Alain PROST
 A.PROST
Renault
René ARNOUX
 R.ARNOUX
Renault
Didier PIRONI
 D.PIRONI
Ferrari

368. Großer Preis

LXVIII Grand Prix de France
Sonnig
Le Castellet
Sonntag, 25. Juli 1982
54 Runden x 5.810 km - 313.740 km
Affiche
F1
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1982, « l'année Pironi »

En cet été 1982, les Français sont passionnés par le sport automobile et pour cause : un des leurs est en tête du championnat du monde de Formule 1. Avec 35 points, Didier Pironi s'est en effet solidement installé en haut de la hiérarchie et est le prétendant le plus sérieux à la couronne. Depuis la mort de Gilles Villeneuve, il est le leader incontesté d'une Scuderia Ferrari revenue à son meilleur niveau grâce à une Ferrari 126 C2 turbo rapide et très fiable. D'autre part, Pironi prend depuis quelques mois une autre dimension et s'affirme comme un champion de premier ordre. Sur la piste d'abord, où son style à la fois vif et coulé en fait un des ténors de la discipline. Mais aussi en dehors des circuits, où Didier fait face à de lourdes responsabilités, notamment comme président du PRDA. Depuis la grève de Kyalami, il est devenu le porte-parole de ses collègues et milite fermement pour l'amélioration de la sécurité.

 

Enfin, les drames de cette année 1982, sa rivalité avec Villeneuve au dénouement si tragique, l'accident de Riccardo Paletti à Montréal, ont affermi le caractère et la détermination de ce jeune homme au visage poupin. Il est secondé depuis le GP de Hollande par son ami Patrick Tambay qui réalise un « sans-faute » jusqu'ici. Après quelques années de galère, Tambay peut enfin s'épanouir au sein de la Scuderia et y a tout de suite trouvé ses marques.

 

Renault en plein doute

Renault-Elf aborde ce Grand Prix de France en pleine crise. Si Alain Prost a remporté les deux premières courses de la saison (et encore, son succès brésilien a été acquis sur tapis vert), depuis les voitures blanches et jaunes n'ont ramené qu'un seul petit point ! Presque intouchables en qualifications, les Renault sont systématiquement frappées en course par des soucis de fiabilité. Le boîtier d'injection électronique qui améliore les performances du turbo est notamment en cause. Gérard Larrousse mobilise ses hommes pour ce GP de France qui doit absolument être un succès. Le PDG de la Régie Bernard Hanon sera en effet présent.

 

Côté pilotes, Alain Prost est très amer. Si les Grands Prix ne duraient que quinze tours, il serait largement en tête du championnat du monde ! Il le mériterait. A 27 ans, ce surdoué du volant, patient, minutieux, supérieurement intelligent, a toutes les qualités pour devenir le meilleur pilote du monde. Il ne baisse pas les bras et estime que son retard de seize points sur Pironi n'est pas insurmontable. René Arnoux ne peut pas tenir le même discours. Depuis sa troisième place en Afrique du Sud, il a collectionné les mésaventures : collisions avec Reutemann à Rio et avec Giacomelli à Long Beach, pannes de moteurs à Imola et à Zolder, tête-à-queue à Monaco et à Montréal, problème d'injection à Détroit et enfin énorme accident à Zandvoort dont il est sorti miraculeusement vivant ! René espère donc enrayer cette série noire et si une occasion de succès se présente, il la saisira sans hésiter.

 

L'agonie de l'association Talbot - Ligier - Matra

Si cela va mal à Boulogne-Billancourt, que dire de la situation sur les bords de l'Allier ? Guy Ligier rumine sa colère. La JS19, conçue pour accueillir le V6 turbo Matra, est un échec total. La saison 1982 est ratée. Surtout, Ligier attend en vain de connaître le budget que doit lui allouer PSA pour l'exercice 1983. Jean Todt, nouveau patron de la compétition à Sochaux, a convaincu le président Jean-Paul Parayre de la superfluité du programme F1 de Talbot. La rupture avec Ligier est décidée, tout comme celle avec Matra. PSA refuse de débourser le moindre centime pour financer la construction du V6 turbo. Jean-Luc Lagardère a logiquement ordonné à Georges Martin d'abandonner la conception du turbo Matra. Guy Ligier est donc dans l'incertitude la plus totale. Eddie Cheever et même le fidèle Jacques Laffite songent à quitter un navire en perdition.

