L'Amérique contre-attaque: Ford turbo et Lola-Beatrice
Le jeudi 20 juin 1985 à Deaborn, le directeur général de Ford Donald E. Petersen annonce officiellement l'arrivée d'un V6 Ford turbo chargé de remplacer le vénérable V8 Ford-Cosworth (155 victoires en Grand Prix depuis 1967 !). Ce moteur sera évidemment conçu en collaboration avec Cosworth. Il sera fourni en exclusivité à la future écurie Lola-Beatrice.
On aperçoit ainsi dans le paddock James L. Dutt, président de Beatrice Companies Inc., une gigantesque firme américaine de l'agro-alimentaire qui chapeaute de nombreuses enseignes prestigieuses (Samsonite, Culligan...). Dutt s'est associé à Carl Haas, l'homme à l'éternel cigare qui s'est couvert de gloire en CanAm et est désormais l'associé de Paul Newman en CART. Tous deux ont bâti le projet d'une grande écurie américaine de Formule 1, baptisé FORCE. Mister Dutt met de gros moyens sur la table : un budget de 60 milliards de francs étalé sur six ans. Haas s'entoure d'une équipe prestigieuse : Teddy Mayer, Tyler Alexander (ex-McLaren) et Charles Crichton-Stuart (ex-Williams) seront chargés du management, tandis que la direction technique reviendra à Neil Oatley, un autre transfuge de Williams. Pour le châssis, il s'est adressé à Eric Broadley et à Lola. Alan Jones a accepté de sortir de sa retraite australienne pour piloter la future voiture, moyennant un salaire astronomique... Dans un premier temps, il est prévu que la Lola-Beatrice utilise le moteur Hart, en attendant la mise au point du turbo Ford. Quand la verrons-nous en piste ? Peut-être en fin de saison...
Présentation de l'épreuve
Alain Prost a triste mine en débarquant dans le Michigan. Malgré deux victoires (et même trois en comptant Imola), il n'est plus le favori dans la quête du titre mondial. Grâce à une Ferrari très rapide et bien équilibrée, Michele Alboreto paraît en passe de devenir le premier champion du monde italien depuis Alberto Ascari. Prost ne cache pas son trouble : « Ce n'est pas tellement le fait que les autres ont progressé, ce sont nos voitures qui ont reculé : elles sont moins efficaces que l'an passé et nous avons des problèmes avec les moteurs » confie-t-il à Gérard Crombac. Mais le vrai point faible des Marlboro-McLaren est le freinage. En effet, plus rapide que sa devancière en ligne droite, la MP4/2B sollicite du même coup beaucoup plus les freins, jusqu'à utiliser 99 % de leur potentiel selon John Barnard. Sur un circuit comme Détroit, un tel handicap sera catastrophique.
Ce tracé est toujours aussi peu apprécié par les coureurs. Les ravages de l'hiver ont à nouveau raviné le bitume et l'adhérence est plus précaire que jamais. Voici un petit florilège des commentaires des intéressés. Ayrton Senna : « Je n'ai rien contre les circuits en ville, mais celui-ci a le plus mauvais revêtement que j'ai vu jusqu'à présent. Trop bosselé pour les F1. Les roues patinent encore à fond de cinquième ! » Patrick Tambay : « Ce circuit est nul, il n'apporte aucun plus à la Formule 1. Un show promotionnel ? Du rodéo oui ! Ce n'est pas sérieux... » Philippe Alliot : « On a coulé un peu de bitume en certaines portions, pour égaliser la piste. Mais, en d'autres endroits, le revêtement s'est détérioré. C'est du pareil au même d'une année sur l'autre. »
Les autorités politiques envisagent la construction d'un circuit permanent à Belle-Isle, sur le modèle du circuit Gilles-Villeneuve. Mais cette idée n'a pas les faveurs de Bernie Ecclestone.
Il y a du mouvement chez Toleman, peut-être en prévision d'une future prise de contrôle par Benetton : le directeur sportif Peter Gethin quitte ses fonctions. Il est remplacé par Peter Collins qui vient de présenter sa démission à Frank Williams.
Il n'y a quasi pas d'innovations puisque les voitures ont directement été acheminées de Montréal à Détroit. Les deux Williams sont équipées du nouveau moteur Honda type E. Chez Ligier, Jacques Laffite utilisera à son tour en course l'EF15.
