le podium d'Eddie Irvine et la fiabilité des nouveaux V10 qui ont tenu le coup tout le week-end. Les Benetton paraissent quant à elles accuser un important déficit de puissance sur les Williams bien qu'elles utilisent le même moteur Renault. Gerhard Berger n'a pas vu le jour de tout le week-end et Jean Alesi s'est distingué par une remarquable « cagade » en emboutissant la Ferrari d'Irvine. « Un inadmissible faux-pas digne d'un débutant mal inspiré », commente le Français, désolé. « Avec Alesi, le problème est qu'on ne sait jamais d'où il vient... ni où il va ! » grommelle Eddie Irvine.

 

Prix du courage pour Brundle et Häkkinen

Le miraculé du jour, Martin Brundle, répond avec un flegme tout britannique aux multiples questions concernant son impressionnante cabriole: « Je ne sais pas exactement ce qui s'est passé, tout s'est produit trop vite. Il me semble que des voitures ont zigzagué devant moi. J'étais à fond de sixième, à 290 km/h, et trop près des autres pour pouvoir m'écarter. L'accident m'a semblé très long. Je savais que la voiture était complétement détruite, mais je me disais que je n'avais pas fait un si long voyage en Australie pour rester assis et regarder les autres courir ! Aussi ma première préoccupation fut de regagner les stands pour repartir. Mais Sid Watkins a tenu à m'ausculter auparavant. Un examen qu'il a lui-même jugé superflu en me voyant courir vers lui ! » Brundle plaisante, mais il aurait pu laisser sa vie dans cet accident sans les nouvelles normes protégeant la tête du pilote. Grâce à ces renfoncements, sa tête n'a rien heurté bien que la Jordan ait raclé le sol cul par-dessus-tête sur plus de 200 mètres.

 

Enfin, tout le monde salue le résultat remarquable de Mika Häkkinen, cinquième au volant d'une McLaren-Mercedes plutôt rétive, cinq mois après avoir frôlé la mort à Adélaïde. Depuis ce drame, le jeune Finlandais a fait preuve d'une admirable abnégation pour remonter dans un cockpit, et ce Grand Prix a démontré qu'il n'avait pas perdu son talent contre cette satanée barrière de pneus. S'il a sué sang et eau pour boucler les cinquante-huit tours de ce Grand Prix d'Australie, il sait que désormais le plus dur est fait. Le voici redevenu un pilote à part entière. « Évidemment j'ai dépensé beaucoup d'énergie pour terminer cette course et j'ai ressenti une grande fatigue en descendant de la voiture, mais je sais où j'en suis et je sais que l'écurie McLaren aura un rôle à jouer cette saison », confie-t-il à Lionel Froissart pour Libération. Mika Häkkinen attend certes toujours sa première victoire en Grand Prix, mais ce succès-là vaut tous les lauriers du monde.

Tony