Lotus avec Lamborghini, Nelson Piquet chez Benetton
A Londres, la 21 août, Reynolds Tobacco dévoile une partie de ses plans pour la saison suivante. Camel continuera bien à appuyer Lotus moyennant une complète restructuration du team, et surtout un partenariat avec Lamborghini. A Hockenheim, Duncan Lee a en effet accepté la proposition de Mauro Forghieri de financer le développement de son V12. Par ailleurs, Forghieri est un vieil ami de Tony Rudd. Frank Dernie se met aussitôt au travail pour adapter sa future 102 au problématique moteur Lamborghini. En outre, Rudd promeut Rupert Manwaring, l'ancien bras droit de Peter Warr, au poste de directeur sportif.
Vendredi 25 août, Nelson Piquet célèbre (avec un peu de retard...) son 37ème anniversaire à l'auberge de l'Eau Rouge, au milieu de 149 invités, tous conviés par Camel. Le Carioca déborde de vitalité et balaie toute rumeur de retraite. « Ce que j'aime dans la F1, c'est avant tout ce qu'elle me procure ! » s'exclame-t-il. Son manager Alberto Lommi négocie avec Flavio Briatore et Michael Kranefuss un volant chez Benetton-Ford pour 1990. Piquet est en effet le « pilote de pointe » dont ceux-ci estiment avoir besoin pour hisser leur équipe vers les sommets. Le Brésilien signe un contrat pour le moins original. Pour s'assurer de sa motivation à éclipses, Briatore ne lui offre une garantie minimale que d'un million de dollars. Il sera ensuite payé au point !
Présentation de l'épreuve
Pour la première fois depuis 1968, deux Belges s'alignent au départ de leur Grand Prix national. Thierry Boutsen feint l'indifférence alors qu'il franchit le seuil fatidique des cent Grands Prix. Le néophyte Bertrand Gachot est lui circonspect: « J'ai envie de faire mieux à Spa qu'ailleurs. Et j'ai peur de ne pas y parvenir... » Il a pourtant intérêt s'il veut conserver sa position chez Onyx. Jean-Pierre van Rossem, l'impétueux mécène de l'écurie, l'a menacé de renvoi quelques jours plus tôt. Le rendement avant tout ! Sous des dehors vulgaires et ridicules se cache en effet un financier hors pair... et un provocateur-né. « Je commence à m'amuser à 100 millions de dollars ! » assène-t-il. Van Rossem voit loin. Il est en pourparlers avec Porsche pour l'acquisition du V12 que prépare Hans Mezger. Mais lorsqu'on lui demande ce qu'il pense de son implication en Formule 1, il répond: « Intéressant, mais tout de même trop cher pour ce que cela ne me rapporte pas. » Mike Earle et Alan Jenkins, qui connaissent la valeur de leur projet, regrettent amèrement d'en avoir confié la destiné à un tel hurluberlu...
Quoiqu'il en soit, le Grand Prix de Belgique paraît avoir un bel avenir devant lui: Bernie Ecclestone annonce que le circuit de Spa-Francorchamps possède avec la FOCA une option courant jusqu'à l'an 2000 !
Alain Prost et Ferrari arrivent au bout de leurs négociations, facilitées par Philip Morris. La Scuderia annoncera le recrutement du double champion du monde à Monza. Mais le secret est bien gardé et l'incertitude plane encore en Belgique, si bien que Frank Williams a repoussé au 5 septembre l'option qu'il possède sur le contrat de Riccardo Patrese. Ce dernier est en effet le second choix de Ferrari et possède encore quelque espoir d'intégrer une équipe sur laquelle il lorgne depuis... 1978. Pour sa part, Ron Dennis ne se résout pas à voir Prost filer à Maranello. Au fond, il aurait aimé conserver son duo Senna - Prost une saison de plus. En coulisse, il s'échine à faire capoter ce transfert afin de contraindre le Forézien à prendre une année sabbatique... et éventuellement le récupérer en 1991.
