Transferts: Ayrton Senna chez Lotus, Niki Lauda vers Renault
Révélation de l'année 1984, le frêle et ascétique Brésilien Ayrton Senna suscite la convoitise des team managers, ce qui angoisse son employeur Alex Hawkridge, directeur général de Toleman Motorsport. Senna est cependant lié à son écurie par un contrat de trois ans et ne pourrait s'en défaire que moyennant un gros dédit. Il a d'ailleurs déclaré qu'il resterait fidèle à son écurie en 1985. Hawkridge se croit donc à l'abri de toute désertion de son jeune prodige. Mais cela n'arrête pas les grosses structures avec lesquelles Toleman ne peut rivaliser. Bernie Ecclestone aimerait ainsi attirer Senna chez Brabham, mais Nelson Piquet met un veto absolu à l'arrivée de ce compatriote dont il se méfie grandement. McLaren est aussi intéressée, d'autant plus que Senna est membre du Marlboro Worldchampionship Team. Il pourrait remplacer Niki Lauda si ce dernier partait chez Renault.
Mais c'est Peter Warr qui prend l'initiative au nom de Lotus-Renault. Senna mène les pourparlers via son manager Domingos Piedade. Avec l'aide de plusieurs avocats, Warr et Piedade conçoivent un plan en trois temps : la signature pratique et secrète du contrat entre le pilote et le JPS Team Lotus, la révélation de cet accord qui risque de provoquer Toleman, et enfin le rachat éventuel du contrat avec Toleman. Le Brésilien paraphe son contrat peu avant le Grand Prix d'Autriche. La « bombe » explose le 26 août, au soir du GP des Pays-Bas, et prend Hawkridge de court. Le Toleman Group Motorsport réplique en termes vengeurs et affirme que Senna devra régler un dédit de 130 000 dollars. Somme que paiera Lotus... Sûr de son fait, Senna vole vers Londres l'âme en paix.
L'arrivée de Senna chez Lotus entraînera le départ de Nigel Mansell qui ne s'est jamais bien entendu avec Peter Warr. L'Anglais paie son inconstance et son caractère parfois difficile, mais il ne devrait pas demeurer sans volant car Frank Williams songe à lui pour remplacer Jacques Laffite.
Tout aussi discrètement, Niki Lauda et Gérard Larrousse ont poursuivi leurs tractations. Mi-août, le champion autrichien s'est rendu incognito Quai du Point-du-Jour à Boulogne-Billancourt pour rencontrer Bernard Hanon. Renault accepte ses exigences financières astronomiques: un salaire de sept millions de francs. L'accord est conclu verbalement mais, retenu par sa direction, Larrousse déclare à Lauda qu'il ne peut pas lui faire signer le contrat pour le moment. Irrité par ce contretemps, Niki est donc l'expectative lorsqu'il arrive à Zandvoort. Ron Dennis souhaite toujours le conserver à ses côtés mais maintient ses conditions : une division par deux de son salaire. Lauda l'envoie promener...
Pendant ce temps-là Alfa Romeo a confirmé ses deux pilotes Riccardo Patrese et Eddie Cheever pour la saison 85, malgré leur entente toute relative...