Les qualifications
La pluie s'invitant le samedi après-midi, la grille est déterminée par les essais de la veille. Senna écrase la concurrence en signant sa quatrième pole position de l'année, laissant tout le monde à plus d'une seconde. C'est le cinquième position de pointe consécutive des Lotus. De Angelis se contente du huitième rang car il s'est violemment accroché avec Tambay, ce qui l'a contraint à se rabattre sur sa voiture de course équipée du moteur EF15 à petits turbos. Toujours excellent sur les tracés urbains, Mansell se hisse en première ligne, trois places devant Rosberg. Les Ferrari sont fort peu à l'aise sur les bosses. Alboreto se classe tout de même troisième et Johansson neuvième. Détroit n'est décidément pas le circuit de Prost : vendredi matin, il heurte une barrière et se foule le poignet droit sur un mauvais retour de volant. Grâce aux soins de Willy Dungl, il peut monter dans son mulet et signe le cinquième chrono. Lauda (12ème) a rencontré des problèmes de boîte de vitesses.
Les Renault sont particulièrement instables mais à nouveau Warwick (6ème) s'en tire mieux que Tambay (15ème). Le Cannois a dû utiliser l'EF15 à petits turbos suite à sa collision avec de Angelis. Cheever (7ème) tire un excellent parti de son Alfa Romeo, au contraire de Patrese (14ème). Les Brabham-BMW (Piquet 10ème, Surer 11ème) sont à la dérive, toujours à cause des pneus Pirelli. Bien que qualifié sur son mulet, Fabi (13ème) est plus rapide que les Ligier-Renault (Laffite 16ème, de Cesaris 17ème). Les Tyrrell-Ford-Cosworth ont une dernière occasion de briller sur ce tracé tortueux, mais Brundle (18ème) et Bellof (19ème) s'élanceront de très loin. Les Arrows-BMW sont ici très décevantes : Boutsen (21ème) roule avec son mulet tandis que Berger (25ème) tape deux fois le muret avec violence. Le jeune Autrichien fait même un court passage par l'hôpital vendredi après-midi pour examen. On retrouve en queue de classement les RAM-Hart (Winkelhock 20ème, Alliot 23ème) et l'Osella-Alfa de Ghinzani (22ème). Quant à Martini (26ème et dernier), il n'a pas effectué le moindre tour rapide, son moteur Motori Moderni refusant de tourner rond...
Le Grand Prix
La perte de la journée du samedi ennuie beaucoup les ingénieurs qui ne connaissent pas l'état réel de la piste et ignorent si les freins en carbone tiendront la distance. Ce circuit est en effet dépourvu de lignes droites suffisamment longues pour laisser le temps aux plaquettes et aux disques de se refroidir. Ainsi par exemple, Mansell et Senna choisissent les freins SEP, tandis que Rosberg, de Angelis, Prost et Lauda optent pour des freins en acier. Côté pneus, un consens se dégage chez Goodyear autour d'une combinaison A-B. Seuls les pilotes Tyrrell montent des C tendres. Quant à Rosberg, il se singularise en sélectionnant quatre B « médiums ». Son équipier Mansell opte lui pour quatre A.
Départ: Mansell effectue un meilleur envol que Senna et vire en tête au premier virage. Prost est troisième. Rosberg prend un départ-éclair et efface Alboreto. Suivent de Angelis, Cheever et Warwick.
1er tour: Au troisième virage, Senna se jette à l'intérieur et repasse devant Mansell. Plus loin, Rosberg déborde Prost dans Larned Street, puis double Mansell sous le tunnel. Ghinzani tape un mur et abandonne, suspension cassée. A la fin de ce tour Senna mène devant Rosberg, Mansell, Prost, Alboreto, Warwick, de Angelis, Johansson, Piquet et Lauda. Cheever entre aux stands avec un pneu à plat.
2e: Senna est sous la menace de Rosberg. Cheever reprend la piste bon dernier. Boutsen a perdu un morceau d'aileron avant lors d'une touchette mais demeure ainsi en piste.
3e: Senna distance quelque peu les Williams. Alboreto met la pression sur Prost. De Angelis prend la sixième place à Warwick.
4e: Prost rencontre comme prévu des problèmes de freins. Il laisse passer Alboreto puis de Angelis. Winkelhock stoppe sur le bord de la piste avec un turbo cassé.
