Querelles entre la FISA et l'ACM
L'ambiance est délétère en ce week-end de mai à Monte-Carlo. Certes, tout le monde pense à Gilles Villeneuve, le vainqueur de l'an dernier, tragiquement disparu deux semaines plus tôt. Une banderole « Grazie Gilles » est accrochée aux virages de la Piscine.
Mais le climat est surtout pourri par les querelles politiques. Un mois auparavant, lors du congrès de la FISA à Casablanca, le jeune président de l'Automobile Club de Monaco Michel Boeri a mené la fronde contre Jean-Marie Balestre. Celui-ci est bien décidé à rabattre le caquet à son rival. En tant que président de la FFSA, il a interdit aux Français d'officier durant ce Grand Prix. Cette mesure vexatoire vise Amédée Pavesi, l'influent président de l'Automobile Club de Nice, proche de Boeri, récemment nommé directeur de course en remplacement de Charles Deutsch, décédé. Furieux, Pavesi démissionne de la vice-présidence de la FFSA qu'il occupait.
Autre complication créée par Balestre : le refus d'admettre au bord de la piste les journalistes accrédités auprès de l'IRPA, l'organisation de Bernard Cahier. La FISA souhaite se rendre maîtresse des accréditations et délivrer sa propre carte aux journalistes. Mais Boeri comme Cahier sont inflexibles et sur ce point Balestre plie.
Le clivage politique entre les équipes de la FOCA et les « légalistes » a de moins en moins de sens. Ainsi les écuries d'usine se détournent du président Balestre qui entend réduire la consommation des turbos. D'autre part on a constaté lors du boycott d'Imola que la FOCA était loin d'être unie. Tout en réclamant toujours officiellement l'interdiction de la suralimentation, les Anglais admettent en secret que les turbos vont gagner la bataille technologique contre le V8 Ford-Cosworth. Bernie Ecclestone l'a compris en associant Brabham à BMW. Désormais Williams, McLaren et Lotus veulent aussi leurs turbos. Pour McLaren Ron Dennis entre ainsi en contact avec Porsche via la société TAG de Mansour Ojjeh, parrain de ce projet.
Avon quitte la Formule 1... ou pas
Le mardi 18 mai, le ciel s'écroule sur les petites équipes : Avon annonce son retrait de la Formule 1 ! Jean-François Mosnier, responsable du programme, affirme que celui-ci ne s'est pas révélé concluant. Le partenariat avec Theodore et Ensign est rompu.
Mais curieusement, pas celui avec RAM-March qui va continuer à recevoir des pneus de l'IRTS, mais devra se charger de sa propre assistance. Évidemment, cette affaire semble louche, et la vérité est qu'Avon a tout bonnement vendu tout son stock de gommes à John Macdonald. Ensign et Theodore sont sinistrées. L'équipe de Mo Nunn se débrouille avec un vieux stock dAvon datant de Long Beach. Celle de Sid Taylor pourra utiliser des Goodyear le samedi.
L'affaire de la Ligier JS 19
Le début de saison de l'équipe Talbot-Ligier a été désastreux. Seulement quatre points ont été inscrits par Eddie Cheever, tandis que le compteur de Jacques Laffite est bloqué à zéro. Mais voici enfin la Ligier JS19, fruit des réflexions de Jean-Pierre Jabouille. Cette voiture étonnante reprend en quelque sorte le principe de la Lotus 80 mais adapté aux jupes non coulissantes et inclinées. La suspension arrière est entièrement enfermée dans des pontons très rallongés qui font bloc avec l'aileron arrière.