Leyton House-March confirme que son duo de pilotes en 1990 comprendra toujours Ivan Capelli et Maurício Gugelmin. Malgré une saison très décevante à cause d'une 891 très délicate à appréhender et fragile comme du verre, les deux espoirs choisissent de rester au bercail, bien motivés il est vrai par les confortables salaires offerts par Akira Akagi.
Brabham est dans la tourmente. Son propriétaire Joachim Lüthi vient d'être écroué par la justice suisse. On lui reproche une énorme escroquerie évaluée à cent millions de dollars ! Il empruntait de l'argent à des particuliers en leur promettant 20 % d'intérêt... Herbie Blash est à la recherche d'un repreneur et peut heureusement compter sur l'entregent de Bernie Ecclestone qui ne laisse pas tomber son ancienne écurie.
Alessandro Benetton a remercié comme prévu Peter Collins pour le remplacer par son adjoint Gordon Message, un ancien de l'époque Toleman. En fait, c'est Flavio Briatore qui dispose désormais des pleins pouvoirs à Witney. Outre le recrutement de Piquet, le virevoltant Italien négocie les derniers détails du contrat de John Barnard qui a annoncé son départ de Ferrari. Comprenant qu'il risque d'être ainsi « placardisé », Rory Byrne peaufine la future Benetton B190 avant de rejoindre les ateliers d'Adrian Reynard, le célèbre constructeur de F3, F3000 etc. qui met sur un pied un programme F1.
Chez Rial, le médiocre Volker Weidler prend la porte et cède comme attendu son volant à Pierre-Henri Raphanel. Christian Vanderpleyn rejoint lui aussi l'écurie allemande et amène deux mécaniciens français qui travaillaient avec lui chez Coloni. L'équipe italienne a aussi perdu Michel Costa qui fait son retour chez AGS. De sa « légion étrangère », Enzo Coloni ne garde que Frédéric Dhainaut... Pour remplacer Raphanel, il fait appel à l'Italien Enrico Bertaggia, vainqueur des prestigieux Grands Prix de Monaco et de Macao de F3 en 1988.
Zakspeed vit des jours difficiles. L'écurie allemande, qui ne sort jamais des pré-qualifications, déplore les pertes de son principal commanditaire, le cigarettier West, ainsi que de son ingénieur Gustav Brunner, en partance pour March. Erich Zakowski espère maintenant que Yamaha lui apportera des sponsors japonais, mais cela est peu probable car devant le manque criant de compétitivité du V8 dessiné par John Judd, la firme nippone envisage de tirer un trait sur son engagement en F1.
Jean Alesi a choisi de défendre sa place de leader du championnat européen de Formule 3000 face à ses compatriotes Éric Comas et Éric Bernard. Il fait donc l'impasse sur ce GP de Belgique qui se déroule le même week-end que l'épreuve de Birmingham de F3000. Ken Tyrrell engage comme suppléant Johnny Herbert, content d'obtenir ainsi une seconde opportunité après son passage décevant chez Benetton. Mais le blondinet de Londres ne peut dissimuler une inquiétante claudication, signe qu'il n'est toujours pas tout à fait rétabli.
Honda apporte à Spa la « spécification 5 » de son V10, plus souple et plus puissant. Ferrari prépare un V12 « évolution » qui n'apparaîtra qu'à Monza. Grâce au travail de l'ingénieur Paul Brooks, un spécialiste des composites, la Ligier a subi une cure d'amaigrissement et ne pèse plus que 513 kilos. Une deuxième AGS JH24 est confiée à Gabriele Tarquini, ce qui permet à Yannick Dalmas d'hériter de l'exemplaire jusqu'ici utilisé par son coéquipier.
Eurobrun ramène en Belgique sa vielle ER188B. La 189B apparue à Hockenheim est en effet jugée « inconduisible » par Gregor Foitek. Oscar Larrauri a testé cette machine à Monza et a délivré le même verdict que le Suisse. George Ryton planche donc derechef sur sa création, tandis que Walter Brun s'inquiète de voir Karl Foitek, le père de Gregor, chercher un autre volant pour son rejeton.
