Deux fauves qui s'observent...
Alain Prost et Ayrton Senna apprennent peu à peu à se connaître. Pour l'heure, leurs relations sont courtoises mais empreintes d'une certaine méfiance. Tous deux savent qu'ils devront en découdre à un moment ou un autre. Si Ron Dennis et l'équipe McLaren leur assurent une équité de traitement, chacun tente de prendre à son compte l'arrivée de Honda, afin de recevoir le meilleur traitement possible de la part du motoriste nippon. Par ailleurs, malgré leurs styles de pilotages assez opposés, les deux hommes n'ont pas des caractères si dissemblables. Ils appartiennent à deux espèces de la même race, celle des métronomes passionnés. A 28 ans, Senna ne vit que pour la Formule 1. Aucune autre activité ne retient sérieusement son attention, d'où son allure quelque peu inquiétante de « moine-soldat ». Plus âgé, Prost sait se détacher de la compétition entre deux épreuves, mais chaque week-end de Grand Prix est pour lui comme une partition qu'en chef d'orchestre il entend maîtriser de la première à la dernière note. Tous deux ont une horreur quasi pathologique de l'imprévu. Le soin qu'ils attachent à la mise au point de leur voiture, leur méticulosité, en font des individus exigeants, maniaques voire capricieux. Ce sont aussi deux anxieux qui fuient la foule, mais possèdent aussi le besoin vital de se réfugier au sein d'un petit cocon de fidèles dévoués. Depuis 1984, Prost se sent ainsi comme chez lui chez McLaren, et ne voit pas sans inquiétude Senna poser ses valises sur « son » territoire. D'autant plus que Dennis fait montre d'une grande attention à l'égard du jeune surdoué et accède à tous ses désirs. D'emblée, par son charisme, par sa volonté inébranlable, Senna captive tous ses interlocuteurs, Ron Dennis, Gordon Murray, Jo Ramirez, les motoristes de Honda, ses mécaniciens... ou Prost lui-même.
Pour le moment, Senna paraît obsédé par son équipier. Il sait que Prost est « la » référence en Formule 1, le meilleur pilote du monde, en bref, son seul rival. Il le respecte infiniment, mais sa seule ambition est de le vaincre. Il souhaite tout savoir de ses réglages et de ses entretiens avec les techniciens. Pour Senna, battre Prost va devenir une monomanie. Le champion français, plus fragile psychologiquement qu'on ne le croit, ne soupçonne pas encore que cet Ayrton si étrange, si lunaire, est prêt à tout mettre en œuvre pour le faire chuter de son piédestal.
Présentation de l'épreuve
Comme chaque année, ce circuit d'Imola est très redouté par les équipes car il contraint les pilotes à beaucoup économiser leur carburant. Les monoplaces à moteurs atmosphériques, malgré leur réservoir à capacité libre, ne sont pas à l'abri de mauvaises surprises. A ce petit jeu, le V8 Cosworth possède un léger avantage sur le V8 Judd, assez gourmand.
A Imola, les tifosi attendent beaucoup des Ferrari, seules machines capables semble-t-il de suivre le rythme des McLaren. Mais ils ignorent qu'en course, par souci de consommation, Gerhard Berger et Michele Alboreto doivent régulièrement abaisser la pression de la suralimentation de leurs moteurs. Concrètement, là où les McLaren passent à fond, les Ferrari lèvent le pied. Autant dire que leurs chances de battre leurs rivales sont proches de zéro. La Ferrari reçoit néanmoins ici une nouvelle cartographie électronique afin de mieux exploiter les limites de la soupape FISA... et éventuellement de récupérer les cinquante chevaux qui sépareraient le moteur italien du V6 Honda.
Après avoir rafistolé un châssis de F3000 pour le GP du Brésil, la Scuderia Italia présente cette fois une vraie Formule 1, la Dallara 188. Dessinée par Sergio Rinland, cette monoplace possède le plus long empattement du plateau (2880 mm). Elle est munie d'une boîte à six rapports et d'un V8 Ford-Csoworth DFZ. L'objectif d'Alex Caffi est de la qualifier.