Niki Lauda et Alain Prost: amitiés sincères
En Autriche, Niki Lauda s'est emparé de la tête du championnat aux dépens d'Alain Prost qui se retrouve pour la première fois de l'année dans la position du challenger. Pour le Français, Zandvoort est un mauvais souvenir : en 1983, il a commis ici une grossière erreur en s'accrochant avec Nelson Piquet, perdant sans doute le titre mondial dans cette mésaventure. Prost n'aime pas qu'on lui parle sans cesse de cet incident : « On me rabâche les oreilles sur mon accident de 1983 avec Piquet... A quoi bon ? Je ne suis plus le même homme. Je pense avoir changé. » Il paraît en effet plus mûr, plus serein dans l'adversité. L'atmosphère britannique de l'équipe McLaren, très professionnelle tout en conservant ce qu'il faut de chaleur humaine, dépourvue de toute fioriture bureaucratique, convient parfaitement à ce « Frenchie ». « Tous les bons éléments que j'ai connu en 1980 sont restés. L'ambiance est très sympa, ça n'a rien avoir avec la lourdeur de ce que j'ai connu chez Renault. » En outre, Prost s'entend parfaitement avec Niki Lauda et une saine émulation émane de leur rivalité sportive. Le France aiguise ses compétences techniques aux côtés de l'Autrichien qu'il ne quitte pas des yeux. Lauda doit pour sa part perfectionner son pilotage pour rivaliser avec un équipier de plus en plus rapide. Vaincre Prost devient pour lui un magnifique défi. Régulièrement vaincu aux essais, il s'applique à régler au mieux sa machine et à définir la meilleure stratégie de course possible. Sa grande expérience fait le reste, et cette tactique s'avère payante comme on l'a vu à Brands-Hatch et à Zeltweg.
Au plan humain, Lauda ne tarit pas d'éloges sur Prost : « Il est charmant, il a un cœur en or, et plus je le connais plus j'ai de l'affection pour lui. » Il le prend sous son aile et lui apprend comment mieux gérer ses relations publiques et... comment se détendre. Ainsi Niki « dévergonde » Alain en le traînant à quelques soirées passablement arrosées...
Présentation de l'épreuve
McLaren-TAG-Porsche peut remporter le titre des constructeurs lors de ce Grand Prix. Cela s'annonce aisé car pour empêcher cela il faudrait que Ferrari marque sept points de plus que l'équipe de Ron Dennis. Mission quasi-impossible vu le manque de compétitivité des voitures italiennes. Ce titre serait un beau cadeau d'anniversaire pour le V6 TAG-Porsche qui fête ici le premier anniversaire de son apparition.
En parallèle du recrutement de Senna, Lotus a mené d'âpres pourparlers avec Renault afin de renouveler leur partenariat. L'accord est finalement prolongé de trois saisons, jusqu'à fin 1987. Peter Warr ne voulait pas s'engager pour une durée aussi longue, mais Renault n'a pas accepté d'autre solution. Gérard Larrousse se félicite de cette prolongation : « Avec Lotus, nous jouons le jeu à fond. Nous fournissons des moteurs aussi développés que les nôtres. Nous en assurons la maintenance avec Mecachrome, à Bourges. Pour Lotus, nous sommes un partenaire solide, au même titre que JPS par exemple. A cette différence près que nous ne donnons pas les moteurs gratuitement comme Honda ou BMW... »
Vendredi après-midi se déroule l'assemblée générale de l'IRPA, l'association des journalistes de Formule 1. Les débats y sont très animés. En effet, depuis Monaco le président Bernard Cahier s'est rapproché de la FISA, juste après que Bernie Ecclestone a proposé à l'IRPA d'intégrer la FOCA. Comme argument déterminant, le patron de Brabham avait offert aux journalistes de garer leurs voitures sur le parking FOCA, toujours le mieux situé. Cahier avait repoussé cette proposition, ce qu'Ecclestone n'a pas digéré. Aussi ce dernier tente de saboter cette assemblée générale avec l'aide des journalistes italiens du magazine Rombo, en mauvais termes avec le photographe français. Les opposants se succèdent ainsi à la tribune, sous les sifflets des journalistes français et britanniques. Face à ce tumulte, Cahier et le comité directeur décident de démissionner en bloc, mais reçoivent aussitôt un confortable vote de confiance. Ecclestone ne s'avoue cependant pas vaincu et dès le lendemain distribue personnellement des cartes FOCA aux journalistes dissidents pour les récompenser de leur zèle...