 

Pironi, Tambay, Prost, Arnoux, Laffite... Et le sixième Français ? A 36 ans, Jean-Pierre Jarier n'a plus grand-chose à espérer de sa carrière en Formule 1, surtout au volant de la modeste Osella. Il ne peut que prendre patience et espérer qu'enfin une bonne équipe fera appel à lui pour 1983...

 

Présentation de l'épreuve

Le 17 juillet, la commission de sécurité du PRDA s'est réunie pour examiner les dernières propositions techniques de la FISA. Le président Didier Pironi délivre à la presse un rapport qui affirme le « soutien unanime » des pilotes à la suppression des jupes. En revanche, ils s'opposent au retour des pneus striés et à une réduction excessive du poids des monoplaces.

 

Le lundi 19 juillet le tribunal d'appel de la FIA siège pour examiner la plainte déposée par Ken Tyrrell à Imola contre les moteurs turbos. Cette douce plaisanterie est en effet devenue très sérieuse. Tyrrell assimile les turbocompresseurs à des turbines, éléments interdits sur les Formules 1, et réclame ni plus ni moins que la mise hors la loi de la suralimentation ! Keith Duckworth est venu lui apporter son appui, sans grand enthousiasme. Max Mosley se fait l'avocat de cette cause désespérée. Sans surprise, les juges déboutent Tyrrell. Ils rejettent aussi la plainte de la FFSA qui réclamait la disqualification des McLaren, Lotus, Tyrrell et ATS au GP du Brésil, tout en confirmant les déclassements de Piquet et de Rosberg. Les querelles judiciaires ne sont cependant pas terminées : Frank Williams entame une action au civil contre la FISA, la FFSA et Renault pour protester contre la sanction brésilienne.

 

Après sa piètre prestation à Brands-Hatch, les médecins ont fermement conseillé à Nigel Mansell de ménager son poignet s'il veut guérir rapidement. Il fait donc l'impasse sur le GP de France. Colin Chapman le remplace cette fois-ci par l'expérimenté Geoff Lees, toujours disponible pour un intérim.

 

Brabham compte bien appliquer sa stratégie qu'elle n'a pu utiliser à Brands-Hatch : partir avec un réservoir à moitié plein pour ravitailler à mi-parcours. Il n'y a pas de modifications sur la BT50 mais le moteur BMW possède un système d'injection d'eau similaire à celui de Ferrari. Les Tyrrell 011 disposent de voies plus étroites. Celle d'Alboreto arbore un capot-moteur arrondi muni de deux prises d'air. Chico Serra n'utilise que fort brièvement la nouvelle Fittipaldi F9 et tentera de se qualifier avec la F8D de rechange, le modèle habituel ayant été détruit à Brands-Hatch. L'ingénieur en chef de Pirelli Mario Mezzanotte présente des pneus arrière extrêmement réduits de 315 mm, contre 405 mm en début d'année. « A quand des roues de vélo ? » se demandent des journalistes sarcastiques.

 

Les qualifications

Grâce à la ligne droite du Mistral, les turbos sont les maîtres ici. Ils développent en effet en moyenne cent chevaux de plus que les moteurs atmosphériques.

