Transferts: Mansell chez Ferrari...
Au soir du Grand Prix de France, Nigel Mansell se rend à Lausanne pour parapher son contrat avec le Marlboro World Championship Team, prélude à son engagement officiel avec Ferrari. Celui-ci se concrétise quelques jours plus tard. L'avocat de la Scuderia Henry Peter se rend dans l'Île de Man, au domicile du Britannique, lequel annonce lui avoir concocté une « petite surprise » pour célébrer l'événement. Il le fait patienter une bonne heure avant de l'entraîner dans son jardin. Mansell demande à Peter de lever les yeux au ciel. Les jets des Red Arrows, la célèbre patrouille de la Royal Air Force, fendent alors les nuages et passent au-dessus de la demeure du pilote. « C'est un jour important. Le plus grand pilote britannique lie son destin à la plus grande écurie de Formule 1 ! » proclame Nigel, ravi de son effet, avant de signer le fameux contrat. De retour en Italie, l'avocat éberlué ne manque pas de répéter que Mansell a convoqué la RAF pour saluer son arrivée chez Ferrari. Six mois plus tard, il apprendra que les Red Arrows, en manœuvre, passent tous les jours au-dessus de l'Île de Man, à heure fixe...
Dégoûté par le niveau calamiteux de la Williams-Judd (il n'a pas fini une seule course à son volant), Mansell n'est pas davantage convaincu par la future association Williams-Renault, et saisit l'opportunité de rejoindre une Scuderia Ferrari en pleine mutation. Pour cet excellent soldat longtemps sous-estimé, sorti du rang à la seule force de son poignet, être accueilli dans le « saint des saints » de Maranello est un superbe aboutissement. Et tant pis si en 1986 il avait déjà signé un pré-contrat avec Marco Piccinini, dénoncé au bout de quelques jours... Mansell/Ferrari, c'est en tout cas le choc des mentalités. Comment le brave Nigel, très « brut de décoffrage » et dépourvu de tout sens de la diplomatie, va-t-il se mouvoir au sein d'une super-structure traversée de tout temps par les querelles byzantines ? « Ne saisissant pas un mot d'italien, il me sera difficile d'être au centre d'une polémique. Je suis un pilote, pas un politicien ! » avoue-t-il benoîtement. Les observateurs avisés se gaussent de sa naïveté... Heureusement, sa future cohabitation avec Gerhard Berger s'annonce pacifique car les deux hommes se connaissent bien et, sans être amis, entretiennent des relations de bonne camaraderie.
... et Boutsen chez Williams
Le successeur de Mansell à Didcot sera Thierry Boutsen. Les négociations entre Frank Williams et Ortwin Podlech, l'agent du pilote bruxellois, ont commencé à Monaco. Boutsen était également sollicité par Ferrari. Depuis son entrée chez Benetton en 1987, la cote de ce pilote sérieux, rapide et polyvalent (il a longtemps brillé en Endurance et en Tourisme), ne cesse de monter. Boutsen est séduit à l'idée d'intégrer un « top-team » et surtout de prêter son concours au retour de Renault en Formule 1. En outre, il n'est guère convaincu par le futur V8 que prépare Ford et craint de stagner chez Benetton. « Chez Williams, l'historique et le potentiel de l'écurie me paraissent plus riches que chez Benetton », explique-t-il. « L'arrivée de Renault constitue un formidable atout supplémentaire. Je perçois la stratégie de Renault comme la deuxième offensive d'un grand constructeur qui a analysé les raisons de son relatif échec initial et s'est donné les moyens de revenir au plus haut niveau [...] Je quitte une bonne équipe pour une grande équipe », résume-t-il, sûr de son choix. Pourtant, à Silverstone, Davide Paolini et Luciano Benetton en personne tentent de le retenir en lui offrant de doubler son salaire. En vain. Boutsen et Podlech signent le contrat rédigé par Williams.