Les pilotes Dallara se font une sacrée frayeur samedi matin. Tandis qu'il transportait son coéquipier Alex Caffi, Andrea de Cesaris emboutit un bus au volant d'un véhicule de location. Les deux Italiens réussissent à se cramponner et par miracle ne sont pas blessés...
Essais et qualifications
Pas de surprise en pré-qualifications: les Onyx et les Lola-Lamborghini occupent le haut de la feuille des temps. Tarquini percute violemment Ghinzani, qui roulait au ralenti dans le raidillon, sans dommage corporel heureusement. Bertaggia ne couvre que trois tours avec un moteur bafouillant. Larini, Dalmas, Moreno, Schneider, Suzuki et Foitek passent aussi à la trappe.
Plusieurs averses perturbent les essais, mais la séance qualificative du samedi après-midi se déroule sur le sec. Elle permet à Senna de conclure sa trente-septième pole position en 1'50''867''', cinq dixièmes devant Prost. Les Ferrari (Berger 3ème, Mansell 6ème) ne peuvent rien ici face à la puissance des McLaren-Honda auxquelles elles rendent une seconde et demie au tour, à l'instar des Williams-Renault (Boutsen 4ème, Patrese 5ème). Les Benetton-Ford sont mal réglées pour ce circuit. Nannini (7ème) est à quatre secondes du chrono de Senna ! Pirro n'est que treizième. Malgré de nombreux soucis de tenue de route, principalement dus à des pneus Pirelli peu efficaces, Modena se distingue en plaçant sa Brabham-Judd sur le huitième rang, très loin devant Brundle (20ème). Les March sont tout aussi instables, et si Gugelmin (9ème) sauve les meubles, Capelli (19ème) semble ne plus rien comprendre à sa 891.
Les Arrows se comportent assez mal sur piste sèche. Comme d'habitude, Warwick (10ème) précède très nettement Cheever (24ème). Alliot (11ème) exploite bien la puissance de son V12 Lamborghini, en tout cas beaucoup mieux qu'Alboreto (22ème) accablé d'avaries diverses. Les Dallara (Caffi 12ème, de Cesaris 18ème) rencontrent des problèmes de transmission. Chez Minardi, Martini (14ème) délivre sa bonne prestation habituelle et Pérez-Sala (25ème) se qualifie comme toujours d'extrême justesse. Les Onyx (Johansson 15ème, Gachot 23ème) n'ont pas beaucoup de grip. Les mécaniciens de Tyrrell ont beaucoup de travail: Herbert (16ème) exécute trois tête-à-queue tandis que Palmer (21ème) démolit sa coque contre un trottoir. Arnoux (17ème) démontre qu'il n'a pas perdu tout son talent en signant le quatrième chrono vendredi matin sous la pluie. Son compère Grouillard (26ème) obtient le dernier ticket d'entrée.
Bérézina complète chez Lotus: ni Piquet ni Nakajima ne sont qualifiés ! Le Carioca est aux prises avec un mauvais moteur. Une fois le problème résolu, il est gêné par Grouillard qui l'expédie dans les glissières à Pouhon. Lorsqu'il grimpe dans son mulet, le moteur Judd expire... Nakajima se plaint lui d'un châssis déséquilibré. Cette double non-qualification est une triste première dans l'histoire de Lotus. Ne perdant pas son sens de l'humour, le chef mécanicien Bob Dance fête cela au champagne avec Piquet ! Les deux Rial de Danner et de Raphanel sont aussi éliminées après de vains efforts Danner concède ainsi neuf secondes à Senna !
