Les intrigues du triumvirat
Comme les constructeurs ne sont pas parvenus à s'entendre à Barcelone sur le règlement 1994, Max Mosley joue la politique du pire en annonçant l'interdiction, à compter de la prochaine saison, de tous les dispositifs électroniques, à l'exception de ceux servant au démarrage du moteur (allumage et injection). Il s'attire ainsi bien entendu les foudres de Williams et de McLaren. Ces écuries considèrent que le président de la FISA viole les Accords Concorde qui exigent l'accord unanime des participants au championnat du monde pour introduire une modification au règlement technique, avec un préavis inférieur à deux ans. Elles menacent de porter l'affaire devant une juridiction civile, à savoir la chambre d'arbitrage de Lausanne. Mosley se défend un peu légèrement en affirmant que ces changements relèvent non du règlement technique, mais du règlement sportif... A Monte-Carlo, Max Mosley et Bernie Ecclestone se réunissent pour élaborer un plan de bataille contre l'axe Frank Williams - Ron Dennis. Ils se concertent avec le président de la FIA Jean-Marie Balestre, également très hostile aux aides électroniques au pilotage. Pour les observateurs avisés, nul doute que ce « triumvirat » médite quelque « mauvais coup ». D'autant plus que s'y joint Marco Piccinini, l'ancien directeur de la Scuderia Ferrari, récemment élu président de la CSAI, bien décidé à entretenir les meilleurs rapports possibles avec le pouvoir en place.
En tout cas, Balestre est complètement réconcilié avec son ancien rival Mosley, au point de soutenir le plan de fusion de la FIA et de la FISA présenté par celui-ci. Début juin, une assemblée générale extraordinaire doit entériner la réunion des deux fédérations sous l'égide de Mosley qui a convaincu Balestre, âgé de 72 ans, de se retirer en échange d'un bel hochet: la présidence d'un « Sénat de la FIA ». L'élection présidentielle opposera le président de la FISA à Jeffrey Rose, le directeur du RAC, qui dénonce la collusion entre Mosley et Ecclestone. Sa candidature est surtout un acte de protestation contre le diktat des deux compères, car ses chances de succès sont nulles.
Présentation de l'épreuve
Depuis environ quinze ans, la principauté de Monaco est devenue la seconde patrie des pilotes de Formule 1. Dix des vingt-six engagés de cette course résident en effet dans le paradis fiscal méditerranéen. Après Gerhard Berger, Ayrton Senna, Michele Alboreto, Thierry Boutsen, Andrea de Cesaris, Aguri Suzuki, Riccardo Patrese, Fabrizio Barbazza et JJ Lehto, c'est Michael Schumacher qui pose cette année ses bagages sur le Rocher. On notera l'absence de Français dans cette liste. Ceux-ci sont en effet exemptés de privilèges fiscaux...
Ce Grand Prix de Monaco avive des ambitions de prestige. Alain Prost compte bien l'emporter pour la cinquième fois sur le Rocher afin de rejoindre Graham Hill et son rival Ayrton Senna au palmarès. Frank Williams lui glisse incidemment que son écurie n'a plus gagné ici depuis dix ans (avec Keke Rosberg, en 1983). Pour Renault, la frustration est encore plus forte puisque le constructeur français n'a jamais enlevé cette épreuve. Prost est bien placé pour le savoir, puisqu'en 1982 il est sorti de la piste au volant de sa Renault turbo à quelques tours du but, alors qu'il caracolait en tête...
Les regards se tournent surtout vers Damon Hill, le fils de regretté Graham, vainqueur ici en 1963, 1964, 1965, 1968 et 1969. L'Anglais ne connaît guère ce tracé atypique, mais est très ému de marcher sur les traces de son père. Sa mère Betty Hill a fait le déplacement pour encourager son fils et ne le quitte pas des yeux. C'est l'occasion d'en apprendre un peu plus sur le nouveau pilote Williams. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, sa jeunesse ne fut pas celle d'un privilégié, Graham Hill n'ayant laissé que des dettes derrière lui. Damon a dû abandonner très tôt ses études, travailler comme coursier puis comme maçon, avant de pouvoir assouvir sa passion de la compétition, d'abord en moto, puis en monoplace. Pour des raisons évidentes, Betty s'est à l'origine opposée à cette vocation, avant de se rendre à l'évidence: Damon est aussi têtu et déterminé que l'était Graham...
