Présentation de la saison
Prost - Ferrari: les nuages s'amoncellent
Quelques semaines avant ce GP des États-Unis, Alain Prost obtient de Ferrari une prolongation de contrat jusqu'en 1992. Il a pour cela conduit d'intenses tractations avec la direction de Fiat, sans tenir compte de Cesare Fiorio. En effet, il ne fait plus confiance à son directeur sportif qui selon lui n'a pas su prendre ses responsabilités dans la quête du titre mondial en 1990. Le souvenir du mini-drame d'Estoril le hante toujours. Par ailleurs, le président Piero Fusaro, un technocrate étranger au sport automobile, cherche à se débarrasser de Fiorio avec lequel il entretient de mauvaises relations. Il utilise le ressentiment de Prost pour le déstabiliser. Dans le même temps, les pontes de Turin et de Maranello développent une certaine méfiance à l'égard de Prost, jugé trop impatient et exigeant. Le Français est depuis longtemps sorti de son rôle de simple pilote et entend diriger l'équipe. Ambition inacceptable pour les gardiens du temple de Maranello ! Au cours de l'hiver, Prost sollicite Jean Sage, son ancien team manager chez Renault Sport, afin de lui proposer la place de Fiorio ! A la fois flatté et intrigué, l'intéressé s'en ouvre prudemment à Fusaro qui évidemment s'empresse de colporter la nouvelle...
Aussi, en offrant un nouveau contrat à Prost, Ferrari souhaite déminer le terrain et éteindre sa suspicion grandissante. L'International Management Group et le Marlboro World Championship Team ont joué les entremetteurs pour aboutir à ces « secondes noces » qui ne ravissent personne. « Les tractations avec Prost pour 1992 sont uniquement d'ordre commercial », déclare ainsi Fiorio devant la presse. Prost comprend alors qu'on a en fait voulu acheter son silence et lâche quelques phrases peu amènes à l'égard de son supérieur. Au lieu de calmer le jeu, le président Fusaro se tait. C'est dire si la Scuderia aborde cette saison dans une atmosphère tendue.
Le rude hiver de Larrousse
Le 15 février 1991, Gérard Larrousse apprend par la bouche de Bernie Ecclestone que le Conseil mondial de la FISA retire à son équipe les onze points inscrits en 1990 et la reverse dans la liste des pré-qualifiables pour la nouvelle saison. Motif de cette sanction ? Larrousse n'a pas mentionné l'identité de Lola, son fournisseur de châssis, comme constructeur ! L'ancien pilote est stupéfait: il avait rebaptisé ses voitures de son propre nom après avoir pris l'avis de Jean-Marie Balestre lui-même ! Non seulement l'équipe du Castellet perd tout le bénéfice des efforts accomplis, non seulement elle ne touchera pas les droits TV que sa sixième place au championnat des constructeurs lui offrait, mais en plus sa rétrogradation sauve des pré-qualifications sa rivale numéro une, Ligier !
A quelques semaines du début du championnat 91, Larrousse F1 est dans la tourmente car son principal commanditaire, le japonais Espo, a failli. Par ailleurs, ses autres partenaires diminuent leurs subsides dans cette période de doute qui suit la Guerre du Golfe. Heureusement, Larrousse peut compter sur l'appui du maire de Paris et chef de l'opposition Jacques Chirac qui intervient personnellement en sa faveur auprès de Balestre. Dans le même temps, les ténors de la FOCA, Ron Dennis, Frank Williams et Flavio Briatore, se soulèvent contre Ecclestone qui souhaite inclure dans les super-licences délivrées aux pilotes dix journées de promotion par an consacrés à la promotion du championnat du monde de Formule 1. Tollé général chez les constructeurs. « Bernie n'a pas le droit de détourner le temps de travail de ceux que nous payons ! » clame la FOCA. Celle-ci s'empare alors de l'« affaire Larrousse » pour faire pression sur Ecclestone.
Tout s'arrange finalement le 7 mars à Phoenix, lors d'une réunion confidentielle de la FISA et de la FOCA. Yvon Léon annonce que la fameuse clause promotionnelle est abrogée « en raison des difficultés pratiques suscitées ». Ecclestone propose enfin à Gérard Larrousse et Guy Ligier de se partager les bénéfices d'une dixième place au classement 1990, en échange de quoi leurs équipes seront exemptées des pré-qualifications. Les deux Français acceptent.
