Retour au pays des Gauchos
Le Grand Prix d'Argentine fait son retour au calendrier de la Formule 1, quatorze ans après sa dernière édition. Cette réinscription est principalement le fruit des efforts du président de la république Carlos Menem qui souhaite redorer par le sport l'image de son pays, durement écornée par la dictature militaire et la guerre des Malouines. Un contrat de quatorze années a été signé entre les promoteurs et Bernie Ecclestone. Le circuit Oscar Gálvez de Buenos Aires accueille de nouveau ce rendez-vous mais a entretemps été raccourci et redessiné. Après la ligne droite de départ-arrivée, les pilotes ne contournent plus le lac mais empruntent une série de virages lents. La seule portion rapide est la ligne droite qui relie les courbes Reutemann et Ascari. Du tracé originel des années 50 ne subsiste que l'enchaînement des virages Viborita - Ombu - Horquilla, entrecoupé d'Esses baptisés Senna. Dans l'ensemble, les pilotes n'apprécient guère ce circuit lent et peu intéressant. En outre, le revêtement est déplorable et devra être refait pour l'édition de 1996.
L'Argentine réintègre le championnat du monde de F1, mais n'a plus de représentant dans la discipline depuis fort longtemps. Seul le jeune Norberto Fontana, 20 ans, pilote d'essais chez Sauber, a quelque espoir de prendre un jour ou l'autre le départ d'un Grand Prix. Mais il est encore peu connu de ses compatriotes. Pour preuve: au cours de ce week-end, il ne signera qu'un seul autographe !
Reutemann en campagne - Les adieux de Fangio
L'événement de ce Grand Prix d'Argentine est l'apparition du héros national Carlos Reutemann. Âgé de 53 ans, « El Lole » se fait discret sur les circuits car il mène depuis plusieurs années une brillante carrière politique. Gouverneur de la Province de Santa Fe depuis 1991, il est l'un des dauphins présumés du président Menem et ambitionne ouvertement de devenir un jour chef de l'État. Pour l'heure, il lorgne sur sa réélection, et son retour dans le paddock participe de sa campagne électorale. Cela ne l'empêche pas de prendre un réel plaisir à retrouver l'atmosphère de la course automobile. Il salue ainsi chaleureusement son ex-rival René Arnoux (désormais conseiller de Pedro Diniz) ainsi que son ancien employeur Frank Williams, avec lequel il s'entretient longuement. Il retrouve aussi son ami Luca di Montezemolo, délégué par Fiat pour annoncer l'implantation d'une grande usine en Argentine. Mercredi 5 avril, Reutemann s'installe au volant d'une Ferrari 412 T1B de 1994 pour parcourir quelques tours du nouveau circuit de Buenos Aires. Il réclame pour cela un cachet de 10 000 dollars qu'il reverse à deux hôpitaux pour enfants de Santa Fe. « La motivation de mon existence est de rendre service à la nation argentine », clame l'ancien champion, qui ne fait désormais plus qu'un avec l'homme politique.
La présence de Reutemann ne peut cependant faire oublier aux Argentins l'absence de Juan Manuel Fangio. Âgé de 83 ans, le quintuple champion du monde, très affaibli, a récemment été victime d'un nouvel accident cardiaque et sort d'une longue hospitalisation. Il s'éteint paisiblement, tel une bougie. Néanmoins, du fait de ses anciennes relations avec Mercedes, il accepte de recevoir le 5 avril, dans sa demeure de Buenos Aires et dans le plus grand secret, cinq privilégiés: Ron Dennis, ses deux pilotes Mika Häkkinen et Mark Blundell, Norbert Haug, le directeur de Mercedes Motorsport, et Walter Schattling, attaché de presse de la firme allemande. Le vieil homme leur consacre une petite demi-heure d'échanges réduits car, bien que tout à fait conscient, il n'a plus la force de parler. Les cinq hommes se retirent très émus, mais fiers d'avoir pu visiter El Maestro avant qu'il ne tire sa révérence. « Après avoir rencontré Fangio, je me suis senti plus fier de mon métier de pilote », déclare Blundell.
