Dallas, ton circuit pitoyable...
Le Grand Prix des États-Unis fait escale à Dallas au Texas. L'événement doit permettre à la célèbre cité texane, patrie du dollar et du pétrole, d'accéder au statut de ville de classe mondiale. Toutefois la course a été organisée très rapidement et les deux promoteurs, Don Walker et Larry Waldrop, n'ont pas trouvé de meilleur site que le parking du Fair Park. Ne doutant de rien, Walker et Waldrop ont investi dix millions de dollars et espèrent en rafler seize dès dimanche soir. Ils se sont associés à un troisième Texan, Carroll Shelby, le créateur de la mythique AC Cobra. Chris Pook, responsable de Grand Prix de Long Beach, essaie de les aider à améliorer les infrastructures. Il y a du boulot...
Le jeudi 5 juillet, les pilotes du World Championship Marlboro Team découvrent avec horreur ce circuit de Dallas, dessiné autour du Cotton Bowl, un immense stade de base-ball. C'est un tracé très tortueux, étroit, sans intérêt et surtout dangereux. La plupart des virages se négocient en aveugle et la piste est entourée de murs et de vieux pneus. Si les chicanes sont assez bien dessinées, certains freinages aboutissent directement sur le béton. Le revêtement temporaire est défectueux et bosselé à souhait. Cette piste ressemble plus à une « spéciale » de rallye qu'à un circuit de Formule 1. Devant les officiels américains, les pilotes n'osent pourtant guère élever la voix. Seul René Arnoux se récrie : « Pour nous, ce tracé urbain n'est pas du tout apte à un Grand Prix. Ce n'est pas parce que nous faisons un métier dangereux que nous n'avons pas le droit de nous plaindre ! » Mais face à la pression de la FOCA et des sponsors, les pilotes n'ont pas les moyens de se soulever. Mêmes leurs patrons les abandonnent. Arborant un splendide Stetson, Marco Piccinini fait rentrer Arnoux dans le rang. Un esclandre survient pourtant lorsque Don Walker désire contrôler la distribution des accréditifs, y compris ceux des concurrents habituellement réservés à la FOCA. Bernie Ecclestone s'accroche avec le Texan et le contraint à abandonner cette prétention.
Dans ce contexte, ce Grand Prix de Dallas pourrait tourner au désastre. La FISA est particulièrement critiquée. En effet, son règlement stipule que tout nouveau circuit inscrit au championnat du monde doit obligatoirement être homologué par la tenue d'une épreuve internationale probatoire. Or la mode des circuits temporaires a effacé cette règle : ni Las Vegas, ni Détroit, ni Dallas n'y ont été soumis. Ce laxisme est dénoncé par de nombreux journalistes. On s'étonne aussi de la grande discrétion de Jean-Marie Balestre. Sous ses dehors autocratiques, le président de la FISA n'est bel et bien plus que le complice de Bernie Ecclestone, lequel, en vertu des Accords Concorde, verse à la fédération un petit pourcentage des bénéfices de son « Formula One Circus ».
Discussions politiques: Ken Tyrrell contre le reste du monde
Au Texas, on discute autour de l'enquête menée autour des billes de plomb découvertes dans le réservoir de la Tyrrell de Martin Brundle à Détroit. Pour l'heure, Gabriele Cadringher est muet sur les premiers résultats, mais il y a clairement de la tricherie dans l'air... Dans le même temps, la FOCA se réunit à nouveau pour évoquer la capacité des réservoirs pour 1985. Encore une fois, la majorité souhaite conserver les 220 litres pendant que Ken Tyrrell prône une réduction à 195 litres. En tant que membre de la commission technique de la FISA, Tyrrell a une forte capacité de nuisance, mais étant soupçonné de tricherie, il pourrait fort bien se voir prochainement privé de licence et donc être écarté des débats, ce qui permettrait de débloquer la situation. De là à dire que l'affaire de Détroit tombe à point nommé pour le couple Balestre - Ecclestone...