Les Renault dominent la concurrence lors des essais du vendredi et du samedi disputés sous une chaleur écrasante. Arnoux réalise sa quatorzième pole position en Formule 1. Prost était le plus rapide le vendredi, mais un problème de jupe le lendemain le relègue au second rang. Tous les autres pilotes concèdent plus d'une seconde aux RE30B. Viennent ensuite les Ferrari (Pironi troisième avec la voiture équipée de la boîte longitudinale, et Tambay cinquième) et les Brabham-BMW (Patrese quatrième et Piquet sixième). Les hommes de Paul Rosche n'ont pas chômé : Piquet et Patrese ont cassé pas moins de quatre turbos ! En quatrième ligne se placent les Alfa Romeo, premières voitures à moteurs atmosphériques. De Cesaris et Giacomelli concèdent plus de trois secondes à Arnoux ! On trouve ensuite les McLaren et les Williams équipées du DFV Ford-Cosworth. Lauda précède Rosberg, Daly et Watson. De Angelis est treizième avec la Lotus 91. Son nouvel équipier Lees se qualifie au 24ème rang.

 

Les Toleman-Hart ne confirment guère leurs performances de Brands-Hatch : Warwick est quatorzième et Fabi vingt-et-unième. Chez Tyrrell, la révélation de la saison Alboreto se classe quinzième et comme d'habitude Henton vivote en queue de grille (23ème). Cela va toujours aussi mal chez Ligier. La JS19 n'a pas de réglage optimal : soit elle est rapide et instable, soit elle est lente et tient la route. Laffite est 16ème et Cheever 19ème. Jarier se classe dix-septième avec une Osella très rapide en ligne droite. On découvre en fond de peloton les ATS (Winkelhock 18ème, Salazar 22ème), les Arrows (Surer 20ème, Baldi 25ème), et sur le dernier rang la March de Mass. Lammers, Guerrero, Serra et Boesel sont éliminés.

 

La société Longines a placé sur le circuit différents radars qui donnent une bonne idée des performances des différentes voitures. Ainsi dans la ligne droite du Mistral les bolides équipés de moteurs turbos frôlent les 330 km/h. Tambay a même été « flashé » à 346 km/h ! Rosberg et de Cesaris, les « meilleurs des autres », ne sont crédités à cet endroit que de 300 km/h. Dans la courbe rapide de Signes, les atmosphériques sont les plus rapides puisqu'avec une vitesse de 278 km/h Rosberg devance de Angelis et Daly. Mais sur un tour complet les turbos devancent les « atmos » de plus deux secondes... Cela démontre que la qualité du châssis ne joue presque plus aucun rôle sur un tracé comme celui du Castellet. Le Cosworth est mort, vive le turbocompresseur !

 

Le Grand Prix

Il fait encore très chaud le dimanche après-midi et le choix des pneus s'avère crucial. Michelin a apporté d'excellents pneus 109 et 209 montés sur les Renault. Méfiants, Ron Dennis et Niki Lauda refusent de les installer sur la McLaren n°8.

 

Peu avant le départ se tient un conciliabule secret entre Gérard Larrousse, Alain Prost et René Arnoux. Le directeur de Renault Sport déclare que la course d'équipe doit bénéficier au pilote le mieux placé au championnat. Il ordonne donc à Arnoux de laisser passer Prost s'il se trouve devant lui. Mais René ne répond rien. Jusqu'ici, il n'est jamais parvenu à transformer une pole position en une victoire. Si comme il le pense les Brabham ne tiennent pas la distance, la victoire lui sera dévolue et il ne compte l'offrir à un équipier qu'il n'aime guère.

 

A signaler l'apparition d'un feu orange qui clignotera lorsqu'un pilote connaîtra un problème sur la grille de lancement. Un nouveau départ sera alors donné. Cette idée a pour objectif d'éviter des drames comme celui qui a coûté la vie à Riccardo Paletti au Canada.

 

Départ : Arnoux et Prost démarrent parfaitement et conservent leurs positions. Suivent Pironi, Patrese, Piquet, Tambay, Daly, Giacomelli et Rosberg. Jarier casse immédiatement un demi arbre de roue et ne parcourt que quelques mètres. Dans les Esses Fabi renonce à cause d'une pompe à huile défectueuse.