Présentation de l'épreuve
Dans le paddock de Buenos Aires, l'affaire Elf est évidemment sur toutes les lèvres. On le sait, le pétrolier français a décidé de fournir ici à ses clients la même essence que celle utilisée au Brésil afin de prouver que les relevés effectués par les officiels de la FIA ne sont pas fiables. Michel Bonnet, l'envoyé spécial d'Elf, est assailli de toutes parts. Mais il trouve le temps de s'entretenir avec Jean Todt afin d'apaiser le contentieux naissant entre sa société et Ferrari, grande bénéficiaire des déclassements brésiliens. « Nous n'avons pas du tout apprécié certains commentaires portés au nom de Ferrari, à Interlagos, avant même que l'encre du jugement soit sèche », déclare Bonnet. Celui-ci fait surtout allusion à quelques phrases acides lancées depuis quinze jours par Niki Lauda, opportunément retenu au Japon pour promouvoir la Ferrari F40... Todt s'efforce de dédramatiser la situation. Il réaffirme son légalisme, tout en proclamant que jamais il n'a cru Elf capable de tricherie. Les deux hommes se quittent en bons termes.
L'écurie Larrousse a fait l'impasse sur les deux premiers Grands Prix afin de consolider sa situation financière et d'assembler une monoplace conforme au nouveau règlement, mais elle pourrait bien disparaître tout à fait. Début avril, on apprend que le Fast Group, la société suisse de Patrick Tambay et Michel Golay entrée dans le capital de l'écurie en 1994, se désolidarise de la nouvelle structure mise en place par Gérard Messaoudi et Laurent Barlesi. Ce duo n'a toujours pas réuni les fonds pour boucler le programme 1995 et guette un signe de Matignon. Mais, à quinze jours de l'élection présidentielle, le Premier ministre Édouard Balladur a autre chose à faire que de s'occuper de la petite équipe varoise... Celle-ci semble donc vouée à fermer ses portes faute de budget.
Les écuries de fond de grille (Simtek, Pacific, Forti), en difficultés financières, sont déjà assaillies par les pilotes payants. Roberto Moreno révèle qu'il n'a ainsi signé chez Forti que pour les deux Grands Prix sud-américains. A Imola, il pourrait céder son baquet à Pedro Lamy. Le jeune Portugais, remis de son terrible accident à Silverstone de mai 1994 (deux jambes cassées), a déjà perdu in extremis une place chez Tyrrell au profit de Mika Salo. Il proposerait deux millions de dollars à Guido Forti.
Michael Schumacher a bien failli ne jamais prendre le départ de ce Grand Prix, ni d'aucun autre. Parti faire de la plongée au large de Bahia entre les GP du Brésil et d'Argentine, il s'est retrouvé isolé au milieu de l'océan suite à la rupture d'une amarre ! Heureusement, sa condition physique exceptionnelle lui a permis de soutenir une nage de près d'une heure pour rejoindre son bateau et avoir la vie sauve. « J'ai vu la mort en face », admet-il à Buenos Aires, encore très remué par cet incident.
Côté technique, la réduction de la cylindrée des moteurs a rendu la perte de puissance générée par la fermeture de la prise d'air tout à fait négligeable. Les écuries ont demandé à la FIA la fin de cette restriction et ont obtenu gain de cause. Les prises d'air dynamiques refont donc leur apparition à compter de ce GP d'Argentine. En outre, Goodyear apporte ici un nouveau type de gommes qui ne sera pas apprécié par toutes les équipes, et notamment par Benetton.
La Benetton B195 est équipée de nouveaux pontons plus bas et plus étroits à l'arrière, à la façon des Tyrrell. Rory Byrne prévoit bien d'autres retouches en cours d'année sur la monoplace bleue. Henri Durand travaille d'arrache-pied pour améliorer la très perfectible McLaren-Mercedes MP4/10. A Buenos Aires, les trois machines de Woking reçoivent une nouvelle suspension arrière moins rigide. Chez Jordan, Gary Anderson apporte des modifications sur l'aileron arrière de la 195 ainsi que sur la gestion électronique de la boîte, un des points faibles de la monoplace irlandaise. Un gros travail est aussi fourni sur la Sauber C14: nouvel aileron avant, intégration d'un carénage de roues à l'arrière et petites ailes inédites. L'ingénieux Aldo Costa travaille dur sur la Minardi qu'il pare un temps d'un mini-aileron « à la McLaren », rapidement retiré. Le museau de la M195 se singularise par un mini-flap en V renversé censé renforcer la force d'appui. Enfin, Ferrari travaille surtout à améliorer le confort de ses pilotes, et notamment celui d'Alesi, très mal installé dans son cockpit au Brésil. Berger inaugure pour sa part un nouveau volant à trois branches, en forme de Y.