Maurizio Nardon, ex-ingénieur d'exploitation chez Ferrari, qui officie chez Ligier depuis l'an passé, devrait prochainement rompre son contrat. L'Italien entretient en effet des rapports tendus avec Martin Brundle, dont il est chargé de préparer la monoplace, et est déçu de ne pas être associé par Gérard Ducarouge au travail de conception. Chez Ferrari, Harvey Postlethwaite, directement menacé par la prochaine arrivée de Jean Todt, se sent de plus en plus à l'étroit à Maranello. Il pourrait revenir chez Tyrrell, écurie dans laquelle il possède encore des parts. Quant à Todt, il apparaît dans le stand Ferrari tout en refusant de confirmer son engagement par la Scuderia. Mais il ne manque pas de convoquer Sante Ghedini dans une villa près de Cannes pour faire le point sur la situation du Petit Cheval...
Williams s'aperçoit ici de la faiblesse de ses triangles arrière de suspension: Hill est victime d'un bris samedi matin à pleine vitesse et Prost rejoint les stands juste avant de connaître le même sort. Les hommes de Patrick Head renforcent ces pièces pour la course. En outre, les nouveaux accélérateurs hydrauliques, utilisés aux essais, ne le seront pas dimanche. Benetton inaugure ici son antipatinage qui devrait améliorer sensiblement les performances, jusqu'ici assez décevantes, de la B193B. Chez Ferrari, Berger bénéficie d'un moteur expérimental à trompettes télescopiques, qu'il n'utilisera qu'en essais. Les Larrousse arborent un aileron à volets « avancés », inspiré de celui des Footwork. Enfin, comme l'appui est fondamental à Monte-Carlo, les écuries montent de gros ailerons arrière. La plupart copient le modèle présenté par Footwork à Kyalami. Dans le même souci, Benetton greffe sur ses B193 les dérives latérales introduites par McLaren et récemment employées par Minardi.
Essais et qualifications
Quintuple vainqueur en Principauté, Ayrton Senna a ce week-end l'occasion de dépasser Graham Hill et de caracoler seul en tête du palmarès du GP de Monaco. Il n'évoque cependant guère cette perspective, se contenant de préparer sa course et de se reposer quelque peu en compagnie de sa nouvelle petite amie, Adriane Galisteu, un top model de 20 ans. Senna prodigue aussi moult conseils à son protégé Rubens Barrichello qui découvre ce tracé au volant de sa modeste Jordan-Hart. Et pourtant, jeudi matin, c'est bien Magic qui finit dans les décors. Sa McLaren s'affaisse brutalement aux abords de Sainte-Dévote. Elle tape les rails externes puis interne à plus de 200 km/h, avant d'échouer dans l'échappatoire, passablement endommagée. Sonné, Senna ne souffre par bonheur que d'une luxation du pouce gauche, conséquence d'un retour de volant. Il se confie aux soins de Josef Leberer et n'envisage même pas de faire l'impasse sur la première séance officielle de l'après-midi. Pendant ce temps-là, les mécaniciens réparent en hâte sa monoplace sous la stricte surveillance de son ingénieur, l'ombrageux Giorgio Ascanelli. Senna réapparaît peu après avec une main bandée, comme si de rien n'était.
Jeudi après-midi, la pluie s'invite lors de la première session qualificative. Hill réalise une superbe performance et offre un bel hommage à son père en s'octroyant la pole provisoire devant Prost. Le surlendemain, le soleil reparaît, et Prost établit aisément la pole position (1'20''557'''), la sixième consécutive (la quinzième de suite pour Williams-Renault !). Hill peine à faire monter ses pneus en température et rétrograde au quatrième rang. Schumacher se montre très fougueux, tutoie les rails à plusieurs reprises, et hisse sa Benetton-Ford en première ligne, à la seconde place. Patrese (6ème) rend une seconde à son équipier. La McLaren tressaute beaucoup sur les bosses. Après son « carton » du jeudi, Senna sort encore une fois à Sainte-Dévote samedi, sans rien toucher cette fois. Il sauve les meubles par un troisième chrono. Andretti (9ème) part à la découverte de ce circuit et commet quelques petites erreurs. Les Ferrari sont en progrès malgré un comportement irrégulier. Alesi, déchaîné, exécute maintes ruades et rattrape maintes dérobades pour signer le cinquième temps. Berger, septième, ne ménage pas non plus ses efforts. Les Sauber-Ilmor (Wendlinger 8ème, Lehto 11ème) sont bien placées malgré une tenue de route perfectible.