Toutefois ces nouvelles jupes soulèvent la curiosité des commissaires techniques qui les examinent soigneusement avant d'auditionner Ligier et Jabouille. Le mercredi, le verdict de l'ACM tombe comme un couperet : la JS19 est déclarée illégale car il est interdit par le règlement d'avoir des jupes au niveau de l'aileron arrière. Les mécaniciens doivent scier en hâte une soixantaine de centimètres de jupes... Laffite fulmine, Ligier explose et dénonce un complot : selon lui Boeri ne lui pardonnerait pas son soutien au président Balestre. Plus calme, Jabouille ne s'en défend pas moins : « Les règlements manquent de précision. Ils n'indiquent pas sur quelle longueur il est autorisé d'accrocher les jupes sur les panneaux latéraux... » Toujours est-il que ce contretemps retire beaucoup d'équilibre à la nouvelle Talbot-Matra. Après des essais calamiteux, Jacques Laffite révèle ce qu'il pense de sa JS19 modifiée : « Cette voiture demeure inconduisible. D'accord, puisqu'ils le veulent, on va la faire cette course, et au premier problème, je rentre me garer aux stands. Je n'ai pas envie de me planter pour une telle connerie. »
Présentation de l'épreuve
L'autre grande nouveauté du week-end est l'apparition chez Renault d'un système d'injection électronique qui permet un meilleur couple et une plus grande souplesse du V6 turbo, tout en réduisant sa consommation. Le long temps de réponse et le manque de progressivité du turbo sur les tracés sinueux sont maintenant révolus. C'est une avancée technologique majeure, et selon Gérard Larrousse la clef qui va permettre à Renault-Elf de remporter les championnats mondiaux. BMW avec Bosch et Ferrari avec Magneti Marelli travaillent sur des procédés analogues.
La Scuderia Ferrari n'arrive à Monte-Carlo qu'avec une seule voiture, celle de Didier Pironi. Elle n'a en effet pas trouvé de remplaçant à feu Gilles Villeneuve, et il se pourrait bien que ce ne soit pas le cas avant la tournée nord-américaine. Bien des noms sont avancés : Rick Mears, Carlos Reutemann, Mario Andretti, Patrick Tambay, et même Alan Jones qui pourrait sortir de sa récente retraite. Dans un souci de sécurité et d'efficacité, la Ferrari 126 C2 de Didier Pironi est rigidifiée par des plaques de fibre de carbone.
Brabham a décidé de panacher ses chances pour le GP de Monaco : Nelson Piquet pilotera la BT50 à moteur turbo BMW, Riccardo Patrese la BT49D équipée du V8 Ford-Cosworth. Tous deux ont des freins en fibre de carbone. Chez Williams on teste un gros aileron arrière doté de « flaps » de grande surface. Les ATS D4 ont une nouvelle carrosserie fort jolie dessinée par un jeune ingénieur nommé Donald Hallyday. L'Ensign 181 est équipée d'une nouvelle suspension arrière tandis que sa livrée est désormais blanche et bleu nuit.
Les qualifications
Face au grand nombre de partants, et avec une grille de départ limitée à vingt places, la séance pré-qualificative du jeudi matin prend une grande importance. Sur les huit coureurs convoqués, cinq sont en effet éliminés d'emblée : Fabi, Paletti, Boesel, Serra et de Villota. Mass, Jarier et Warwick évitent le couperet. Toutefois, la qualification de Mass relève de la triche pure et simple puisque l'Allemand a utilisé son mulet, lequel est équipé d'un de ces fameux réservoirs vides prohibés. Ensuite Mass a repris sa voiture de course lestée et c'est celle-ci qui a été pesée par les officiels. Malgré le dépôt d'une plainte par Toleman, il ne sera pas sanctionné.
Depuis 1978, les Renault sont traditionnellement repoussées dans les bas-fonds en Principauté. Cette année, tout change : grâce au nouveau système d'injection électronique installé sur le V6 turbo. Le résultat est fabuleux : Arnoux obtient sa douzième pole position et devient le favori de l'épreuve. Malheureusement Prost est moins heureux : frappé par des soucis de fiabilité, il n'est que quatrième. Surtout, il a été gêné dans un de ces derniers tours rapides par... Arnoux. S'en suit une explication houleuse entre les deux équipiers.
Arnoux a chipé in extremis la pole à Patrese dont la Brabham-Ford-Cosworth est très agile ici. Patrese aurait sûrement conservé le meilleur temps s'il n'avait été bouchonné par de Cesaris. Plus sanguins que les Français, les deux Transalpins en viennent carrément aux insultes sitôt sortis de leurs voitures. Piquet est sans surprise moins heureux que son équipier avec la Brabham-BMW et n'est que treizième. Le troisième rang est occupé par Giacomelli qui bénéficie d'une excellente motricité. De Cesaris est septième. Les Alfa Romeo sont très en verve ici. La Ferrari manque de stabilité et Pironi se satisfait de son cinquième temps. La Williams FW08 manque aussi d'équilibre. Rosberg se classe sixième (sa première qualification à Monaco !) et Daly huitième. Les Tyrrell déçoivent: Alboreto est neuvième et Henton dix-septième. Les McLaren de Watson (dixième) et Lauda (douzième) souffrent d'un manque de motricité. Les Lotus sous-virent : Mansell est onzième et de Angelis quinzième. Satisfaction en revanche chez ATS avec les qualifications de Winkelhock (14ème) et de Salazar (20ème et dernier). Sur des JS19 transformées en hâte, Cheever (seizième) et Laffite (dix-huitième) se contentent de figurer. Enfin Surer est dix-neuvième avec la seule Arrows qualifiée.