Tyrrell n'est pas le seul mécontent. Gérard Larrousse accuse Brabham et Ferrari de préparer en sous-main le passage aux 195 litres pour 1986. Or cette capacité conviendrait parfaitement aux quatre cylindres qu'utilise Brabham-BMW et que prépare Ferrari. Cette conjonction d'intérêts entre Bernie Ecclestone et Marco Piccinini aurait permettrait de retarder le travail de la concurrence. Larrousse se prononce contre toute diminution de la cylindrée et propose des pistes alternatives pour réduire la puissance des moteurs.
Présentation de l'épreuve
En plein marasme, Euroracing n'a inscrit que six points depuis de le début de la saison, et Riccardo Patrese comme Eddie Cheever n'ont pas vu l'arrivée d'un Grand Prix depuis des mois. L'équipe italienne rejette la responsabilité de cet échec sur Autodelta qui prépare les V8 turbo Alfa Romeo. « Le temps de réponse du turbo est si long qu'il rend la voiture inconduisible ! » explique l'ingénieur Luigi Marmiroli. « A mon avis Alfa bute sur une inadaptation entre les caractéristiques de son V8 et son système d'alimentation. » L'éviction de Carlo Chiti doit permettre de bouger les choses. Le nouveau responsable d'Autodelta Giovanni Tonti a lancé le projet de construction d'un quatre cylindres turbos qui devrait être plus économique en carburant et mieux adapté aux turbos Avio. Signe du désarroi de cette écurie : Giampaolo Pavanello fait des avances à... Gérard Ducarouge !
De grosses chaleurs sont attendues au Texas, et par conséquent la plupart des teams ont travaillé en vue d'améliorer le rendement thermique des échangeurs et des radiateurs. Par exemple, Renault a creusé deux grandes ouïes dans les pontons. On aperçoit le même type d'aménagements sur les Lotus et les Ferrari. Les problèmes de tenue de route des Williams demeurent insondables. En désespoir de cause, Patrick Head a fait installer des porte-fusées de FW07 sur les FW09. Sans résultat...
La Brabham BT53 de Piquet arbore un nouveau radiateur d'huile antérieur plus petit que le précédent. Toute la partie avant de la voiture s'en trouve modifiée et perd de son esthétique. Retenu par une épreuve de CART, Teo Fabi abandonne une nouvelle fois son volant à son frère Corrado. Pour la première fois de l'année, Arrows aligne deux A7 à moteur turbo BMW. Marc Surer a en effet cassé l'A6 Ford-Cosworth qui lui était dévolue à Détroit... La géométrie des suspensions a été retouchée sur les RAM-Hart. Le moteur turbo Hart fait son retour sur la Spirit d'Huub Rothengatter. La petite équipe de John Wickham dispose en plus d'un mulet. Le grand luxe !
Les qualifications
Durant tout le week-end règne un soleil de plomb et les températures tombent rarement sous les 35°C. Mal conçu, le revêtement tend à fondre ou s'ébrèche sous forme de gravillons. Dès le vendredi l'asphalte commence à partir en miettes. La première séance est dominée par les deux Lotus-Renault de Mansell et de Angelis. Le samedi la chaleur est encore plus intense et la température au sol atteint les 66°C ! Les écuries s'adaptent et montent des radiateurs de fortune sur les machines. Les conditions ne permettent pas d'améliorer les chronos de la veille.
Mansell signe la première pole position de sa carrière avec six dixièmes d'avance sur de Angelis. C'est la première fois depuis 1978 que deux Lotus monopolisent la première ligne. Détestant ce tracé, de Angelis a mis à mal ses suspensions et la performance de Mansell ne lui permet pas d'améliorer son humeur... Warwick obtient le troisième chrono, loin devant Tambay (10ème) toujours à court de forme suite à son accident monégasque. Les Ferrari 126 C4 ont un comportement désastreux sur les bosses. Pourtant, Arnoux se hisse au quatrième rang pendant qu'Alboreto obtient une honorable neuvième place. Les essais sont difficiles pour les pilotes McLaren. Lauda (5ème) a tapé deux fois le mur tandis que Prost (7ème) a été constamment gêné par les drapeaux jaunes. Senna (sixième) est extraordinairement rapide, mais il résiste très mal à la chaleur et finit chaque salve de tours à bout de forces. Cecotto se contente du quinzième rang après un accident le vendredi. Rosberg est huitième au volant de la rétive Williams-Honda. Peu enclin à se dépenser au volant d'un tel « veau », Laffite (25ème) s'est contenté de se qualifier...