Présentation de l'épreuve
Comme chaque année, Ayrton Senna a passé l'hiver au Brésil. Il en revient avec un bronzage impeccable et... un méchant rhume. Mais le champion en titre est surtout préoccupé par sa nouvelle McLaren MP4/6 qui, apparue très tardivement, ne lui a pas donné entière satisfaction lors des essais hivernaux. « Nous avons rapidement testé notre matériel à Estoril avant de venir ici », explique-t-il. « Je l'ai trouvé bien plus efficace que le précédent mais le travail ne manque pas. Le moteur V12 ne donne pas beaucoup plus de puissance que le V10, le châssis mérite une bonne mise au point... La compétition risque d'être rude avec Ferrari. » Senna révèle aussi qu'il dispose désormais d'un « ordinateur de bord », en fait un système de capteurs qui permet de surveiller le travail des suspensions. Il ne s'agit pas d'une suspension active, mais plus sûrement d' « amortisseurs intelligents », réglables selon le relief des pistes.
Bien entendu, l'accrochage de Suzuka est encore dans toutes les têtes et certains se demandent si Ayrton Senna et Alain Prost vont encore en découdre. « Je ne me battrai pas avec lui, parce qu'il est plus petit que moi ! » répond le Brésilien en souriant. « Mis à part notre passion pour la F1, nous n'avons rien en commun... Nous n'avons pas la même éducation », ajoute-t-il plus sérieusement.
Le tracé du circuit urbain de Phoenix est largement remanié pour désenclaver le Civic Center où se déroule une convention. Au bout de Jefferson Street, au lieu d'emprunter une chicane serrée, les pilotes bifurquent dorénavant vers E. Jackson Street pour une série de virages à angles droits qui s'achève par une épingle bordée d'un bac à sable. Une courte pleine charge les ramène ensuite vers Washington Street. Enfin, le dernier virage forme maintenant une pointe et non plus une courbe. Le tour est plus court et par conséquent l'épreuve est rallongée de dix tours.
Chris Pook annonce un peu plus de spectateurs qu'en 1990 grâce à la baisse du prix des billets, mais le public n'est toujours pas au rendez-vous. Bernie Ecclestone confirme certes la tenue du GP de Phoenix jusqu'en 1993, mais il sait que faute de succès celui-ci pourrait bien vivre ses dernières heures. Il déplore le manque de couverture par les médias américains et étudie avec Pook la possibilité d'un nouveau déménagement de l'épreuve américaine.
Peter Windsor est de nouveau le team manager de Williams mais sa prise de fonction est mouvementée. Quelques jours avant le déplacement à Phoenix, il est en effet kidnappé à la sortie de l'usine de Didcot, rossé par ses ravisseurs puis abandonné en pleine campagne. Il apparaît ainsi dans le paddock avec deux yeux au beurre noir. Le commanditaire de cette agression serait Joachim Lüthi. En effet, fin 1988, avant le rachat de Brabham par l'homme d'affaires suisse, Windsor avait fait une offre en compagnie de Walter Brun. Or celui-ci travaillait en fait pour Lüthi et Windsor n'avait accepté de se retirer qu'en échange d'une grosse indemnité... Le malfaisant, aujourd'hui poursuivi par la justice helvétique, et dont les liens avec la pègre sont notoires, se serait ainsi vengé...
Essais et qualifications
La Scuderia Italia doit subir les pré-qualifications du vendredi matin avec les nouvelles Lamborghini et Jordan, ainsi que la Coloni et la Fondmetal. Les Dallara-Judd de Pirro et de Lehto se sortent aisément de cette première épreuve, en compagnie de la Jordan-Ford de Gachot et de la Lamborghini de Larini. Victime d'un problème de direction, ce dernier prend pour se sauver la voiture de son équipier van de Poele, lequel reste sur le carreau. De Cesaris commet un surrégime fatal et ne parvient pas à qualifier la seconde Jordan. Chaves détient longtemps un quatrième chrono salvateur... avant de cogner un mur. Grouillard fait acte de présence avec sa Fondmetal-Osella de transition.
Stupéfaction vendredi après-midi: Alesi s'adjuge la pole provisoire au volant de la Ferrari, aux dépens de Senna, ralenti par les caprices de son V12 Honda. Mais le lendemain, tout rentre dans l'ordre, et le Brésilien recueille sa cinquante-troisième position de pointe (1'21''434'''). Il laisse la concurrence à plus d'une seconde. Prost l'accompagne en première ligne. Alesi, gêné par Larini, termine sa journée dans le mur et rétrograde au sixième rang. Berger est toujours mal installé dans son cockpit et se classe seulement septième, à plus de deux secondes de Senna. Les nouvelles Williams-Renault (Patrese 3ème, Mansell 4ème) impressionnent et se positionnent en outsiders dangereux, à l'instar des Benetton-Ford (Piquet 5ème, Moreno 8ème).