Le Grand Prix
Il pleut dimanche matin dans les Ardennes belges, et le warm-up se déroule sur une piste détrempée. Pirelli prépare pour cette occasion des pneus spéciaux: des slicks tendres sur lesquels des rainures sont taillées à la main. Ces gommes « artisanales » sont confiées à Pierluigi Martini qui réalise le meilleur chrono, trois secondes devant Mansell ! Aussitôt, les ingénieurs de Pirelli se précipitent sur leurs opinels pour taillader les gommes à qui mieux mieux ! Chez Brabham, Dallara ou Minardi on se prend à rêver d'une victoire... Hélas, au début de l'après-midi, une très forte averse douche leurs espérances. La piste est totalement détrempée et il n'est plus question de jouer les apprentis-sorciers. Dario Calzavara ordonne de distribuer des pneus rainurés standards, peu performants mais sûrs. Lee Gaug, qui ne s'est jamais départi de son flegme, sourit en tirant sur sa pipe...
Des trombes d'eau s'abattent sur Francorchamps à 14h30, heure du tour de mise en pré-grille. Les deux pilotes Brabham, Brundle et Modena, se font piéger sur des flaques d'eau. Le premier plie sa roue arrière gauche, le second sa roue arrière-droite. L'Anglais regagne son box tandis que l'Italien reste arrêté sur le circuit. Jugeant les conditions trop dangereuses, Roland Bruynseraede reporte le départ d'une demi-heure afin d'attendre que les éléments s'apaisent. Les balayeuses mécaniques entrent en action pour nettoyer et sécher le bitume. Les ouvriers creusent des rigoles de dérivation, notamment dans la descente de l'Eau Rouge et le gauche de Pouhon. Chez Brabham, Brundle saute dans le mulet pendant que les mécaniciens réparent sa voiture pour la donner à Modena. Celui-ci s'élancera depuis les stands.
A 15 heures, les conditions sont un peu plus clémentes. Bernie Ecclestone ordonne à Bruynseraede de lancer la course. Sanglé dans son cockpit, Alain Prost fait part à Ron Dennis de son angoisse. Haïssant la pluie, il envisage de quitter la course très tôt, comme à Silverstone l'an passé. Il jugera au bout de quelques tours s'il continuera ou non.
Inquiétude dans le studio de la BBC: le sympathique et pittoresque Murray Walker doit commenter seul ce Grand Prix. James Hunt a en effet disparu ! Il ne réapparaît qu'après la course: accaparé par les charmes d'une jeune femme, l'ancien champion en a oublié ses obligations professionnelles...
Départ: Au cœur du brouillard, Senna conserve la première place devant Prost et Berger. Mansell prend un excellent envol, se place à l'extérieur, met deux roues sur l'herbe et dépasse hardiment les Williams.
1er tour: La piste est totalement détrempée passé le Raidillon. Senna mène devant Prost, Berger, Mansell, Boutsen Patrese, Nannini, Warwick, Gugelmin et Caffi. Cheever glisse à la chicane des Combes et entraîne Alliot et Arnoux en tête-à-queue. Les deux Français redémarrent sans rien toucher.
2e: Les voitures soulèvent beaucoup d'eau. Senna a trois secondes et demie d'avance sur Prost et Berger. Mansell est un peu distancé.
3e: Senna s'envole, bien que ses pneus avant ne soient pas gonflés à la bonne pression et génèrent du survirage. Prost est résolu à rester en course mais certainement pas à poursuivre le Brésilien. Berger se rapproche... Mansell a semé Boutsen et Patrese.
4e: Cinq secondes entre Senna et Prost. Arnoux retrouve Alliot à la Source et l'envoie en tête-à-queue. Le Grenoblois poursuit sa route tandis que le Vovéen remet les gaz avec l'assistance des commissaires. Herbert part en tête-à-queue avant Stavelot et cale son moteur. Il est le premier à renoncer. Gachot sort lui aussi de la route et se retrouve face au rail. Il parvient pourtant à se tirer de là et à repartir.