Les Larrousse-Lamborghini améliorées font merveille. Comas (10ème) se met en vedette et Alliot (15ème) aurait sans doute fait aussi bien sans un bris de moteur. Les Footwork-Mugen (Warwick 11ème, Suzuki 18ème) sont rapides mais toujours fragiles. Les Ligier-Renault sont encore très instables à vide. Brundle (13ème) attend la course pour briller. Blundell (21ème) s'abîme le dos sur une bosse et se contente de se qualifier. Les Lotus n'ont ici aucune motricité, d'où l'impossibilité de faire chauffer les pneus pour Herbert (14ème) et Zanardi (20ème). Barrichello place sa Jordan au 16ème rang - il était 12ème jeudi sous la pluie. Son aîné Boutsen (23ème) rencontre des problèmes de boîte de vitesses. Chez Minardi, Fittipaldi signe le 17ème chrono avant de céder sa voiture à Barbazza (25ème), qualifié in extremis après un souci de direction. Les mécaniciens de Tyrrell ne chôment pas: jeudi, Katayama touche deux fois le rail et de Cesaris démolit son bolide à Sainte-Dévote. Samedi, l'Italien se classe 19ème, le Japonais 22ème. Enfin, Alboreto (24ème) qualifie sa Lola-Ferrari, contrairement à Badoer (26ème) qui heurte les glissières à Mirabeau.
Le Grand Prix
L'épreuve inaugurale de Formule 3 est remportée par l'Italien Gianantonio Pacchioni, sur Dallara-Fiat, devant son compatriote Giancarlo Fisichella et le Néerlandais Jos Verstappen.
Pour la première fois en 1993, un Grand Prix se déroule sous un beau et franc soleil. Cette épreuve est toujours un grand succès populaire: l'ACM a vendu les 30 000 places en tribunes, et près de 100 000 spectateurs suivront la course depuis les balcons de Monte-Carlo. Très confiant pour l'après-midi, Prost signe le meilleur chrono du warm-up devant Schumacher, Senna et Hill.
Départ: Prost anticipe le feu vert d'une fraction de seconde. Contrairement à ce qu'il avait fait à Imola, il laisse filer sa Williams puis appuie sur le champignon à la disparition du feu rouge. Il conserve ainsi la première place, suivi par Schumacher, Senna, Hill, Alesi et Berger. Plusieurs pilotes connaissent des hésitations similaires à celle de Prost, notamment Andretti qui rencontre un problème de boîte. Touché par Katayama, Blundell tire tout droit à Sainte-Dévote, mais peut repartir.
1er tour: Prost mène devant Schumacher, Senna, Hill, Alesi, Berger, Patrese, Wendlinger, Lehto et Comas. Mais le leader est sous la surveillance des commissaires car il a bel et bien volé le départ. Andretti, victime d'une touchette avec Barbazza, regagne son stand pour remplacer sa calandre. Quant à l'Italien, il devra parcourir toute la distance avec une crémaillère de direction endommagée.
2e: Prost, Schumacher et Senna creusent le trou sur Hill, poursuivi par les Ferrari.
3e: Prost s'enfuit et compte deux secondes d'avance sur Schumacher. Il prend aussi un tour à Andretti.
4e: Blundell revient à son stand et met pied à terre à cause d'un bris de suspension, suite logique de sa touchette avec Katayama.
5e: Senna perd du temps en prenant un tour à son équipier Andretti. Seul Schumacher garde désormais le contact avec Prost. Les commissaires se réunissent autour de Roland Bruynseraede et de Jacky Ickx pour statuer sur le sort du Français...
6e: Prost devance Schumacher (2.7s.), Senna (7.8s.), Hill (10.7s.), Alesi (13.6s.), Berger (15.2s.) et Patrese (19s.).
