Transferts: Schumacher chez Ferrari, Alesi chez Benetton
Le 16 août 1995, Ferrari, Benetton et Williams dévoilent simultanément certaines de leurs nouvelles recrues pour la saison 1996. L'annonce la plus attendue est bien sûr celle du transfert de Michael Schumacher chez Ferrari. Par un bref communiqué, la Scuderia informe de la signature par le champion allemand d'un contrat de deux ans, agrémenté d'une année d'option. Willi Weber a semble-t-il arraché un salaire astronomique pour son client: on parle de 60 millions de dollars sur deux saisons ! Cependant, grâce à leur nouveau partenariat avec Shell et à l'appui de Philip Morris, Fiat et Ferrari bénéficient des ressources nécessaires pour offrir de telles largesses. Schumacher cède donc aux sirènes de Maranello, et déjà certains s'inquiètent de l'éventualité de le voir végéter pendant plusieurs saisons avec une écurie qui, si elle se redresse peu à peu depuis l'arrivée de Jean Todt, est tout de même encore très loin de ses performances d'antan, comme en témoigne une saison 95 jusqu'ici plus que médiocre.
Benetton et Renault ont jusqu'au bout espéré conserver Schumacher, mais ni le marchand de pulls ni la firme au Losange ne pouvaient surenchérir devant le pont d'or avancé par Fiat. Par bonheur, Flavio Briatore avait depuis longtemps anticipé le départ de son « poulain » en prenant langue avec Jean Alesi. Abandonné par sa chère Scuderia, l'Avignonnais a eu le plaisir d'être courtisé par Renault qui aimerait enfin amener un pilote tricolore au titre mondial. Début août, Alesi signe donc pour deux ans avec Benetton-Renault, moyennant un généreux salaire et surtout un statut de pilote n°1. Le nom de son futur coéquipier est encore inconnu, mais on dit que Briatore hésiterait entre Rubens Barrichello et Heinz-Harald Frentzen.
Enfin, toujours le même jour, Williams-Renault confirme qu'elle alignera en 1996 un duo composé de Damon Hill et du jeune espoir canadien Jacques Villeneuve, récent vainqueur des 500 Miles d'Indianapolis. En dépit de ses multiples maladresses, Hill a obtenu de Frank Williams un nouveau contrat d'un an agrémenté d'une augmentation de salaire (entre 6 et 7 millions de dollars, soit autant que Villeneuve, selon Jonathan Palmer). Voilà qui devrait le remotiver pour la fin du championnat 1995.
Alain Prost et McLaren: vers les troisièmes noces ?
L'officialisation de l'engagement de Jacques Villeneuve par Williams aurait dû précéder celle du départ de David Coulthard chez McLaren-Mercedes. Le jeune Écossais, courtisé par Ron Dennis depuis un an, a en effet son contrat en poche. Mais mi-août, stupeur: Ron Dennis annonce qu'Alain Prost testera la MP4/10 le 10 septembre à Silverstone ! Le quadruple champion du monde envisage très sérieusement de sortir de sa retraite et d'effectuer un second « come-back » en 1996 avec son « écurie de cœur », McLaren. Depuis un mois, l'incontournable Julian Jakobi négocie en ce sens avec Ron Dennis et Mansour Ojjeh. Il n'a pas de mal à convaincre les deux associés, très nostalgiques des années glorieuses passées avec le champion français. Dennis imagine Prost en « mentor » de Mika Häkkinen, jeune homme très doué mais encore passablement immature. Jakobi reçoit aussi l'approbation de Norbert Haug et de tout l'appareil Mercedes-Benz, évidemment ravi de pouvoir collaborer avec un tel champion. Enfin, Philip Morris est d'accord pour financer un juteux contrat.
Reste cependant à obtenir l'essentiel, à savoir l'aval de Prost lui-même, certes titillé par le démon de la compétition, mais pas encore tout à fait certain de vouloir replonger dans le chaudron de la Formule 1 qu'il a quitté quasi dégoûté fin 1993...