Theodore et Ensign ont été frappées par la pénurie de pneus Avon. Goodyear a bien voulu dépanner Lammers et Guerrero mais cela ne leur a pas permis de se qualifier. Au banc des éliminés figurent aussi Baldi, Warwick, Jarier et Mass.
Le Grand Prix
Le samedi après-midi, Alain Ferté devient le premier pilote à remporter le Grand Prix de Monaco de Formule 3 deux années de suite. Au volant d'une Martini-Alfa Romeo, il devance son équipier Philippe Alliot ainsi que l'Argentin Oscar Larrauri (Euroracing).
La course commence sous un ciel bleu mais le risque d'averse est important pour la fin de l'après-midi. Les pilotes du camp Goodyear sont presque tous équipés d'une nouvelle gomme de type C. Chez Michelin, les combinaisons sont mixtes.
Départ : Arnoux démarre comme une balle et franchit Sainte-Dévote en tête. Giacomelli part très bien et double Patrese. Suivent Prost, Pironi et de Cesaris. Piquet a du mal à démarrer et se retrouve en dix-huitième position.
1er tour : Arnoux a déjà trois secondes d'avance sur Giacomelli qui lui-même devance nettement le peloton comportant Patrese, Prost, de Cesaris, Alboreto, Rosberg, Mansell et Daly. Prost déborde Patrese par l'extérieur sur la ligne de chronométrage.
2e : Prost se rabat devant Patrese à Sainte-Dévote et s'empare du troisième rang. Arnoux devance Giacomelli de quatre secondes.
3e : Prost se rapproche de Giacomelli tandis que Patrese doit contenir Pironi et de Cesaris.
4e : Prost attaque Giacomelli par l'extérieur dans la ligne droite principale : voici les deux Renault en tête du GP de Monaco.
5e : Arnoux devance Prost de sept secondes. Giacomelli ralentit, victime d'un bris de demi-arbre de roue. Il regagne les stands pour mettre pied à terre.
6e : Pironi tente d'attaquer Patrese dans la descente vers Mirabeau, sans succès.
8e : Arnoux précède Prost (7.4s.) et Patrese (14s.), lequel contient Pironi et de Cesaris. Trois secondes derrière ce groupe on trouve Alboreto et Rosberg roues dans roues. Puis vient Mansell, suivi par Daly et Watson.
10e : Arnoux est leader devant Prost (7.8s.), Patrese (13.8s.), Pironi (14.8s.), de Cesaris (16.4s.), Alboreto (17.9s.) et Rosberg (18.4s.). Suivent Mansell, Daly, Watson, Winkelhock et Lauda.
11e : Piquet tente de remonter après son départ calamiteux et prend la quatorzième place à Cheever.
12e : Huit secondes entre Arnoux et Prost. Pironi met une forte pression sur Patrese. De Cesaris est maintenant en retrait.
14e : Arnoux est toujours à l'attaque et maintient une avance de plus de sept secondes sur Prost.
15e : Arnoux touche une bordure à la sortie du premier S de la Piscine et part en tête-à-queue. Il parvient adroitement à éviter le rail et à arrêter la Renault dans le sens de la marche. Hélas, il cale. Prost le double, suivi par tout le peloton. Décidément maudit cette année, Arnoux sort en vitesse de sa voiture pour éviter de se faire happer par un concurrent. Lauda double Winkelhock.
16e : Prost est maintenant premier avec six secondes d'avance sur Patrese. Pironi est un peu semé par l'Italien. Les commissaires monégasques évacuent rapidement la voiture d'Arnoux au moyen d'une grue.
17e : Prost est gêné par Salazar, ce qui permet à Patrese de revenir à deux secondes. Salazar finit par s'écarter avant de regagner son stand pour faire régler son aileron. Henton est aussi aux stands car il a crevé son pneu arrière gauche.
18e : Les écarts sont resserrés : Prost a deux secondes et demie d'avance sur Patrese qui emmène Pironi et de Cesaris dans son sillage.