Les voitures ont quitté l'Autriche pour rallier directement la Hollande. Il n'y a donc pas de modifications importantes. Chez Alfa Romeo, le dispositif de contrôle électronique d'injection est mis au placard en attendant sa révision. Ferrari présente toujours quatre monoplaces, deux à empattements courts, deux à empattements longs, avec anciennes suspensions à tirants pour les premières, nouvelles suspensions à poussoirs et basculeurs pour les secondes. ATS n'engage de nouveau qu'une seule voiture, celle de Manfred Winkelhock. Enfin, la Spirit de Huub Rothengatter est repeinte en orange pour le Grand Prix national du pilote hollandais.
Les qualifications
La bataille pour la pole position oppose encore Piquet à Prost. Le vendredi, c'est le Brésilien qui est le plus rapide. Mais Prost réplique le lendemain et arrache sa troisième pole de la saison. Sa McLaren est moins rapide que la Brabham mais elle dispose d'une meilleure motricité. Du reste, Piquet n'a pu améliorer son chrono de la veille à cause d'un monumental tête-à-queue. Autre concurrent sérieux, de Angelis échoue à un centième de Piquet. Les équipiers de ce trio ont eu moins de réussite : Lauda (6ème) a été gêné par du trafic, Fabi n'est que dixième bien que sa vitesse de pointe soit la plus élevée de toutes, et Mansell (12ème) n'a pas su mettre au point sa Lotus-Renault. Les Renault de Warwick et de Tambay se placent en embuscade aux quatrième et cinquième rangs. Les Williams-Honda se comportent un peu mieux, ce qui permet à Rosberg et à Laffite de peupler la quatrième ligne. Les Ferrari utilisent leurs nouveaux triangles de suspension, mais manquent cruellement de motricité. Si Alboreto (9ème) surnage, Arnoux (15ème) a rencontré beaucoup de problèmes de fiabilité.
Fortunes diverses chez Arrows-BMW : Boutsen obtient une excellente onzième place tandis que Surer, handicapé par un fort sous-virage, n'est que dix-neuvième. Des problèmes de moteur et de pneus repoussent l'ambitieux Senna au treizième rang. Comme d'habitude, de Cesaris (14ème) place sa Ligier-Renault devant celle de Hesnault (20ème). Winkelhock (16ème) a été gêné par des fluctuations de sa pression de suralimentation. Trop lentes, les Alfa Romeo de Cheever et de Patrese sont sur la neuvième rangée après avoir cassé trois moteurs. En queue de classement, on trouve les Osella-Alfa (Ghinzani 21ème, Gartner 23ème), les RAM-Hart (Palmer 21ème, Alliot 26ème) et les Tyrrell-Ford-Cosworth (Bellof 24ème, Johansson 25ème). Vingt-septième et dernier, Rothengatter est admis au départ du fait de la présence des Tyrrell, exclues du championnat du monde.
Le Grand Prix
Le warm-up du dimanche matin est écourté à cause de l'écroulement du balcon qui surplombe la partie supérieure des stands. On compte de nombreux blessés légers, ce qui est un moindre mal à la vue des importants dégâts matériels.
Prost décide de partir avec des pneus Michelin durs tandis que Lauda hésite plus longuement. Après un conciliabule avec son ingénieur Steve Nichols et Pierre Dupasquier, l'Autrichien prend un risque en chaussant des 05 tendres à droite. Même configuration chez Renault : Tambay part en 10, Warwick avec un panachage. C'est cette dernière option qui est choisie par Piquet et Fabi. Du côté de Goodyear, les Lotus et les Williams optent pour la sécurité avec des pneus D. Surer est victime d'une sortie de route dans sa boucle d'installation et doit s'installer dans son mulet. La piste a « pris » beaucoup de gomme au cours des essais et paraît glissante.
Pré-grille : Au signal « 1 minute », les mécaniciens de McLaren ne parviennent pas à faire partir le moteur de Lauda au moyen du démarreur pneumatique. Sur ordre de Ron Dennis, la McLaren est reculée pour être lancée « à la poussette » avant même que le départ du tour de chauffe ne soit donné. Cela est illégal, mais curieusement personne ne déposera plainte contre le Marlboro n°8.