Présentation de l'épreuve
Le circuit de Spa-Francorchamps retrouve sa configuration originelle pour cette édition 1995: la chicane installée en 1994 au pied de l'Eau Rouge a heureusement été supprimée, et les pilotes pourront donc aborder de nouveau le mythique raidillon pied au plancher, à 300 km/h.
Michael Schumacher est bien entendu l'attraction du week-end suite à l'annonce de son transfert chez Ferrari qui a fait la une des quotidiens sportifs du monde entier. En outre, il arrive à Spa-Francorchamps, circuit qui a vu ses débuts en F1 en 1991 et sa première victoire un an plus tard. Le champion du monde désire aussi prendre sa revanche sur sa déconvenue de 1994: vainqueur en piste, il avait été déclassé pour fond-plat non-conforme au profit de Damon Hill. Des milliers de supporteurs allemands franchissent comme chaque année la frontière germano-belge pour encourager leur champion. Afin de les distraire et de les désaltérer, la brasserie Bitburger, sponsor de « Schumi », organise une « bière partie » dans une immense prairie à proximité du circuit. L'Idole fait une apparition et engloutit une chope de bière au milieu de ses fans en délire.
Ferrari traverse une zone de turbulences, due aussi bien à l'arrivée future de Schumacher qu'aux les piètres performances de la 412 T2, définitivement distancée par les Williams et les Benetton. Devant les gazetiers, Jean Todt élude plusieurs questions concernant le directeur technique John Barnard, dont Schumacher souhaite le maintien. Le capricieux ingénieur britannique a déclaré qu'il négociait une prolongation de contrat jusqu'en... 2002 ! Des propos bien évidemment fantaisistes. Toutefois Todt ne reste pas inactif et entreprend de dépouiller littéralement Benetton: après Schumacher, il souhaite faire venir en Italie les ingénieurs Rory Byrne et Ross Brawn, piliers du staff technique d'Enstone !
Dans le même temps, Gerhard Berger, en instance de divorce avec la Scuderia, ne cache plus sa mauvaise humeur. « Maintenant, Schumacher va découvrir ce qui guette un pilote Ferrari, une sournoise et constante forme de pression », lâche-t-il, venimeux. Jean Todt et Luca di Montezemolo souhaiteraient pourtant toujours conserver l'Autrichien pour 1996, mais ce dernier ne veut pas devenir le porteur d'eau du champion allemand: « Je ne peux rester chez Ferrari qu'avec un contrat d'égalité avec Michael », martèle-t-il auprès de la presse germanophone. Il se place ainsi de lui-même sur le marché des transferts. Durant ce week-end spadois, Berger évoque ainsi son avenir Ron Dennis, Peter Sauber et surtout Walter Thomas, le président de Philip Morris, qui le soutient depuis des années. Jean Alesi est tout aussi amer que son coéquipier. Il digère mal sa rupture avec Ferrari, et plus encore d'avoir été sacrifié pour faire place nette à Michael Schumacher. Il se plaint d'être peu à peu mis à l'écart des conciliabules techniques. Ses relations avec Jean Todt en pâtissent. Alesi estime avoir été « lâché » par son patron. Il emploie même parfois un autre mot...
Depuis quelques mois, un contentieux oppose l'écurie Pacific à Heini Mader, le préparateur de ses V8 Ford-Cosworth. Ce dernier réclame l'acquittement d'une ardoise de 200 000 ardoises que Keith Wiggins et Bertrand Gachot ne parviennent pas à régler, en dépit du pécule apporté par Giovanni Lavaggi. En Belgique, Mader passe à l'attaque et fait intervenir les huissiers vendredi matin: le matériel de Pacific GP est mis sous séquestre. Finalement, les deux parties parviennent à un compromis: Mader accepte d'étaler l'épuration de la dette sur deux ans, en échange de quoi Wiggins et Gachot garantissent cette créance... sur leurs biens personnels ! Cet incident met en lumière les graves difficultés financiers de la petite écurie britannique qui pourrait rejoindre bientôt sa consœur Simtek sur le registre des faillites...
