Le Professeur chez Ferrari - Prostmania en Italie
Le 6 septembre 1989 à Lugano, Alain Prost ratifie un contrat tripartite avec Ferrari et Marlboro pour une durée d'un an, agrémenté d'une option pour 1991. Après Raymond Sommer, André Simon, Maurice Trintignant, Jean Behra, Didier Pironi, Patrick Tambay et René Arnoux, il devient le huitième Français à porter le rouge de la Scuderia. Prost a obtenu de sérieuses garanties avant de donner son assentiment, notamment le privilège de participer à toutes les délibérations techniques. Il entend devenir l'épicentre de l'équipe, comme il l'était jadis chez McLaren, ce qui ne peut que déplaire à Nigel Mansell qui, pour l'heure, fait néanmoins bonne figure à son futur équipier. Enfin, la grande interrogation concerne John Barnard qui était en partance pour Benetton, et qui semble maintenant prêt à revoir sa position à l'idée de collaborer de nouveau avec Prost.
Lorsqu'il pose le pied en Italie, Prost se réfugie à la Villa d'Este pour fuir... les tifosi. Lui qui fut longtemps leur bête noire, au point de recevoir des menaces de mort en 1983, devient soudainement le héros de tout un peuple. Cesare « Hollywood » Fiorio (surnommé ainsi à cause de ses éternelles lunettes noires et de son sourire étincelant) contient comme il peut une meute de journalistes avides de connaître les détails du mariage Prost - Ferrari. Pour sa part, Ron Dennis ne digère pas cette « trahison » et ne desserre pas les dents de tout le week-end. Il ne supporte pas de voir son pilote partir chez la concurrence, au point de lui avoir proposé de financer une éventuelle année sabbatique ! En outre, Prost a participé à une séance de photographies organisée par Marlboro en compagnie de Mansell. Dennis considère cela comme un affront supplémentaire. Ce transfert, tardivement conclu, ne ravit pas non plus Frank Williams qui lève finalement l'option qu'il possédait sur Riccardo Patrese, mais au prix d'une revalorisation salariale en faveur de l'Italien...
Ayrton Senna: « Prost ne mérite pas le respect »
Ayrton Senna revient de dix jours de vacances en famille au Brésil, mais n'ignore pas qu'une certaine interview, donnée à Pierre Van Vliet au soir du GP de Belgique, fait polémique. Il s'est en effet violemment attaqué à son équipier: « Prost a dit que je ne respectais personne ? En fait, c'est lui qui ne mérite pas le respect ! » L'atmosphère est irrespirable chez McLaren. Prost boude désormais les débriefings techniques car Ron Dennis et Gordon Murray ne veulent pas concéder que la MP4/5 souffre de certains défauts de châssis.
Dans ce contexte surchauffé, la lutte pour les titres mondiaux passe presque au second plan. Marlboro-McLaren peut pourtant remporter sa cinquième coupe des constructeurs en Italie. Il lui suffit pour cela de ne pas concéder plus de sept points à Williams.
Marché des transferts: point de situation
Gérard Larrousse recherche des commanditaires pour assurer l'avenir de son équipe qui n'a toujours pas inscrit le moindre point cette saison. Il négocie avec l'industriel italien Carlo Patrucco, un ami du comte Zanon, le protecteur de Michele Alboreto. Par ailleurs, il craint de perdre le V12 Lamborghini et s'est rendu aux États-Unis pour se rassurer auprès de Chrysler. Gérard Ducarouge et son adjoint Michel Tétu peuvent préparer sereinement la Lola de l'an prochain.