Frank Williams opère ce recrutement avec le plein soutien de Renault. « Boutsen nous intéresse depuis longtemps », affirme ainsi Bernard Casin, le directeur général de Renault Sport. « C'est un grand pilote en devenir. Il présente, en outre, l'avantage d'être francophone. Son profil d'Européen correspond à l'image que nous voulons donner de la présence de Renault en F1. Nous ne pouvons plus nous contenter d'être hexagonaux. Nous rejetons l'hyper-nationalisme pour un supranationalisme. » A bon entendeur... Renault hume et suit l'air de temps, qui est à la globalisation économique, au libre-échange et à l'intégration européenne. Par le biais des délocalisations, les constructeurs automobiles en concurrence sur le marché international se détachent peu à peu de leurs patries d'origine. Ce déracinement de la production a pour corollaire l'internationalisation des services compétitions. Renault ne représente plus la France. Il ne faut plus compter sur elle pour soutenir les pilotes nationaux. Beaucoup ne le perçoivent pas encore en cet été 1988...
Présentation de l'épreuve
Une législation anti-tabac s'applique désormais au Royaume-Uni, et les logos de Marlboro, Gitanes, Camel et consorts disparaissent ainsi des monoplaces. En ce qui concerne le circuit de Silverstone, Bernie Ecclestone est finalement parvenu à un accord avec le RAC pour assurer sa présence au calendrier dans les années à venir, moyennant de futurs travaux d'envergure pour améliorer les infrastructures.
Suite aux attaques de Bruno Masure au soir du GP de France, Alain Prost refuse dorénavant de répondre aux sollicitions de TF1 et passe ici sa colère sur le journaliste Christian Van Ryswyck. Il préfère s'entretenir avec Julian Jakobi, le vice-président d'International Management Group, lequel vient lui offrir de nouveaux contrats publicitaires. Jakobi n'est toutefois pas uniquement présent pour Prost. Depuis trois ans, IMG souhaite aussi attirer Ayrton Senna dans sa sphère d'influence, mais pour l'heure ce dernier préfère confier ses affaires à sa propre société de promotion, dirigée par son mentor Armando Botelho Teixeira.
L'avenir du Team Lotus paraît de plus en plus flou. General Motors, qui possède Lotus Cars depuis 1986, envisagerait de racheter l'équipe de course qui conservait jusqu'ici toute son indépendance. Côté moteurs, Lotus pourrait utiliser l'an prochain des blocs préparés par Mugen, une firme japonaise indépendante appartenant à Hirotoshi Honda, le fils de Soichiro.
Ford et Cosworth ont décidé de rester fidèles à l'architecture traditionnelle des huit cylindres en V pour leur futur moteur atmosphérique. Celui-ci comportera des éléments qui figurent déjà sur le DFR utilisé par Benetton qui remplit donc le rôle de banc d'essais. Benetton disposera de ce nouveau V8 en exclusivité en 1989 tandis que le DFR sera commercialisé auprès des petites équipes.
Les départs se succèdent à Maranello: après Harvey Postlethwaite, c'est au tour de l'ingénieur motoriste Jean-Jacques His de faire ses bagages. Il retourne chez Renault Sport pour assister Bernard Dudot dans la mise au point du V10 français. Pier Guido Castelli le remplace à la tête du département moteur de la Scuderia. A charge pour lui de poursuivre le développement du V12 aspiré.
Le colérique Gunther Schmidt est décidément incapable de collaborer avec qui que ce soit. Gustav Brunner, l'ingénieur qui a conçu sa jolie petite Rial, lui a en effet remis sa démission pour filer chez Zakspeed ! De son côté, le bouillant Andrea de Cesaris s'accroche régulièrement avec son patron et demande à Aleardo Buzzi de lui chercher un autre volant pour 1989. Ainsi, malgré de bons résultats lors de cette première moitié de saison, l'aventure « Schmidt II » pourrait bien faire long feu...
McLaren-Honda introduit une nouvelle carrosserie affinée censée accroître les performances de la voiture sur les circuits rapides, en améliorant notamment la circulation de l'air interne. Le résultat n'est pas du tout à la hauteur des espérances de Gordon Murray. Senna et Prost dénoncent dès vendredi une tenue de route déficiente.
Essais et qualifications
A mi-saison, ce Grand Prix définit quelles écuries seront soumises à la pré-qualification dans la deuxième partie de l'année. Jusqu'ici cette épreuve concernait Rial, BMS-Dallara, Eurobrun et Coloni. Grâce aux trois points inscrits par de Cesaris à Détroit, Rial s'épargnera désormais cette corvée à laquelle devront en revanche s'astreindre Larini et son Osella.