Samedi, un important conciliabule se tient dans le motor-home de Ligier. Il réunit Tom Walkinshaw, Bruno Michel et deux Japonais peu connus du paddock, Masao Kimura, vice-président de Mugen, et Ken Nakagawa, un juriste au service de la famille Honda. Ces derniers sont très courtisés dans le paddock: Giancarlo Minardi, Jackie Oliver et Guido Forti ne manquent pas de les saluer, avec bien sûr quelques arrière-pensées. Mais Ligier et Mugen-Honda renouvellent néanmoins leur contrat d'exclusivité pour deux saisons supplémentaires. Les négociations furent âpres. Mugen n'a consenti qu'une petite diminution du prix de location (6 millions de dollars). Walkinshaw espérait beaucoup mieux. Mais les Nippons se montrant intraitables sur les garanties bancaires avancées par les Bleus, ceux-ci se contentent de ce petit geste.
Jean-Paul Driot continue de monter son projet DAMS F1. Fort du soutien d'Elf, il espère pouvoir livrer dans trois mois la caution de 500 000 dollars réclamée par la FIA comme droit d'entrée au championnat du monde 1996. Quant à la monoplace, elle devrait faire ses débuts à la fin de l'été aux mains d'Érik Comas qui est maintenant prêt psychologiquement à faire son retour en Formule 1. Le Drômois avait été traumatisé, on s'en souvient, par la mort de son ami Ayrton Senna et avait pris quelque peu de recul à l'issue de la saison 1994.
Côté mécanique, la Ferrari 412 T2 arbore une nouvelle suspension arrière et retrouve des tubulures d'échappement ovales. La McLaren-Mercedes MP4/10 reçoit également une suspension arrière inédite, avec de nouveaux points d'ancrage pour offrir une meilleure motricité. Ligier bénéficie d'une seconde spécification du V10 Mugen-Honda, offrant quelques chevaux supplémentaires pour les circuits rapides de Spa et de Monza. Enfin, pour la première fois, les Forti sont munies d'une sélection de vitesses semi-automatique, avec palettes derrière le volant. Toutefois, le système n'étant pas fiable, Moreno et Diniz disputeront le Grand Prix avec le levier traditionnel.
Essais et qualifications
Nous assistons à week-end pluvieux comme sait en mitonner la météo capricieuse des Ardennes belges. Vendredi, le toboggan de Spa-Francorchamps est noyé sous les eaux. Dans ces conditions dantesques, Berger signe le meilleur chrono en 2'14'' devant Schumacher, Alesi, Hill et Coulthard. Le matin, Herbert détruit sa monoplace après la Source et ne tourne pas du reste de la journée. Samedi matin, la piste est sèche, ce qui autorise une rude bagarre en piste. Schumacher réalise le meilleur temps puis est victime d'un très gros crash à Malmédy, occasionnant un drapeau rouge. La Benetton est très endommagée et ne sera pas prête pour le coup d'envoi des qualifications, deux heures plus tard.
L'après-midi, un ciel de traîne préside au coup d'envoi de la seconde séance qualificative. Dix-neuf voitures s'ébranlent au feu vert, quand soudain, trois minutes plus tard, la pluie réapparaît et détrempe la piste ! Dans ces circonstances, les pilotes partis les premiers décrochent évidemment les meilleurs temps. Par la suite, l'averse cesse et le bitume s'assèche peu à peu, mais pas suffisamment pour permettre des améliorations significatives. C'est ainsi que les Ferrari, qui ont démarré dès le feu vert, héritent de la première ligne. Berger décroche la pole position (1'54''392'''), devant son équipier Alesi frappé par une panne de moteur... après l'averse ! Les McLaren-Mercedes ont le temps de démontrer leurs progrès: Häkkinen se classe troisième, Blundell sixième, en dépit d'une sortie de route. Herbert décroche le quatrième chrono avec sa Benetton-Renault. Schumacher est beaucoup moins chanceux puisqu'à cause des réparations à apporter à sa machine, il démarre seulement après l'intempérie. Vers la fin de la séance, il s'hasarde en piste muni de slicks, mais est touché par une panne de boîte ! Il se retrouve ainsi relégué au 16ème rang. Les Williams-Renault prennent elles aussi la route trop tard. Coulthard (5ème) aurait pourtant pu signer la pole position dans les dernières minutes mais une énième ondée ruine ses efforts... Hill (8ème) sort quant à lui de la route en fin de séance alors qu'il repartait en slicks.