5e: Senna précède Prost (3.8s.), Berger (5.6s.), Mansell (8.5s.), Boutsen (12s.), Patrese (13s.), Nannini (17s.) et Warwick (18.5s.). Arnoux rejoint son garage avec un ponton gauche ouvert, conséquence de sa collision avec Alliot, et abandonne. Son compatriote passe aussi par les stands, mais repart après des réparations. Cheever s'arrête chez Arrows pour faire resserrer une roue.
6e: Le déluge est à son paroxysme. Les leaders roulent en 2'18''. Prost et Berger se rapprochent sensiblement de Senna. Mais c'est Mansell qui est actuellement le plus rapide en piste.
8e: Le circuit est plongé dans une purée de pois. Senna repousse Prost à cinq secondes. Berger est toujours dans le sillage du Français et roule donc à l'aveuglette.
9e: Les écarts se resserrent entre les McLaren, les Ferrari et les Williams. Nannini peine à maintenir sa Benetton en piste et est très distancé.
10e: Berger glisse sur une flaque aux Combes. La Ferrari part en toupie dans la pelouse et atterrit contre les glissières, heureusement à faible vitesse. Mais c'est un énième abandon pour le pauvre Gerhard ! La Brabham rafistolée de Modena a une tenue de route calamiteuse. Le jeune Italien préfère abandonner avant d'avoir un accident.
11e: Senna devance Prost (5.9s.), Mansell (14.3s.), Boutsen (16.9s.), Patrese (22.8s.), Nannini (29.2s.), Warwick (33.4s.), Gugelmin (50.1s.), Caffi (1m. 03s.), Pirro (1m. 04s.) et Johansson (1m. 05s).
12e: Senna compte maintenant huit secondes d'avance sur Prost. Mansell est décroché et contient les deux Williams. Pirro sort de la route aux Fagnes. Il s'immobilise dans l'herbe, puis passe la première et évite les graviers pour rejoindre la piste
13e: Senna arrive sur Cheever qui se fait prier avant de lui céder le passage à La Source. Brundle est en panne des freins. Il regagne les stands au ralenti et gêne ainsi Alliot à l'Arrêt de Bus. Le Français saute sur le vibreur pour l'éviter.
14e: Prost bute sur Cheever qui met une évidente mauvaise volonté à s'écarter car il poursuit Alboreto. Caffi part en aquaplanage aux Fagnes et se retrouve dans le sens opposé à la piste. Il cale et se gare dans le gazon. Brundle renonce aussi.
15e: Prost reste derrière Cheever, ce qui permet à Mansell de revenir dans la brume de la McLaren.
16e: Senna est devant Prost (13s.), Mansell (14.3s.), Boutsen (21s.), Patrese (23s.) et Nannini (28s.).
17e: Cheever s'écarte devant Prost à La Source. L'Américain va maintenant bouchonner Mansell... Senna s'est envolé et compte quinze secondes d'avance sur son équipier.
18e: Mansell klaxonne derrière la paire Alboreto - Cheever. Boutsen et Patrese rattrapent la Ferrari.
19e: Prost tourne en 2'17''359''' et revient à douze secondes de Senna. Mansell ne parvient pas à se défaire de l'impétueux Cheever. Boutsen, Patrese, Nannini et Warwick sont sur ses talons.
20e: Cheever ouvre enfin la porte à Mansell, puis aux Williams et à Nannini. Ron Dennis et Cesare Fiorio demandent à Roland Bruynseraede la disqualification du pilote Arrows. Senna est leader devant Prost (13.2s.), Mansell (30s.), Boutsen (33.4s.), Patrese (34.5s.), Nannini (35.8s.), Warwick (39.2s.), Gugelmin (1m. 27s.), Johansson (1m. 34s.) et Pirro (1m. 55s.).
21e: Dix secondes entre Senna et Prost. Dans le gauche de Pouhon, Alboreto s'écarte devant Boutsen, mais n'aperçoit pas Patrese surgir sur sa gauche. La Williams et la Lola s'accrochent, traversent le bac à sable et heurtent rudement les murs de sûreté. Les deux Italiens sont éliminés. Bruynseraede brandit le drapeau noir et blanc, indiquant un avertissement, à l'intention de Cheever.