Les séances du vendredi et du samedi se déroulent par un temps couvert et frais. Pour la première fois de l'année, les Ferrari dominent les essais qualificatifs et monopolisent la première ligne. Berger réalise la pole position, deux dixièmes devant Alboreto. Cette performance est à mettre au crédit de la motricité de la Ferrari et de la puissance de son V6 à bas-régime. Mais celui-ci consomme toujours trop de carburant, au point qu'Alboreto achève ses essais du samedi en panne sèche ! Les Rouges ne s'illusionnent donc pas. Alboreto affirme même qu'il ne finira probablement pas la course...
La nouvelle configuration des McLaren ne donne pas du tout satisfaction à Senna (3ème) et à Prost (4ème) qui se plaignent de sous-virage. Néanmoins, ils ne rendent qu'une demi-seconde aux Ferrari et peuvent rétablir la situation en course. La troisième ligne est occupée par les March de Gugelmin (5ème) et de Capelli (6ème) dont le V8 Judd est très performant lorsque les températures sont basses. Par ailleurs, les 881 sont nées à Bicester, à deux pas de Silverstone où elles ont effectué tous leurs tests hivernaux. Les Lotus (Piquet 7ème, Nakajima 10ème) voisinent avec les Benetton (Nannini 8ème, Boutsen 12ème), dont les moteurs Ford se montrent fragiles, et les Arrows (Warwick 9ème, Cheever 13ème).
Chez Williams, Mansell subit plusieurs avaries de sa suspension réactive, avant que celle-ci ne l'envoie dans le rail vendredi après-midi ! Patrick Head décide alors de rapatrier les FW12 dans la nuit à Didcot et fait tout simplement démonter le dispositif électronique pour le remplacer par de bons vieux ressorts métalliques. Cela permet à Mansell (11ème) et à Patrese (30ème vendredi, 15ème samedi !) de se qualifier in extremis... De Cesaris place la Rial au quatorzième rang. Streiff est seizième avec son AGS. Du côté de Tyrrell, Palmer signe un bon 17ème chrono et devance nettement le pauvre Bailey (24ème) qui pâtit toujours de son manque d'expérience. Pérez-Sala (18ème) se place devant son équipier Martini (19ème) qui a détruit sa Minardi dans une sortie à Club. Modena se classe vingtième avec la première Eurobrun, juste devant la Dallara de Caffi. Les Lola LC (Alliot 22ème, Dalmas 23ème) manquent totalement d'adhérence. La dernière ligne est composée de la Ligier-Judd d'Arnoux et de l'Osella de Larini.
Comme au Castellet, Tarquini et son Coloni sont éliminés dès le vendredi matin. Restent aussi sur le carreau les Zakspeed de Ghinzani et de Schneider, la Ligier de Johansson et l'Eurobrun de Larrauri.
Le Grand Prix
Le warm-up du dimanche matin se déroule sous un crachin, prélude à l'averse qui s'abat sur Silverstone au début de l'après-midi et redouble d'intensité cinq minutes avant le départ. Pour ne rien arranger, une brume épaisse entoure le circuit. Celui-ci, bâti sur un ancien aérodrome, est très plat et l'eau s'évacue donc difficilement. Les pneus sculptés sont bien sûr de rigueur. Nous allons assister à la première course sous la pluie depuis trois ans et le GP du Portugal 1985 qui fut dominé par Ayrton Senna. Le Brésilien prépare minutieusement sa prestation. Il effectue quelques tours de chauffe et change plusieurs fois de réglages et de pneus avant de prendre enfin place sur la grille.
Tour de formation: Prost utilise pour la première fois un embrayage en carbone et manque de caler. Au cours de cette boucle de reconnaissance, les pilotes s'aperçoivent que la visibilité est absolument nulle. Le bitume est parsemé d'épaisses rigoles et les bolides pulvérisent de l'eau dans tous les sens. Palmer regagne les stands pour tenter de faire réparer son moteur qui ne fonctionne que sur sept cylindres.
Départ: Alboreto prend un meilleur envol que Berger, mais ce dernier conserve néanmoins la tête à Copse. On retrouve ensuite Senna, Gugelmin, Warwick et Capelli. Prost cale à cause de son embrayage et chute au huitième rang. Pérez-Sala percute Streiff et finit sa route dans l'herbe. Le Grenoblois repart avec un aileron arrière faussé.