 

1er tour : Rosberg effectue un travers à l'entrée de la ligne droite du Mistral. Il emprunte la bordure et perd ainsi quelques places. Patrese double Pironi dans cette ligne droite, puis vient menacer Prost. Arnoux mène cette première boucle devant Prost, Patrese, Pironi, Piquet, Tambay, Daly, Giacomelli, de Cesaris, Lauda, Watson et Rosberg.

 

2e : Piquet double Pironi dans les premiers mètres. Patrese dépasse Prost dans la ligne droite du Mistral. Puis en toute fin de tour Piquet déborde Prost en entrant dans la Bretelle. Lauda passe devant de Cesaris.

 

3e : Patrese est dans les roues d'Arnoux. Il le dépasse par l'extérieur dans la très longue ligne droite. Lauda double Giacomelli. Salazar part en tête-à-queue dans les Esses de la Verrerie. Il évite le rail mais sa course s'arrête-là.

 

4e : Patrese réalise le meilleur chrono de la course : 1'40''075'''. Piquet menace Arnoux. Suivent Prost, Pironi et Tambay qui roulent isolés.

 

5e : Piquet dépasse Arnoux à Signes. Voici les Brabham-BMW en tête de l'épreuve. A elles de creuser l'écart pour pouvoir ravitailler en toute quiétude. Watson double de Cesaris.

 

6e : Patrese précède Piquet (5.5s.), Arnoux (7s.), Prost (9.5s.), Pironi (14s.), Tambay (17s.), Daly (22s.), Lauda (24s.), Giacomelli (26s.), Watson (28s.) et Rosberg (31s.). De Cesaris ralentit.

 

7e : Six secondes séparent Patrese et Piquet. De Cesaris s'arrête au stand Alfa Romeo pour déboucher son circuit d'injection.

 

8e : De la fumée s'échappe de la Brabham de Patrese car son turbo est en train d'agoniser. Piquet double son équipier à Bendor. Patrese regagne les stands mais l'arrière de sa voiture est alors en flammes. Il finit par stopper juste devant le mur des stands tandis que l'incendie menace son cockpit. Les commissaires évacuent l'imprudent Italien manu militari et éteignent le feu rapidement.

 

9e : Piquet est maintenant premier devant Arnoux (5.3s.), Prost (9.2s.), Pironi (18.1s.), Tambay (22.6s.), Daly (29.5s.), Lauda (31s.), Giacomelli (38s.), Watson (38.8s.), Rosberg (39.2s.) et Alboreto (41s.).

 

10e : Piquet s'échappe en tête malgré des pneus tendres qui lui donnent une adhérence médiocre. Lees est victime d'une crevaison à l'arrière droit et parcourt presque tout le circuit avant de regagner son stand et de changer sa roue. Cheever est à son stand pour changer ses pneus et sa jupe droite.

 

11e : Rosberg double Watson puis Giacomelli. A l'entrée de la courbe de Signes, Baldi essaie de faire l'intérieur à Mass qui lui coupe la trajectoire à 250 km/h. Le contact est terrible. Baldi part en tête-à-queue et se fracasse en marche arrière contre les protections. La March décolle, se retourne, traverse la piste sur l'arceau, s'envole au-dessus des barrières et s'écrase à l'envers contre le grillage des gradins, avant de prendre feu. Vision d'horreur. Baldi sort de sa monoplace et vient prêter main forte aux commissaires et aux pompiers présents sur les lieux. On craint une catastrophe : la March détruite s'est enfoncée loin dans la tribune où se trouvent des centaines de spectateurs.