22e: Suite à une rupture de moyeu, Gachot tire tout droit dans la descente de Rivage et percute le mur de pneus.
23e: La pluie a cessé mais le bitume reste imprégné d'humidité. Senna devance Prost (12s.), Mansell (31s.), Boutsen (36s.), Nannini (38s.) et Warwick (41s.).
24e: Senna est gêné par Martini, ce qui permet à Prost de revenir à cinq secondes de son équipier. Cependant Mansell enchaîne les meilleurs tours (2'14''813''') et réduit l'écart avec les McLaren. Boutsen ne peut pas le suivre.
25e: Débarrassé de Martini, Senna reprend deux secondes à Prost dans ce tour. Mansell glisse au freinage des Combes. Sans lâcher l'accélérateur, il coupe par le gazon et revient en piste en n'ayant perdu qu'une ou deux secondes !
27e: La marge se stabilise autour de huit secondes entre Senna et Prost. Mansell mène la charge et n'est plus qu'à dix secondes du pilote français.
29e: Mansell abaisse le record du tour: 2'13''524'''. Palmer exécute un tête-à-queue sans conséquence. Comme la piste s'assèche un peu, Martini s'arrête chez Minardi pour chausser les pneus Pirelli sculptés manuellement, si efficaces au cours de la matinée. Il est imité par de Cesaris au tour suivant.
30e: Senna mène devant Prost (10.4s.), Mansell (17.3s.), Boutsen (35s.), Nannini (41.6s.), Warwick (45.4s.), Gugelmin (1m. 49s.), Johansson (2m. 10s.), Pirro (-1t.) et Capelli (-1t.).
31e: Senna prend un tour à Johansson. Mansell perd quelques secondes derrière Pirro. Pérez-Sala effectue une pirouette aux Combes mais peut repartir.
32e: Mansell attaque comme un dératé, sans se soucier de ses pneus, et reprend deux secondes à Prost. De Cesaris est désormais le plus rapide en piste grâce à ses Pirelli spéciaux.
34e: L'asphalte est un peu moins humide et les gommes rainurées commencent à s'abîmer. Mansell n'est plus qu'à deux secondes de Prost.
35e: Senna devance Prost (11.4s.), Mansell (12.3s.), Boutsen (42s.), Nannini (53s.), Warwick (1m. 01s.) et Gugelmin (2m. 10s.).
37e: Senna double Gugelmin. Mansell n'est plus qu'à six dixièmes de Prost. De Cesaris prend la dixième place à Capelli dont l'injection est détraquée. Martini rejoint aussi la March de son compatriote.
38e: Mansell est dans les échappements de Prost. L'Anglais adopte des trajectoires peu orthodoxes. Il cherche l'eau pour rafraîchir ses pneumatiques et roule ainsi délibérément sur la bordure en asphalte à La Source.
39e: Prost se libère de Mansell dans les portions rapides grâce à la vaillance de son V10 Honda. Mais les reprises de celui-ci dans les bas-régimes sont molles, problème que rencontre aussi son équipier. Martini efface Capelli.
40e: Senna précède Prost (11s.), Mansell (11.4s.), Boutsen (48.7s.), Nannini (1m. 07s.), Warwick (1m. 15s.), Gugelmin (-1t.), Johansson (-1t.), Pirro (-1t.) et de Cesaris (-1t.).
41e: Mansell menace Prost dans chaque section sinueuse mais perd du terrain dans les pleines charges. Cheever renonce après avoir encore perdu un écrou de roue.
42e: A force d'attaquer, Mansell et Prost abaissent le record du tour à chaque passage et rattrapent Senna dont les pneus ne sont pas en bon état. Martini dépasse de Cesaris. Alliot s'immobilise à la Source car son voyant d'huile est passé au rouge.