Essais et qualifications
Jeudi après-midi, les pilotes ont droit à un premier roulage afin de découvrir le nouveau tracé de Buenos Aires. Alesi se distingue en signant le temps le plus rapide. Hélas, les deux journées suivantes vont être gâchées par la pluie. Vendredi, des averses tombent du matin au soir, et presque tous les concurrents ont droit à un tête-à-queue. L'après-midi, Coulthard réalise la pole provisoire sur le mouillé. Samedi matin, le temps est au sec, et Schumacher devance nettement les Williams lors de la session libre. Hélas pour lui, la séance qualificative de l'après-midi se déroule sous un déluge. Longtemps, les pilotes jugent qu'ils ne pourront pas améliorer leurs chronos de la veille. Mais, à dix minutes du drapeau à damiers, la piste commence à s'assécher, et c'est alors la ruée en piste.
Coulthard sort des stands à cinq minutes de la fin des qualifications. Pas démonté par l'enjeu, le jeune Écossais réalise la première pole position de sa jeune carrière (1'53''241'''), huit dixièmes devant son équipier Hill (2ème). Les Williams-Renault monopolisent la première ligne. Les Benetton-Renault peinent à trouver leurs marques sur le mouillé. Samedi, Schumacher (3ème) exécute un 360° en pleine accélération. Herbert se contente d'une médiocre onzième position. Après une incursion dans la pelouse due à un souci de freins, Irvine se met en vedette et hisse sa Jordan-Peugeot au quatrième rang. Barrichello (10ème), victime de problèmes de moteur, est plus en retrait. Chez McLaren-Mercedes, Häkkinen signe un beau cinquième temps alors que Blundell (17ème) n'a pas pris la piste au bon moment. Les pilotes Ferrari (Alesi 6ème, Berger 8ème) concentrent leurs efforts sur la course et n'ont pas cherché la pole.
L'excellent Salo (7ème) place une fois de plus sa Tyrrell-Yamaha aux avant-postes, alors que Katayama (15ème) ne parvient pas à dénicher une bonne adhérence. Inexistantes sur le sec, les Sauber-Ford semblent plus véloces sur piste humide. Frentzen (9ème) fait beaucoup mieux que Wendlinger (21ème) qui ne paraît décidément pas en pleine forme. Morbidelli (12ème) exploite bien sa prometteuse Arrows-Hart. Son collègue Inoue se distingue par sa lenteur et ses figures, et se retrouve bon dernier... à 14 secondes de la pole ! Les Minardi-Ford (Badoer 13ème, Martini 16ème) prennent place en milieu de peloton. Verstappen réalise un petit exploit: il se qualifie en quatorzième position au volant de la très modeste Simtek-Ford, à « seulement » quatre secondes de Coulthard. Schiattarella (20ème) n'est pas ridicule non plus. Les Ligier-Mugen-Honda, rapides sur le sec, se retrouvent en fond de grille: Panis (18ème) et Suzuki (19ème) s'illustrent en effet par quelques sorties de route. Enfin, les Pacific-Ford (Montermini 22ème, Gachot 23ème) précèdent les Forti-Ford (Moreno 24ème, Diniz 25ème). Ces dernières, très lentes en ligne droite, sont repoussées à douze secondes des meilleurs !
Le Grand Prix
Dimanche matin, l'entraînement se déroule par un temps froid et humide. Sous un léger crachin, Hill réalise le meilleur temps devant les Ferrari. L'après-midi, il fait toujours aussi frais mais la piste est complètement sèche. La météo ne prévoit pas d'averse pour la course. Curiosité: pour une fois, Williams opte pour une stratégie à trois ravitaillements, comme Benetton.
