Le succès tardif de « Wattie »
Après le Grand Prix de Détroit, John Watson s'est installé en tête du championnat du monde. C'est une véritable surprise car personne n'aurait misé un kopeck sur les chances de « Wattie » en début de saison. Le Nord-Irlandais de 36 ans dispute sa dixième saison en Formule 1 et, s'il est incontestablement un très bon pilote, il n'a jamais été considéré comme un champion du monde potentiel. Cela est d'autant plus remarquable que deux ans auparavant, en 1980, Watson était menacé par Teddy Mayer de prendre la porte à cause de ses piètres prestations ! Il semble prendre une autre dimension en cette année 1982 comme en témoignent ses victoires de Zolder et de Détroit obtenues alors qu'il partait de très loin sur la grille. Watson s'est aussi souvent révélé plus perspicace que Niki Lauda dans le choix des pneumatiques. L'Autrichien est surpris : il ne domine plus son collègue comme il le faisait en 1978 chez Brabham.
Ces succès sont aussi à mettre à l'actif de Ron Dennis et de John Barnard qui ont réussi en deux ans à remettre sur pied une équipe McLaren jusqu'alors moribonde. Celle-ci occupe la première place du championnat des constructeurs à mi-saison, une belle réussite.
Présentation de l'épreuve
Jean-Marie Balestre ouvre des pourparlers visant à concevoir le règlement technique de la saison 1983. Il réunit autour d'une même table les représentants de la FOCA et ceux des « grandes marques », Ferrari, Alfa Romeo, Renault, BMW et... Osella. Pour l'instant les divergences l'emportent. Les Britanniques ne veulent toujours pas entendre parler de la suppression des jupes. Le poids minimal et la capacité maximale des réservoirs sont d'autres pierres d'achoppement. De plus Balestre désire bannir les pneus de qualifications. Mais pour l'heure le président de la FISA ne maîtrise pas entièrement ces négociations. De nombreux conciliabules se tiennent entre Bernie Ecclestone, Jean Sage et Marco Piccinini qui semblent avoir résolu de prendre les choses en main.
Huit jours après la course tumultueuse de Détroit, les pilotes débarquent dans la « Belle Province ». Le Grand Prix du Canada à Montréal s'est presque exclusivement construit autour de la personnalité du héros national Gilles Villeneuve. Celui-ci disparu, l'événement est en danger. Les organisateurs ont rebaptisé le tracé de l'Île Notre-Dame « circuit Gilles Villeneuve », mais cela pourrait ne pas suffire à attirer les foules. Une inopportune grève des transports en commun vient du reste envenimer les choses. Les Québécois craignent de ne pas pouvoir tenir leurs engagements financiers envers la FOCA. Fort heureusement pour eux, le public sera tout de même au rendez-vous.
Theodore doit dénicher rapidement un remplaçant à Jan Lammers qui s'est cassé le pouce à Détroit. C'est l'éternel intérimaire Geoff Lees, champion d'Europe de Formule 2 en titre, qui est choisi. Jacques Villeneuve espérait obtenir ce baquet pour rendre hommage à son frère défunt, mais il n'a pas réussi à obtenir l'aide financière indispensable des bières Labbatt, le commendataire du Grand Prix.
Les qualifications
Le vendredi étant perturbé par la pluie, les chronos les plus rapides sont réalisés lors de la séance du samedi.
La Ferrari 126 C2 est très rapide sur ce circuit et bénéficie d'une bonne tenue de route. Pironi réalise sa première pole position pour le compte de Ferrari, une performance évidemment symbolique dans la patrie de Gilles Villeneuve. Les Renault sont donc pour une fois battues en qualifications. Arnoux est second et Prost troisième. Ce dernier souffre encore de sa blessure au pied et concède une seconde à Pironi. Piquet obtient le quatrième temps au volant d'une Brabham-BMW qui offre de la meilleure vitesse de pointe. Cinquième, Giacomelli est le premier des « non-turbos ». Son équipier de Cesaris se classe neuvième. Les McLaren n'ont pas un excellent comportement sur ce tracé : Watson est sixième et Lauda onzième. En quatrième ligne on trouve la Williams de Rosberg et la Brabham-Ford de Patrese. Les Lotus 91 de de Angelis (dixième) et Mansell (quatorzième) sont atteintes de sous-virage. Les lourdes Ligier JS17 ne brillent pas. Cheever se classe douzième et Laffite, très découragé, dix-neuvième. Au treizième rang on trouve Daly sur l'autre Williams.