Les Brabham-BMW souffrent de sous-virage et sont repoussées en sixième ligne. Surprise : Corrado Fabi (11ème) devance d'une demi-seconde Piquet (12ème) qui a mis sa voiture dans le mur. S'appliquant à garder son (unique) ATS intacte, Winkelhock se classe treizième. Les Alfa Romeo (Cheever 14ème, Patrese 21ème) sont toujours aussi peu compétitives. Du côté de Ligier-Renault, de Cesaris (16ème) comme Hesnault (19ème) ont tâté du béton... Ils encadrent la Tyrrell de Bellof et l'Osella de Ghinzani. Les Arrows-BMW (Boutsen 20ème, Surer 22ème) ne brillent pas à cause d'incessants soucis techniques. Rothengatter obtient une méritante 23ème place. Alliot a signé le 24ème temps mais a démoli sa RAM contre un mur et ne pourra pas prendre le départ faute de mulet. Palmer est le dernier qualifié.
Et le héros de Détroit, Martin Brundle? Et bien, il est à l'hôpital. Vendredi après-midi, à l'abord de la première chicane, sa Tyrrell fait un brusque écart, peut-être suite à une crevaison. Elle heurte le béton puis rebondit au milieu de la piste et s'écrase contre le muret opposé. Cet accident est moins impressionnant que celui survenu à Monaco, mais cette fois tout l'avant de la Tyrrell a été arraché. Brundle s'en tire relativement bien : fracture du pied droit et des légères fractures au pied gauche. La pose de broches est cependant indispensable. L'espoir anglais est contraint au repos forcé pour au moins trois mois.
Mansell aura donc attendu cinquante-cinq Grands Prix avant d'obtenir une place à la corde. Cette performance tombe à point nommé pour l'Anglais, très critiqué après son départ-catastrophe à Détroit. Il a ainsi reçu un blâme de la part de la FISA. Le premier de ses détracteurs n'est autre que son propre équipier Elio de Angelis. Leurs relations sont passablement dégradées et il est probable que l'un d'eux quittera Lotus en fin d'année. Ainsi, si de Angelis fait montre d'une régularité exemplaire, ayant terminé toutes les courses depuis le début de l'année, il est désormais régulièrement devancé en qualifications par Mansell, ce qui n'était pas le cas lors des saisons précédentes.
L'enfer texan
Au cours de ces essais mouvementés, les pilotes ont pu affiner leurs jugements concernant le circuit texan. Ils sont presque unanimes. René Arnoux peste toujours contre les tracés urbains américains : « Détroit et Dallas viennent de battre des records de médiocrité ! Il faut absolument arrêter ces circuits en ville déplorables.» Ses collègues haussent le ton. Alain Prost : « Je regrette vraiment d'être là. [...] Nous devons nous organiser, élever des protestations et se bouger. » Jacques Laffite : « Trop chaud, trop long, des bosses partout, une piste sale... Une vraie m****. » Quelques voix discordantes se font tout de même entendre. Derek Warwick, le roc de la Régie, estime que « bien ou mal, [les pilotes doivent] accepter toutes les pistes. Dallas n'est pas pire que certains autres tracés. Quant au pilotage, cette piste me procure pas mal de plaisir et de satisfaction. » Corrado Fabi « se sent bien ici », et ne regrette que « l'absence de l'air conditionné ». Quant au peu sociable Keke Rosberg, il s'en fiche, il est là uniquement pour courir...