Départ: Coulthard s'élance parfaitement, au contraire de Hill qui est menacé par Schumacher et Häkkinen. Derrière ceux-ci, Alesi freine trop tard, sur le côté droit, le plus sale de la piste. Il se frotte à Berger, part en tête-à-queue et sème la panique dans le peloton. Salo le touche à l'avant tandis que Badoer, surpris, percute violemment l'arrière de la Tyrrell. Celle-ci atterrit contre la Benetton de Herbert. Panis touche Martini avec sa roue avant-droite. La Ligier est projetée en l'air et retombe dans le bac à graviers. Quelques secondes plus tard, dans le troisième virage, Herbert, revenu sur la route, harponne Barrichello. Le Pauliste exécute un tête-à-queue puis est heurté par Martini. La confusion est totale et la direction de course agite le drapeau rouge. Un second départ sera donné.
Alesi, Panis, Martini et Barrichello courent vers les stands pour monter dans leur mulet et se replacer sur la nouvelle grille. La « T-car » de Minardi n'étant pas prête, le week-end de Badoer s'arrête là. La voiture de Salo est réparée sur la grille. Les pilotes reprennent place dans l'ordre initial. Barrichello sort trop tard des stands et partira depuis la pit-lane. Après vingt minutes d'interruption, la course reprend pour sa distance originelle.
Second tour de formation: Wendlinger cale son moteur. Il devra donc s'élancer en queue de peloton.
Deuxième départ: Coulthard conserve sa première place alors que Schumacher déborde Hill. Plus loin, en pleine accélération, Häkkinen se rabat devant Irvine. L'Irlandais heurte la McLaren et découpe le pneu arrière-gauche de celle-ci avec son aileron avant. Häkkinen subit aussitôt une crevaison qui l'expédie dans les graviers. Salo se retrouve quatrième. Tout au fond du peloton, Wendlinger loupe complétement son freinage et s'accroche avec la Pacific de Montermini, puis avec celle de Gachot. Ce dernier s'enlise dans le bac à sable alors son équipier poursuit. Wendlinger renonce avec une suspension brisée.
1er tour: Coulthard mène avec déjà deux secondes d'avance sur Schumacher et Hill. Suivent Salo, Alesi, Frentzen, Katayama, Herbert, Blundell et l'incroyable Verstappen, dixième sur la Simtek. Irvine rentre aux stands pour réparer son nez et repart dernier. Montermini rentre à son garage: sa machine est trop endommagée suite au contact avec Wendlinger.
2e: Coulthard compte deux secondes et demie d'avance sur le duo Schumacher - Hill. Très mal parti, Berger est seulement douzième, entre Suzuki et Martini.
3e: Hill menace Schumacher tandis qu'Alesi est aux trousses de Salo.
4e: Coulthard s'échappe aux commandes de l'épreuve. Schumacher résiste tant bien que mal à la pression de Hill.
5e: Coulthard mène devant Schumacher (4.3s.), Hill (5s.), Salo (12.4s.), Alesi (13.1s.), Frentzen (17.1s.), Katayama (22.5s.) et Herbert (23.6s.).
6e: Le moteur de Coulthard se coupe dans le dernier virage, suite à une défaillance de sa gestion électronique. Le V10 Renault repart au bout de quelques secondes, mais entretemps Schumacher et Hill ont doublé le pilote écossais. Herbert dépasse Katayama.
7e: Schumacher est en tête avec Hill dans ses échappements. Coulthard roule à une seconde du leader. Alesi parvient à passer Salo et s'empare de la quatrième place. Schiattarella et Martini opèrent un premier ravitaillement tandis que Suzuki change de pneus.
8e: Panis fait halte au stand Ligier pour remplacer ses pneus après une crevaison. Irvine s'arrête dans l'herbe avec un moteur fumant suite à la rupture d'un raccord d'huile.
9e: Coulthard rejoint Schumacher et Hill. Verstappen et Berger prennent l'ascendant sur Katayama. Changement de pneus pour Inoue.
10e: Schumacher, Hill et Coulthard sont désormais roues dans roues et tracent leur chemin dans le trafic. Plus loin, Berger double Verstappen. Blundell abandonne, trahi par le moteur Mercedes après la rupture d'un radiateur d'huile.