Les Dallara sont la sensation des essais. Pirro (9ème) et Lehto (10ème) démontrent l'efficacité de leur châssis sur les tracés lents. Les Tyrrell-Honda connaissent des débuts difficiles. Modena (11ème) casse un moteur et se plaint de sa tenue de route. Nakajima (16ème) heurte deux fois le béton vendredi. Les Brabham donnent des signes d'instabilité mais le V12 Yamaha se montre étonnamment souple et puissant. Brundle (12ème) en tire un meilleur parti que le néophyte Blundell (24ème). Le jeune Häkkinen fait très bonne figure en hissant sa Lotus-Judd au treizième rang. Frappé par d'incessantes pannes électriques, Bailey échoue à se qualifier. Bonne performance également pour Gachot, quatorzième avec la nouvelle Jordan-Ford. Déception chez Minardi: en butte à des soucis d'embrayage et de boîte, Martini (15ème) et Morbidelli (26ème) ne parviennent pas à exploiter le V12 Ferrari. Les Lamborghini rencontrent de nombreuses pannes. Larini (17ème) casse ainsi deux moteurs.
Leyton House est victime d'un sabotage: samedi matin, les mécaniciens s'aperçoivent que quatre canalisations alimentant des étriers de frein et dix fils de bobine ont été sectionnées sur les trois monoplaces ! Capelli (18ème) et Gugelmin (23ème) peinent à qualifier une machine nerveuse. Les essais sont délicats pour Larrousse. Suzuki (21ème) est victime de deux accidents et doit se qualifier avec la voiture de Bernard (19ème). La Ligier JS35 semble souffrir du même mal que l'incompréhensible JS33: une adhérence aléatoire. A cela s'ajoutent les dysfonctionnements du moteur Lamborghini. Boutsen (20ème) gagne son billet d'entrée, contrairement au débutant Comas. Il n'y aura également qu'une seule AGS au départ, celle de Tarquini (21ème). Johansson est éliminé. Consternation chez Footwork: la vieille A11, mal adaptée au V12 Porsche, est beaucoup trop lourde. Tout le poids porte sur l'arrière. Alboreto (25ème) arrache une qualification miraculeuse à laquelle ne peut prétendre Caffi.
Le Grand Prix
Senna réalise le meilleur chrono d'un warm-up marqué par une cascade de pannes. Chez Ferrari on fait grise mine: Prost et Alesi ne signent que les huitième et neuvième temps. Dimanche après-midi, le soleil se cache mais l'atmosphère est lourde. Goodyear prévoit un changement de gommes pour ses clients, contrairement à Pirelli qui fournit des pneus durs et résistants.
Départ: Senna conserve le commandement devant Prost qui contient Mansell. Suivent Patrese, Alesi, Berger et Piquet.
1er tour: Alesi déborde Patrese au bout de Washington Street. Senna mène devant Prost, Mansell, Alesi, Patrese, Berger, Piquet, Moreno, Modena et Brundle.
2e: Senna prend ses distances avec Prost, menacé par Mansell.
3e: Senna s'enfuit au rythme d'une seconde par tour. Patrese se rapproche d'Alesi.
5e: Senna mène devant Prost (4.1s.), Mansell (5s.), Alesi (6s.), Patrese (6.8s.), Berger (8s.), Piquet (9.5s.), Moreno (10s.) et Modena (11s.). Bernard abandonne le premier, moteur fumant.
6e: Senna semble parti pour une démonstration. Prost garde Mansell derrière lui, à une seconde. Les Benetton sont menacées par l'étonnante Tyrrell de Modena.
7e: Suzuki passe chez Larrousse pour changer un pneu crevé.
8e: Senna compte cinq secondes de marge sur Prost. Patrese se montre dans les rétroviseurs d'Alesi. Le volant d'Häkkinen se détache sur Jefferson Street. La Lotus part en toupie et frôle le muret de béton. Le Finlandais parvient à remettre son volant en place, puis à repartir pour rejoindre les stands.
9e: Brundle touche une glissière avec sa roue arrière-droite. Il regagne les stands au ralenti pour faire réparer sa suspension. Douzième depuis le coup d'envoi, Lehto perd des places car son sélecteur de vitesses est déréglé.