1er tour: Senna double Alboreto à Maggots. Puis Capelli dépasse Warwick à Becketts. Senna attaque Berger à Stowe mais le pilote Ferrari ferme la porte. Berger mène devant Senna, Alboreto, Gugelmin, Capelli, Nannini, Mansell, Warwick, Piquet et Nakajima. Prost est onzième. C'est la première fois de la saison qu'une McLaren n'est pas en tête de la course.
2e: Les conditions climatiques sont déplorables. Berger et Senna débordent Palmer qui s'est élancé avec un tour de retard. Prost est très lent et laisse passer Cheever et Boutsen. Streiff roule avec une aile arrière abîmée qui menace de se détacher à tout moment. A cause de la brume, le pilote français ne peut apercevoir le panneau d'avertissement brandi par ses mécaniciens.
3e: Berger devance Senna (1s.), Alboreto (6.2s.) et Gugelmin (6.7s.). Nannini et Mansell doublent Capelli. Patrese dépasse Prost qui paraît très mal à l'aise. Sa McLaren est mal réglée et, du reste, les projections d'eau le gênent terriblement.
4e: Senna met une forte pression sur Berger. Alboreto est à douze secondes de son équipier. Nannini est revenu derrière Gugelmin.
5e: La pluie est tellement dense qu'il est difficile de distinguer les monoplaces sur les écrans de télévision. Berger et Senna sont de loin les pilotes les plus rapides en piste.
6e: Nannini menace fortement Gugelmin. Boutsen prend la onzième place à Cheever. Tout va mal pour Prost qui se fait dépasser par... l'Eurobrun de Modena !
7e: Berger précède Senna (1.7s.), Alboreto (19.2s.), Gugelmin (23.3s.), Nannini (23.5s.), Mansell (25.7s.), Capelli (31s.) et Warwick (43s.). Prost est quinzième. Il contient de Cesaris et Caffi...
9e: Berger et Senna arrivent sur les premiers attardés. Nannini attaque sans cesse Gugelmin qui ne bronche pas. Mansell se rapproche de ceux-ci. Piquet prend la huitième place à Warwick. Streiff perd son aileron arrière à Stowe et achève son après-midi dans les graviers, sans rien toucher heureusement.
10e: La pluie s'est arrêtée. Boutsen dépasse Warwick. De Cesaris regagne son garage avec un embrayage hors d'usage.
11e: Berger est premier devant Senna (1.8s.), Alboreto (26s.), Gugelmin (29.4s.), Nannini (30.2s.), Mansell (32.1s.), Capelli (41.8s.), Piquet (57.4s.), Boutsen (59s.), Warwick (59.8s.), Nakajima (1m. 04s.), Cheever (1m. 05s.) et Patrese (1m. 06s.).
12e: Gugelmin, Nannini et Mansell sont roues dans roues et remontent sur Alboreto.
13e: Senna se rapproche de Berger qui commence déjà à surveiller sa jauge d'essence. Mansell tente sans succès de faire l'intérieur à Nannini à Luffield.
14e: Entre Club et Abbey, Berger et Senna reviennent sur un trio de retardataires composé de Caffi, Prost et Modena. Caffi s'écarte le premier. A Club, Berger est gêné par un Prost très prudent. Senna saisit l'opportunité, se jette à l'intérieur et double l'Autrichien. Dans son élan il dépasse aussi Prost au freinage de Luffield. Les deux coéquipiers se touchent légèrement dans la manœuvre. Caffi dépasse à son tour le Français peu après.
15e: Senna compte une seconde et demie d'avance sur Berger. Palmer renonce avec un moteur cassé.
16e: Gugelmin glisse à la chicane et passe par le gazon. Il regagne la piste, mais Nannini et Mansell en profitent pour le doubler.
18e: L'écart est stable entre Senna et Berger. Alboreto est la cible des assauts de Nannini et de Mansell.
19e: Senna devance Berger (1.4s.), Alboreto (42.6s.), Nannini (43.1s.), Mansell (43.7s.), Gugelmin (48.1s.), Capelli (1m. 08s.), Piquet (1m. 12s.) et Boutsen (1m. 14s.).