 

12e : Les drapeaux jaunes sont agités à Signes. Les secours s'affairent dans la tribune. L'incendie a été très rapidement circonscrit. Premier miracle, au bout de quelques instants, Mass émerge de la carcasse de sa March. Le pilote allemand est indemne nonobstant quelques contractures. En revanche, plusieurs spectateurs ont été brûlés lors du départ de feu. Mais par chance, presque tous ont vu arriver vers eux la voiture folle et se sont écartés à temps. On ne dénombre ainsi qu'une douzaine de blessés superficiels, mais qui doivent tout de même être dirigés vers l'hôpital de Toulon.

 

13e : Piquet devance Arnoux de douze secondes. Les ambulances sont stationnées au niveau de Signes pour évacuer les spectateurs blessés. Mass et Baldi sont dirigés vers le centre médical du circuit. Changement de pneus pour Laffite.

 

14e : Daly est victime d'une crevaison et doit s'arrêter chez Williams pour changer ses pneus avant. Il repart en onzième position. Watson revient à son stand après qu'un câble de batterie s'est rompu sur sa McLaren.

 

15e : Piquet précède Arnoux (14s.) et Prost (16s.). Les pilotes Ferrari ne peuvent soutenir ce rythme car leurs pneus Goodyear demandent du ménagement. Warwick est au stand Toleman pour monter des pneus neufs et faire vérifier son embrayage.

 

16e : Lauda entre aux stands pour changer de pneus mais s'aperçoit que ses mécaniciens sont occupés à réparer la batterie de Watson. Il regagne donc la piste sans s'être arrêté mais a été doublé par Rosberg, Giacomelli et Alboreto.

 

17e : Lauda revient chez McLaren et cette fois-ci ses mécaniciens peuvent opérer sur ses pneus. Watson a en effet jeté l'éponge. L'Autrichien repartira douzième. De Angelis s'arrête au stand Lotus pour renoncer à cause d'une chute de sa pression d'essence. Il était onzième.

 

18e : Piquet a dix-huit secondes d'avance sur Arnoux qui est pris dans le trafic. Cheever change à nouveau de pneumatiques.

 

20e : Piquet mène devant Arnoux (19s.) Prost (23s.), Pironi (38s.) et Tambay (50s.). Rosberg est sixième à une minute et précède Alboreto qui vient de doubler Giacomelli.

 

22e : Piquet porte son avance sur Arnoux à vingt-et-une secondes. Il doit ravitailler vers le 26ème tour. Lauda est remonté au dixième rang après avoir doublé Henton puis Winkelhock.

 

24e : Piquet est dans la ligne droite du Mistral lors qu'une fumée bleue s'échappe de son turbo. Un piston vient de céder. Le champion du monde s'arrête sur le bas-côté et laisse le champ libre aux Renault.

 

25e : Arnoux est maintenant premier devant Prost (9.7s.), Pironi (26.6s.), Tambay (43.4s.), Rosberg (1m. 02s.) et Alboreto (1m. 12s.). Suivent Giacomelli et Daly. Lauda concède un tour à Arnoux.

 

26e : Daly dépasse Giacomelli dont les pneus ne sont pas en bon état.

 

27e : Le pneu avant droit de de Cesaris déchape. Déséquilibré, le pilote Alfa Romeo part en tête-à-queue et sa course se termine là.

 

28e : Arnoux a dix secondes et demie d'avance sur Prost. Laffite monte un troisième train de Michelin sur sa Ligier.

 

30e : Arnoux porte son avance sur Prost à quatorze secondes. Pironi est troisième à trente secondes.

 

32e : Arnoux est leader devant Prost (13.3s.), Pironi (31.3s.), Tambay (50.3s.), Rosberg (1m. 14s.) et Alboreto (1m. 18s.). Suivent Daly, Giacomelli, Lauda et Henton.

 

34e : Giacomelli s'arrête à son stand pour mettre des pneus neufs. Il reprend la piste derrière Henton.

 

35e : Arnoux profite que Prost soit gêné par du trafic pour porter son avance à dix-huit secondes. De plus, Prost a endommagé une jupe et ne tourne pas à son maximum.