43e: La trajectoire est presque sèche dans la zone des stands. Mansell se démène pour doubler un Prost imperturbable. Il frôle la catastrophe à Rivage en freinant très tard. Senna ne compte plus que quatre secondes d'avance sur ses poursuivants. Martini prend l'avantage sur Pirro.
44ème et dernier tour: Senna ralentit considérablement et conclut cette dernière boucle avec un matelas de moins de deux secondes sur Prost (qui réalise le meilleur chrono du jour: 2'11''571''').
Ayrton Senna gagne son cinquième Grand Prix de la saison devant Prost et Mansell. Boutsen termine quatrième devant le public belge. Nannini amène une Benetton mal réglée au cinquième rang. Warwick récolte un point supplémentaire pour Arrows, le jour de ses 35 ans. Gugelmin, Johansson, Martini, Pirro, de Cesaris, Capelli, Grouillard, Palmer et Pérez-Sala rallient aussi l'arrivée.
Après la course
Ce Grand Prix disputé dans des conditions diluviennes a donc vu un nouveau récital d'Ayrton Senna. Celui-ci n'a pourtant pris aucun risque. « Dans un tel contexte, il est toujours dangereux d'attaquer trop fort », explique-t-il. « On a tendance à vouloir en rajouter tant la confiance est grande. Aussi, la clef du système est de pouvoir refréner ses instincts naturels et de rester en deçà de ses limites et de celles de sa machine. Il faut se faire violence [...] Sur la pré-grille, les couvertures chauffantes de mes roues avant n'ont pas fonctionné », poursuit-il. « Je me suis donc retrouvé durant quelques tours avec un train avant moins adhérent que le train arrière. Le déséquilibre fut très sensible, surtout les virages à vitesse moyenne. Ensuite le problème a disparu. » En ce qui concerne le duel Prost - Mansell, Senna lâche cette perfidie: « On me dit que Mansell a mené la vie dure à Prost. Ce n'est qu'une apparence. Ils seront ensemble chez Ferrari en 1990... »
Alain Prost est surtout satisfait que cette épreuve soit terminée. « Je n'avais aucune envie de prendre le départ », avoue-t-il. « Pas d'adhérence, pas de visibilité... Derrière ces murs d'eau c'était vraiment très, très risqué. Ridicule. » Mais Prost a démontré qu'il savait composer avec la pluie pour peu que l'enjeu soit important. D'où sa résistance opiniâtre aux assauts du remarquable funambule qu'est Nigel Mansell. « Mon unique problème fut de partir trop loin, dit l'Anglais. Dans ces conditions de visibilité, je n'y voyais rien. J'ai également perdu dix-neuf secondes derrière Cheever ! Ensuite je suis bien remonté sur Prost. La bataille fut parfaitement correcte. Hélas, il me manquait quelques km/h sur le Honda... »
Enfin, Thierry Boutsen ne gardera pas un souvenir impérissable de son centième Grand Prix: « Après la disparition de Patrese et face à l'impossibilité de rejoindre Mansell, j'ai conduit ma course seul, à ma main. Et sans quelqu'un pour vous pousser et sans objectif précis devant soi, il est difficile d'adopter un rythme d'attaque... surtout lorsqu'on roule sur des œufs ! »
L'intervalle entre Prost (62 points) et Senna (51 pts) continue de se resserrer au classement mondial. Le Français est préoccupé car il va sans doute devoir retrancher sa cinquième place de Mexico et sa quatrième position de Budapest, alors que le score de son rival ne sera pas amputé. Si la couronne se joue comme l'an dernier au nombre de succès, Senna (cinq) a déjà une belle avance sur Prost (trois). En ce qui regarde le trophée des constructeurs, McLaren-Honda (113 pts) n'est plus qu'à sept unités d'une nouvelle victoire. Williams-Renault (45 pts) garde la deuxième place devant Ferrari (38 pts) et Benetton-Ford (19 pts).
Tony