Gérard Larousse est reparti du Brésil furieux envers Ralph Bellamy, le concepteur de la Lola LC88 dont la tenue de route est absolument épouvantable. Le Français a demandé et obtenu d'Eric Broadley la tête de l'ingénieur australien. Jean Coquery, le responsable technique de Larrousse & Calmels, prend provisoirement en main le développement de la Lola. Après des essais à Monza, la Ligier JS31 arbore une nouvelle suspension arrière. La direction assistée est mise au placard. John Judd a revu le système de lubrification de ses moteurs après leur déroute brésilienne. Cela n'a pas empêché Ligier de casser plusieurs blocs à Monza... Enfin, l'AGS arbore désormais une livrée bleue nuit sur laquelle apparaît en orange le logo de Bouygues.
Osella présente sa toute nouvelle FA1L conçue par Antonio Tomaini, une monoplace séduisante avec ses lignes fluides, ses pontons étroits et sa livrée noire et jaune. Hélas, l'écurie turinoise a bien étourdiment enfreint le règlement de la FISA. Elle a en effet demandé à bénéficier d'une tolérance lui permettant d'utiliser le châssis de 1987 avec le pédalier placé devant l'axe des roues. Mais pour être conformes, les voitures de 1988 doivent soit disposer du châssis de l'année précédente, soit d'un châssis rigoureusement identique, comme ceux de Ferrari, Zakspeed ou Arrows. Or Osella n'a pas fondé sa nouvelle monoplace sur les plans déposés l'an passé auprès de la fédération, mais sur le bolide présent au GP d'Australie. Sensiblement modifiée au niveau des attaches moteur, celle-ci ne correspond plus au modèle-type ! Gabriele Cadringher prononce donc jeudi soir la disqualification de l'Osella n°21 de Nicola Larini, ce qui de fait annule la séance de pré-qualification du lendemain matin.
Essais et qualifications
La pluie perturbe le début de la séance du vendredi après-midi. Prost s'y montre le plus rapide, mais le lendemain, sur le sec, il perd sa position de pointe en percutant la Ligier d'Arnoux au sommet de la seconde chicane. « René a oublié de regarder dans ses rétroviseurs, comme d'habitude... » soupire le Français. Du coup, c'est Senna qui réalise le pole position en 1'27''148''', soit huit dixièmes de mieux que Prost. Surtout, le Pauliste compte trois secondes et demie d'avance sur Piquet, le premier des « autres », pourtant muni du même moteur ! Les McLaren-Honda assomment la concurrence.
Les Lotus (Piquet 3ème, Nakajima 12ème) demeurent instables et Gérard Ducarouge soupçonne qu'un « loup » rôde dans son châssis. Le jeune Nannini se met en évidence à domicile en décrochant le quatrième temps au volant de sa Benetton-Ford, se classant ainsi premier des atmosphériques. Il relègue Boutsen (8ème), retardé par des ennuis de freins, à huit dixièmes. Comme au Brésil, les Ferrari manquent de puissance car leur système de gestion électronique est mal adapté à la soupape FISA. Le V6 italien se contente d'une pression de 2,35 bars et perd environ 30 chevaux sur le Honda. Berger (5ème) et Alboreto (10ème) ne ravissent pas les tifosi. Les Williams-Judd sont réduites à faire de la figuration: Patrese (6ème) casse plusieurs fois tandis que Mansell (11ème) tourne principalement avec son mulet. Les Arrows brisent beaucoup de blocs Megatron. Cheever (7ème) fait bonne figure, au contraire de Warwick (14ème) qui s'est « planté » dans ses réglages. Capelli (9ème) réalise une nouvelle belle performance avec la March-Judd, au contraire de Gugelmin (20ème) dont le châssis sous-vire avec excès.
Streiff offre à AGS la meilleure qualification de son histoire en obtenant le treizième temps. Il fait mieux que les Lola d'Alliot (15ème) et de Dalmas (19ème), toujours trop lourdes. De Cesaris se classe seizième avec la Rial, malgré deux sorties de route le vendredi. Tarquini amène sa Coloni au dix-septième rang, ce qui est un joli exploit pour la petite officine italienne. En revanche, les Minardi-Ford (Pérez-Sala 18ème, Campos 22ème) déçoivent. Les Tyrrell (Bailey 21ème, Palmer 23ème) ne sont pas plus compétitives qu'au Brésil. Malgré des soucis de boîte de vitesses, Caffi place la Dallara au 24ème rang. Ghinzani sur Zakspeed et Modena sur Eurobrun sont les derniers qualifiés. Leurs équipiers Larrauri et Schneider passent sous le couperet.