Les Jordan-Peugeot (Irvine 7ème, Barrichello 12ème) parviennent à se placer en milieu de grille. Bel exploit de Panis qui hisse sa Ligier-Mugen-Honda au neuvième rang grâce à un chrono réalisé en slicks, sur piste grasse, en fin de séance. Brundle (13ème) est plus en retrait. Chez Sauber-Ford, Boullion (14ème) profite des circonstances pour ne rendre que deux dixièmes à Frentzen (10ème). Tyrrell a eu la bonne idée de faire partir Salo (11ème) dès le feu vert. Katayama (15ème) s'offre encore quelques figures. Lamy (17ème) place sa Minardi-Ford devant celle de son équipier Badoer (19ème). Les deux pilotes Arrows-Hart, Inoue (18ème) et Papis (20ème), s'offrent chacun une sortie de piste sous la pluie. Les deux dernières lignes sont comme à l'ordinaire occupées par les Pacific-Ford (Montermini 21ème, Lavaggi 23ème) et les Forti-Ford (Moreno 22ème, Diniz 24ème).
Cette première ligne toute rouge est le fruit de circonstances tout à fait exceptionnelles, mais elle suffit à faire le bonheur de Gerhard Berger qui s'offre la pole pour son 36ème anniversaire. « Pas mal pour un vieux, non ? » lance-t-il tout joyeux aux journalistes. Quant à Johnny Herbert, il vient sans s'en rendre compte d'écrire une page d'histoire: il est le premier pilote Benetton à battre Michael Schumacher en qualifications depuis Nelson Piquet en 1991 !
Le Grand Prix
La météo ne s'améliore pas entre samedi et dimanche car le warm-up matinal se déroule sous des trombes d'eau. Alesi le funambule réalise le meilleur chrono en 2'18''. Quelques heures plus tard, au moment du départ, l'asphalte est sec et tous les pilotes pourront s'élancer en slicks. Mais le ciel demeure chargé et menaçant. Les météorologues prévoient un après-midi humide.
Départ: Berger fait patiner ses roues et gêne Häkkinen situé derrière lui. Alesi en profite pour virer en tête à la Source avec Herbert sur ses talons. Suivent Berger, Häkkinen, Coulthard et Blundell. Au cœur du peloton, Schumacher évite de justesse un contact avec Katayama.
1er tour: Herbert menace Alesi dans la réaccélération vers le Raidillon. Puis, il prend l'aspiration de la Ferrari dans Kemmel, se déporte vers l'extérieur et s'empare de la première place au freinage des Combes. Hill se défait de Blundell. En fin de tour, Herbert mène devant Alesi, Berger, Häkkinen, Coulthard, Hill, Blundell, Irvine, Panis et Brundle. Schumacher a doublé Boullion, Katayama et Salo et pointe au treizième rang.
2e: Häkkinen part en tête-à-queue à la sortie de l'épingle de la Source, sous le nez de Coulthard qui le contourne de justesse. Le Finlandais cale son moteur et n'ira pas plus loin. Alesi assaille Herbert dans la ligne droite de Kemmel et lui reprend le leadership par l'intérieur aux Combes. Berger se montre ensuite dans les rétroviseurs du Britannique. Schumacher dépasse Barrichello puis Frentzen.
3e: Alesi devance Herbert de deux secondes. Coulthard est aux trousses de Berger. Schumacher déborde les deux Ligier et se retrouve déjà huitième !
4e: Coulthard dépasse Berger à l'épingle. Hill prend ensuite l'ascendant sur l'Autrichien aux Combes. Alesi rejoint la pit-lane en fin de tour pour signaler à ses mécaniciens une crevaison à l'avant-gauche. Herbert retrouve le commandement mais Coulthard le recolle aisément.
5e: Herbert mène devant Coulthard (0.2s.), Hill (1.7s.), Berger (4.2s.), Blundell (5.4s.), Irvine (6.6s.), Schumacher (7s.), Panis (11s.), Brundle (12.4s.), Barrichello (13.6s.) et Frentzen (14.4s.). Alesi quitte la pit-lane pour stopper quelques mètres plus loin, au niveau dans anciens stands. Il a en fait cassé un triangle de suspension...