10e: Senna devance Prost (4.3s.), Mansell (6.2s.), Alesi (10.8s.), Patrese (11.3s.), Berger (15s.), Piquet (16s.), Moreno (17s.), Modena (18s.) et Pirro (24s.).
12e: Senna accroît à nouveau son avance sur Prost. Patrese trépigne derrière Alesi. Häkkinen et Brundle ont repris la piste.
13e: Patrese rattrape de justesse un début de dérapage dans le dernier virage. Les monoplaces glissent beaucoup en ce début de Grand Prix car la piste offre peu de grip. Lehto abandonne, embrayage cassé.
15e: Senna a sept secondes et demie de marge sur Prost, dix secondes sur Mansell.
16e: Patrese déborde Alesi devant les stands. Alboreto s'arrête chez Footwork pour changer une écope de frein. Morbidelli renonce avec une boîte de vitesses cassée.
17e: Pirro abandonne après avoir cassé sa commande de boîte. Les deux prometteuse Dallara-Judd son éliminées.
18e: Huit secondes entre Senna et Prost. Patrese fond sur Mansell. Alesi en découd désormais avec Berger.
19e: Senna mène devant Prost (9.2s.), Mansell (10.7s.), Patrese (11.8s.), Alesi (16.9s.), Berger (17.9s.), Piquet (24s.), Moreno (25s.) et Modena (27s.).
20e: Patrese porte une première attaque contre Mansell au bout de Jefferson Street, sans succès.
22e: Prost, Mansell et Patrese roulent de concert. Patrese prend l'aspiration derrière Mansell dans Jefferson Street. Il se décale à l'intérieur mais l'Anglais fait mine de prendre son virage comme si de rien n'était. Le Padouan comprend alors qu'il va à l'accrochage, bloque tout et tire droit vers l'échappatoire ! Il reprend la piste en cinquième position, au prix d'un demi-tour. Et voici Mansell débarrassé de son coéquipier...
23e: Senna précède Prost (14.3s.), Mansell (19s.), Alesi (20.5s.), Berger (21.2s.) et Patrese (25s.).
24e: Patrese est reparti le couteau entre les dents et tourne en 1'27''450'''. Il rattrape Alesi et Berger.
26e: Senna devance Prost (18s.), Mansell (20.7s.), Alesi (23.1s.), Berger (23.6s.), Patrese (24s.), Piquet (29s.), Moreno (30s.), Modena (32s.) et Capelli (54s.).
27e: Berger et Patrese ne font plus qu'un. L'Autrichien résiste à l'Italien avec sa hargne habituelle.
29e: Mansell refait la jonction avec Prost. Patrese guette l'opportunité pour surprendre Berger.
30e: Senna compte dix-huit secondes d'avance sur Prost et Mansell. Patrese fait l'intérieur à Berger au bout de Washington Street et s'attaque maintenant à Alesi.
32e: L'avance de Senna sur Prost excède maintenant les vingt secondes. Mansell ne suit plus le Français car sa boîte semi-automatique bégaie.
33e: Jusque-là onzième, Nakajima exécute un « tout-droit » au bout de la ligne droite de départ. Il perd deux positions au profit de Gachot et de Martini, et repart sous le nez de Boutsen et de Gugelmin.
34e: Senna est en tête devant Prost (19.9s.), Mansell (22.8s.), Alesi (23.9s.), Patrese (24.2s.) et Berger (26.6s.).
35e: Mansell est au ralenti, boîte hors d'usage. Blundell part en tête-à-queue à l'abord de l'ultime épingle et s'arrête contre le muret. Häkkinen qui le suivait de près exécute également une pirouette pour l'éviter. L'Anglais met pied à terre tandis que le Finlandais repart à la poussette, avant de changer de pneus.
36e: Mansell s'immobilise sur Jefferson Street. Il tente de pousser seul sa Williams vers l'allée des stands. Patrese mène l'assaut contre Alesi qui ne plie pas. Gugelmin renonce suite à une panne de boîte de vitesses.
37e: Berger lève un bras puis se range le long d'un mur. Une de ses deux pompes à essence vient de le trahir.
38e: Senna mène devant Prost (19s.), Alesi (21.2s.), Patrese (22.6s.), Piquet (31.8s.), Moreno (37.2s.). Modena (41s.), Capelli (1m. 10s.), Gachot (-1t.), Martini (-1t.), Nakajima (-1t.) et Boutsen (-1t.).