Ligier est au fond du gouffre. Pour la première fois de son histoire, les Bleus ne qualifient aucune voiture. Johansson (28ème) et Arnoux (29ème) se débattent avec une véritable usine à gaz. La JS31 manque complétement de motricité et passe brutalement du sous-virage au survirage, perdant ses chevaux en route. René Arnoux dénonce « la pire monoplace qu'[il ait] jamais conduite. » Jean-Pierre Paoli, Michel Tétu et Claude Galopin, blêmes, quittent samedi soir le circuit en rasant les murs. Resté à Abrest, Guy Ligier est injoignable...
Après la séance du samedi, Prost n'est pas au bout de ses peines puisque les commissaires examinent son fond plat, soupçonné de ne pas être aux normes. Fausse alerte. Mais ensuite, il s'avère que ses pneus arrière ne portent pas les identifications réglementaires. Gabriele Cadringher trouve finalement un arrangement à l'amiable avec Lee Gaug et Ron Dennis pour éviter le déclassement au Français.
Le Grand Prix
Il est évident que la victoire se jouera entre Prost et Senna qui roulent une seconde au tour plus vite que leurs rivales lors du warm-up. Berger se rabat sur son mulet dont il trouve le comportement routier plus sain. Les points d'ancrage de la suspension avant-droite de la Rial se sont arrachés lors du warm-up. Les mécaniciens tentent de les recoller avec de la résine, mais celle-ci n'a guère le temps de polymériser. De Cesaris s'élance depuis les stands, sans espoir d'aller très loin.
Une petite averse s'abat sur la piste durant la pré-grille. Les mécaniciens s'interrogent sur l'opportunité de chausser des gommes sculptées, mais finalement le bitume s'assèche très vite. Les pneus lisses s'imposent. Lee Gaug ne prévoit pas de changement d'enveloppes. Comme chaque année, c'est la consommation d'essence qui sera la clef de l'épreuve.
Tour de formation: Alboreto cale son moteur. Un mécanicien se précipite pour insérer le démarreur, ce qui fait rugir le V6. Le pilote italien partira dernier sur la grille, avec un embrayage défectueux.
Départ: Senna démarre idéalement, au contraire de Prost dont le moteur engorge. Par crainte de caler, le Français emballe la mécanique et lâche brutalement l'embrayage. Ses roues patinent. Senna aborde Tamburello en tête devant Piquet, Nannini, Patrese, Berger, Cheever... et Prost
1er tour: Patrese dépasse Nannini au freinage de Tosa. Prost double Cheever avant Piratella. Modena se frotte à Palmer à Acque Minerale. De Cesaris renonce car comme attendu sa suspension avant-droite est mal fixée. Senna mène devant Piquet, Patrese, Nannini, Berger, Prost, Cheever, Capelli, Boutsen et Mansell.
2e: Senna compte trois secondes d'avance sur Piquet qui doit surveiller une consommation excessive. Berger tente en vain de faire l'intérieur à Nannini avant Tosa.
3e: Berger déborde Nannini à Tosa. Le jeune Italien sort large de cette courbe, ce qui permet à Prost de le dépasser par l'intérieur. Capelli s'immobilise à la Variante Alta avec une boîte de vitesses bloquée.
4e: Senna s'échappe au rythme d'une seconde par tour. Berger tente de déboîter Patrese par l'extérieur entre Tamburello et Tosa, mais le Padouan lui ferme la porte. Prost et Nannini les observent.
5e: Six secondes entre Senna et Piquet. Prost sort de Tamburello derrière Berger. Il se déporte à l'extérieur à Tosa, mais c'est pour mieux « croiser » la Ferrari en sortie d'épingle. Placé à gauche, le Français se rabat devant l'Autrichien dans la descente vers Piratella.
6e: Prost déborde Patrese au virage Villeneuve. Modena stoppe aux stands pour faire vérifier son allumage.
7e: Prost remonte facilement sur Piquet. Berger manque une vitesse en sortant d'Acque Minerale. Nannini s'infiltre à l'intérieur, bouscule l'Autrichien, le force à rouler sur la bordure, et s'empare de la cinquième place.
8e: Prost dépasse Piquet à la grande épingle. Il est désormais second, mais concède neuf secondes à Senna. Bailey exécute un tête-à-queue et redémarre en queue de peloton. Deuxième arrêt pour Modena.
9e: Senna est premier devant Prost (8.1s.), Piquet (10s.), Patrese (11.5s.), Nannini (12.8s.) et Berger (14.5s.). Alboreto est quinzième.