Outre sa nouvelle alliance avec Lamborghini, Lotus annonce sa paire de pilotes pour 1990. Après trois tentatives infructueuses, en 1984, 85 et 88, Derek Warwick rejoint enfin Ketteringham Hall, moyennant un copieux salaire réglé par Camel. Son équipier sera le Nord-Irlandais Martin Donnelly, jusqu'ici pilote de développement du team. Lotus allie ainsi la rude expérience à la jeunesse. Arrows perdra donc ses deux conducteurs puisqu'après une saison plus que médiocre, Eddie Cheever a décidé de retourner aux États-Unis et de s'engager dans le championnat CART. Jackie Oliver négocie avec Michele Alboreto qui se cherche un point de chute au cas où les pourparlers entre Larrousse et Patrucco capoteraient. Satoru Nakajima quête aussi un volant et présente comme appât les millions de la firme nippone d'électronique Epson. Enfin, Keke Rosberg cherche à caser son protégé JJ Lehto qui ne sera plus pilote d'essais chez Ferrari l'an prochain. C'est le nouveau champion d'Italie de Formule 3 Gianni Morbidelli qui remplira cette fonction.
Nicola Larini rejoindra Ligier en 1990. Le jeune Italien n'était cependant que le second choix du patron qui aurait préféré Gabriele Tarquini, mais celui-ci a resigné avec AGS. Larini remplacera René Arnoux qui va prendre sa retraite. Le volant d'Olivier Grouillard est aussi disponible car celui-ci a cassé trop matériel cette saison. Il pourrait revenir à Philippe Alliot qui est en froid avec Gérard Larrousse.
Présentation de l'épreuve
Outre Prost, un autre Français est l'objet de l'attention des Italiens. Il s'agit de Jean Alesi qui, au nom de ses origines siciliennes, est « récupéré » par la presse transalpine. Et bien sûr les tifosi harcèlent les pilotes Ferrari, Gerhard Berger et surtout Nigel « Il Leone » Mansell. Celui-ci tient à briller devant ses nouveaux supporteurs. Pour échapper à cette terrible pression il se réfugie à la Villa d'Este en compagnie de son ami Greg Norman. Tous deux arpentent le green de fortune qui fait face au splendide lac de Côme.
L'autodrome de Monza dispose enfin de stands dignes de ce nom, même s'ils ne sont pas encore totalement achevés. Seuls les garages, très spacieux, sont utilisables. Cet aménagement était inévitable vues les exigences de la FISA et de la FOCA mais s'est heurté à la vive opposition des écologistes. Le tracé n'a pas subi de modifications, mais les vibreurs sont rehaussés afin de dissuader les pilotes de les escalader trop généreusement.
Jean-Marie Balestre rend publique la réglementation technique pour 1990. Les deux caissons de protection latérale deviennent facultatifs en échange de l'établissement d'un crash-test plus poussé et de nouvelles dimensions minimales. Nombre d'ingénieurs trouvent ces dernières ridiculement faibles et estiment qu'au contraire les Formules 1 devraient être agrandies. Mais Balestre reste sourd à leurs arguments.
Gregor Foitek a quitté Eurobrun avec l'argent de son père, ce qui fragilise grandement l'avenir de cette équipe. Pour l'heure, le revenant Oscar Larrauri se voit confier l'ER189, déclarée bonne pour le service par son créateur George Ryton: « Contrairement à ce qu'on pouvait penser, elle n'a pas de « loup », simplement un manque de mise au point compréhensible, compte-tenu de l'inexpérience de Foitek. »
La valse des ingénieurs continue. Ken Anderson quitte Ligier pour rejoindre chez Onyx Alan Jenkins qu'il a côtoyé jadis chez Penske. John Baldwin passe de Brabham à March afin de dessiner la future March-Alfa Romeo « Indy ».
Et non, la Williams FW13 n'est toujours présente ! Mais promis, juré, elle fera ses grands débuts à Estoril, et en deux exemplaires ! Ferrari apporte la nouvelle version de son V12, allégée et plus puissante. Aérodynamique interne, thermodynamique, système de lubrification, rapport alésage/course, tout a été revu. Ce moteur aurait gagné 68 chevaux selon des fuites provenant de Maranello. Le couple serait aussi très supérieur à ce qu'il était auparavant. Une version « haut régime » est aussi proposée pour les qualifications. Mais seul Mansell en disposera, Berger cassant son bloc samedi. Honda ne s'en laisse pas conter et présente, après « l'Évolution 5 » à Spa... l' « Évolution 4 » qui privilégie la puissance. Lotus dispose en outre d'un V8 Judd revigoré. Enfin, les Dallara sont munies d'un bloc Cosworth dont l'injection et les échappements ont été revus par Heini Mader.