6e: Coulthard tente de faire l'intérieur à Herbert à la Source. L'Anglais claque la porte au nez de l'Écossais. Ce dernier ne relâche pas la pression. Il pointe son museau à la hauteur de la Benetton aux Combes. Herbert freine trop tard et exécute un tête-à-queue magistral dans l'herbe grasse. Il repart troisième, abandonnant aux Williams les deux premières places. Puis, sous la pression de Berger, Herbert effectue une nouvelle figure à la chicane de l'Arrêt de Bus et se retrouve à contre-sens devant Blundell ! Les deux Anglais repartent mais ont perdu quelques positions.
7e: Coulthard devance Hill de deux secondes. À huit secondes de là, Berger contient Irvine et... Schumacher, revenu au cinquième rang !
8e: Coulthard creuse peu à peu l'écart sur Hill. Irvine résiste bravement au retour de Schumacher.
10e: Coulthard est premier devant Hill (4.2s.), Berger (17s.), Irvine (19.2s.), Schumacher (19.4s.), Herbert (22.1s.), Panis (27.3s.), Blundell (28.4s.), Brundle (32s.) et Barrichello (32.5s.).
11e: Coulthard s'empare du meilleur temps de la course (1'53''412'''). Schumacher surprend Irvine par l'intérieur à l'Arrêt de Bus et se retrouve quatrième, à vingt secondes de Coulthard.
13e: Coulthard précède Hill de six secondes. Schumacher se lance à la poursuite de Berger. Barrichello stoppe aux stands pour prendre de l'essence et des pneus neufs.
14e: Coulthard ralentit après Rivage: il ne peut plus sélectionner ses rapports car sa boîte a surchauffé, probablement suite à une fuite d'huile. L'Écossais se range dans l'herbe. Hill hérite du leadership. Herbert et Salo effectuent un premier ravitaillement.
15e: Berger verrouille toutes les ouvertures devant Schumacher. En fin de boucle, Hill regagne les stands pour un premier pit-stop (10.5s.). Berger et Irvine font aussi escale aux stands.
16e: Parti seizième, Schumacher se retrouve aux commandes du Grand Prix ! Il devance Hill de quatre secondes. Vient ensuite le trio Panis - Brundle - Frentzen qui n'a pas stoppé. Ravitaillements pour Blundell et Katayama.
18e: Schumacher devance Hill (2.3s.), Panis (21.4s.), Brundle (22.4s.), Frentzen (24.6s.), Berger (26.5s.), Herbert (27.5s.), Irvine (32.2s.), Blundell (43s.) et Boullion (54s.). Barrichello revient à son stand pour refixer un brin de son harnais mal sanglé. Le Pauliste chute au 17ème rang. Ravitaillements de Moreno et Lavaggi.
19e: Le ciel se couvre de plus en plus. Schumacher fait escale chez Benetton pour ravitailler (9.2s.) et reprend la piste second, une quinzaine de secondes derrière Hill.
20e: Frentzen stoppe chez Sauber pour prendre de l'essence et des pneus neufs. Inoue et Diniz effectuent leur unique pit-stop de la journée. Berger lève le pied après Stavelot puis rejoint son stand avec un moteur cafouillant. Ses mécaniciens entreprennent de remplacer son boîtier électronique. Le moteur de Montermini coupe net, faute de carburant. Erreur de calcul de la part de Pacific ?
21e: Il pleut sur le circuit ardennais, plus précisément entre le Raidillon et Blanchimont. Moreno revient chez Forti pour prend des gommes rainurées. Badoer opère son seul ravitaillement de l'après-midi et demeure en slicks. Son équipier Lamy fera de même au tour suivant.