11e: Hill prend l'aspiration de Schumacher sur la ligne de chronométrage, plonge à l'intérieur au premier freinage et passe en tête. Coulthard attaque aussitôt l'Allemand qui lui coupe la trajectoire à l'entrée de la courbe Ascari. Moreno subit une crevaison. Il gagne le stand Forti pour prendre de l'essence et des gommes neuves.
12e: Hill s'enfuit à grandes enjambées. Coulthard attaque Schumacher dans les virages Ascari puis Horquilla, mais à chaque fois le champion du monde ferme la porte.
13e: Hill devance Schumacher (8.5s.), Coulthard (9.1s.), Alesi (21.2s.), Salo (30s.), Frentzen (48.4s.), Herbert (49.2s.), Berger (53.7s.), Verstappen (1m. 03s.) et Katayama (1m. 04s.).
14e: Coulthard cherche toujours en vain l'ouverture sur Schumacher. Salo effectue son premier ravitaillement et se retrouve onzième.
15e: Coulthard attaque Schumacher au troisième virage et évite de peu le tête-à-queue en retardant son freinage. Berger rejoint son stand au petit trot, croyant avoir cassé une suspension. Il fait mine d'abandonner mais ses mécaniciens s'aperçoivent que la Ferrari souffre en fait d'une crevaison lente. Quelques débris n'ont pas été ramassés durant la neutralisation... L'Autrichien repart très attardé, en seizième position.
16e: Schumacher arrive sur Martini qui lui barre stupidement la route à Horquilla. Coulthard en profite pour se laisser aspirer par la Benetton et la doubler sur la ligne. Il se rabat devant Schumacher puis déborde Martini par l'intérieur. En fin de tour, Hill observe un long premier pit-stop (13.5s.) et se retrouve quatrième.
17e: Alors qu'il venait de retrouver la première place, Coulthard est de nouveau frappé par une coupure moteur, cette fois-ci définitive. Sa centrale de gestion électronique est hors d'usage. L'Écossais se range sur le bas-côté. Schumacher est de nouveau en tête devant Alesi et Hill. Pas pour longtemps cependant, car il ravitaille en fin de tour. Morbidelli prend la septième place à Katayama.
18e: Schumacher prend de l'essence et des pneus neufs (7.4s.). Mais il est resté trop longtemps en piste et repart troisième, loin derrière Hill. Alesi est le nouveau leader. Suzuki fait halte au stand Ligier.
20e: Alesi est premier devant Hill (2.5s.), Schumacher (20.2s.), Herbert (49.1s.), Frentzen (52s.), Verstappen (1m. 02s.), Morbidelli (1m. 06s.), Salo (1m. 08s.) et Barrichello (1m. 12s.). Ravitaillements de Katayama et Diniz.
21e: Hill tourne en 1'31''253'''. Il revient à moins de deux secondes d'Alesi qui ne semble pas décidé à s'arrêter bientôt.
22e: Alesi est gêné par l'attardé Panis, ce qui permet à Hill de combler son retard. Salo revient au septième rang en dépassant Morbidelli qui ne s'est pas encore arrêté.
23e: Hill évolue dans les échappements d'Alesi. Jusqu'alors brillant sixième, Verstappen revient à son stand au ralenti, boîte de vitesse cassée. L'équipe Simtek perd ainsi une occasion en or d'inscrire un point.
24e: Herbert (7s.) ravitaille pour la première fois et perd une place au bénéfice de Frentzen. Morbidelli passe aussi par les stands. Barrichello, qui n'a pas ravitaillé, apparaît en septième position.
25e: Schumacher n'a pas un bon rythme avec ses nouveaux pneus. Il rend maintenant plus de vingt secondes au duo de tête.
26e: Alesi observe son premier pit-stop (9s.) et parvient à repartir une seconde devant Schumacher qui est donc le grand perdant de ce début de course. Schiattarella ravitaille pour la seconde fois.