Départ: Piquet prend un meilleur envol que Prost et le dépasse avant Tarzan. Tambay est troisième devant de Angelis et Rosberg. Lauda a trop laissé tomber son régime moteur et n'est que dixième au premier freinage.
1er tour: Winkelhock part en tête-à-queue après Hunserug mais il peut repartir avec l'aide des commissaires de piste. A Panorama Hesnault attaque Cheever mais les deux voitures se touchent et partent dans l'herbe. Toutefois ils parviennent à rejoindre la piste. Piquet mène devant Prost, Tambay, de Angelis, Rosberg, Warwick, Laffite, Alboreto, Lauda et Boutsen.
2e: Piquet compte une seconde et demie d'avance sur Prost. Tambay est à trois secondes. Lauda double Alboreto en fin de tour.
3e: De l'huile s'échappe du moteur de Piquet. L'asphalte va bientôt devenir encore plus glissant. Rosberg attaque de Angelis pour la quatrième place.
4e: L'écart entre Piquet et Prost est de 2.9s. Rosberg double de Angelis. Pendant ce temps-là Lauda est aux prises avec Laffite.
5e: Rosberg fait un début de course impressionnant. Il est maintenant derrière Tambay et ne tarde pas à le doubler. C'est bientôt de Angelis qui menace le pilote Renault. Lauda prend la septième place à Laffite et se lance à la poursuite de Warwick.
6e: Piquet précède Prost (2.8s.), Rosberg (6.8s.), Tambay (8.3s.) et de Angelis (8.5s.). Lauda double Warwick sur la ligne de chronométrage. L'Anglais ne peut pas résister car il manque de pression de suralimentation.
7e: Lauda est maintenant sur les talons du duo Tambay - de Angelis. Il attaque l'Italien à Panorama, sans succès.
8e: Lauda double de Angelis dans la grande ligne droite. Alboreto casse son moteur et entre à son stand pour renoncer.
9e: Piquet et Prost sont seuls au monde car Rosberg n'est pas en mesure de les rattraper. Lauda déborde Tambay dans la grande ligne droite et s'impose à Tarzan. Ghinzani abandonne suite à un problème de pompe à essence.
10e: Piquet devance Prost (3.9s.), Rosberg (12.3s.), Lauda (12.5s.), Tambay (14.4s.), de Angelis (15.1s.), Warwick (16.7s.) et Laffite (17.3s.). Fabi prend la neuvième place à Senna.
11e: Rosberg et Lauda sont roues dans roues. Le réservoir d'huile de Piquet est vide. La pression du lubrifiant tombe à zéro, et le Brésilien n'a pas d'autre choix que de se garer sur le bas-côté.
12e: Prost est désormais un solide leader. Lauda attaque Rosberg devant les stands et s'empare de la deuxième place à Tarzan. De Angelis est juste derrière Tambay mais ne trouve toujours pas l'ouverture.
14e: Prost compte huit secondes d'avance sur Lauda. De Angelis ne cesse d'attaquer Tambay.
16e: Lauda se rapproche peu à peu de Prost. Son choix de pneumatiques tendres parait le meilleur. Prost roule tranquillement car il croit que Rosberg est toujours derrière lui à cause d'une erreur de son panneauteur.
18e: De Angelis attaque Tambay à Tarzan, sans succès. Surer revient à son stand et abandonne à cause d'un porte-moyeu arrière brisé.
19e: Tandis qu'il double Alliot, relégué à un tour, de Angelis déborde Tambay par l'intérieur dans la grande ligne droite mais le Cannois le tasse contre le mur et il doit céder.
20e: Winkelhock, autre attardé, gêne de Angelis. Celui-ci tente de doubler l'ATS dans les virages lents du premier secteur, mais Winkelhock ne le voit pas et lui ferme la porte au nez. Les deux voitures se frottent et c'est grâce à un beau réflexe que de Angelis reste en piste après avoir escaladé un vibreur. Il parvient ensuite à se défaire de Winkelhock.