22e: La piste commence à être détrempée, surtout après le raidillon. Hill apparaît chez Williams pour mettre des pneus pluie (7s.) et retrouve le circuit second derrière Schumacher. Irvine fait lui halte chez Jordan pour un « refueling » et pour prendre les gommes striées. Hélas, le clapet de réservoir ne se referme pas lorsque les mécaniciens ôtent le tuyau. De l'essence gicle sur les tubulures d'échappement et s'embrase instantanément. Les mécanos se jettent aussitôt sur les extincteurs et le feu est maîtrisé en moins de cinq secondes. Irvine, qui pas eu le temps de faire « ouf », quitte son habitacle parfaitement indemne. Herbert, Panis, Boullion, Moreno et Lavaggi remplacent leurs gommes et remettent de l'essence. Papis exécute un tête-à-queue juste devant les stands et se retrouve à contre-sens. Comme le virage est en aveugle, il ne peut se redresser et se gare sur le bas-côté.
23e: Schumacher, toujours en slicks, est rattrapé par Hill. Il louvoie devant celui-ci à la sortie du Raidillon. L'Anglais parvient tout de même à prendre l'aspiration dans Kemmel et se déporte à l'intérieur, mais l'Allemand demeure à sa hauteur. Les deux hommes franchissent les Combes côte à côte. À la sortie de l'enchaînement, Schumacher prend une trajectoire très large et emmène son adversaire vers le vibreur. Hill lève le pied pour éviter la glissade. Il retente sa chance par l'extérieur aux Fagnes, toujours en vain. Puis, entre Stavelot et l'Arrêt de Bus, Schumacher change cinq fois de trajectoire pour bloquer son assaillant. Brundle passe chez Ligier pour prendre des pneus pluie et reste troisième devant Panis.
24e: La pluie a déjà cessé. Hill fait l'intérieur à Schumacher dans Kemmel. Comme au tour suivant, l'Allemand freine tard aux Combes, mais cette fois il tire tout droit dans le gazon, puis rejoint le circuit derrière le Britannique. Gêné par son équipier Lamy, Badoer sort de la route avant Blanchimont, sautille sur les graviers et casse son aileron avant. Le jeune Italien doit abandonner quelques mètres plus loin.
25e: Le bitume commence déjà à s'assécher, même si de nombreuses plaques d'humidité subsistent. Les slicks de Schumacher font de nouveau merveille. L'Allemand rejoint Hill et le déborde à Stavelot. Berger renonce, son moteur refusant de fonctionner. Pour la première fois de la saison, aucune Ferrari ne verra le drapeau à damiers.
26e: Schumacher s'envole aux commandes de l'épreuve. Williams comprend son erreur stratégique et rappelle Hill aux stands pour lui redonner des pneus lisses (11.7s.). Panis reprend aussi des slicks et glisse derrière Herbert et Katayama. Handicapé par ses pneus pluie, Blundell s'est fait doubler par les deux Tyrrell.
27e: La pluie refait son apparition au moment où Blundell, Boullion et Lavaggi chaussent des slicks ! Plus chanceux, Herbert repasse aux stands pour prendre les pneus rainurés.
28e: L'asphalte redevient savonneux et les pilotes s'astreignent à la prudence. Schumacher est premier devant Hill (29.4s.), Brundle (1m. 20s.), Katayama (1m. 24s.), Panis (1m. 31s.), Salo (1m. 32s.), Herbert (1m. 28s.) et Barrichello (1m. 49s.). Blundell revient chez McLaren pour reprendre des pneus pluie.
29e: La piste est humide sur l'ensemble du circuit alors que la grande majorité des coureurs sont munis de slicks. Pour cette raison, la direction de course fait intervenir la voiture de sécurité. L'épreuve est neutralisée. Trop tard pour Katayama qui part en aquaplanage à la sortie de Malmédy et détruit son train avant contre les glissières de sécurité.
30e: Les commissaires évacuent la Tyrrell de Katayama. Schumacher et Hill reviennent aux stands pour prendre de l'essence et des pneus striés et redémarrent dans cet ordre. Frentzen, Panis, Barrichello, Salo, Boullion et Lavaggi troquent aussi leurs slicks contre des « pluie ».
31e: Les pilotes se rangent peu à peu aux ordres de la Safety Car. Schumacher précède Hill, Brundle, Herbert, Blundell, Frentzen, Panis, Salo, Barrichello, Lamy, Boullion, Inoue, Diniz et Moreno. Lavaggi renonce suite à une panne de boîte de vitesses.