Rial a organisé à Hockenheim une séance d'essais pour comparer sa voiture à celle de l'an passé conçue par Gustav Brunner. Cette dernière s'est révélée plus rapide. Du coup un exemplaire est apporté à Monza mais son cockpit est trop exigu pour Danner comme pour Raphanel. A noter que Stefan Fober est toujours officiellement le directeur technique de l'équipe allemande, Christian Vanderpleyn n'ayant signé aucun contrat avec Gunter Schmidt.
Essais et qualifications
Les soixante minutes de pré-qualification sont cette fois fatales à Johansson, trahi par son embrayage. Alliot et Alboreto se tirent de ce difficile challenge avec Gachot et Larini, celui-ci aidé par des pneus Pirelli super-tendres. Un nouvel incident oppose cependant Alliot à Dalmas, le premier étant gêné par son ancien équipier. Très énervé, le Vovéen se venge en bouchonnant à son tour le Varois... Tarquini, Moreno, Bertaggia, Suzuki, Schneider et Larrauri passent à la trappe, de même que Ghinzani. C'en est trop pour le vétéran italien qui ne s'est qualifié qu'une seule fois cette saison et annonce son retrait de la F1 à l'issue de cette saison. « Ces pré-qualifications sont une stupidité sans nom. Je poursuivais ma carrière dans d'autres disciplines, où les règles sont les mêmes pour tous ! » grommelle-t-il.
Vendredi soir, les tifosi exultent: Berger et Mansell occupent la première ligne provisoire ! Les McLaren sont repoussées à près d'une seconde. Mais le lendemain, le temps se dégrade. Il pleut durant la matinée et le ciel est maussade dans l'après-midi. Ces conditions ne sont pas favorables aux Ferrari qui n'améliorent pas leurs chronos. Senna, le « renard des qualifs », saisit cette opportunité pour s'adjuger une nouvelle et spectaculaire pole position (1'23''720'''). Le Pauliste s'est démené pour compenser le peu de grip généré par son bolide. Berger et Mansell reculent d'un rang chacun. Prost (4ème) se plaint d'un moteur poussif. Il concède une seconde et sept dixièmes à son équipier...
Les Williams-Renault (Patrese 5ème, Boutsen 6ème) manquent encore de vitesse de pointe. Boutsen est mécontent car samedi son équipe a interverti les pignons de ses 3ème et 4ème vitesses, ce qui l'a empêché de défendre ses chances. Alliot réalise une formidable prouesse en hissant sa Lola au septième rang. Mais son chrono paraît suspect aux commissaires qui plombent le V12 Lamborghini vendredi soir pour l'examiner, sans rien déceler d'illégal. Alboreto est lui treizième. Les Benetton (Nannini 8ème, Pirro 9ème) ne brillent pas, faute d'une bonne tenue de route. Contretemps chez Tyrrell: le chrono réalisé vendredi par Alesi est annulé car le porte-à-faux de son aileron n'est pas conforme. L'Avignonnais se fait justice le lendemain en signant le dixième temps. Son équipier Palmer est quatorzième. Les Lotus-Judd (Piquet 11ème, Nakajima 19ème) n'ont pas assez de chevaux pour se distinguer.
Brundle se classe douzième avec la seule Brabham en lice. En effet, Modena est disqualifié pour avoir oublié de faire peser sa voiture samedi. Les Minardi (Martini 15ème, Pérez-Sala 26ème) restent dans le ventre mou avec les Dallara (de Cesaris 17ème, Caffi 20ème). Les Arrows ne fonctionnent pas: Warwick n'est que seizième et Cheever échoue à se qualifier pour la seconde fois en 89. Les March (Capelli 18ème, Gugelmin 25ème) ont encore moins d'adhérence que d'accoutumée. Les Ligier rencontrent de nombreux problèmes de fiabilité. Grouillard (20ème) casse encore une coque, la neuvième depuis le début de la saison. Arnoux est vingt-troisième. Gachot (22ème) et Larini (24ème) arrivent à se qualifier. Les très lentes Rial de Danner et Raphanel sortent du meeting.