20e: A l'abord de Club, Nannini tente de faire l'intérieur à Alboreto, mais Mansell se déporte à droite et entreprend de dépasser ses deux adversaires. Il double la Benetton avant qu'Alboreto ne lui coupe autoritairement la trajectoire. Surpris par Mansell, Nannini lâche l'accélérateur et part en toupie. Il reste sur la piste et redémarre derrière Gugelmin.
21e: Nannini repasse devant Gugelmin.
22e: Mansell est à la poursuite d'Alboreto. Il prend l'aspiration derrière la Ferrari après Stowe et la déborde avant Club. Le voici troisième devant son public trempé mais content.
23e: Senna compte maintenant quatre secondes d'avance sur Berger. Il est néanmoins prudent car McLaren lui a signalé qu'il consommait trop d'essence. Mais ceci n'a pas grande importance pour le moment car Berger rencontre le même problème. Nannini rattrape facilement Alboreto.
24e: Senna mène devant Berger (4.6s.), Mansell (52.2s.), Alboreto (54.7s.), Nannini (55.3s.), Gugelmin (1m.), Capelli (1m. 21s.), Piquet (1m. 23s.), Boutsen (1m. 27s.) et Warwick (-1t.).
25e: La trajectoire commence à s'assécher. Nannini double Alboreto dans Hangar Straight.
26e: Prost entre dans les stands et sort aussitôt de sa machine. Il juge les conditions météorologiques trop dangereuses et n'avoir rien à gagner en continuant la course. Il était seizième.
27e: Senna possède sept secondes de marge sur Berger. Nannini est aux trousses de Mansell qui se défend en roulant sur les portions humides de la piste, souvent très loin de la trajectoire.
28e: Avant Luffield, Nannini se montre dans les rétroviseurs de Mansell et se déporte vers la droite. Mansell fait de même mais Nannini le surprend en plongeant soudainement à l'intérieur. Le jeune Italien est troisième. Plus loin, Piquet prend la septième place à Capelli.
29e: Nannini attaque très fort pour semer Mansell et réalise le meilleur temps depuis le départ: 1'24''176'''. Boutsen dépasse Capelli dont le moteur ratatouille.
30e: Nannini commet une nouvelle erreur à la chicane et part en tête-à-queue. Il atterrit dans les graviers, mais heureusement ne cale pas et reprend la piste via une échappatoire. Mansell récupère la troisième place. Gugelmin menace Alboreto.
31e: Senna précède Berger (10.4s.), Mansell (55.1s.), Nannini (1m.), Alboreto (1m. 04s.), Gugelmin (1m. 05s.), Piquet (1m. 23s.), Boutsen (1m. 24s.), Capelli (-1t.), Warwick (-1t.), Nakajima (-1t.) et Cheever (-1t.).
32e: Douze secondes entre Senna et Berger.
33e: Alboreto glisse à l'entrée de la chicane. Il parvient à rester sur le circuit, mais Gugelmin profite de cet écart pour le dépasser.
34e: Senna a pris un tour à Boutsen et à Piquet. Capelli s'arrête aux stands pour changer de pneus.
35e: La trajectoire est désormais relativement sèche. Les pilotes empruntent donc les zones humides pour sauvegarder leurs pneus. Senna devance Berger (17.3s.), Mansell (59.2s.), Nannini (1m. 07s.), Gugelmin (1m. 15s.) et Alboreto (1m. 19s.).
36e: Capelli revient à son stand et renonce suite à une panne d'alternateur.
37e: Mansell est l'homme le plus rapide en piste et remonte sur Berger. L'Anglais prend bien soin de rouler sur les parties les plus mouillées de la piste afin de ménager ses pneus rainurés.
38e: Senna prend un tour à Alboreto qui est désormais menacé par Piquet. Berger concède dix-huit secondes au leader.
40e: Piquet prend la sixième place à Alboreto. Boutsen s'immobilise dans le gazon. Un panache de fumée blanche s'élève de la Benetton, mais Davide Paolini jurera qu'il ne s'agit que d'un cardan cassé...
41e: Senna précède Berger (22.2s.), Mansell (57s.), Nannini (1m. 16s.), Gugelmin (1m. 19s.), Piquet (-1t.), Alboreto (-1t.), Warwick (-1t.), Nakajima (-1t.) et Cheever (-1t.).
42e: Ferrari ordonne à Berger de lever le pied car il pourrait tomber en panne sèche. L'Autrichien compte trente secondes d'avance sur Mansell qui pour sa part n'a aucun problème de consommation.