Pendant que les pilotes pestent contre la mauvaise qualité du circuit, les Texans ont organisé quelques attractions. Parmi elles une course de vedettes à laquelle prennent part Stirling Moss et le comédien Patrick Duffy. Des célébrités en tous genres ont en effet été conviées pour assister au Grand Prix. La plus notable est l'ancien président des États-Unis Jimmy Carter.
Le Grand Prix
La course doit se dérouler le dimanche à 11h du matin afin d'éviter les grosses chaleurs de l'après-midi. Par conséquent le warm-up est avancé... à 7h30. Cet horaire bien matinal surprend apparemment Jacques Laffite qui se pointe dans son garage en pyjama ! Plus sérieusement, les pilotes sont très mécontents car la course de Can-Am de la veille a considérablement endommagé la piste. Du coup des ouvriers sont envoyés répandre en hâte du ciment à prise rapide sur l'asphalte... Le warm-up est annulé, mais beaucoup estiment que la coupe est pleine. Niki Lauda et Alain Prost demandent l'annulation de l'épreuve. Mais ils se heurtent à l'opposition de Bernie Ecclestone. 108 000 spectateurs sont déjà présents sur le circuit et ne peuvent pas être déçus... Lauda réclame alors une dizaine de tours de reconnaissance avant d'arrêter une décision. En vain. Finalement, la distance est réduite de 78 à 68 tours et Derek Ongaro autorise trois tours de chauffe avant le déclenchement de la procédure de départ.
La canicule redoutée est bien là : on frôle les 35 degrés. Les voitures sont équipées d'une flopée de « boas » pour amener de l'air dans les cockpits. Les pilotes Williams possèdent des casques munis d'un système de refroidissement. Chez Michelin, tout le monde choisit des pneus durs. Du côté de Goodyear, les Williams, les Lotus et la Ferrari d'Arnoux ont des pneus C assez tendres. Alboreto est chaussé de A très durs.
Grille de départ: Winkelhock va s'élancer dernier à cause d'un souci de moteur. Il est rejoint par Arnoux qui ne parvient pas à faire démarrer son V6 lors du tour de chauffe. Le départ du tour de formation est donné par Larry Hagman, le célèbre acteur interprétant J. R. Ewing dans la série télévisée Dallas.
Départ: Très bon démarrage de Mansell qui conserve la tête devant de Angelis, Warwick, Senna, Lauda et Prost.
1er tour: Rosberg double Prost. Ghinzani pousse Hesnault au virage n°5. Le Français repart avec un aileron endommagé et tape le mur quelques mètres plus loin. Il doit renoncer. Mansell mène devant de Angelis, Warwick, Senna, Lauda, Rosberg, Prost, Alboreto, Tambay et Cheever. Arnoux a pris un splendide départ et est revenu au dix-huitième rang. Cecotto est dans les stands : il a crevé après avoir roulé sur les débris de la Ligier d'Hesnault.
2e: Senna a touché un mur. Victime d'une crevaison lente, il part en tête-à-queue dans un enchaînement droite-gauche. Heureusement tout le monde parvient à l'éviter. Il parvient à repartir une fois que tout le peloton est passé. Le voici 23ème. Piquet prend la neuvième place à Cheever. Une voiture de sécurité est en piste, semble-t-il pour permettre l'évacuation de la Ligier de Hesnault, mais la course n'est pas neutralisée.
3e: Mansell compte une seconde d'avance sur de Angelis qui s'aperçoit que son moteur ratatouille. Le Romain est menacé par Warwick. Lauda est distancé. Arnoux est seizième et va être longtemps bloqué derrière Boutsen.
4e: Mansell commence à s'échapper en tête de la course. Warwick double de Angelis en fin de boucle. Senna est aux stands pour changer ses roues.
5e: Quatre secondes d'écart entre Mansell et Warwick. Tambay prend la septième place à Alboreto.
6e: De Angelis rencontre un problème d'injection dû à l'utilisation de l'essence réfrigérée par Lotus-Renault.