Sabotage: Prost accuse Honda (suite)
Dépité de n'avoir jamais pu approcher les chronos d'Ayrton Senna, Alain Prost accuse de nouveau McLaren et Honda de sabotage. Selon lui son V10 rend plusieurs chevaux à celui de son rival. « Toutes les voitures sont pour Ayrton ! » peste-t-il. « Rien ne marche, mes mécanos tirent la gueule... Toutes les énergies sont passées de l'autre côté. C'est très dur. » Le journaliste Johnny Rives accrédite ces propos: « Ron Dennis m'a fait venir chez McLaren et Osamu Goto m'a donné les vitesses d'Alain dans la Parabolique et à Lesmo. C'était tellement ridicule que je leur ai demandé s'ils plaisantaient ou s'ils se fichaient de moi: ils voulaient me faire croire qu'il était à 170 km/h dans la Parabolique, là où tout le monde passe à 270, et que ça expliquait pourquoi il était lent dans la ligne droite ! »
Machination ou non, Prost a une telle rage au cœur qu'il envisage sérieusement de quitter son équipe sur-le-champ. Rien ni personne ne peut l'apaiser. « Si cela continue comme ça, je n'irai ni au Japon, ni en Australie... » menace-t-il.
Le Grand Prix
Le beau temps revient dimanche. Les McLaren rencontrent encore quelques problèmes d'équilibre lors du warm-up. Senna réalise pourtant le meilleur chrono devant Mansell. Prost déplore encore une vitesse de pointe (305 km/h) nettement inférieure à celle de Senna (312 km/h). Les ingénieurs de Honda changent les injecteurs de la McLaren n°2. Tous les participants partent munis de pneus durs, exceptés Pirro, Capelli et Gugelmin qui ont des gommes tendres à droite, le côté le moins sollicité.
Tour de formation: Palmer est surpris par un embrayage neuf et cale. Il doit s'élancer depuis la queue de la grille.
Départ: Senna prend un excellent envol et vire en tête au premier virage devant Berger, Mansell, Prost, Boutsen et Nannini. Aucun accrochage à la première chicane. Seuls Grouillard et Gugelmin font de petites excursions dans les graviers pour éviter un choc.
1er tour: Senna en tête devant Berger, Mansell, Prost, Boutsen, Nannini, Patrese, Alesi, Brundle et Alliot. Pirro est déjà hors course après avoir cassé sa transmission.
2e: Les Ferrari gardent le contact avec Senna pendant que Prost est sous la menace de Boutsen. L'accélérateur d'Alliot se coince à la Variante Ascari. La Lola échoue en tête-à-queue dans le sable. C'est un nouvel abandon pour le Français.
3e: Senna devance Berger (1s.), Mansell (4s.), Prost (6.1s.), Boutsen (6.8s.), Nannini (7.4s.), Patrese (9s.) et Alesi (10s.).
5e: Senna prend quelques dixièmes à Berger à chaque passage. Mansell ne peut suivre son équipier car son moteur ne donne pas son plein régime. Piquet s'empare de la neuvième place aux dépens de Brundle.
6e: Deux secondes et demie entre Senna et Berger. Prost se rapproche quelque peu de Mansell tandis que Nannini menace Boutsen.
7e: Capelli exploite parfaitement les deux pneus tendres qu'il a montés à droite. Il double Brundle puis menace Piquet..
8e: Senna mène devant Berger (3.7s.), Mansell (9s.), Prost (10.4s.), Boutsen (11.7s.) et Nannini (12.5s.).
9e: Senna abaisse régulièrement le record du tour. Prost se détache non sans mal de Boutsen et de Nannini.