32e: La pluie s'est arrêtée. La piste est mouillée mais largement praticable. La voiture de sécurité va s'effacer au tour suivant.
33e: Le drapeau vert est brandi, le sport reprend ses droits. Hill ne peut pas attaquer Schumacher car Moreno s'est intercalé entre lui et la Benetton. Panis exécute un tête-à-queue à la Source en voulant attaquer Frentzen. Le Français peut se relancer mais se retrouve derrière Barrichello et Salo. Un peu plus tard, Blundell et Frentzen dépassent Herbert qui est parti au large.
34e: Coup de théâtre: Hill reçoit une pénalité de dix secondes pour avoir dépassé la vitesse autorisée dans les stands de... 3 km/h ! Le pilote Williams rejoint les stands afin de subir son « stop-and-go » et se relance troisième, une quinzaine de secondes derrière Brundle.
35e: Sans doute très agacé, Hill effectue un tête-à-queue au freinage de La Source. Il se redresse après avoir abandonné une poignée de secondes.
36e: Schumacher précède Brundle (19.7s.), Hill (34.8s.), Blundell (43.4s.), Frentzen (44.3s.), Herbert (48.8s.), Barrichello (49.5s.), Salo (56s.), Panis (57s.) et Lamy (1m. 04s.).
37e: La course est jouée en faveur de Schumacher. Hill remonte sur Brundle au rythme de deux secondes au tour. Barrichello prend la sixième place à Herbert qui se débat avec des pneus abîmés.
38e: L'asphalte recommence à sécher mais les pilotes poursuivent avec leurs pneus rainurés. Brundle est à la peine car ses enveloppes ont déjà couvert seize tours, soit beaucoup moins que celles dont dispose Hill.
39e: Hill revient à sept secondes de Brundle. L'Anglais emprunte soigneusement les portions humides du bitume pour ménager ses pneus. Frentzen est aux trousses de Blundell.
41e: La piste est maintenant surtout piégeuse entre l'Arrêt de Bus et le Raidillon. Brundle est à l'agonie avec ses gommes. Hill évolue à trois secondes de la Ligier. Frentzen tente hardiment de faire l'extérieur à Blundell aux Fagnes, en vain. Mais le jeune Allemand porte l'estocade contre le Britannique à la chicane de l'Arrêt de Bus et s'empare du quatrième rang.
42e: À deux tours du but, Schumacher mène devant Brundle (27.8s.), Hill (29.7s.), Frentzen (40.8s.), Blundell (44.5s.), Barrichello (50.5s.), Herbert (1m. 01s.), Salo (1m. 03s.), Panis (1m. 09s.) et Lamy (1m. 21s.).
43e: Hill fait la jonction avec Brundle qui n'a presque plus d'adhérence.
44e: Hill tente de faire l'extérieur à Brundle à la Source, mais il freine tard et doit rattraper un début de glissade. Le pilote Williams ne baisse pas les bras: il se replace dans le sillage de la Ligier, prend l'aspiration dans Kemmel et la laisse sur place dans les Combes. Vu l'état de ses enveloppes, Brundle ne pouvait pas résister. Frentzen le recolle d'ailleurs dans les derniers kilomètres.
Parti seizième sur la grille, Michael Schumacher remporte une victoire sensationnelle. Hill termine deuxième après un après-midi mouvementé. Brundle, troisième, offre à Ligier son premier podium de la saison. Frentzen mène sa Sauber au quatrième rang, soit son meilleur résultat en 1995. Blundell finit cinquième, Barrichello sixième. Herbert échoue à la porte des points. Suivent: Salo, Panis, Lamy, Boullion, Inoue, Diniz et Moreno.
Après la course: Schumacher, artiste ou voyou ?
Les pilotes garent leurs bolides au pied des anciens stands. Damon Hill vient à la rencontre de Michael Schumacher et lui reproche la défense pour le moins musclée qu'il lui a opposée à la mi-course. L'Allemand nie toute responsabilité. Les deux hommes échangent des propos aigres, mais s'apaisent à l'arrivée de Martin Brundle. Ils s'expliqueront plus tard...