39e: Senna abaisse le record du tour (1'27''153'''). Nakajima repasse devant Martini. Larini effectue un changement de pneus qui s'éternise à cause d'écrous grippés.
40e: Senna compte vingt-trois secondes de marge sur Prost. Patrese harcèle Alesi qui n'a pas su ménager ses pneus.
42e: Capelli rejoint son box suite avec une boîte de vitesses fumante et ne redémarrera pas. Boutsen s'arrête en plein virage, moteur coupé. Les commissaires interviennent pour tracter la Ligier vers le bac à graviers.
43e: Patrese déborde Alesi au bout de Washington Street. Puis l'Avignonnais regagne son stand pour chausser quatre pneus neufs (8s.). Il repart septième.
44e: Patrese met la pression sur Prost. Alboreto abandonne après avoir cassé son pignon de quatrième rapport. Ce retrait est un soulagement pour lui tant la Footwork-Porsche est impossible à conduire.
45e: Prost rejoint son stand pour changer de Goodyear. Hélas, la roue arrière-droite se bloque, et le Forézien perd seize secondes dans cette mésaventure. Il se retrouve derrière Alesi. Nakajima dépasse Gachot.
47e: Senna précède Patrese (31.7s.), Piquet (41s.), Moreno (43s.), Modena (49s.), Alesi (50s.) et Prost (58s.).
48e: Senna entre aux stands pour un changement de pneus indolore (7s.). Le Brésilien reprend la piste dix-sept secondes devant Patrese. Alesi prend la cinquième place à Modena.
49e: Alesi boucle le meilleur tour de la course: 1'26''758'''.
50e: Patrese entre sur Washington Street lorsque sa boîte se met au point mort. Il actionne alors ses manettes, et reçoit soudainement la seconde. La Williams part en tête-à-queue à la sortie de ce virage en aveugle. Surviennent alors les Benetton. Piquet contourne l'obstacle mais Moreno escalade l'avant de la Williams et y perd ses suspensions. Il s'immobilise quelques mètres plus loin tandis que Patrese court se mettre à l'abri derrière le muret. L'Italien a eu très chaud: à vingt centimètres près, il recevait la Benetton dans la figure !
51e: Senna mène devant Piquet (29.9s.), Alesi (33.3s.), Modena (38.7s.), Prost (41.9s.), Nakajima (-1t.), Gachot (-1t.), Martini (-1t.), Suzuki (-2t.) et Larini (-2t.). Les drapeaux jaunes sont déployés autour de Washington Street.
52e: Les commissaires tardent à évacuer les voitures de Patrese et de Moreno. Changement de gommes pour Tarquini.
53e: Alesi rattrape Piquet grâce à ses gommes neuves et lui prend la seconde place. Plus loin, Prost bute sur Modena.
55e: Senna compte trente-cinq secondes de marge sur Alesi. La Williams et la Benetton abandonnées sont toujours sur le circuit. Les débris ont en revanche été ramassés.
57e: Prost fait l'intérieur à Modena au bout de la première ligne droite.
58e: Gachot glisse à l'entrée de la rue Washington et exécute un double tête-à-queue sous le nez d'Alesi ! L'Avignonnais se fait une frayeur mais évite la Jordan. Gachot reprend ensuite la course en se rangeant sagement à gauche... où Piquet déboule ! Le Carioca fait un gros écart pour éviter un terrifiant accrochage. Martini gagne une place aux dépens du Franco-Belge.
60e: Senna devance Alesi (39s.), Piquet (45s.), Prost (47s.), Modena (51s.), Nakajima (-1t.), Martini (-1t.) et Suzuki (-1t.). Gachot fait changer ses gommes après sa mésaventure.
61e: Les commissaires ont poussés les deux bolides accidentés loin de la trajectoire, mais n'ont pas pu les ôter de la piste, faute de grue. C'est miracle que personne ne les ait percutés durant ces dix tours...
63e: L'avance de Senna sur Alesi atteint son point culminant: quarante-quatre secondes. Prost réduit son retard sur Piquet qui tente de préserver ses Pirelli usés.
64e: Prost perd du temps en prenant un tour à Nakajima. Le moteur Judd d'Häkkinen prend feu dans le dernier secteur. Le jeune Finlandais se gare au niveau de la nouvelle épingle.
65e: Senna précède Alesi (42.1s.), Piquet (45.1s.), Prost (46.7s.), Modena (56.2s.) et Nakajima (-1t.).
66e: Alesi commence à rencontrer des problèmes de boîte. Piquet et Prost comblent peu à peu leur retard.