10e: Senna précède Berger (4.2s.), Mansell (9.6s.), Prost (11.3s.), Boutsen (13.4s.), Nannini (14.8s.), Patrese (18.5s.), Alesi (23.4s.), Piquet (25.5s.), Capelli (25.6s.), Brundle (31s.) et Martini (40s.). Plus loin, une âpre bagarre oppose Alboreto, Warwick, Grouillard, Larini et Caffi pour le gain de la douzième position.
11e: Senna mène la danse avec une aisance déconcertante. Il roule en 1'29''192''' et contraint Berger à une course d'attente. Capelli prend l'avantage sur Piquet.
12e: Nannini ne parvient plus à suivre Boutsen car sa Benetton sous-vire beaucoup. Faute d'action à l'avant, l'attention se reporte sur les mal classés. Caffi réalise un joli dépassement sur Larini à Lesmo.
13e: Senna compte six secondes de marge sur Berger. Prost grappille quelques dixièmes sur Mansell auquel il manque toujours des tours. Grouillard stoppe chez Ligier avec une boîte bloquée en troisième. Il redémarre après quelques minutes d'immobilisation.
15e: Senna devance Berger (6.2s.), Mansell (11s.), Prost (12.4s.), Boutsen (17s.), Nannini (18s.) et Patrese (23s.). Gugelmin abandonne avec un accélérateur bloqué. Alboreto s'arrête sur le bas-côté à Lesmo, privé d'allumage.
16e: Nannini arrive chez Benetton. Le sous-virage a usé prématurément ses pneus. Le Siennois redémarre avec une nouvelle monte entre Piquet et Brundle.
17e: Six secondes séparent Senna et Berger. Capelli prend la septième place à Alesi. Très instable la veille encore, la March est comme transfigurée. Larini rejoint son stand pour renoncer à cause d'une boîte de vitesses bloquée.
19e: Prost fait la jonction avec Mansell. Nannini efface Piquet. Palmer s'arrête dans l'herbe à la Variante della Roggia, moteur cassé. Warwick regagne son stand à faible allure suite à des problèmes d'alimentation. Il reprend la piste deux tours plus tard.
20e: Senna mène devant Berger (6.5s.), Mansell (13.7s.), Prost (13.8s.), Boutsen (19s.), Patrese (26s.), Capelli (43.6s.), Alesi (46s.), Nannini (47.3s.), Piquet (50.2s.), Brundle (52s.) et Martini (1m. 05s.).
21e: Prost harcèle Mansell. Le Britannique lui résiste à la première chicane avant de la laisser passer après la Variante della Roggia. Son V12 est trop mollasse pour qu'il puisse combattre sérieusement.
22e: Senna devance Berger (7.1s.), Prost (16.2s.), Mansell (18.5s.), Boutsen (20s.) et Patrese (27s.). Nannini remonte grâce à ses Goodyear frais et dépasse Alesi.
23e: Gachot est parti avec des pneus durs qui ne conviennent pas du tout à son Onyx. Il s'arrête aux stands pour en changer. Warwick jette l'éponge car l'essence n'arrive plus jusqu'à son moteur.
24e: Senna a désormais plus de dix secondes d'avance sur Berger. Piquet peine à sélectionner ses vitesses. Son problème est « résolu » par Gachot qui se met en travers au second Lesmo alors qu'il tentait de le doubler. Le Brésilien part en toupie dans les graviers et renonce.
26e: Prost réduit son retard sur Berger. Boutsen attaque maintenant Mansell pour le gain de la quatrième place. Nannini est sur les talons de Capelli.
27e: Senna précède Berger de quatorze secondes, Prost de vingt secondes. Nannini prend la septième place à Capelli.
28e: Senna améliore le record du tour (1'28''639'''), mais Prost fait mieux aussitôt (1'28''623''').
30e: Senna précède Berger (16.5s.), Prost (23.4s.), Mansell (28.7s.), Boutsen (29.7s.), Patrese (33.4s.), Nannini (1m.), Capelli (1m. 03s.), Alesi (1m. 09s.) et Brundle (1m. 17s.).