5e: Senna et Rosberg ont semé Mansell. Jusqu'alors onzième, Fabi abandonne suite à une panne d'embrayage.
6e: Senna ne parvient pas à se défaire de Rosberg et comprend qu'il a choisi des pneus trop durs. Également mal chaussé, Mansell concède huit secondes aux deux hommes de tête. De Cesaris s'arrête à son stand pour changer une roue crevée.
8e: Johansson dépasse Warwick. Senna ralentit et s'engouffre dans la voie des stands pour changer d'enveloppes. Mais, faute d'une liaison radio avec son équipe, les hommes de Bob Dance lui refixent des Goodyear A... alors qu'il voulait mettre des B, comme Rosberg ! Le Pauliste reprend la piste en quatorzième position.
9e: Les deux Williams sont désormais en tête, Rosberg devant Mansell. Troisième, Alboreto est aussi en délicatesse avec ses freins et subit la forte pression de de Angelis. Martini s'arrête chez Minardi pour faire examiner son moteur.
10e: Rosberg précède Mansell (10.5s.), Alboreto (17.1s.), de Angelis (17.6s.), Prost (24s.), Johansson (24.7s.), Warwick (28.8s.), Piquet (30s.), Lauda (31.2s.), Brundle (31.9s.), Bellof (32s.), Laffite (33.1s.), Senna (34.7s.) et Boutsen (35.7s.).
11e: De Angelis prend la troisième place à Alboreto et s'échappe immédiatement. Lauda abandonne une nouvelle fois: ses freins en carbone n'ont pas tenu le coup. Patrese s'arrête aux stands pour faire observer son allumage défectueux.
12e: Piquet passe par les stands et fait retirer un débris qui obstruait une entrée d'air. Par erreur, Gordon Murray ordonne de changer les pneus du Brésilien... ce qui va altérer la tenue de route déjà médiocre de la Brabham. Les Tyrrell de Brundle et Bellof font leur apparition dans les dix premiers. Senna dépasse Laffite.
13e: Rosberg précède Mansell (11s.), de Angelis (19s.) et Alboreto (24s.). Johansson s'empare de la cinquième position aux dépens de Prost. Celui-ci n'a déjà plus de freins. Il espère simplement ne rien heurter et rallier l'arrivée...
14e: Warwick rencontre des problèmes de freins et se fait doubler par Brundle et par Senna. Bellof heurte légèrement l'arrière de la voiture de son équipier et perd son capot avant. Cela ne l'empêche pas de poursuivre son chemin.
15e: Johansson dépasse son équipier Alboreto. Senna frôle les protections au virage n°3 de Saint Antoine Street. Il continue sans problème mais emporte avec lui une botte de pneus qui se retrouve en plein milieu de la piste. Les commissaires parviennent à la dégager au bout d'une bonne minute. Cheever est victime d'une nouvelle crevaison et passe une seconde fois par son stand. Martini abandonne, moteur cassé.
16e: Tambay part en tête-à-queue à Atwater Street où le revêtement est abîmé. Le Français tape le muret intérieur et se retrouve dans le sens inverse de la piste. Il prend l'échappatoire et met pied à terre.
17e: De Angelis tourne dans les temps de Rosberg et rattrape Mansell. Brundle attaque et dépasse Prost dans le virage suivant le tunnel.
19e: Warwick renonce sur une rupture de demi-arbre de roue. De Cesaris chausse un troisième jeu de Pirelli.
20e: Mansell est à son tour presque privé de freins. Il emprunte une échappatoire et reprend la piste derrière de Angelis. Brundle continue son festival et accroche Alboreto à son tableau de chasse. Sans freins, Prost tire tout droit au virage n°2 et touche le béton. C'est la fin de la course pour le pilote McLaren. Patrese renonce avec un allumage définitivement hors d'usage.
21e: Rosberg précède de Angelis (25.1s.), Mansell (36.2s.), Johansson (36.8s.), Brundle (43.4s.), Alboreto (44.2s.), Bellof (54.3s.), Senna (55.9s.), Laffite (1m. 08s.) et Boutsen (1m. 09s.)
22e: Johansson double Mansell.
24e: Rosberg compte vingt-sept secondes d'avance sur de Angelis. Mansell s'arrête chez Williams pour changer de pneus et se retrouve dixième.