20e : Prost est premier devant Patrese (1.4s.), Pironi (2.2s.), de Cesaris (3.3s.), Alboreto (6.2s.) et Rosberg (7s.). Mansell est septième mais sa Lotus vaporise de l'huile, ce qui gêne son poursuivant immédiat Daly.
21e : Pironi se monte à nouveau entreprenant derrière Patrese. La bataille est furieuse, les deux pilotes sont à la limite. De Cesaris est juste derrière, en embuscade.
22e : Prost prend un tour à Surer. Rosberg chipe la cinquième place à Alboreto.
24e : Patrese se rapproche de nouveau de Prost, à moins de deux secondes. De Cesaris commence à ne plus suivre le groupe de tête.
25e : Watson double Daly. Salazar voit avec surprise son extincteur se déclencher accidentellement. Le cockpit de l'ATS est envahi de mousse. Fort heureusement, le Chilien parvient à s'arrêter sans dommage dans la montée vers le Casino. Voilà un incident peu banal.
26e : Patrese est revenu à sept dixièmes de Prost. Pironi est relégué à deux secondes et demie.
27e : De nouveau Prost accélère et se forge une avance de deux secondes sur Patrese. Pironi et de Cesaris sont revenus juste derrière le pilote Brabham. Rosberg a semé Alboreto et se rapproche peu à peu de de Cesaris.
29e : Cheever regagne le stand Talbot pour renoncer. Son moteur fume après qu'une canalisation d'huile s'est rompue.
30e : Les écarts se distendent. Prost mène devant Patrese (2.2s.), Pironi (4.1s.), de Cesaris (6.4s.), Rosberg (9.6s.) et Alboreto (14.2s.). Suivent Mansell, Watson, Daly, Lauda et Winkelhock. Laffite revient aux stands, épuisé par le mauvais comportement de sa voiture. Comme il l'avait annoncé, il refuse de faire plus d'efforts et abandonne.
31e : Prost revient sur de Angelis qui menace Piquet pour le gain de la douzième place.
32e : Prost est gêné par de Angelis, et sans surprise Patrese et Pironi le rattrapent sans mal. Winkelhock arrête son ATS dans l'échappatoire du Casino à la suite d'une avarie de différentiel.
33e : Prost tente de doubler de Angelis au virage du Bureau de tabac, sans succès. Finalement le jeune Italien s'écarte après le second S de la Piscine. Il laisse passer Prost, Patrese... mais se rabat devant Pironi avant la Rascasse, endommageant le capot avant de la Ferrari !
34e : De Angelis s'efface devant Pironi, de Cesaris et Rosberg. Patrese se montre dans les rétroviseurs de Prost au Portier. Tous deux reviennent sur Piquet qui les bloque dans l'enchaînement de la Piscine.
35e : Piquet ne se montre pas coopératif. Il ferme la porte à Prost avant Sainte-Dévote. Finalement il s'écarte devant Prost et Patrese dans la descente vers Mirabeau. Revenu comme un boulet de canon malgré son train avant ouvert, Pironi laisse aussi sur place le Brésilien.
36e : Prost, Patrese, Pironi, de Cesaris et Rosberg se tiennent en cinq secondes. Watson revient au stand McLaren avec une batterie à plat et un écoulement d'huile. Il renonce pour la première fois de la saison. De Angelis double Piquet.
38e : Prost accélère grâce à une piste claire. Il relègue Patrese à deux secondes et demie. Rosberg menace de Cesaris.
40e : Prost devance Patrese (2.5s.), Pironi (4.7s.), de Cesaris (7s.), Rosberg (7.5s.) et Alboreto (16.1s.). Suivent Mansell, Daly et Lauda. Les autres pilotes ont concédé un tour au moins.
42e : Patrese ne parvient plus à suivre Prost, tandis que Pironi se bat avec une Ferrari sous-vireuse et perd le contact avec la Brabham.
43e : Prost a trois secondes d'avance sur Patrese. Rosberg se fait très pressant derrière de Cesaris mais ne trouve pas le moyen de le doubler. L'Italien n'est pas très rapide car il a perdu deux cylindres de son V12.
45e : Quatre secondes et demie entre Prost et Patrese. Pironi, de Cesaris et Rosberg sont très proches.
47e : Patrese a repris une seconde à Prost. Mansell s'est frotté à Henton et regagne le stand Lotus. Ses suspensions sont intactes et il fait changer ses roues avant de repartir en dixième position.