31e: Senna roule en 1'28''253'''. Capelli s'arrête à la Variante Ascari dans un nuage de fumée. Son moteur Judd a explosé. Nakajima fait remplacer ses pneus.
32e: Mansell maintient Boutsen à distance. Même affaibli, le moteur Ferrari a encore quelques chevaux de plus que le V10 Renault. Abandon de Grouillard, échappement cassé.
34e: Senna est en tête devant Berger (19.4s.), Prost (24.5s.), Mansell (30.7s.), Boutsen (31.5s.) et Patrese (36.2s.). Nannini regagne son garage après avoir perdu l'usage de ses freins.
36e: Prost part à la chasse au Berger et lui reprend plusieurs dixièmes. Mansell contient toujours Boutsen. Patrese est gêné par une direction qui tire à droite et ne représente pas une menace pour son équipier.
37e: Prost remonte sur Berger et réduit l'écart de cinq à deux secondes et demie. Second changement de gommes pour Gachot.
39e: Senna est devant Berger (22s.), Prost (23s.), Mansell (35.3s.), Boutsen (36s.), Patrese (37s.), Alesi (-1t.), Brundle (-1t.), Martini (-1t.) et Caffi (-1t.). Gachot quitte la route et endommage ainsi un radiateur. Il se traîne jusqu'aux stands pour abandonner.
40e: Prost peine à porter l'estocade contre Berger car son moteur n'a pas tous ses chevaux. Mansell se détache de Boutsen au gré des dépassements des attardés.
41e: A la fin du tour précédent, Prost prend l'aspiration de Berger à la sortie de la Parabolique et double la Ferrari par l'extérieur dans la ligne droite. L'Autrichien s'incline à la chicane. Prost est à vingt-trois secondes de Senna.
42e: Boutsen déborde Mansell dans la Variante della Roggia. L'Anglais attaque le Belge à l'entame du premier Lesmo avant de baisser le pavillon. Le circuit hydraulique de sa boîte vient de casser. A la sortie du deuxième Lesmo, Patrese est surpris par la lenteur de la Ferrari et doit faire un gros écart pour l'éviter. Mansell tente de regagner le stand Ferrari et salue les tifosi. Il finit par s'arrêter dans l'herbe.
43e: Prost conclut le meilleur chrono du jour: 1'28''107'''. Senna réalise lui aussi son tour le plus rapide (1'28''179'''). Mais le Pauliste est inquiet car son voyant d'huile clignote.
44e: Senna devance Prost (22s.), Berger (25s.), Boutsen (37s.), Patrese (43s.), Alesi (-1t.) et Brundle (-1t.).
45e: Le moteur de Senna explose dans la Rettifilo Centrale. Il vomit son huile et arrose les pneus arrière de la McLaren à l'entrée de la Parabolica. Senna exécute un tête-à-queue et s'arrête complètement à contre-sens, Il sort de sa voiture sous les applaudissements de tifosi ivres d'allégresse. Prost, futur pilote Ferrari, est en tête de la course devant Berger.
46e: Martini, Caffi et de Cesaris se battent pour la septième place. Les deux Dallara dépassent la Minardi.
47e: Prost possède quatre secondes de marge sur Berger. De Cesaris abandonne, moteur serré suite à un surrégime.
49e: Berger se rapproche quelque peu de Prost. Caffi voit son nouveau moteur partir en fumée à Lesmo. Lui aussi a commis un surrégime fatal au V8 « Cosworth-Mader ».
50e: Prost est leader devant Berger (3.1s.), Boutsen (14.5s.), Patrese (29.7s.), Alesi (-1t.), Brundle (-1t.), Martini (-1t.) et Pérez-Sala (-1t.).
51e: Prost répond à Berger et le repousse à sept secondes. Nakajima achève la course au petit trot à cause d'une suspension faussée.