10e: Boutsen et Mansell dépassent Cheever qui ménage sa consommation.
11e: Senna mène devant Prost (7.5s.), Piquet (12s.), Patrese (13s.), Nannini (14s.), Berger (16s.), Boutsen (19s.), Mansell (20s.), Cheever (21s.), Streiff (25s.), Warwick (30s.), Nakajima (34s.), Alboreto (38s.) et Tarquini (39s.).
12e: Pendant que les McLaren s'échappent au rythme de plusieurs secondes par tour, Nannini met la pression sur Patrese.
14e: Sept secondes entre Senna et Prost. Après Tamburello, Patrese change plusieurs fois de trajectoire pour bloquer Nannini. La manœuvre est dangereuse mais efficace. Boutsen se rapproche de Berger
15e: Senna devance Prost (7.2s.), Piquet (22s.), Patrese (23.8s.), Nannini (24.4s.), Berger (26.7s.), Boutsen (27s.) et Mansell (28s.).
16e: Nannini tente de faire l'extérieur à Patrese à Tosa, mais celui-ci l'en dissuade en retardant au maximum son freinage, lui coupant ainsi la corde. Quelques secondes plus tard, au même endroit, Boutsen vient à bout de Berger.
17e: Senna améliore le record du tour (1'32'354'''). Prost réalise cependant les mêmes chronos. Après Tamburello, Nannini se montre encore dans les rétroviseurs de Patrese, à droite puis à gauche, en vain. Le Padouan confirme sa réputation d' « indépassable ».
18e: Boutsen est revenu derrière Nannini. Mansell se rapproche de Berger. Ghinzani renonce à cause d'une coupure électrique survenue sur son moteur.
19e: Senna devance Prost (9s.), Piquet (30s.), Patrese (32s.), Nannini (32.6s.), Boutsen (34s.), Mansell (35s.), Berger (36s.), Cheever (49s.), Streiff (55s.), Warwick (59s.) et Alboreto (1m. 01s.). Alliot s'arrête chez Larrousse, pensant que sa suspension est cassée. Mais il n'a finalement qu'un pneu crevé, et redémarre après une immobilisation de deux minutes.
20e: Nannini se déporte à l'extérieur à Tosa, mais à nouveau Patrese lui résiste. Mansell dépasse Berger au même endroit. Caffi se retire après avoir cassé sa transmission qui avait déjà donné de nombreux signes de faiblesses aux essais.
21e: Patrese continue de tenir tête à Nannini et à Boutsen. Ce trio est rejoint par Mansell.
22e: L'intervalle demeure stable entre Senna et Prost. Mansell attaque Boutsen dans la courbe Villeneuve mais il échoue à le dépasser.
23e: Nannini attaque Patrese à Villeneuve, toujours sans succès.
24e: Prost signe un chrono d'1'32''118'''. Mais il n'attaque pas outre-mesure car il sait qu'à ce petit jeu il risque de perdre tout son carburant avant le dénouement.
25e: Au freinage de Tosa, Patrese dérape vers l'extérieur. Il a trop sollicité ses pneus en résistant aux Benetton. Nannini se glisse à gauche et double enfin la Williams.
26e: Nannini remonte assez facilement sur Piquet. Boutsen déborde Patrese dans la courbe Villeneuve. L'Italien laisse ensuite passer Mansell à Piratella.
27e: Dix secondes séparent Senna et Prost. Nannini pointe son museau au niveau de Piquet au freinage de Tosa, mais le Brésilien, imperturbable, lui coupe la trajectoire.
29e: Piquet est gêné par la Tyrrell de Palmer à Tamburello. Nannini se blottit dans son sillage, puis braque à gauche pour surprendre le Brésilien à Tosa. Les deux pilotes franchissent la courbe roues contre roues, mais Nannini, mal placé à la réaccélération, doit céder. Plus loin, en sortant de la Variante Alta, Piquet rattrape un début de glissade. Nannini essaie de prendre l'aspiration dans la descente vers Rivazza, mais le Carioca verrouille toutes les issues. Alboreto prend la dixième place à Streiff.
30e: Senna est leader devant Prost (11.3s.), Piquet (45.7s.), Nannini (46.2s.), Boutsen (46.7s.), Mansell (47.9s.), Patrese (52s.), Berger (53s.), Cheever (1m. 08s.) et Alboreto (1m. 18s.).