25e: Rosberg est premier devant de Angelis (28s.), Johansson (35s.), Brundle (42s.), Alboreto (44.6s.), Bellof (56s.), Senna (58s.) et Laffite (1m. 30s.). Troisième changement de gommes pour Cheever.
26e: Senna s'arrête une seconde fois à son stand, cette fois-ci pour chausser des Goodyear B plus tendres. Il redémarre sans avoir perdu de position.
27e: Mansell glisse sur le bitume ébréché du virage n°3 et percute les glissières, malheureusement juste à l'endroit où Senna a détaché une pile de vieux pneus. Le choc est sévère. L'Anglais quitte avec peine son habitacle et se tient le pouce droit. Il est évacué vers l'infirmerie du circuit.
28e: De Angelis tente de prendre un tour à Berger et à Surer, alors en bagarre. Le jeune Autrichien ignore la Lotus qui y laisse un morceau de moustache. Ayant laissé reposer ses freins, Alboreto contre-attaque et double Brundle par surprise.
29e: De Angelis rentre aux stands. Il change de pneus et de museau avant de repartir en neuvième position.
30e: Rosberg devance Johansson (38.6s.), Alboreto (46.8s.), Brundle (47.4s.), Bellof (52.7s.), Senna (1m. 27s.), Laffite (1m. 37s.), Boutsen (1m. 38s.), de Angelis (1m. 40s.) et Piquet (1m. 41s.).
31e: A la sortie du tunnel, Alboreto et Brundle fondent sur Alliot qui roule au ralenti à cause d'un moteur défectueux. Le Français se déporte à l'intérieur pour laisser le champ libre à la Ferrari avant le virage à droite. Mais il reprend aussitôt sa ligne et Brundle, surpris, le percute de plein fouet. Les deux monoplaces échouent dans l'échappatoire. Brundle quitte son habitacle furieux car il pouvait légitimement convoiter une place sur le podium.
32e: De Angelis se débarrasse de Boutsen puis de Laffite et se retrouve sixième derrière son équipier. A mi-course, il n'y a plus que treize voitures en piste.
34e: Rosberg devance Johansson (33s.), Alboreto (43s.), Bellof (54s.), Senna (1m. 17s.), de Angelis (1m. 37s.), Laffite (1m. 39s.) et Piquet (1m. 40s.).
35e: Grâce à ses pneus neufs, Senna est actuellement le plus rapide et remonte peu à peu sur Bellof.
37e: Piquet prend la septième place à Laffite.
40e: Rosberg est premier devant Johansson (36s.), Alboreto (48.7s.), Bellof (59.4s.), Senna (1m. 12s.), de Angelis (1m. 35s.), Piquet (-1t.), Laffite (-1t.), Boutsen (-1t.) et Surer (-1t.).
42e: Senna est revenu à dix secondes de Bellof.
44e: Trente-trois secondes entre Rosberg et Johansson. Senna est dans la roue de Bellof.
45e: Bien que largement en tête, Rosberg est inquiet car sa température d'eau augmente dangereusement. Il pense qu'une de ses ouvertures est bouchée par un débris. Senna prend la quatrième place à Bellof.
46e: Senna se lance à la poursuite d'Alboreto. Vingt secondes les séparent. De Cesaris exécute un tête-à-queue mais parvient à se relancer sans rien toucher.
48e: Patrick Head confirme par radio à Rosberg qu'une feuille de papier obstrue un de ses radiateurs. Le Finnois va devoir par les stands. Il n'a pourtant plus que vingt-huit secondes d'avance sur Johansson et risque de perdre la victoire dans cette mésaventure.
49e: Laffite perd progressivement l'usage de ses rapports de boîte et fait dépasser par Boutsen.
50e: Rosberg s'arrête à son stand pour faire nettoyer ses radiateurs. Contre son avis, Head fait aussi changer ses pneus. Fou furieux, Keke injurie son ingénieur puis se rue en piste... juste devant Johansson.
51e: Johansson menace Rosberg dont les pneus ont du mal à monter en température. Senna réalise le meilleur tour en course (1'45''612''') et rattrape Alboreto. Laffite passe chez Ligier pour chausser de nouveaux pneus.
52e: Senna est dans les échappements d'Alboreto. Mais au virage n°3, sa pédale de frein va au plancher. Comme Prost et Mansell, il percute très violemment les protections. Le Pauliste s'en tire avec un froissement des muscles de la main droite.