53ème et dernier tour: Alain Prost remporte sa quatrième victoire de la saison. Berger finit deuxième et inscrit enfin ses premiers points de la saison. Boutsen est troisième, suivi par son équipier Patrese. Alesi inscrit deux points supplémentaires. La sixième place revient à Brundle. Suivent Martini, Pérez-Sala, Arnoux et Nakajima. Caffi est classé onzième malgré son abandon.
Cette victoire permet à McLaren et à Honda de remporter le titre des constructeurs 1989. C'est le quatrième succès consécutif du motoriste nippon qui assoit un peu plus son emprise sur la Formule 1. Mais, comme on le verra, cette prouesse passe au second plan derrière la crise que traverse l'écurie championne du monde...
Après la course: le « clash » Prost - Dennis
Les fanatiques italiens interprètent le succès d'Alain Prost comme celle d'un ferrariste avant l'heure et l'acclament en ce sens. « C'est un signe du ciel ! » lui lancent quelques-uns tandis qu'il gravit les marches du podium. Touché par ces marques de sympathie, Prost lance une de ses deux coupes à ses admirateurs. Sacrilège absolu pour Ron Dennis qui, depuis huit ans, conserve pieusement ces récompenses dans son petit musée personnel. Aussi, lorsque de retour au motorhome Prost lui tend le trophée qui lui reste, il perd ses nerfs et jette l'objet au sol ! Prost ne dit rien pour éviter l'esclandre.
Il est beaucoup plus disert devant la presse. Il balaie sa performance du jour pour entamer une longue complainte: « Sur un tracé comme celui-là, un moteur qui ne donne pas tous ses moyens à bas-régime, qui ratatouille un peu, et c'est une seconde de perdue à chaque tour. Ce fut mon cas, même si j'ai pu un peu rattraper mon retard. Aujourd'hui, ce fut flagrant, nos deux moteurs n'étaient pas identiques. Je passe pour un imbécile depuis un an car mes moteurs fonctionnent bien de temps en temps, parfois très mal. « Mauvais perdant », « mauvais coucheur », j'entends tout... J'en ai assez. La suite de la saison va être horrible. Par bonheur, avec vingt points d'avance aujourd'hui, je suis obligé d'aller au bout ! » Ron Dennis et Osamu Goto sont estomaqués. Le lendemain, le Français a un long entretien téléphonique avec son patron pour mettre les choses à plat. Il consent à finir la saison chez McLaren, mais décline son invitation à la cérémonie des vingt-cinq ans de Honda France organisée à Paris...
De son côté, un Ayrton Senna plus irrité que jamais jette de l'huile sur le feu. « La victoire de Prost est un péché ! » clame-t-il. Le Pauliste a mené une course remarquable, mais pour la troisième année consécutive, il a perdu la première place à Monza dans les derniers tours. Une fois calmé, il narre sa mésaventure: « Dès le début de la course, je n'ai pas eu à tirer sur le moteur, à prendre trop de régime. Cette voiture était plutôt facile. Cinq tours avant mon abandon, la lampe signalant une anomalie dans le circuit d'huile s'est allumée par instants, puis de plus en plus souvent. J'ai alors baissé sensiblement mon rythme, mais il n'y avait plus rien à faire... Le moteur a cassé. »
Senna a d'autres raisons d'être déçu. Son compteur reste bloqué à 51 points pendant que Prost s'envole avec 71 unités. A quatre manches du but, le petit Forézien bougon a toutes les cartes en main pour empocher son troisième titre mondial.
Soulagement pour Gerhard Berger qui termine enfin un Grand Prix cette saison, qui plus est sur le podium. Cependant Nigel Mansell, très désappointé, ne s'attarde pas après l'arrivée. Il voulait absolument réaliser une belle performance devant les tifosi. Sa boîte de vitesses électronique en a décidé autrement. « J'ai envie d'être chez moi... » serine-t-il devant son épouse Rosanne et Cesare Fiorio.
Enfin, Jean Alesi confirme son exploit du GP de France en arrachant une splendide cinquième place en Italie. Il aura ainsi inscrit des points dans ses deux patries. « Comme ça, je fais plaisir à tout le monde ! » rigole-t-il.
Tony