7e: Lauda prend la troisième place à de Angelis. Piquet double Alboreto qui regrette d'avoir choisi des gommes avant trop dures. De Cesaris est sur ses talons.
8e: Warwick se rapproche de Mansell: l'écart entre les deux pilotes n'est plus que d'une seconde et demie. Lauda, de Angelis et Rosberg roulent en trio. De Cesaris prend la neuvième place à Alboreto.
9e: Une demi-seconde entre Mansell et Warwick. Cheever perd le contrôle de son Alfa Romeo et heurte le mur.
10e: Mansell mène devant Warwick (0.3s.), Lauda (8.5s.), de Angelis (9.6s.), Rosberg (10.3s.), Prost (12.9s.), Tambay (18s.), Piquet (20.8s.), de Cesaris (24s.) et Alboreto (31s.). Senna exécute un second tête-à-queue, au même endroit qu'au deuxième tour. Bellof fracasse sa Tyrrell contre un muret. Il sort de sa voiture et traverse assez dangereusement la piste en courant.
11e: Warwick est juste derrière Mansell. A l'abord d'un virage à droite très serré, il déborde la Lotus par l'extérieur mais ses freins sont sans doute encore trop froids. La Renault part en tête-à-queue et heurte la barrière de pneus par l'arrière. Warwick renonce, très déçu car il avait sans doute la meilleure voiture de ce dimanche.
12e: Mansell a ralenti et n'a plus que deux secondes de marge sur Lauda, très menacé par de Angelis. L'Italien reprend la deuxième place à l'Autrichien en fin de boucle. Les deux Lotus-Renault sont en tête. Fabi et Arnoux sont en bagarre pour la dixième place.
13e: Rosberg attaque Lauda pour la troisième place. Patrese écrase son Alfa Romeo contre un mur.
14e: Mansell ne compte plus qu'une seconde d'avance sur de Angelis. Suivent Lauda, Rosberg et Prost en un mouchoir de poche. Rosberg finit par dépasser Lauda qui rencontre des soucis avec son moteur.
15e: Mansell, de Angelis et Rosberg sont roues dans roues. Les McLaren sont distancées et Prost attaque Lauda. Arnoux double Alboreto.
16e: Contact entre de Cesaris et Cecotto. Le pilote Ligier doit abandonner mais le Vénézuélien peut continuer.
17e: Prost double Lauda. Tambay est revenu derrière les McLaren. Rothengatter renonce à cause d'une fuite d'essence sur sa Spirit.
18e: Mansell devance de Angelis (0.6s.), Rosberg (1s.), Prost (8.7s.), Lauda (10s.) et Tambay (11.5s.). Fabi prend la neuvième place à Alboreto.
19e: De Angelis se porte à la hauteur de Mansell au virage n°17 mais celui-ci lui ferme sans vergogne la porte au nez. Dans la ligne droite suivante, Rosberg surprend de Angelis et le déborde par l'intérieur.
20e: Rosberg est désormais à l'attaque derrière Mansell. Mais celui-ci ne lui laisse aucun espace. Dans une courte ligne droite Rosberg essaie de faire l'intérieur à l'Anglais. Mais Mansell se rabat devant lui et les roues des deux voitures se touchent. Rosberg doit céder et sera très irrité par cette manœuvre dangereuse. Changement de pneus pour Fabi.
21e: Au même endroit qu'au tour précédent, Rosberg se place à l'intérieur pour doubler Mansell. Ce dernier serre le Finlandais et l'emmène dans la poussière. Il faut toute l'adresse de Rosberg pour éviter à sa Williams de taper le mur. Pendant ce temps-là, de Angelis ménage son moteur et se fait rattraper par les McLaren.
22e: Craignant une surchauffe ou une collision, Rosberg décide de laisser Mansell tranquille pour le moment. Prost se rapproche du trio de tête. Alboreto est aux stands pour chausser des pneus tendres comme Arnoux. Il ressort treizième. Lauda réalise le meilleur tour en course: 1'45''353'''.