21e: Lauda n'est plus qu'à quatre secondes de Prost. Laffite prend la sixième place à Warwick. Alors en lutte avec Fabi, Senna est trahi par son moteur et rejoint la liste des abandons.
22e: Prost précède Lauda (2.8s.), Rosberg (17.7s.), Tambay (20.8s.), de Angelis (21.3s.), Laffite (24s.), Warwick (26.1s.), Arnoux (32.4s.), Boutsen (36.6s.) et Mansell (38s.). Fabi exécute un tête-à-queue à Tarzan. Il parvient à se relancer puis passe par les stands pour chausser des pneus neufs.
23e: Prost a moins de deux secondes d'avance sur Lauda. De Angelis ne parvient plus à suivre Tambay. Mansell prend la neuvième place à Boutsen.
24e: Prost comprend enfin que Lauda est à ses trousses et réagit en signant le meilleur tour en course. Le moteur de Laffite explose et répand de l'huile sur la piste. Arrivant juste derrière la Williams, Warwick et Winkelhock dérapent et atterrissent dans l'herbe. Ni l'un ni l'autre ne pourront repartir.
25e: Prost mène devant Lauda (1.3s.), Rosberg (24.5s.), Tambay (28.2s.), de Angelis (39.3s.) et Arnoux (45.1s.). Suivent Mansell, Boutsen, Patrese et de Cesaris.
26e: Rosberg baisse sa pression de suralimentation pour préserver de l'essence et aller au bout. Mansell a mené un début de course prudent pour ménager ses pneus mais désormais passe à l'offensive et prend la sixième place à Arnoux.
28e: Prost commence à creuser l'écart sur Lauda grâce aux dépassements des retardataires. Rothengatter fait changer ses pneus.
30e: Prost a maintenant trois secondes d'avance sur Lauda. Suivent Rosberg (31.9s.), Tambay (38.6s.), de Angelis (48.9s.), Mansell (50.5s.), Arnoux (54.4s.), Boutsen (1m.), Patrese (1m. 02s.), de Cesaris (1m. 13s.) et Fabi (1m. 14s.).
32e: De Cesaris casse son moteur et entre au stand Ligier pour abandonner.
33e: Patrese prend la huitième place à Boutsen.
34e: Prost maîtrise la situation avec trois secondes et demie de marge sur Lauda. Rosberg est relégué à 37 secondes, Tambay à près de 50 secondes.
36e: Cinq secondes d'écart désormais entre les deux pilotes McLaren.
37e: Tambay est en difficulté. De Angelis et Mansell reviennent sur lui. Le Français entre aux stands à la fin de ce tour.
38e: Tambay fait changer ses pneus et repart en neuvième position derrière Fabi. Boutsen chausse aussi des gommes neuves et ressort des stands onzième, derrière Cheever.
39e: De Angelis est maintenant quatrième mais Mansell le menace. Arnoux est désormais sixième.
41e: Quatre secondes et six dixièmes entre Prost et Lauda. L'Autrichien est gêné par un important trafic. Fabi prend la huitième place à Patrese.
42e: Mansell continue d'attaquer de Angelis mais ce dernier détient solidement sa quatrième place.
43e : Prost et Lauda tournent au même rythme. Niki comprend qu'il ne rattrapera pas Alain et choisit de ralentir sa cadence pour préserver ses pneus... et les points de la deuxième place.
44e: Fabi se rapproche d'Arnoux qui a concédé un tour aux deux McLaren. Tambay dépasse Patrese.
45e: Prost est leader devant Lauda (8.7s.), Rosberg (1m. 04s.), de Angelis (1m. 10s.), Mansell (1m. 11s.) et Arnoux (à un tour). Celui-ci est très menacé par Fabi et Tambay. Suivent Patrese, Boutsen, Cheever et Hesnault. Prost réalise son meilleur tour de l'après-midi :1'20''063'''.