54e: Rosberg accélère et tente de distancer Johansson. L'intervalle est de deux secondes.
56e: Johansson maintient la pression et n'est qu'à trois secondes de Rosberg.
57e: Rosberg s'aperçoit que la température de son moteur augmente à nouveau: un autre morceau de papier s'est plaqué devant l'entrée d'air de la FW10 ! Johansson se rapproche...
58e: Johansson casse son disque de frein avant-droit. Le Suédois ralentit pour finir la course et ne peut donc plus attaquer Rosberg. Il n'a rien rein à craindre d'Alboreto qui lui roule sans freins...
60e: A trois tours du but, Rosberg précède Johansson (9s.), Alboreto (55.3s.), Bellof (58.9s.), de Angelis (1m. 18s.), Piquet (-1t.), Boutsen (-1t.), Surer (-1t.) et de Cesaris (-2t.).
61e: Nouvelle erreur de de Cesaris au virage n°2, mais de nouveau l'Italien parvient à relancer sa Ligier.
62e: Les Ferrari terminent à l'agonie tandis que Rosberg a les yeux rivés sur son compteur de température. Laffite s'immobilise avec une pompe à essence grippée.
63ème et dernier tour: Keke Rosberg remporte sa quatrième victoire, la première de la saison pour Williams-Honda. Les deux Ferrari de Johansson et Alboreto l'encadrent sur le podium. Bellof décroche une excellente quatrième place pour le compte de Tyrrell. De Angelis termine à nouveau cinquième, devant Piquet qui inscrit enfin son premier point de la saison. Boutsen finit septième après avoir disputé presque toute l'épreuve avec une seule moustache. Suivent Surer, Cheever, de Cesaris et Berger.
Après la course
Keke Rosberg affiche un franc sourire sur le podium car voici un an qu'il était privé de succès. « Nous ne sommes pas très loin de Dallas ici... J'ai enduré tellement de choses avant de revenir sur la première marche du podium... On sait que notre moteur est au niveau des meilleurs ! On peut enfin commencer à travailler sur le châssis, dont tout nous restait à découvrir à cause des soucis de moteur qui nous affectaient. Jusque-là, la combinaison ne nous paraissait pas évidente » dit-il entre deux bouffées de cigarette. Après un an et demi d'incertitude, l'alliance Williams-Honda atteindrait-elle enfin sa vitesse de croisière ? A voir, car Rosberg doit surtout son succès à son excellent choix de pneumatiques. Pour le moment, le Finlandais a l'esprit tourné vers Wiesbaden où son épouse Sina est le point d'accoucher. Le futur papa s'impatiente: « Alors, je suis plus rapide que mon fils ? » plaisante-t-il. Le petit Nico Rosberg naîtra quatre jours plus tard. Il saura se faire un prénom...
Nigel Mansell est bien moins heureux que son équipier. Il s'envole aussitôt pour l'Île de Man, où il réside, pour soigner au plus vite sa main blessée. Ayrton Senna a mené une course fantastique, mais il reconnaît sa responsabilité dans l'accident qui l'a mis hors-jeu: il a oublié de pomper sa pédale de freins. Du reste, le jeune Brésilien s'estime heureux de s'en tirer avec quelques muscles froissés: « Avec la force du choc, je ne devrais pas avoir un poignet foulé mais mes jambes cassées... Merci Ducarouge pour son châssis fabuleux ! »
Martin Brundle est en colère contre Philippe Alliot qui l'a expédié dans le décor au 31ème tour. Le Beauceron est atterré: « Alboreto remontait sur moi, je me suis écarté [...] Mais j'étais incapable de deviner la Tyrrell, placée sous son aileron, j'ai donc repris ma trajectoire normale. » Elio de Angelis s'emporte lui contre Gerhard Berger qu'il traite de « fou ». Il est vrai que le jeune Autrichien, certes rapide, se fait jusqu'ici surtout remarquer par ses multiples accidents.
Alboreto (31 pts) consolide son leadership devant de Angelis (24 pts) et Prost (22 pts). Johansson apparaît au quatrième rang avec treize unités. Au classement des constructeurs, Ferrari (47 pts) devance très nettement Lotus-Renault (33 pts) et Marlboro-McLaren (25 pts). Suivent Williams-Honda (17 pts) et Renault-Elf (12 pts). Alfa Romeo n'a toujours pas ouvert son compteur.
Tony