48e : Les leaders prennent un second tour à Piquet. Celui-ci gêne son propre équiper Patrese. Résultat : l'écart avec Prost est désormais de cinq secondes. Pironi sème de Cesaris et Rosberg.
49e : Prost et Patrese prennent un tour à Lauda. Celui-ci est sous la pression de de Angelis.
50e : Prost devance Patrese (5.6s.), Pironi (11.9s.), de Cesaris (16.8s.), Rosberg (17.3s) et Alboreto (26.4s.).
51e : Piquet arrive au stand Brabham. Il a abîmé sa boite de vitesses en abusant de rétrogradages pour ralentir car le turbo BMW poussait même après qu'il eut levé le pied... C'est fini pour le champion du monde.
53e : Prost signe son meilleur tour de la course : 1'26''618'''. Patrese lui rend six secondes. De Angelis dépasse Lauda.
55e : Rosberg continue de harceler de Cesaris, sans succès. Le jeune Italien montre qu'il est capable de résister sous la pression.
57e : Lauda renonce suite à une chute de pression d'huile sur son moteur. Les deux McLaren ne sont plus en lice.
58e : Le ciel commence à devenir menaçant. Prost a sept secondes d'avance sur Patrese. Pironi est isolé, à quatorze secondes, tandis que Rosberg se démène pour pousser de Cesaris à la faute. Il est collé à l'arrière de l'Alfa Romeo mais est toujours « lâché » à l'accélération.
60e : Prost est premier devant Patrese (7.3s.), Pironi (15.7s.), de Cesaris (25.7s.), Rosberg (26.1s.) et Alboreto (47.2s.).
62e : Prost se dirige tranquillement vers la victoire avec neuf secondes d'avance sur Patrese. Daly remonte sur Alboreto.
64e : Une pluie fine tombe dans le secteur du circuit. Mais la piste est encore sèche.
65e : Las d'attaquer de Cesaris, Rosberg tente de trouver l'ouverture au virage du Bureau de Tabac. Hélas, il dérape et heurte la glissière. Il poursuit son chemin mais sa suspension avant droite est détruite. Il n'a plus qu'à regagne son stand pour abandonner.
66e : Prost mène devant Patrese (7.9s.), Pironi (13.2s.), de Cesaris (30.1s.), Alboreto (1m. 06s.), Daly (1m. 08s.), de Angelis (-1t.) et Mansell (-1t.).
68e : La pluie redouble dans la partie haute du circuit et les pilotes doivent se montrer très prudents. Cela n'empêche pas Pironi de revenir à trois secondes de Patrese dont les pneus commencent à fatiguer.
69e : Patrese réagit au retour de Pironi et réalise le meilleur chrono de l'après-midi : 1'26''354'''. Alboreto a semé Daly.
70e : Prost prend un cinquième tour d'avance à Surer dont le moteur ratatouille terriblement. La portion du circuit allant du Casino à la chicane du port est désormais glissante.
71e : Prost fait un geste à l'intention du directeur de course pour lui signifier que la piste est trop humide en haut de Monte-Carlo. Mais Michel Ferry ne bronche pas puisque les temps du Français tournent autour d'1'30'', ce qui est encore relativement rapide. A cause d'une jupe endommagée, Alboreto heurte un rail par l'avant gauche. Il arrête sa Tyrrell après la Piscine.
72e : Daly part en tête-à-queue à la sortie du Bureau de Tabac et heurte le rail en marche arrière. Il casse ainsi son aileron mais peut redémarrer. Cependant le carter et la pompe à huile de sa boîte sont endommagés et il roule lentement.
73e : Prost arrive derrière Daly et Mansell qui ne sont pas dans le même tour. L'Anglais laisse passer l'Irlandais, puis à Sainte-Dévote Prost le bouscule pour forcer le passage. Par chance, les roues de la Renault et de la Lotus se sont seulement frottées. Puis Daly cède la place à Prost.
74e : La pluie est toujours forte. Lorsque Prost remet les gaz à la sortie de la chicane, la Renault décroche soudainement à l'arrière, se met à l'équerre, percute violemment de face la glissière intérieure avant de rebondir contre le rail opposé. Une roue s'envole, sans toucher personne heureusement. Prost a subi le « coup du lapin » dans l'accident et sort sonné de sa monoplace. Patrese est maintenant en tête du Grand Prix.