 

36e : Arnoux prend un tour à Daly. Alboreto est revenu dans les roues de Rosberg qui se débat avec un pneu arrière gauche cloqué.

 

38e : Rosberg résiste à Alboreto. La Williams est la plus rapide à l'accélération grâce à un aileron moins braqué que celui de la Tyrrell. Laffite revient au stand Talbot, encore une fois pour changer de gommes. Il roule en quatorzième position.

 

40e : Arnoux précède Prost (20s.), Pironi (37s.) et Tambay (58s.). Rosberg et Alboreto viennent ensuite, avec près d'un tour de retard, séparés par une seconde. Giacomelli double Henton.

 

42e : Arnoux continue d'accélérer et ne semble pas décidé à laisser la victoire à Prost. L'écart entre eux est maintenant de vingt-deux secondes.

 

44e : Vingt-trois secondes entre Arnoux et Prost. Cheever change pour la troisième fois de pneumatiques.

 

45e : Il reste dix tours. Conformément aux ordres de Gérard Larrousse, Jean Sage brandit à l'intention d'Arnoux le panneau suivant : « 1. Alain 2. René », l'invitant à s'effacer devant son équipier.

 

46e : Arnoux ignore la consigne de son équipe : au lieu de ralentir, il accélère au contraire.

 

47e : Prost s'aperçoit qu'Arnoux n'obtempère pas et hausse lui aussi son rythme. L'intervalle demeure de vingt-trois secondes entre les deux pilotes Renault.

 

48e: Arnoux mène devant Prost (23s.), Pironi (40s.), Tambay (1m. 06s.), Rosberg (1m. 26s.), Alboreto (1m. 27s.), Daly (-1t.), Lauda (-1t.), Giacomelli (-1t.) et Henton (-1t.).

 

50e : Tour après tour, Sage présente la même indication à Arnoux : « 1. Alain 2. René ». Mais le Grenoblois n'en tient aucun compte.

Alboreto est très proche de Rosberg mais ne trouve pas la puissance nécessaire pour le doubler.

 

51e : Il est désormais évident qu'Arnoux ne laissera pas passer Prost. L'écart se stabilise autour de vingt-deux secondes.

 

53e : Arnoux lève le pied et perd deux secondes dans ce tour. Mais il évidemment trop loin pour que Prost puisse le rattraper. Alboreto bute toujours sur Rosberg.

 

54ème et dernier tour : René Arnoux a désobéi aux consignes de sa direction et remporte le GP de France devant un Prost furieux. Ce doublé Renault, le premier de la saison, sent le soufre. Après une course tranquille, Pironi et Tambay amènent leurs Ferrari aux troisième et quatrième rangs. Rosberg termine cinquième juste devant Alboreto qui inscrit son premier point depuis Imola. Daly, Lauda, Giacomelli, Henton, Winkelhock, Lees, Surer, Laffite, Warwick et Cheever franchissent aussi la ligne d'arrivée.

 

Quatre Français terminent aux quatre premières places du Grand Prix de France, une performance jamais vue depuis le Grand Prix de l'A.C.F... 1913 remporté par Georges Boillot.

 

Après la course: rupture Prost - Arnoux consommée.

Ce doublé suscite une explosion de joie au sein d'une équipe Renault qui a accumulé les déboires depuis le printemps. Mais à l'allégresse succède rapidement la polémique. Prost apparaît crispé sur le podium, ignorant totalement Arnoux qui n'a pas respecté les consignes de Gérard Larrousse.