44e: Senna n'est pas très rapide car il préserve son essence. Du coup, Piquet parvient à suivre son compatriote. Berger est maintenant relégué à trente-cinq secondes de Senna.
45e: La Scuderia présente à Berger un panneau « Slow ». S'il ne ralentit pas davantage, l'Autrichien manquera de carburant dans les derniers kilomètres.
46e: Berger concède dorénavant quarante-sept secondes à Senna.
47e: Mansell n'est plus qu'à dix-neuf secondes de Berger. L'Anglais roule cinq secondes au tour plus vite que l'Autrichien.
48e: Mansell signe le meilleur tour en course: 1'23''308'''. Berger roule lui en 1'30''... Alboreto s'inquiète aussi de sa consommation. Il entre aux stands pour chausser des pneus slicks, au cas où la situation s'améliorerait. Il repart onzième.
49e: Senna contient difficilement Piquet qui voudrait reprendre son tour de retard. Mansell est à quatre secondes de Berger.
50e: Mansell est revenu juste derrière Berger lorsqu'ils arrivent au virage de Club. Il braque vers la droite pour rouler sur la zone la plus humide, au point de frôler la ligne blanche, puis plonge à l'intérieur et dépasse la Ferrari. Berger est tout à fait impuissant.
51e: Senna est premier devant Mansell (1m. 03s.), Berger (1m. 09s.), Nannini (1m. 11s.), Gugelmin (1m. 16s.), Piquet (-1t.), Warwick (-1t.), Cheever (-1t.), Nakajima (-1t.) et Patrese (-1t.). La pluie refait son apparition.
52e: Nannini est à son tour revenu derrière Berger et le double sans difficulté. Nakajima a perdu l'usage de son cinquième rapport et se fait distancer par les Arrows, puis doubler par Patrese.
53e: La pluie s'intensifie. Alboreto revient à son stand pour remettre des pneus rainurés. Le voici quatorzième.
54e: Gugelmin déborde Berger en passant devant les stands. Le pauvre Gerhard dégringole dans le classement en espérant inscrire au moins un point.
55e: Senna laisse enfin Piquet se dédoubler. Le Carioca se lance à la poursuite de Berger.
56e: Senna est premier devant Mansell (56s.), Nannini (1m. 08s.), Gugelmin (1m. 15s.), Berger (1m. 23s.) et Piquet (1m. 26s.).
58e: Senna mène un train de sénateur pour soulager ses gommes sculptées. Mansell lui reprend deux secondes à chaque passage. Piquet est dans le sillage de Berger.
59e: Piquet prend la cinquième place à Berger.
60e: A cinq tours du but, Senna devance Mansell (45s.), Nannini (59.7s.), Gugelmin (1m. 10s.), Piquet (1m. 23s.), Berger (1m. 28s.), Warwick (-1t.), Cheever (-1t.), Patrese (-1t.), Nakajima (-1t.), Caffi (-1t.) et Modena (-1t.).
61e: Berger est dans une situation dramatique. Il laisse Senna lui prendre un tour pour avoir moins de kilomètres à parcourir avec son réservoir presque vide.
63e: Berger est maintenant sous la menace d'un trio composé de Warwick, Cheever et Patrese. Senna roule juste devant ce groupe.
64e: Trente secondes entre Senna et Mansell. Alboreto s'immobilise dans le gazon, à court de carburant. Larini, qui ne comptait que deux tours de retard, tombe également en panne d'essence au niveau de Hangar Straight.
65ème et dernier tour: Berger n'a plus que quelques gouttes d'essence dans son réservoir. Il résiste farouchement à Warwick. Mais, dans le tout dernier virage, la panne sèche survient. Warwick, Cheever et Patrese doublent le malheureux Autrichien qui n'a plus qu'à se laisser glisser jusqu'à la ligne d'arrivée...
Ayrton Senna remporte le dixième Grand Prix de sa carrière avec vingt-trois secondes d'avance sur Mansell. Le pilote anglais salue la foule avant même de couper la ligne. Il obtient brillamment ses premiers points de la saison. Nannini termine troisième malgré deux arabesques et grimpe sur son premier podium. Gugelmin a lui aussi réalisé un superbe week-end et inscrit ses trois premiers points. Piquet finit cinquième et Warwick obtient donc in extremis le dernier point. Cheever est septième devant Patrese, Berger, Nakajima, Caffi, Modena, Dalmas, Alliot, Martini, Bailey et Arnoux.