47e: Arnoux se fait doubler par Fabi puis par Tambay.
48e: Rosberg est lent car il surveille sa consommation. Les deux Lotus le rattrapent. Cheever observe un changement de pneumatiques.
50e: Prost est premier devant Lauda (14.3s.), Rosberg (1m. 19s.), de Angelis (1m. 20s.), Mansell (1m. 21s.), Fabi (-1t.), Tambay (-1t.), Arnoux (-1t.), Patrese (-1t.) et Boutsen (-1t.).
52e: Mansell attaque de Angelis à Tarzan, sans succès. Sur ce, Prost revient sur les deux Lotus pour leur prendre un tour. Tambay s'empare de la sixième place aux dépens de Fabi.
53e: De Angelis tente de doubler Rosberg au bout de la longue ligne droite avant de se raviser. Saisissant l'occasion, Mansell déborde son équipier par l'extérieur à Tarzan. La manœuvre est hardie mais l'Anglais tient bon et prend ainsi la quatrième place. De Angelis s'efface ensuite devant Prost. Le moteur de Patrese cesse de fonctionner et l'Italien stoppe dans l'herbe.
54e: A l'abord de Tarzan Mansell plonge à l'intérieur pour passer Rosberg. Il contrôle superbement un début de dérapage et parvient à doubler la Williams. Rosberg se porte à sa hauteur dans l'enchaînement suivant mais Mansell ne cède pas. Le voici troisième. Prost tente ensuite de doubler Rosberg à Hunserug, mais il manque son coup, part en travers... et se rattrape magistralement.
55e: Prost perd du temps derrière Rosberg mais parvient à le dépasser pour de bon. Il double ensuite Mansell. Fabi reprend la sixième place à Tambay qui a perdu l'usage de sa cinquième vitesse.
57e: Lauda n'a pas profité de la petite faute de Prost et concède seize secondes à son équipier. Plus loin, Boutsen remonte sur Arnoux grâce à ses pneus moins usés.
58e: Rosberg est sous la pression de de Angelis. Il ne semble guère en mesure de lui résister encore longtemps.
59e: De Angelis attaque Rosberg à Tarzan mais le Finlandais lui ferme la porte au nez. Pour ne rien arranger, de Angelis doit surveiller Cheever dans ses rétroviseurs, à un tour certes, mais bien plus rapide que lui grâce à ses gommes neuves.
60e: Prost a maintenant vingt-deux secondes d'avance sur Lauda. De Angelis laisse passer Cheever et perd ainsi du terrain sur Rosberg. Rothengatter ne verra pas l'arrivée de sa course nationale à cause d'un câble d'accélérateur cassé.
61e: Arnoux entre aux stands pour changer de pneus, mais ce faisant change brusquement de trajectoire et surprend Boutsen qui était tapi dans son sillage. L'Arrows heurte l'arrière de la Ferrari, décolle, mais heureusement retombe aussitôt à l'endroit, avec une roue avant droite cassée. Arnoux continue tandis que Boutsen s'immobilise dans l'herbe, juste en face des stands.
63e: Les positions sont figées et de Angelis semble désormais trop loin pour menacer la quatrième place de Rosberg.
64e : Prost devance Lauda (21.9s.), Mansell (-1t.), Rosberg (-1t.), de Angelis (-1t.), Fabi (-1t.), Tambay (-1t.), Arnoux (-1t.), Cheever (-1t.) et Hesnault (-2t.).
65e: Arnoux est très rapide grâce à ses nouveaux pneus et réalise le meilleur tour en course: 1'19''465'''. Il est le seul pilote à tomber sous la barre des 1'20''.
67e: Cheever tombe en panne d'essence tandis qu'il occupait la neuvième place. L'Américain n'a pas vu le drapeau à damiers depuis le GP du Brésil....