28e: Hill précède Alesi (22.8s.), Schumacher (24.4s.), Frentzen (1m. 12s.), Herbert (1m. 24s.), Salo (1m. 27s.), Morbidelli (-1t.), Barrichello (-1t.), Panis (-1t.) et Katayama (-1t.). Suzuki ravitaille une seconde fois après un court relais de dix tours.
30e: Alesi et Schumacher tombent sur un groupe d'attardés comprenant Barrichello, Morbidelli et Panis. Ils s'en défont, non sans peine, lors des deux boucles suivantes.
31e: Schumacher colle aux basques d'Alesi. L'Avignonnais est encore gêné par Panis et lui adresse un poing furieux.
32e: Hill compte désormais trente-deux secondes d'avance sur Alesi et Schumacher. Frentzen effectue son unique ravitaillement de l'après-midi et repart en sixième position. Panis observe aussi un pit-stop.
33e: Hill arrive chez Williams pour son second ravitaillement (9.7s.). Il reprend la piste sans avoir cédé les commandes de l'épreuve et fait donc un pas décisif vers la victoire. De la fumée s'échappe de la Jordan-Peugeot de Barrichello.
34e: Toujours pressé par Schumacher, Alesi allume une roue au premier virage, mais contrôle parfaitement son véhicule. Katayama est chez Tyrrell pour son second pit-stop.
35e: Schumacher effectue un second arrêt mais ses mécaniciens peinent à connecter le tuyau d'essence à la prise femelle. Le jeune Allemand repart au bout de dix-sept secondes, toujours plus loin de Hill. Barrichello s'immobilise dans la pelouse avec un moteur en flammes. Comme sur la Jordan d'Irvine, une conduite d'huile a rompu.
36e: A mi-parcours, Hill est leader devant Alesi (9s.), Schumacher (39.2s.), Herbert (1m. 15s.), Salo (1m. 27s.), Frentzen (-1t.), Morbidelli (-1t.) et Panis (-1t.). Deuxièmes ravitaillements pour Martini et Moreno. Inoue connaît son premier « refueling ».
37e: Suzuki opère son troisième arrêt-ravitaillement.
38e: Berger, revenu au neuvième rang, effectue un second pit-stop. Schiattarella observe quant à lui son troisième arrêt.
39e: Deuxième arrêt de Diniz qui avec sa Forti compte déjà... cinq tours de retard !
40e: Hill précède Alesi de dix secondes, Schumacher de quarante-trois secondes. Suzuki effectue un quatrième (!) arrêt, cette fois à cause d'une crevaison lente. Moreno exécute un tête-à-queue sans gravité.
42e: Alesi est désormais plus rapide que Hill et lui reprend deux secondes.
44e: Alesi revient à sept secondes de Hill. Salo effectue son second ravitaillement sans perdre de place. Surpris de voir Moreno (!) débouler dans ses rétroviseurs, Inoue part en tête-à-queue dans le dernier virage. Le Japonais, enlisé dans les graviers, doit renoncer.
45e: Hill devance Alesi (6.6s.), Schumacher (44.6s.), Herbert (-1t.), Salo (-1t.), Frentzen (-1t.), Panis (-1t.), Berger (-2t.) et Katayama (-2t.). Morbidelli met pied à terre suite à un court-circuit sur son Arrows-Hart. De nouveau, l'Italien pouvait aller chercher les points.
46e: Alesi réduit un peu plus son retard sur Hill. Cinq secondes les séparent. Schumacher se débat avec du sous-virage et se contente désormais de sa troisième position.
48e: Herbert ravitaille pour la seconde fois à la fin de cette boucle (9s.). Martini effectue un tête-à-queue. Il reste sur la piste mais son moteur cale. C'est l'abandon pour l'Italien.
49e: Revenu à quatre secondes du leader, Alesi effectue son deuxième arrêt-ravitaillement (8s.) et reste deuxième.
50e: Hill entre aux stands pour son troisième et dernier arrêt (7.9s.) puis se relance nettement devant Alesi. Au virage d'Horquilla, Salo arrive sur Suzuki et se décale à l'intérieur pour lui prendre un tour. Mais le Japonais tasse le Finlandais et le choc est inévitable. La Tyrrell se met à l'équerre et décolle sur le museau de la Ligier avant de retomber dans les graviers. Salo quitte son habitacle fou de rage contre Suzuki, lequel regagne son garage pour abandonner.