En remontant de la seizième à la première place dans ces conditions météorologiques changeantes, Michael Schumacher vient de rajouter un chapitre supplémentaire à sa légende naissante. Le pilote Benetton a fait preuve d'une maestria justifiant son nouveau surnom de « Regenmeister » (roi de la pluie). Mais la fortune lui a aussi souri, l'extrême versatilité de la météo le dispensant de changements de pneus superflus. « Quel plan voulez-vous établir dans une course comme celle-ci ? » demande le vainqueur. « Lorsque j'ai vu que Hill rentrait chausser des « pluie » et qu'il pleuvait fort, j'ai demandé à mon stand par radio ce qu'il fallait faire. Et ils m'ont dit de me débrouiller ! Ce fut un sale moment. Mais je savais qu'il était possible d'aller aussi vite en slicks et que la piste pouvait sécher très vite, même après une grosse averse. C'était risqué mais j'ai tenté ma chance. Cela a tourné du bon côté, mais cela aurait pu tourner du mauvais [...] Mais enfin cette course fut, par certains côtés, très amusante. Elle m'a rappelé la bonne époque du kart !»
Damon Hill est beaucoup moins satisfait. L'Anglais ne décolère pas de sa pénalité pour vitesse excessive dans les stands, que tout le monde s'accorde à juger bien sévère. Mais surtout il dénonce les manœuvres pour le moins litigieuses de Schumacher: « Michael a réalisé une course stupéfiante et je le félicite pour cela, mais nous avons vraiment connu des moments difficiles », souligne-t-il. « Nous sommes allés jusqu'au contact, roue contre roue, en haut du Raidillon. Je n'apprécierais pas que ce genre de pilotage devienne une habitude. Nous pilotons des Formules 1, pas des go-karts, comme disait quelqu'un tout à l'heure... »
Hill est entendu par ses patrons: une heure après l'arrivée, Frank Williams et Patrick Head déposent une réclamation contre Michael Schumacher pour « conduite dangereuse ». Comme un an plus tôt, la victoire de l'Allemand à Spa est mise en sursis. Il est convoqué à 18 heures par les commissaires sportifs. Schumacher rejette les accusations en bloc et argue de sa bonne foi. Cependant, les officiels lui présentent de courts extraits vidéos montrant ses incessants changements de trajectoire, notamment au sommet du Raidillon et dans Blanchimont. Cette fois, il ne peut plus nier. Schumacher se confond en excuses. Magnanime, le collège des commissaires se contente de lui infliger un Grand Prix de suspension avec sursis et une mise à l'épreuve de quatre courses. Le classement du GP de Belgique et sa victoire sont entérinés. Schumacher s'en sort bien. Comme souvent, il a oscillé dans la même course entre le sublime et le franchement douteux. Sur une piste détrempée, il est parvenu en pneus lisses à contenir Damon Hill muni de pneus rainurés. Quitte à frôler l'accrochage à 300 km/h. « Il y a des limites à tout, même à la virtuosité », confie en guise de conclusion un commissaire à Renaud de Laborderie.
Ce dimanche 27 août est un grand jour pour Ligier qui non seulement décroche grâce à Martin Brundle son premier podium de la saison, mais en plus chipe la quatrième place du classement des constructeurs à Jordan-Peugeot (16 points contre 14). En outre, cette performance tombe à point nommé dans les négociations avec Mugen-Honda. « Que c'est beau de terminer une course pareille ! » s'exclame Brundle. « Je serais bien reparti pour 44 tours de plus ! Bien sûr, j'aurais aimé terminer entre les deux candidats au titre mondial, mais mes pneus étaient vraiment morts à la fin. Rares furent les équipes à avoir choisi un seul arrêt, c'était pourtant la bonne stratégie. Ma chance fut aussi qu'il se mette à déluger alors que je m'apprêtais à stopper. J'ai évidemment chaussé des pneus pluie. Je n'ai donc pas perdu de temps à revenir aux stands pour les changer au gré des nuages. » Olivier Panis est en revanche dépité car son tête-à-queue lors du « restart » lui a fait perdre deux ou trois points. Tom Walkinshaw n'apprécie guère cette bévue...
Tony