7e: Schumacher roule en 1'25''027''' et grappille quelques dixièmes sur Prost.
8e: Schumacher revient à moins de deux secondes de Prost. Senna évolue à neuf secondes du leader.
9e: La direction de course rend son verdict: Prost reçoit une pénalité de dix secondes pour avoir anticipé le départ. De Cesaris est victime d'une touchette. Il passe par son garage pour faire examiner ses suspensions puis repart, aucun problème n'ayant été détecté.
10e: Prost et Schumacher tournent en 1'24'' et ne sont séparés que par une seconde et demie. Hélas, cette belle bataille va s'achever car le triple champion du monde est rappelé aux stands.
12e: Prost s'engouffre dans les stands pour subir un « stop-and-go » de dix secondes. La pénalité accomplie, le Français essaie de redémarrer mais son moteur cale. Ses mécaniciens se précipitent autour de sa machine. Prost tente à deux reprises d'enclencher la première, sans succès.
13e: Schumacher est premier devant Senna (11s.), Hill (15.5s.), Alesi (18.1s.), Berger (22.2s.), Patrese (26.6s.), Wendlinger (40s.), Lehto (42s.), Comas (55s.), Warwick (57s.), Brundle (1m.) et Barrichello (1m. 02s.). Prost parvient enfin à relancer son moteur et à reprendre la piste. Mais il n'est plus que vingt-deuxième, avec un tour de retard...
14e: Prost navigue derrière Senna, avec une boucle en moins. Boutsen abandonne suite à un bris de rotule de suspension arrière.
16e: Schumacher exécute un travers à la sortie de l'épingle du Loews, mais se rattrape superbement. Alesi et Berger sont aux trousses de Hill.
18e: Dix-huit secondes séparent Schumacher et Senna. Prost dépasse Katayama et Barbazza. Le Forézien a derrière lui Hill, Alesi et Berger.
19e: Prost gagne une position aux dépens d'Alboreto.
20e: Schumacher précède Senna (19.1s.), Hill (27s.), Alesi (28.7s.), Berger (30s.), Patrese (40.7s.), Wendlinger (51s.), Lehto (53s.), Comas (1m. 08s.), Warwick (1m. 09s.), Brundle (1m. 10s.) et Barrichello (1m. 15s.).
22e: Schumacher rencontre des attardés. Son avance sur Senna tombe à dix-sept secondes et demie. Lehto lorgne sur la septième position détenue par son équipier Wendlinger.
24e: Lehto décide de doubler Wendlinger par l'extérieur à l'épingle de Loews. L'Autrichien ne laisse aucune place à son équipier qui finit par taper le rail en sortie de virage. Lehto s'immobilise dans une échappatoire avec une suspension pliée.
25e: Schumacher conserve dix-huit secondes d'avance sur Senna, trente secondes sur le trio Hill - Alesi - Berger.
27e: Prost dépasse Suzuki puis Zanardi dans le même tour.
28e: L'intervalle diminue un peu entre Schumacher et Senna. Prost est désormais quatorzième après avoir doublé Alliot. Juste derrière, Hill est bloqué derrière Suzuki et Zanardi. Les deux Ferrari reviennent sur ses talons.
29e: A la sortie du tunnel, Zanardi laisse passer Hill mais se rabat devant Alesi qui monte sur ses freins pour l'éviter. L'Avignonnais laisse échapper un geste d'humeur.
30e: Senna est maintenant nettement plus rapide que Schumacher. L'écart tombe à quatorze secondes. Par manque d'expérience, Hill se débarrasse avec peine des attardés. Par chance pour lui, Alesi ne se débrouille pas beaucoup mieux.
31e: Alboreto regagne son stand au petit trot avec une boîte de vitesses cassée et met pied à terre.
32e: Schumacher mène devant Senna (13s.), Hill (31.5s.), Alesi (36.2s.), Berger (37s.), Patrese (49.6s.), Comas (-1t.) et Warwick (-1t.). Prost dépasse Fittipaldi. Wendlinger rencontre des coupures d'allumage consécutives au choc subi par sa centrale électronique. Il regagne son stand et y reste bloqué cinq minutes. Alliot s'accroche avec Zanardi et endommage quelque peu son museau.