 

Nombreux sont pourtant ceux qui approuvent la conduite du sympathique « Néné ». Il n'avait plus gagné depuis 29 mois et le Grand Prix d'Afrique du Sud 1980 ! Après avoir subi tant de mésaventures depuis le début de la saison, il peut légitimement savourer un succès bien mérité. « Moi aussi, j'ai droit à la victoire... » affirme-t-il en souriant. Puis il défend sa conduite : « Avec une telle avance sur Alain, je ne pouvais pas m'arrêter. Sinon j'aurais favorisé le retour de Pironi... » Alain Prost balaie ces explication : « René n'a pas tenu parole. J'aurais dû m'en douter. Nous ne collaborons plus. L'abcès est crevé. L'un de nous est de trop chez Renault... » La colère de Prost est compréhensible car les trois points que lui auraient offerts Arnoux lui auraient été utiles dans la quête de la couronne mondiale. Mais son attitude agace une bonne partie du public qui voit en lui un « pleurnichard », un « mauvais perdant », une étiquette qui va désormais lui coller à la peau. En remontant vers Paris le soir-même, Prost s'arrête dans une station-service et croise un pompiste qui le prend pour son équipier. « Vous avez vraiment bien fait, Monsieur Arnoux, commente l'homme. Je suis vraiment content que vous ayez battu cette petite sal**** de Prost. » Le public français a choisi son camp. Comme naguère lors de la rivalité entre les cyclistes Jacques Anquetil et Raymond Poulidor, il préfère le « p'tit gars du terroir » charismatique et virevoltant, mais souvent perdant, au surdoué victorieux, froid et calculateur. Prost ne sera jamais prophète en son pays.

 

Cet incident risque de déstabiliser à court terme une équipe Renault-Elf déjà fragile. Gérard Larrousse joue de la langue de bois et renvoie ses pilotes dos à dos. Jean Sage est plus franc : « En son âme de pilote, Arnoux a peut-être raison. Mais, pour la collectivité, il a complètement tort. Tel que je connais Prost, après un incident comme celui-là, il en gardera rancune toute sa vie à Arnoux. » Le mot de la fin est pour Jacques Laffite, à la fois sarcastique et bien informé : « C'est le premier cadeau de René à Ferrari... »

 

Le monde de l'industrie et de la publicité reprend ses droits. Pendant qu'Arnoux enlève le Grand Prix de France, Bernard Hinault remporte le Tour de France pour le compte de l'équipe... Renault. Ce 25 juillet 1982 est un jour faste pour la marque au losange qui dès le lendemain tire à des milliers d'exemplaires des posters célébrant ce double succès. Les deux héros du jour, Néné et le « Blaireau », passent la nuit ensemble au Moulin Rouge...

 

Pendant qu'on fait la fête à Boulogne, Didier Pironi se frotte les mains. Avec 39 points marqués, il a maintenant une victoire d'avance sur Watson dont le compteur est bloqué à trente unités. Suivent Prost (25 pts), Lauda (24 pts) et Rosberg (23 pts). Au classement des constructeurs Ferrari revient à seulement deux points de McLaren. Par ce doublé, Renault grimpe au troisième rang devant Williams.

 

Jochen Mass le miraculé

Ce Grand Prix de France a aussi été marqué par l'effrayant accrochage ayant impliqué Mauro Baldi et Jochen Mass. La March de l'Allemand est partie comme un boulet de canon dans les tribunes. Sans les solides grillages de protection, nous aurions assisté à un drame similaire à celui des 24 heures du Mans 1955. Cet incident démontre l'impérieuse nécessité de ralentir les voitures dans les courbes, et donc d'interdire l'effet de sol. Cette mesure fait désormais la quasi-unanimité dans le paddock.

 

Cet accident est toutefois celui de trop pour Jochen Mass. L'Allemand peut remercier son ange gardien d'être sorti presque indemne d'une telle cabriole. Mais il avait déjà pris un coup au moral lorsqu'il fut bien involontairement impliqué dans la collision fatale à Gilles Villeneuve. Le décès de Riccardo Paletti a encore amoindri sa motivation. Revenu à la Formule 1 après un an d'absence, Mass en a assez de tenter le diable. Il décide de quitter définitivement la discipline. Celui que James Hunt surnommait malicieusement « Hermann the German » restera comme un bon second couteau, très humble et sympathique, un pilote solide mais trop « gentil » pour devenir un ténor.

Tony