24e: Mansell précède Rosberg (0.9s.), de Angelis (5.3s.), Prost (5.6s.), Lauda (8.7s.), Tambay (12.3s.), Piquet (24s.) et Arnoux (28s.).
26e: Suite à une mésentente avec Cecotto, Tambay tâte un mur par l'arrière droit et perd une roue. Quant au Vénézuélien, il regagne les stands avec une suspension pliée. Piquet entre dans les points.
27e: Mansell commet une faute qui permet à Rosberg de se rapprocher un peu plus. De Angelis et Prost sont désormais à moins d'une seconde des deux leaders.
28e: Mansell change plusieurs fois de trajectoire pour empêcher Rosberg de prendre l'aspiration, ce qui exaspère celui-ci.
29e: Après un nouveau changement de ligne de Mansell, Rosberg brandit un poing rageur à son intention. Plus loin, Mansell se rabat devant Rosberg qui évite de justesse le tête-à-queue. Lauda est revenu derrière de Angelis et Prost.
30e: Prost déborde de Angelis et s'empare ainsi de la troisième place.
31e: Mansell précède Rosberg (0.1s.), Prost (1.9s.), de Angelis (3.1s.), Lauda (4.1s.), Piquet (27s.), Arnoux (32.3s.), Laffite (1m. 13s.), Ghinzani (1m. 20s.) et Boutsen (1m. 25s.). C. Fabi, Alboreto, Surer, Winkelhock, Palmer et Senna sont à un tour ou plus.
32e: Ghinzani s'arrête chez Osella pour changer de roues car son châssis vibre, conséquence de l'accrochage avec Hesnault.
33e: Rosberg attaque Mansell qui bloque encore son rival. Dans le court enchaînement où Warwick est parti à la faute, Mansell dérape et se rattrape magistralement. Rosberg et Prost sont justes derrière la Lotus. Dans la petite ligne droite qui suit, Prost déborde Rosberg par l'intérieur et s'empare de la deuxième place.
34e: Prost est désormais le chasseur de Mansell. Mais Rosberg est à l'affût, ainsi que de Angelis et Lauda qui observent la situation.
35e: Prost sort trop large dans un virage, ce qui permet à Rosberg de lui reprendre la deuxième place. Le Finlandais repart à l'attaque de Mansell. Alboreto prend la neuvième place à Boutsen.
36e: Dans un virage serré, Mansell frôle le mur avec sa roue arrière-droite. Dans la ligne droite qui suit il se fait dépasser par Rosberg. L'Anglais aura résisté pendant trente-cinq tours aux attaques de ses poursuivants. Mais il n'abdique pas: au « virage Warwick », il plonge à l'intérieur, parvient à la hauteur de Rosberg... et freine en catastrophe pour éviter l'accrochage. Le Finnois lui a montré le poing pour le prévenir qu'il ne céderait pas.
37e: Rosberg est en tête et s'échappe. Mansell est désormais à la peine: Prost le dépasse, imité par de Angelis et Lauda. Il ne résiste guère car ses pneus sont très détériorés. Arnoux et Piquet sont en lutte pour la sixième place.
39e: Rosberg possède quatre secondes d'avance sur Prost. Mansell entre aux stands pour chausser un train de pneus neufs. Il repart septième après un long arrêt. Arnoux double Piquet et se retrouve donc cinquième.
40e: Il fait toujours très chaud et l'asphalte commence à fondre... De Angelis et Lauda se battent pour la troisième place.
42e: Prost se rapproche de Rosberg. Lauda prend la troisième place à de Angelis. Arnoux remonte sur ces deux pilotes.
43e : Prost est revenu à deux secondes et demie de Rosberg.
44e: Arnoux est le plus rapide en piste. Il est désormais dans le sillage de de Angelis qui a fusillé ses pneus comme Mansell.
45e: Alboreto prend la huitième place à Laffite.