33e: La Benetton de Schumacher est victime d'une fuite du liquide hydraulique de la suspension active. Ce fluide s'enflamme et contraint l'Allemand à s'arrêter en catastrophe à l'épingle du Loews. Senna prend le commandement de l'épreuve.
34e: Les drapeaux jaunes sont agités au Loews tandis que les commissaires ont déjà circonscrit l'incendie de la Benetton. Prost dépasse Herbert et se retrouve dixième. Katayama abandonne à cause d'une fuite d'eau provenant de son système de refroidissement.
35e: Senna précède Hill (16s.), Alesi (27.1s.), Berger (28.2s.), Patrese (39.6s.), Comas (-1t.), Warwick (-1t.) et Brundle (-1t.). Prost prend la neuvième place à Barrichello. La voiture de Schumacher est évacuée.
36e: Senna est gêné par Comas qui tarde à s'écarter. Le Pauliste perd trois secondes dans cette mésaventure.
37e: Prost dépasse Brundle puis Warwick dans le même tour. Comas est sa prochaine cible.
38e: C'est au tour de Comas d'être effacé par un Prost survolté. Le pilote Williams est maintenant sixième.
39e: Senna précède Hill (19.4s.), Alesi (27.8s.), Berger (29s.), Patrese (-1t.), Prost (-1t.), Comas (-1t.), Brundle (-1t.), Barrichello (-1t.) et Herbert (-1t.). Alliot remplace ses gommes. Sa Larrousse est hyper-instable depuis la collision avec Zanardi: son appui varie en fonction des virages...
40e: Berger s'arrête au stand Ferrari pour changer de pneus et ressort toujours quatrième. Warwick remplace aussi ses gommes.
41e: Patrese fait halte aux stands pour chausser des Goodyear neufs, mais cale au redémarrage. Le Padouan reprend la piste derrière Comas et Brundle, en pleine bagarre. Prost est maintenant cinquième.
42e: Senna porte son avantage sur Hill à vingt-et-une secondes.
43e: Hill est gêné par le trafic et perd du temps sur Senna. Alesi n'est qu'à cinq secondes du Britannique.
45e: Senna mène devant Hill (31s.), Alesi (36s.), Berger (51s.), Prost (-1t.), Comas (-1t.), Brundle (-1t.) et Patrese (-1t.). Nouvel arrêt de Warwick dont le moteur a des ratés. Le Britannique redémarre en queue de peloton.
47e: Senna a trente-deux secondes d'avance sur Hill. Alesi se plaint à son tour de Comas qui, en pleine bourre avec Brundle, ne regarde pas ses rétroviseurs.
48e: Patrese rejoint Comas et Brundle. Warwick s'immobilise à l'entrée du tunnel suite à un blocage d'accélérateur.
49e: Berger est bloqué derrière le trio Comas - Brundle - Patrese, en lutte pour la sixième place. Patrese déborde Brundle au Casino, bientôt imité par Berger. Suzuki tape le mur à la Piscine et s'immobilise en pleine piste, heureusement hors trajectoire. Les drapeaux jaunes sont déployés.
50e: Patrese dépasse Comas au virage de Mirabeau. Dans la foulée, Berger double la Larrousse à l'épingle. La Footwork de Suzuki est ôtée par une grue.
51e: Senna observe un changement de pneus assez longuet (10s.). Mais le Brésilien ressort largement en tête, devant son équipier Andretti qui navigue en treizième position.
52e: Prost signe le meilleur tour de la course (1'23''604''') mais roule 45 secondes derrière Berger et n'a aucune chance de revenir sur lui.
53e: Brundle attaque Comas par l'intérieur à Mirabeau. Le Français se rabat devant son assaillant. C'est la collision: la Ligier harponne la Larrousse et perd un flap qui découpe le pneu arrière-gauche de Comas. Celui-ci ne peut ramener sa voiture aux stands et se range dans l'échappatoire le plus proche.
54e: Senna mène devant Hill (6s.), Alesi (18s.), Berger (32s.), Prost (1m. 05s.), Patrese (-1t.) et Barrichello (-1t.). Fittipaldi prend la huitième place à Herbert. Brundle passe aux stands pour changer d'aileron puis chute au onzième rang.