51e: Panis exécute un second ravitaillement, ce qui permet à Berger de grimper dans les points. Troisième arrêt de Moreno.
53e: Hill devance Alesi d'environ quatre secondes. Schumacher effectue son dernier pit-stop et reste troisième. Herbert est encore plus isolé: il compte quarante secondes d'avance sur Frentzen.
54e: Hill est premier devant Alesi (6.8s.), Schumacher (48s.), Herbert (-1t.), Frentzen (-1t.), Berger (-2t.), Panis (-2.), Katayama (-2t.) et Schiattarella (-3t.).
55e: Alesi fait le forcing pour garder le contact avec Hill, mais en vain: la Williams est plus rapide. Schumacher bénéficie enfin d'un bon train de pneus et décroche le meilleur tour en course (1'30''522''').
57e: Troisième et dernier arrêt de Katayama qui navigue en neuvième position.
58e: L'intervalle entre Hill et Alesi atteint dix secondes. La dernière bagarre en piste oppose Berger à Panis pour la sixième place.
60e: Alesi semble avoir baissé les bras et rend maintenant une seconde au tour à Hill.
62e: L'avance de Hill sur Alesi n'augmente plus. Schumacher concède trente-six secondes au leader.
64e: Hill perd un peu de temps en prenant un troisième tour à Katayama.
65e: Hill mène devant Alesi (8.7s.), Schumacher (32.6s.), Herbert (-1t.), Frentzen (-1t.), Berger (-2t.), Panis (-2t.), Katayama (-3t.), Schiattarella (-4t.), Moreno (-8t.) et Diniz (-8t.).
67e: Schumacher roule près de deux secondes au tour plus vite que Hill et Alesi, mais il est bien trop loin pour espérer gagner une position.
70e: Alesi reprend encore quelques dixièmes à Hill. Sept secondes les séparent. A deux tours de là, Panis garde le contact avec Berger, mais ne pourra pas l'attaquer.
72ème et dernier tour: Damon Hill remporte la dixième victoire de sa carrière. Alesi finit deuxième après une course très brillante. Schumacher est un décevant troisième. Herbert prend la quatrième place. Frentzen, cinquième, ouvre le compteur de la paire Sauber-Ford. Berger grappille un petit point. Viennent ensuite Panis, Katayama et Schiattarella. Les Forti de Diniz et de Moreno sont à l'arrivée mais hors classement, car, extrêmement lentes en ligne droite, elles concèdent neuf tours (!) au vainqueur.
Après la course
Damon Hill lance véritablement sa saison par ce succès. Le vice-champion du monde a en effet eu du mal à digérer la rupture de suspension qui a mis un terme à ses efforts au Brésil. Mais ici, il s'est imposé sans coup férir, notamment grâce à un brillant dépassement sur Michael Schumacher. Il estime même avoir réalisé la meilleure performance de sa carrière. « J'ai fait une très bonne course aujourd'hui, malgré des conditions difficiles », explique le vainqueur. « D'abord, je n'ai pas pris un bon départ. Je perdais du temps derrière Michael et j'apercevais au loin David qui prenait le large. De là, j'ai décidé d'attaquer Michael. Ce fut une belle passe d'armes. Dépasser n'est pas un exercice aisé sur cette piste, mais j'ai réussi à me créer une belle occasion dans le freinage après les stands. La piste était libre, j'ai plongé. Ensuite, j'ai pu m'échapper. » Hill a dû cependant faire face à un adversaire imprévu: Jean Alesi. « Il fut mon souci quasi-permanent », reconnaît-il.