46e: Prost est à deux secondes de Rosberg. Arnoux double de Angelis. L'accélérateur de Piquet se bloque. La Brabham part en tête-à-queue dans le dernier virage et heurte le mur de pneus. C'est l'abandon pour le champion du monde qui ne remportera pas une troisième victoire consécutive.
48e: Prost est maintenant derrière Rosberg et l'attaque. Palmer renonce suite à une panne d'allumage sur sa RAM.
49e: Rosberg commet une petite erreur et tire tout droit dans une échappatoire. Il parvient à repartir aussitôt mais entretemps Prost s'est emparé du commandement. Alboreto prend la sixième place à Mansell. Tandis qu'il évoluait au treizième rang, Senna est contraint à l'abandon par un arbre de transmission cassé.
50e: Prost précède Rosberg (3.6s.), Lauda (13s.), Arnoux (15s.), de Angelis (47.8s.), Alboreto (1m. 49s.), Mansell (-1t.), Laffite (-1t.), Boutsen (-1t.), C. Fabi (-1t.), Ghinzani (-2t.), Surer (-2t.) et Winkelhock (-2t.).
51e: Arnoux double Lauda. Le voici troisième.
52e: L'asphalte part en morceaux du fait de la chaleur. Ce sont de véritables graviers qui s'éparpillent sur la piste. Laffite double un Mansell en grandes difficultés. L'Anglais est désormais à un tour des leaders.
54e: Prost s'échappe en tête et semble se diriger vers la victoire. Rosberg ne peut pas le suivre et Arnoux est trop loin pour le menacer.
55e: Alboreto heurte le mur au niveau du virage n°6. Il range sa Ferrari sur le côté intérieur de la piste à la sortie du virage n°9 qui conduit sur la Seconde avenue.
57e: Prost commet une faute au virage n°6 et une de ses roues frotte le béton. La suspension est brisée et le pilote français parcourt encore quelques mètres avant de se garer derrière la Ferrari d'Alboreto. Rosberg retrouve le commandement.
58e: Rosberg mène avec neuf secondes d'avance sur Arnoux. Surer tape le mur et s'arrête, toujours dans le même virage n°9. Au même endroit Boutsen voit son moteur BMW rendre l'âme. Les deux équipiers rangent leurs Arrows près des épaves de Prost d'Alboreto. L'état de la piste est si lamentable que piloter devient un jeu d'équilibriste. Il devient impossible de mettre une roue hors de la trajectoire qui est encerclée par des monticules de gravillons.
60e: Rosberg est leader devant Arnoux (9s.), Lauda (52.3s.), de Angelis (1m. 24s.), Laffite (-1t.), Mansell (-1t.), Ghinzani (-2t.) et Fabi (-2t.).
61e: C'est au tour de Lauda de déraper au virage n°6 et d'heurter le mur. L'Autrichien se range sur le bord extérieur de la Seconde avenue qui devient un véritable parking puisque cinq voitures y sont arrêtées !
62e: Rosberg compte maintenant plus de dix secondes d'avance sur Arnoux. De Angelis est troisième à près d'un tour.
64e: Rosberg prend un tour à de Angelis.
66e: Comme les deux heures de course réglementaires sont atteintes, le tour suivant sera le dernier. Rosberg prend un deuxième tour à son équipier Laffite.
67ème et dernier tour: Keke Rosberg remporte le GP de Dallas, sa troisième victoire en F1, la première de la paire Williams-Honda. Parti dernier, Arnoux obtient une très belle deuxième place. De Angelis complète le podium. C'est un triplé pour Goodyear. Laffite est quatrième, ce qui est son meilleur résultat de l'année.
Dans l'ultime courbe, Mansell heurte un muret, ce qui donne le coup de grâce à sa boîte de vitesses. Dans les derniers mètres la Lotus ne peut plus avancer. Alors Nigel dégrafe son harnais, sort de sa voiture et se met à la pousser pour lui permettre de franchir la ligne d'arrivée. Le public encourage le courageux Anglais dont la tâche est rendue inhumaine par la fournaise. Il finit par s'évanouir et s'écroule presque théâtralement à côté de sa voiture. Les secours se précipitent et heureusement Mansell retrouve assez vite ses esprits. Par précaution, il est toutefois évacué en ambulance vers l'infirmerie.