55e: Brundle bouchonne Senna sur plus d'un tour. Patrese est trahi par son moteur et se gare à la chicane du port. Barrichello récupère ainsi la sixième place.
57e: Berger est deux secondes au tour plus rapide que son équipier Alesi et lorgne sur la dernière marche du podium. En outre, l'Avignonnais se montre prudent car son moteur chauffe. Fittipaldi rejoint Barrichello qui se débat avec des pneus abîmés.
58e: Senna compte huit secondes d'avance sur Hill. Fittipaldi prend la sixième place à son compatriote Barrichello.
59e: Berger veut absolument monter sur le podium et revient à trois secondes d'Alesi. Herbert et Zanardi se battent pour la huitième position.
60e: A l'épingle du Loews, Berger tente de faire l'intérieur à Alesi. Il rate sa manœuvre, monte sur ses freins et frôle l'autre Ferrari. Les deux hommes continuent, s'en tirant à très bon compte.
61e: Senna est premier devant Hill (13.4s.), Alesi (28.4s.), Berger (30s.), Prost (1m. 24s.), Fittipaldi (-1t.), Barrichello (-1t.), Herbert (-2t.), Zanardi (-2t.) et Brundle (-2t.).
62e: Prost laisse Senna lui reprendre un tour.
63e: Zanardi vient à bout d'Herbert, avant de dépasser un très lent Barrichello. Victime d'un souci de sélecteur de vitesses, Herbert ralentit en sortant de la Rascasse et se fait harponner par Brundle. Il part en tête-à-queue et percute le muret des stands par l'arrière. Il abandonne tandis que Brundle poursuit.
64e: Berger s'impose à Alesi sur le boulevard Albert Ier et s'empare de la troisième place.
65e: Senna possède vingt-cinq secondes d'avance sur Hill, pris en chasse par Berger. Barrichello change tardivement de pneumatiques et tombe au dixième rang.
67e: Senna devance Hill (25s.), Berger (28s.), Alesi (35s.), Prost (-1t.), Fittipaldi (-2t.), Zanardi (-2t.), Brundle (-2t.), Andretti (-2t.) et Barrichello (-2t.).
69e: Berger est revenu dans les roues de Hill, ralenti par un trio d'attardés comprenant Zanardi, Brundle et Andretti.
70e: Brundle déborde Zanardi à la chicane de Port. Ce faisant, il gêne considérablement Hill qui aperçoit Berger dans ses échappements.
71e: Hill et Berger dépassent Zanardi de concert à Mirabeau. A l'épingle du Loews, l'Autrichien se jette à l'intérieur pour surprendre son adversaire. Encore une manœuvre trop hardie de l'Autrichien... Il percute Hill qui part en tête-à-queue et se retrouve en travers de la piste, bloquant le passage. Sur ces entrefaites, surgissent Andretti et Alesi qui doivent stopper derrière Berger qui a calé son moteur. Finalement, Hill repart sans trop de mal, suivi par Alesi. Berger s'extrait de sa Ferrari, tandis qu'Andretti a lui aussi calé et ne repart qu'après de longues secondes.
72e: Alesi est maintenant juste derrière Hill, mais ses pneus sont très usés et il n'a pas les moyens de l'attaquer.
74e: Senna est tranquille leader devant Hill (47s.), Alesi (49s.), Prost (-1t.), Fittipaldi (-2t.), Brundle (-2t.) et Zanardi (-2t.).
76e: Ironiquement, Prost achève cette course dans le sillage de Senna, avec une boucle de retard. Hill s'est forgé une petite marge sur Alesi. Fittipaldi est de son côté très menacé par le retour de Brundle, mais tient bon.
77e: Hill a semé Alesi: dix secondes les séparent à un tour du but.
78ème et dernier tour: Ayrton Senna remporte son sixième Grand Prix de Monaco. Hill se classe second pour sa première prestation sur le Rocher. Alesi, troisième, apporte à Ferrari son premier podium de la saison et ouvre son compteur personnel. Le malchanceux Prost décroche une honorable quatrième place. Fittipaldi se classe cinquième, un souffle devant Brundle. Zanardi, Andretti, Barrichello, de Cesaris, Barbazza, Alliot et Wendlinger rejoignent aussi l'arrivée.