Après la course: Senna danse sous la pluie
Nigel Mansell est fêté en héros par le public britannique, comme s'il avait gagné. Il est vrai que sa prestation, à l'instar de celles des jeunes Nannini et Gugelmin, fut absolument remarquable. Cette seconde place satisfait en tout cas pleinement le camp Williams après une première moitié de saison calamiteuse. John Judd peut enfin cesser de raser les murs...
Les Ferrari qui occupaient la première ligne achèvent leur week-end sans inscrire le moindre point. Pourquoi diable ont-elles consommé 20 % d'essence en plus sur le mouillé que sur le sec ? Un mauvais réglage du boîtier électronique serait en cause...
Mais c'est évidemment la chevauchée fantastique d'Ayrton Senna, consacré « roi de la pluie », qui retient l'attention des commentateurs. Le Brésilien est si content qu''il serre chaleureusement la main de Mansell en sortant de son cockpit ! Une semaine après sa défaite au Castellet, il prend une éclatante revanche sur Alain Prost. « Je viens de vivre une période très difficile de ma carrière », explique-t-il. « J'ai débarqué dans une nouvelle équipe, face au meilleur pilote du moment qui, en plus, a l'avantage d'être presque dans sa famille. Moi, j'avais beaucoup à apprendre en très peu de temps. Maintenant tout commence à être clair. Je sais que je suis compétitif, même par rapport à Alain ; il n'y a plus de mystère, et cela me donne confiance. »
Prost dans le viseur
Alain Prost quitte pour sa part Silverstone l'esprit serein, sûr de son bon droit après ce retrait volontaire qui ne manque pourtant pas de soulever la polémique. Beaucoup font le parallèle entre ce renoncement et celui de Niki Lauda au Grand Prix du Japon en 1976, dans des conditions climatiques similaires. Mais Prost n'a jamais fait mystère de son aversion pour la conduite sur piste humide, surtout depuis son implication dans le terrible accident de son ami Didier Pironi à Hockenheim en 1982. « Chacun est maître de soi dans sa voiture, dit-il, chacun fait ce qu'il veut. J'ai toujours détesté la pluie, j'ai arrêté. Le championnat est relancé ? Tant mieux. De toute façon, dans ces conditions je n'avais rien à faire contre Senna. Il est plus fort que moi sous la pluie. Il jongle avec les risques, moi non. » Prost admet qu'il a eu peur d'être victime d'un grave accident: « J'ai surtout pensé à mes jambes. J'ai peut-être perdu le titre mondial, mais j'ai hâte de rentrer chez moi. C'est peut-être le luxe d'un pilote en tête du championnat du monde. »
Malheureusement, certains journalistes, notamment en France, n'entendent pas ses arguments. Prost est sévèrement critiqué et même parfois accusé de lâcheté. « Senna attaque, Prost craque » titre ainsi L'Équipe le lendemain. D'aucuns pensent qu'à 33 ans, le Forézien vit son chant du cygne et n'a plus le mordant nécessaire pour vaincre un adversaire aussi pugnace et impitoyable que Senna. Quelques-uns évoquent même son départ à la retraite à la fin de la saison ! Les mêmes oublient que, huit jours plus tôt, au « Ricard », ce même Prost infligeait une bonne leçon à « Magic »... En vérité, celui-ci estime qu'il a passé l'âge de prendre des risques inutiles. Il est marié, père de famille. A Silverstone, sa McLaren était mal réglée et tenait à peine la route. Quel intérêt avait-il à finir dixième ou douzième ? Ce qui le tourmente en vérité, c'est bien la fragilité croissante de sa situation chez McLaren. Ron Dennis n'a en effet pas réagi à son abandon, ni en bien, ni en mal. Mais il est en revanche très visiblement épris de « sa » pépite brésilienne. Et cela, Alain ne le supporte pas...
Prost conserve tout de même le commandement du championnat avec 54 points. Mais Senna (48 pts) se rapproche dangereusement. Au classement des constructeurs, McLaren-Honda possède 102 points contre 37 à la Scuderia Ferrari. Plus loin, Benetton (16 pts) prend la troisième place à Lotus (15 pts).
Tony