31e: Les deux Benetton « klaxonnent » derrière Piquet, ce qui permet à Mansell de s'en rapprocher. Alboreto s'empare de la neuvième place aux dépens de Cheever.
32e: Seuls au monde, Senna et Prost améliorent régulièrement le record du tour. Piquet, Nannini, Boutsen et Mansell se tiennent désormais dans un mouchoir de poche.
33e: Après Tamburello, Piquet manque de peu d'être expédié dans le décor par Pérez-Sala qui ne regarde pas ses rétroviseurs. Boutsen menace de plus en plus Nannini. Mais il manque son passage à la Variante Alta. Opportuniste, Mansell se déporte à l'intérieur puis double la Benetton dans la descente vers Rivazza.
34e: Prost réalise un temps d'1'34''417'''. Mais Senna s'amuse à lui répliquer à chaque passage, si bien que l'écart entre eux n'évolue guère. Un tube d'échappement s'est cassé sur la Benetton de Boutsen dont le moteur ne tourne plus que sur sept cylindres.
36e: Lancé aux trousses de Piquet, Nannini bloque ses roues arrière à Tosa et part en tête-à-queue. Par bonheur, il reste sur la piste et se relance, mais entretemps Mansell, Boutsen et Patrese sont passés devant. Bailey s'arrête aux stands pour remplacer un pneu crevé.
37e: Senna tourne comme une horloge et entretient un matelas de neuf secondes entre lui et Prost. Piquet lève le pied car son moteur « boit » encore trop d'essence. Mansell le rejoint.
38e: Prost enchaîne les meilleurs tours, mais ne reprend à chaque fois que quelques centièmes à Senna. Mansell fait la jonction avec Piquet. Nannini reprend la sixième place à Patrese.
39e: Senna précède Prost (10s.), Piquet (1m. 02s.), Mansell (1m. 03s.), Boutsen (1m. 04s.), Nannini (1m. 05s.), Patrese (1m. 07s.), Berger (1m. 10s.), Alboreto (-1t.), Cheever (-1t.), Streiff (-1t.) et Warwick (-1t.).
40e: Mansell surprend Piquet par l'intérieur à Rivazza et s'empare ainsi de la troisième place. Boutsen est juste derrière la Lotus.
41e: Huit secondes entre Senna et Prost. Après Tamburello, Piquet prend l'aspiration derrière Mansell et le repasse dans la courbe Villeneuve. Mansell tente de croiser le Brésilien à Tosa, sans succès.
42e: Derrière Piquet, se reforme un train composé de Mansell, Boutsen et Nannini. Après une belle course, Tarquini abandonne à cause d'une tringlerie d'accélérateur grippée. Il occupait la quatorzième place. Modena s'arrête chez Eurobrun pour faire réparer sa commande de boîte.
43e: Mansell regagne son garage à petite allure. Un problème de moteur le prive de pression hydraulique et dérègle donc le fonctionnement de sa suspension réactive. Il est contraint à l'abandon.
45e: Senna hausse son rythme et achève ce tour en 1'30''450'''. Boutsen et Nannini sont désormais seuls à menacer Piquet. Warwick double Streiff.
47e: Prost réplique à Senna et « claque » un chrono d'1'29''927'''. Mais l'intervalle est toujours de dix secondes.
48e: Senna réduit quelque peu son allure pour économiser de l'essence. Prost lui reprend ainsi une seconde. Patrese commence à être affecté par le même mal que Mansell: sa suspension s'affaisse. Il doit laisser passer Berger.
50e: Senna domine devant Prost (8s.), Piquet (1m. 25s.), Boutsen (1m. 27s.), Nannini (1m. 28s.), Berger (-1t.), Patrese (-1t.), Alboreto (-1t.), Cheever (-1t.), Warwick (-1t.), Nakajima (-1t.) et Streiff (-1t.).
52e: Piquet demande beaucoup à son moteur pour distancer Boutsen. Berger revient sur Nannini, lequel concède un tour à Senna. Nakajima prend la dixième place à Warwick. Privé de ses quatrième et cinquième rapports, Bailey renonce.
53e: Prost accroît sa pression de turbo et réalise le tour le plus rapide de la course (1'29''685'''). A titre de comparaison, le meilleur chrono des « non-McLaren », réalisé par Berger, sera 1'31''394'''...
54e: Senna prend un tour à Boutsen. Il compte cinq secondes de marge sur Prost.