69e: Mansell a repris son tour d'avance sur Prost qui ménage la mécanique. Arnoux est contraint à l'abandon à cause d'une panne d'allumage. Rosberg entre aux stands en fin de tour.
70e: Rosberg met pied à terre : malgré ses efforts, il n'y a plus une seule goutte d'essence dans son réservoir !
71ème et dernier tour: Alain Prost remporte sa cinquième victoire en 1984. Lauda est deuxième : ce doublé offre à McLaren le titre mondial des constructeurs. Mansell termine troisième et monte sur son deuxième podium de l'année. De Angelis est quatrième et précède Fabi qui inscrit des points pour la deuxième fois de suite. Tambay inscrit le dernier point et se transforme en taxi en ramenant Arnoux aux stands. Hesnault finit septième et devance Johansson, Bellof, Palmer, Alliot et Gartner.
Après la course
Cette victoire est la neuvième de la saison pour McLaren qui bat ainsi le record de victoires sur une année détenue par Lotus depuis 1978. L'équipe britannique remporte pour la seconde fois de son histoire le trophée des constructeurs, un an après les débuts du moteur turbo TAG-Porche. C'est un succès pour Ron Dennis qui en quatre ans est parvenu à conduire McLaren « Project Four » vers les sommets. Victoire aussi pour John Barnard, génial concepteur de la MP4/2, et pour Hans Mezger et Mansour Ojjeh, les « parrains » du V6 turbo TAG-Porsche.
Sur le podium, Alain Prost entend avec émotion La Marseillaise. Une semaine après son échec de Zeltweg, et un an après son accrochage avec Nelson Piquet, cette victoire en terre hollandaise revêt pour lui une signification particulière. « C'est sa plus belle performance de la saison. Il nous a montré une autre face de sa personnalité », déclare Mansour Ojjeh, admiratif. En outre, Prost a fait le meilleur choix de pneus et ainsi vaincu le maître en la matière, Niki Lauda. « Je reconnais ma grossière erreur, déclare l'Autrichien. Aujourd'hui, c'est Alain qui a bien misé. » Mais pour Pierre Dupasquier, Lauda n'a pas à rougir de son après-midi, bien au contraire : « Pour tenir cette cadence avec deux pneus tendres et ramener la voiture intacte à l'arrivée, il fallait vraiment s'appeler Lauda ! »
Malgré ce succès, Prost n'a pas récupéré la première place du championnat du monde et concède encore un point et demi à son équipier. « Je n'ai repris que deux points à Niki. C'est peu et mieux que rien... » déclare ce perpétuel insatisfait.
Au classement des constructeurs, McLaren-TAG-Porsche est donc inatteignable tandis que Lotus-Renault chipe la seconde place à une Scuderia Ferrari en pleine crise.
Affaire Tyrrell: sanction confirmée en appel
Mercredi 29 août 1984, place de la Concorde, le tribunal d'appel de la FIA se réunit sous la présidence de M. Manos Remvikos pour examiner la plainte de Ken Tyrrell dont l'écurie a été exclue fin juin du championnat du monde pour tricherie. La FISA a fondé sa décision sur les analyses menées par deux laboratoires sur l'eau et l'essence prélevées dans les Tyrrell 012 à Détroit. Elle a ainsi mis en avant que l'échantillon d'essence contenait 27,5 % d'aromatiques, ce qui supposait l'utilisation d'une essence non-conforme au règlement. A cela s'ajoutait notamment la grenaille de plomb découverte dans le réservoir d'eau et considérée comme un lest illégal. Pour se défendre, Tyrrell a demandé une contre-expertise et celle-ci signale que contrairement aux conclusions de la FISA, le prélèvement d'eau contenait moins d'1 % d'hydrocarbures. 96 % de ces fragments sont identifiés comme du Dimethyl Fornamide, un solvant de qualité courante. Tyrrell pense marquer un point décisif.