68e: Piquet est désormais derrière l'aileron d'Alesi. Il tente de lui faire l'extérieur dans les derniers mètres mais le Français se défend encore.
69e: Piquet double Alesi devant la ligne droite des stands, mais Prost opportuniste le suit dans son aspiration. Une fois l'Avignonnais effacé, Prost se déporte vers la droite, plonge dans le trou et laisse sur place le Brésilien.
70e: La limite des deux heures sera atteinte dans quinze minutes. Senna devance Prost (37s.), Piquet (41s.), Alesi (47s.), Modena (48s.), Nakajima (-1t.), Martini (-1t.), Suzuki (-2t.), Gachot (-2t.), Larini (-2t.), Tarquini (-3t.) et Brundle (-7t.).
72e: Modena double Alesi dont la boîte électronique n'en finit plus d'agoniser.
73e: Alesi s'arrête dans une échappatoire, boîte hors d'usage. Martini entre dans les points.
75e: Senna mène devant Prost (35.5s.), Piquet (40s.), Modena (49.3s.), Nakajima (-1t.), Martini (-1t.), Suzuki (-2t.) et Gachot (-2t.).
77e: Martini se range sur le bas-côté, moteur Ferrari fumant. Suzuki récupère ainsi la sixième place. Gachot ne verra pas non plus l'arrivée, également trahi par son moteur, Ford celui-ci. Il se gare derrière la Minardi de Martini.
78e: Senna compte trente-quatre secondes de marge sur Prost. Piquet suite assez aisément la Ferrari survivante.
80e: La limite des deux heures est presque atteinte. La prochaine boucle sera la dernière.
81ème et dernier tour: Ayrton Senna remporte le Grand Prix des États-Unis devant Prost et Piquet. Modena achève sa première course chez Tyrrell à une excellente quatrième place. Il précède son coéquipier Nakajima. Suzuki termine sixième et inscrit un point tout à fait inattendu par l'écurie Larrousse. Seuls Larini, Tarquini et Brundle rallient aussi l'arrivée, avec beaucoup de retard.
Après la course
Le podium de cette course, assez sinistre du fait du contentieux entre Prost et Senna et de la présence de Jean-Marie Balestre, est égayé par le facétieux Nelson Piquet. Celui-ci se permet ainsi de faire des oreilles de lapin à Balestre au moment des hymnes... Nul doute que, pour une fois, Senna a dû apprécier le sens de la dérision de son compatriote.
Les journalistes brésilien s'extasient devant le succès d'une monoplace à peine sortie de l'usine. Ayrton Senna tempère leur enthousiasme: « C'est extraordinaire si la voiture est capable de vaincre après seulement un week-end de travail, mais il ne faut pas prendre de tels risques. Il faut garantir la réussite, pas la prédire et s'en persuader. Cette auto semble compétitive, nous pourrons donc nous concentrer sur son développement. » En outre, selon lui la MP4/6 n'est pas exempte de reproches. Elle a usé très tôt ses pneus et il n'a pas pu trouver le bon équilibre pour les ménager. Sans compter quelques dysfonctionnements de la boîte de vitesses...
Chez Ferrari, Alain Prost n'a pas le sourire des grands jours. « Une course très dure, dit-il, mais on s'y attendait. Nous avons rencontré plusieurs petits problèmes. Durant l'hiver, notre fiabilité fut excellente. Ici, elle nous a fait défaut. Mais cette seconde place me satisfait. Senna était trop fort et sa machine meilleure que la mienne. La Ferrari n'a jamais été à l'aise sur ce style de tracé cassant. Elle ne l'est toujours pas. L'écart qui me sépare de la McLaren ne reflète donc pas le vrai niveau de nos performances. »
Enfin, Gérard Larrousse félicite chaleureusement ses vingt employés qui ont pu faire le déplacement à Phoenix. La sixième place d'Aguri Suzuki pourrait sauver des pré-qualifications dans la deuxième moitié de saison. « Aguri vaut de l'or. Avec un peu de chance, il aurait pu finir sur le podium. Nous avons montré que nous ne sommes pas morts ! » clame-t-il. Ses gars sont en tout cas plus heureux que ceux d'AGS qui ont passé le week-end dans le dénuement le plus total. Leur sous-traitant motoriste Heini Mader a même dû leur payer le restaurant ! Au moins Gabriele Tarquini a-t-il fini l'épreuve. C'est la seule satisfaction de la petite troupe de Gonfaron...
Tony