55e: L'écart remonte entre les McLaren. Piquet subit l'humiliation de concéder un tour à Senna. Patrese s'arrête à son stand pour faire examiner sa suspension et changer ses pneus. Il repart pour achever l'épreuve au petit trot. Alboreto stoppe sur la ligne de chronométrage, moteur en feu. Une lubrification insuffisante paraît en cause.
56e: Senna précède Prost (9.2s.), Piquet (-1t.), Boutsen (-1t.), Nannini (-1t.), Berger (-1t.) et Cheever (-1t.). Nakajima et Warwick dépassent Patrese.
57e: Prost double à son tour les derniers retardataires. Les deux McLaren sont seules dans le même tour. Berger rattrape Nannini.
59e: Senna fait face à un important trafic et bute notamment sur la Minardi de Campos. Prost revient à huit secondes. Berger est dans les échappements de Nannini.
60ème et dernier tour: A Acque Minerale, Berger dépasse Nannini en coupant à travers le gazon. Une manœuvre douteuse qui ne sera pas pénalisée. Nous sommes en Italie...
Ayrton Senna remporte son premier Grand Prix pour McLaren avec deux secondes d'avance sur Prost. Les McLaren s'arrêtent sitôt la ligne d'arrivée franchie. Piquet termine troisième avec une boucle de retard. Boutsen finit quatrième devant Berger. Nannini inscrit le premier point de sa carrière. Viennent ensuite Cheever, Nakajima, Warwick, Streiff, Pérez-Sala, Dalmas, Patrese, Palmer, Gugelmin, Campos et Alliot. Modena termine l'épreuve avec huit tours de retard mais n'est pas classé.
Seuls les deux pilotes McLaren finissent dans le même tour. Mais Piquet et Berger sont contents d'avoir été doublés par celles-ci. En effet, ils ont tellement sollicité leurs moteurs contre les Benetton qu'ils n'auraient pas pu effectuer un seul tour de plus, faute d'essence.
Après la course
Après une telle promenade de santé, Ayrton Senna n'a qu'une courte histoire à narrer: « Pour la première fois de ma carrière, j'ai un matériel qui me permet de vaincre sans souci », affirme-t-il avec satisfaction. En outre, il révèle qu'il a choisi pour la course les pneus qui lui avaient permis de décrocher la pole la veille. C'est dire si la McLaren sait économiser ses gommes.... La démonstration du Brésilien inquiète Alain Prost qui a perdu tous ses espoirs lors de son départ raté. La consommation d'essence l'astreignait à une course d'attente derrière son équipier. « J'ai opté pour des appuis un poil plus faibles que ceux de Senna, explique-t-il. Ils m'ont manqué en début de course. Ensuite, je pense avoir été très économe sur ma consommation. Sur la fin, pensant qu'il n'y avait plus rien à faire, j'ai mis la pression de suralimentation au maxi. C'était trop tard [...] Il est certain que Senna est un peu plus rapide que moi en qualification. En course, c'est autre chose. Nous jouons au chat et à la souris. Nous disputons encore le round d'observation. Il est clair que le championnat sera serré. »
La concurrence est désarmée devant l'hégémonie des McLaren-Honda. « Elles sont intouchables, reconnaît Nelson Piquet. A moteur égal, un trou nous sépare. » Gérard Ducarouge en perd son latin. Chez Ferrari, la désillusion domine également. Les V6 italiens ne fonctionnent toujours pas correctement. Marco Piccinini repousse néanmoins le mot de « crise » qui affleure aux lèvres des journalistes transalpins. En revanche, Benetton et Ford peuvent être satisfaits. Les nouveaux V8 atmosphériques paraissent en mesure de pousser dans leurs retranchements les Lotus et Ferrari suralimentées.
Enfin, AGS célèbre la dixième place de Philippe Streiff comme une victoire. Jamais l'écurie varoise n'avait été à pareille fête. Et encore, Streiff aurait sans doute pu aller chercher la huitième place sans un problème d'alternateur en fin de Grand Prix.
Au classement mondial, Prost mène avec quinze points contre neuf pour Senna et huit pour Piquet et Berger. Chez les constructeurs, McLaren-Honda (24 pts) devance Ferrari (10 pts) et Lotus (9 pts). Pour l'anecdote, cette seconde place permet à Prost de battre le record de points inscrits en carrière (421,5) détenu jusqu'alors par Niki Lauda.
Tony