Après la course: Senna, seul roi du Rocher
Grâce à ce sixième succès en Principauté, Ayrton Senna efface Graham Hill des tablettes. Mais, le hasard faisant bien les choses, son dauphin n'est autre que Damon Hill. Le prince Rainier, grand connaisseur, ne manque pas de souligner cette forme de passation de pouvoirs et félicite chaleureusement les deux pilotes. Ceux-ci échangent quelques mots courtois: « - Désolé Damon, j'ai battu le record de ton père... - Ne le sois pas, s'il avait été là, il aurait été le premier à te féliciter. Il aurait été fier que son record soit battu par un champion de ton calibre. » Le soir, Senna est évidemment la vedette du grand gala du Sporting d'Été. Dans un petit discours, il remercie les commissaires et les secouristes qui se sont empressés autour de lui après son gros accident du jeudi. « Ma satisfaction personnelle, vous vous en doutez, est très intense. », conclut-il. Puis, le Pauliste va se détendre en compagnie d'Adriane dans une boîte de nuit branchée, le Jimmy's.
Alain Prost ne digère pas sa pénalité et donne libre cours à sa colère: « Je ne suis pas un voleur de départ. Je sais faire la différence entre le rouge et le vert ! » Un peu calmé, il explique sa mésaventure à Patrick Camus d'Auto Hebdo: « Admettons que j'ai légèrement anticipé le feu vert. Cela valait-il dix secondes d'arrêt ? Nous le faisons tous plus ou moins en utilisant l'embrayage de façon optimum. De là, mon moteur a calé. Problème typique de nos embrayages en carbone qui manquent de constance dans leur fonctionnement. J'avais beau l'actionner au maxi, la 1ère n'entrait pas et un gros bruit se faisait entendre du côté de la boîte... J'ai cru que ma course allait s'arrêter là ! En six courses depuis Kyalami, j'en ai accumulé des pépins ! Je ne vois qu'une bonne cuite pour oublier tout ça. »
Jean Alesi est pour sa part très heureux de sa troisième place, même s'il admet avoir fini « avec des pneus à la toile et une température d'eau dans les étoiles » (sic). Il est moins satisfait de la touchette avec Gerhard Berger qui a failli les éliminer tous deux. « Désolé Jean, je rêvais de finir deuxième derrière Senna », déclare l'Autrichien en guise d'excuse. Alesi, quoique peu convaincu, préfère passer l'éponge.
Il serait injuste de passer sous silence la superbe performance de Michael Schumacher et de sa Benetton-Ford qui, en tout début d'épreuve, ont parfaitement tenu le rythme de la Williams-Renault de Prost, avant de s'envoler devant la McLaren-Ford de Senna. Sans la panne qui l'a frappé, l'Allemand aurait certainement gagné ce Grand Prix. Voilà qui est de bon augure pour la suite du championnat: et si Schumacher se mêlait au duel Prost - Senna ?
Enfin, comme d'habitude, le GP de Monaco a été fertile en péripéties et en accrochages, d'où quelques algarades entre pilotes après l'arrivée. Ainsi entre Érik Comas et Martin Brundle. Surtout, JJ Lehto accuse son collègue Karl Wendlinger de l'avoir tout bonnement jeté dehors ! Peter Sauber, furieux d'avoir perdu une belle occasion d'inscrire de gros points, renvoie les deux impétrants dos à dos.
A l'issue de cette manche, Senna (42 points) reprend les commandes du championnat devant Prost (37 pts), Hill (18 pts) et Schumacher (14 pts). Williams-Renault (55 pts) reste en tête chez les constructeurs devant McLaren-Ford (44 pts), Benetton-Ford (19 pts) et Ligier-Renault (11 pts). Au cinquième rang, avec sept points, on trouve ex æquo Lotus et... Minardi. Joli classement pour la Scuderia de Faenza, en dépit d'une machine très médiocre. Elle peut remercier ses deux pilotes, les opportunistes Fittipaldi et Barbazza, tous deux auteurs de courses remarquables depuis le coup d'envoi de la saison.
Tony