Ghinzani récupère la cinquième place et inscrit ainsi ses premiers points en Formule 1. C'est un petit exploit qui fait beaucoup de bien à Osella. Mansell est classé sixième et sauve ainsi un point. Fabi cadet et Winkelhock sont les seuls autres pilotes à franchir la ligne d'arrivée.
Après la course
Frank Williams est heureux: son équipe retrouve le chemin du succès après plus d'une année de vaches maigres. En outre le V6 turbo Honda offre à la marque japonaise son premier succès en Formule 1 depuis 1967. Néanmoins, cette victoire doit beaucoup plus au talent de Rosberg et aux conditions particulières de l'épreuve qu'aux qualités de la FW09, châssis mal équilibré s'il en est.
Keke Rosberg reçoit les lauriers de la victoire de Linda Gray, autre actrice américaine remarquée dans le soap opera Dallas. En conférence de presse, le pilote finlandais critique vertement Mansell pour ses manœuvres dangereuses : « J'ai bénéficié de bonnes conditions de course et de beaucoup de chance. [...] Par chance, je veux parler de ma bagarre avec Mansell. Ce type est complètement stupide. Ses manœuvres pour me contenir sont indignes de la F1. Des manœuvres idiotes et dangereuses. » Le public américain, qui a pu admirer le courage de l'Anglais, n'apprécie pas ces remontrances et se met à huer le vainqueur... qui ne s'en émeut pas davantage.
Les coureurs ne s'attardent pas au Texas et n'ont qu'un désir : oublier au plus vite cette mascarade. Brillant deuxième, René Arnoux ronchonne toujours : « J'ai fait une course d'auto-tamponneuses... Je m'en tire bien. Je vais dire à Lauda ce que je pense. Nous avons perdu notre crédibilité en matière de sécurité en acceptant de courir à Dallas. » Le Grenoblois n'a cependant pas que des motifs d'insatisfaction : un télex du Commendatore lui apprend que lui et Michele Alboreto sont reconduits pour 1985 au sein de la Scuderia.
Ce Grand Prix ne change rien aux classements généraux. Il permet simplement à Rosberg, Arnoux et surtout de Angelis de se replacer dans la course au titre mondial. Au classement des constructeurs, Williams-Honda bondit à la quatrième place.
Classements (avant la disqualification des Tyrrell):
| Pilotes | |
| Constructeurs | |
1. | Prost | 34.5 pts | 1. | McLaren-TAG-Porsche | 58.5 pts |
2. | Lauda | 24 pts | 2. | Ferrari | 31.5 pts |
3. | de Angelis | 23.5 pts | 3. | Lotus-Renault | 29.5 pts |
4. | Arnoux | 22.5 pts | 4. | Williams-Honda | 24 pts |
5. | Rosberg | 20 pts | 5. | Brabham-BMW | 21 pts |
6. | Piquet | 18 pts | 6. | Renault | 20 pts |
7. | Warwick | 13 pts | 7. | Tyrrell-Ford-Cosworth | 13 pts |
8. | Alboreto | 9 pts | 8. | Alfa Romeo | 6 pts |
9. | Brundle | 8 pts | 9. | Toleman-Hart | 4 pts |
10. | Tambay | 7 pts | 10. | Ligier-Renault | 2 pts |
11. | Mansell | 6 pts | 11. | Osella-Alfa Romeo | 2 pts |
12. | Bellof | 5 pts | 12. | Arrows-Ford-Cosworth | 1 pt |
13. | Senna | 4 pts |
14. | Laffite | 4 pts |
15. | Fabi | 3 pts |
16. | Patrese | 3 pts |
17. | Cheever | 3 pts |
18. | de Cesaris | 2 pts |
19. | Ghinzani | 2 pts |
20. | Boutsen | 1 pt |
Tony