Or le tribunal décide d'ignorer son argumentation en changeant le procès. L'écurie anglaise se voit signifier trois nouveaux chefs d'accusation : présence d'hydrocarbures dans l'eau ; lest mobile dangereux ; trous dans le fond plat de la voiture (découverts à Brands-Hatch). A la première accusation, Tyrrell s'étouffe de rage, estimant avoir prouvé son innocence. Or, affirme le président Remvikos, des traces de carburant ont bien été découvertes dans le réservoir, même si elles sont infinitésimales. Autre point : la FISA suspecte Tyrrell d'utiliser un additif prohibé dans l'essence durant la première partie des courses, avant l'expulser lors de l'arrêt aux stands au moment où le lest est injecté. Mais aucune trace d'une telle substance n'a été découverte... Quant aux trous dans les fonds plats, Tyrrell affirme qu'il s'agit de deux orifices de vidange permettant à l'air de s'échapper pendant le ravitaillement effectué à haute pression. Patrick Head et John Barnard, cités comme experts, affirment que si ces perforations sont illégales, en aucun cas elles n'influent sur l'aérodynamique du véhicule. Reste que les 012 roulaient sans aucun doute en dessous du poids minimal durant une grande partie des Grands Prix, avant d'être lestées d'eau. Et Tyrrell ne peut prouver que son lest de plomb était fixé...
En conséquence, le tribunal d'appel confirme la peine infligée au Team Tyrrell, exclu du championnat du monde 1984. Blême, Ken Tyrrell ne s'attarde pas à Paris et hurle à la « parodie de justice ». Personne ne lui vient en aide. La FOCA et le RAC restent muets. En frappant Tyrrell, la FISA a voulu faire un exemple. Le constructeur britannique a sans aucun doute triché même si sa faute est plus bénigne que ce qui avait été supposé. D'autre part, cette sanction entraîne l'exclusion de Ken Tyrrell de la Commission F1 de la fédération. Or il était le seul membre à s'opposer au projet de changement de règlement qui prévoit de conserver en 1985 la capacité des réservoirs à 220 litres. Son élimination permet à cet amendement d'être adopté à l'unanimité requise, ce que souhaitaient Jean-Marie Balestre, Bernie Ecclestone et Enzo Ferrari. Cette « affaire Tyrrell » était donc bien aussi - et surtout - une affaire politique...
Classements (avant la disqualification des Tyrrell):
| Pilotes | |
| Constructeurs | |
1. | Lauda | 54 pts | 1. | McLaren-TAG-Porsche | 106.5 pts |
2. | Prost | 52.5 pts | 2. | Lotus-Renault | 42.5 pts |
3. | de Angelis | 29.5 pts | 3. | Ferrari | 39.5 pts |
4. | Arnoux | 24.5 pts | 4. | Renault | 33 pts |
5. | Piquet | 24 pts | 5. | Brabham-BMW | 32 pts |
6. | Warwick | 23 pts | 6. | Williams-Honda | 24 pts |
7. | Rosberg | 20 pts | 7. | Tyrrell-Ford-Cosworth | 13 pts |
8. | Alboreto | 15 pts | 8. | Toleman-Hart | 8 pts |
9. | Mansell | 13 pts | 9. | Alfa Romeo | 6 pts |
10. | Tambay | 10 pts | 10. | Arrows-BMW | 3 pts |
11. | Senna | 8 pts | 11. | Ligier-Renault | 2 pts |
12. | Brundle | 8 pts | 12. | Osella-Alfa Romeo | 2 pts |
13. | Fabi | 8 pts | 13. | Arrows-Ford-Cosworth | 1 pt |
14. | Bellof | 5 pts |
15. | Laffite | 4 pts |
16. | Patrese | 3 pts |
17. | Cheever | 3 pts |
18. | Boutsen | 3 pts |
19. | de Cesaris | 2 pts |
20. | Ghinzani | 2 pts |
21. | Surer | 1 pt |
Tony