75e : Dans la descente vers l'épingle du Loews, Patrese part en aquaplanage, effectue un tête-à-queue et atterrit sur le trottoir. La Brabham est intacte mais son moteur est muet. Pironi prend le commandement de l'épreuve, suivi par de Cesaris. Incroyable fin de course ! Pendant ce temps-là les commissaires poussent Patrese vers une échappatoire parallèle au Loews. Mais la zone est pentue, la Brabham glisse... Patrese enclenche la première, et repart en troisième position !
76ème et dernier tour : Pironi aborde cette dernière boucle en tête. Tout le monde lève le pied cependant à cause de la pluie, sauf Mansell qui repasse devant le leader et double de Angelis qui a cassé son collecteur d'échappement. Pironi laisse aussi passer Daly. Il est très lent lorsque sous le tunnel, la Ferrari refuse d'avancer : l'humidité a provoqué un court-circuit sur l'allumage ! De Cesaris récupère donc la victoire ? Pas du tout ! L'Italien est arrêté au niveau du Casino, en panne d'essence... Andrea quitte en larmes son Alfa tandis que les commissaires poussent Pironi vers une échappatoire. La victoire ira-t-elle à Daly avec sa Williams blessée ? Et non, sa boîte de vitesses n'a plus d'huile et Derek abandonne sa machine à La Rascasse.
Du coup, c'est Riccardo Patrese, reparti avec l'aide des commissaires, qui franchit la ligne d'arrivée en vainqueur. C'est sa première victoire en Formule 1, cinq ans après ses débuts sur ce même circuit. Mansell, de Angelis, Henton et Surer sont les seuls autres pilotes salués par le drapeau à damiers. Perchés sur le muret des stands, Mauro Forghieri et Dario Calzavara (le bras droit de Marco Piccinini) attendent Pironi... qui ne vient évidemment pas.
La confusion est totale. Patrese pense avoir gagné, mais n'en est pas sûr. Certains croient que le vainqueur est Mansell, avant de s'apercevoir qu'il avait encore une boucle de retard. Pendant ce temps-là, Patrese prend Pironi en stop sur le flanc de sa Brabham. Finalement, le classement sera le suivant : Patrese vainqueur avec un tour d'avance sur Pironi et de Cesaris. C'est le premier podium du pilote Alfa Romeo. Mansell est classé quatrième devant de Angelis et Daly qui marque son premier point pour Williams. Prost se classe septième devant Henton et Surer.
Après la course: Patrese le veinard
La cérémonie du podium est un joyeux tohu-bohu. Le président Boeri entraîne Patrese par le bras à travers la foule pour le présenter au prince Rainier et à la princesse Grace. Considéré par erreur comme le deuxième, Elio de Angelis est aux côtés de son compatriote pour entendre le Fratelli d'Italia, lorsque débarque Andrea de Cesaris, qui sait être dans les trois premiers mais pas à quelle place ! Boeri doit expliquer la situation aux trois Italiens...
Il fallait bien que Riccardo Patrese triomphe un jour ou l'autre. Certes c'est un homme très controversé, surtout depuis qu'il a été accusé d'être à l'origine de l'accident mortel de Ronnie Peterson à Monza en 1978. Sa rudesse au volant a aussi été pointée du doigt. Il n'en demeure pas moins un pilote très rapide, spectaculaire, un beau styliste agréable à observer. Bien sûr, son succès monégasque est sujet à contestation puisqu'il est reparti au 75ème tour avec l'aide des commissaires de piste. Mais sa Brabham était alors en travers de la piste et le règlement stipule qu'en ce cas les officiels doivent tout faire pour dégager la trajectoire. Ensuite, la route était en pente... Qu'y pouvait Patrese ?
Alain Prost est en revanche très déçu et se demande pourquoi la course n'a pas arrêtée plus tôt. Il jure ne pas avoir commis d'erreur au 74ème tour et que la Renault lui a échappé soudainement. Qui plus est, il n'est pas indemne : il s'est foulé la cheville et égratigné le genou gauche.
Le championnat des pilotes est extrêmement serré. Prost n'a plus inscrit de point depuis quatre courses, mais il est toujours premier avec dix-huit longueurs. Suivent Watson (17 pts), Pironi (16 pts), Rosberg (14 pts), Patrese (13 pts), Lauda (12 pts) et Alboreto (10 pts). Bien malin qui pourrait désigner un favori ! Chez les constructeurs la situation est à peine plus claire : McLaren est première avec 29 unités, puis viennent ex æquo Ferrari et Renault (22 pts), Williams (21 pts), Lotus (14 pts) et Brabham (13 pts).
Tony