La Williams FW17 s'est en outre révélée d'une belle agilité sur ce circuit tortueux, alors que les tenues de route de la Benetton-Renault et de la Ferrari paraissent encore perfectibles. Bernard Dudot ne tire cependant aucune conclusion: « Ce Grand Prix n'offre aucune signification sur le plan du châssis et du moteur. L'aérodynamique n'y est pas une donnée fondamentale, le moteur y est sollicité à pleine charge qu'à 35-40 %... Le vrai juge de paix sera Imola. » Il n'empêche qu'au vu de ces deux premiers Grands Prix sud-américains, la paire Hill - Williams paraît avoir les meilleures chances de remporter le titre mondial. Hill garde cependant un œil sur son coéquipier David Coulthard qui avait toutes les cartes pour transformer sa première pole position en première victoire. L'électronique en a décidé autrement. « Je me sentais si à l'aise que la victoire me semblait facile », reconnaît l'Écossais. « Après la première alerte, j'ai pu relancer le moteur en demeurant sur le premier rapport, mais il s'est arrêté pour de bon une dizaine de tours plus tard. Une grosse déception. » Mais le jeune David sait que ce n'est que partie remise...
Michael Schumacher et Benetton ne garderont pas un bon souvenir de cette escale argentine. La faute aux nouveaux pneus apportés par Goodyear selon l'Allemand: « Mes premier et troisième trains de gommes furent de vraies catastrophes. Je n'étais nulle part. Je perdais jusqu'à deux secondes au tour sur Alesi. Je n'y pouvais rien. Je pense que c'est un problème de poussière qui se collait sur la bande de roulement. En revanche, mon dernier set fut parfait. » Cette explication ne convainc pas tout le monde, mais Damon Hill vient au secours de son rival en affirmant avoir lui-même rencontré un gros sous-virage avec son deuxième train. « A mon avis, les grosses pluies des jours précédents ont soit recouvert la piste d'une mince mais tenace couche de poussière, soit saturé le bitume. Cela faisait varier les capacités d'adhérence selon la température », explique l'Anglais.
Le pilote du jour est certainement Jean Alesi qui a conduit sa Ferrari à une brillante seconde place, en dépit d'une mauvaise installation dans son habitacle et d'une stratégie à deux arrêts qui ne semblait pas la plus idoine. Sans compter le carambolage du premier départ qui, sans le drapeau rouge, lui aurait coûté son après-midi. « Parti des deux premières lignes, j'aurais pu jouer la victoire », affirme le Français. « Mais terminer deuxième est un extraordinaire cadeau. Au Brésil, nous ne pouvions pas suivre le rythme des Williams et des Benetton. Cette fois, ce fut le cas. La Ferrari était ici au même niveau que la Williams. Fiable, rapide et constante. Elle m'a enfin permis de piloter comme j'aime: à fond. Ce qui ne m'était encore jamais arrivé chez Ferrari ! » Alesi croit sa première victoire toute proche...
Enfin, Mika Salo a de nouveau impressionné les observateurs: brillant cinquième au volant de sa Tyrrell-Yamaha, il aurait probablement glané deux points sans une stupide collision avec Aguri Suzuki. Le blond Finlandais peut avoir le sang chaud: de retour aux stands, Salo se précipite au stand Ligier pour coller son poing dans la figure du Japonais. Il est ceinturé par les mécaniciens des Bleus, mais Suzuki, bravache, lui propose de se retrouver derrière les stands quelques instants plus tard, « pour s'expliquer entre hommes ». Heureusement, l'affaire en restera là...
Gerhard Berger voulait arriver à Imola en tête du championnat du monde des conducteurs. Pari provisoirement gagné grâce à sa sixième place. Provisoirement car sa « victoire » brésilienne est dorénavant suspendue au jugement du tribunal d'appel de la FIA qui doit être rendu le 13 avril prochain.
Classements (avant l'annulation des disqualifications du GP du Brésil) :
| Pilotes | |
| Constructeurs | |
1. | Berger | 11 pts | 1. | Ferrari | 21 pts |
2. | Hill | 10 pts | 2. | Williams-Renault | 10 pts |
| Alesi | 10 pts | 3. | McLaren-Mercedes | 9 pts |
4. | Häkkinen | 6 pts | 4. | Benetton-Renault | 7 pts |
5. | Schumacher | 4 pts | 5. | Tyrrell-Yamaha | 2 pts |
6. | Blundell | 3 pts |
| Sauber-Ford Cosworth | 2 pts |
| Herbert | 3 pts | 7. | Ligier-Mugen-Honda | 1 pt |
8. | Salo | 2 pts |
| Frentzen | 3 pts |
10. | Suzuki | 1 pt |
Tony