Alboreto est plutôt déçu par sa modeste quinzième place au volant d'une Tyrrell qui vaut mieux que cela. Il précède les Arrows de Surer et de Baldi (qui souffre du bras gauche depuis son accrochage à Détroit), ainsi que l'Osella de Jarier. Guerrero a du mérite à qualifier au vingtième rang une Ensign reconstruite de A à Z après son accident à Détroit. Suivent les March de Boesel et de Mass. Le jeune Paletti est en progrès et se qualifie sur la 23ème marque. Salazar, Lees et Henton peuplent le fond de la grille.
Cinquième au départ à Détroit, Winkelhock a démoli son ATS lors d'une collision avec Arnoux et n'est pas qualifié, pas plus que Serra et de Villota.
A cause des circonstances de la mort de Gilles Villeneuve, les Québécois ont accueilli Didier Pironi avec une certaine froideur. Il parvient toutefois à se les concilier après sa pole en rendant un vibrant hommage au champion disparu : « C'est ma première pole position pour Ferrari, et c'est pour moi une grande joie de l'enlever sur un circuit qui porte le nom de l'homme qui n'était pas seulement mon coéquipier, mais aussi un ami. Je lui dédie cet exploit, car je sais que s'il avait encore été parmi nous, c'est lui qui aurait été en pole. »
Serra - Boesel: combat de boxe entre Brésiliens
Le vendredi après-midi, sur une piste détrempée, les courageux Brésiliens Chico Serra et Raul Boesel évoluent ensemble lorsque le premier est bousculé par le second. De retour aux stands, Serra dégrafe son harnais et se rue sur Boesel. Le ton monte rapidement. Serra colle une baffe à Boesel, toujours casqué, lequel lui répond par un coup de pied au derrière ! Ils se jettent l'un sur l'autre et se livrent à un véritable pugilat jusqu'à ce que John Macdonald et Emerson Fittipaldi interviennent pour les séparer, non sans l'aide de badauds...
Cet incident peu banal fait le bonheur des journalistes. « Je le suivais depuis deux cents mètres, explique Serra, et il m'a fait signe de le doubler. Lorsque je suis venu à sa hauteur, il a fait exprès de se rabattre... Ce type est fou... » Évidemment, la version de Boesel n'est pas la même. Fort heureusement les deux jeunes Brésiliens se réconcilieront bien vite.
Le Grand Prix
Ce Grand Prix se déroule sous un ciel chargé mais heureusement la pluie ne sera pas au rendez-vous comme lors de l'édition précédente.
L'accident de Paletti
Départ: L'embrayage de Pironi reste collé et le Français est immobilisé. Arnoux prend la tête devant Prost. Les drapeaux jaunes sont brandis et Pironi agite les bras. Tous les pilotes parviennent à l'éviter jusqu'à ce que Boesel accroche une de ses roues, parte en travers et harponne Salazar. Juste derrière le Brésilien survient le jeune Paletti qui n'a rien pu voir de l'incident. Il percute de plein fouet à 185 km/h l'arrière de la Ferrari. Le choc est extrêmement violent : tout l'avant de l'Osella est démoli tandis que Pironi est envoyé en tête-à-queue vers la gauche de la piste. Le Français accroche au passage la Theodore de Lees.
Tandis que Lees, Salazar et Boesel sortent de leurs monoplaces, Pironi se précipite vers l'épave où gît Paletti, inerte. Il tente de détacher son harnais et d'enlever des morceaux de carrosserie. Les médecins le rejoignent au bout de quelques secondes. Le docteur Sid Watkins relève la visière de Paletti et s'aperçoit que ses paupières sont closes, ce qui est très mauvais signe. Mais le réservoir de l'Osella a été éventré dans le choc et l'essence s'écoule. L'incendie, inévitable, éclate soudainement, obligeant Pironi, Watkins et les autres médecins à s'écarter en catastrophe. Le feu est très impressionnant, une épaisse fumée noire se répand sur le circuit. Les commissaires, aidés par Pironi, parviennent à le maîtriser en une vingtaine de secondes, mais la fumée est tellement dense qu'il leur est impossible de secourir le pauvre Italien. La course est évidemment interrompue et tous les pilotes regagnent les stands.
Il faut une demi-heure aux secours pour dégager Paletti de son Osella. Ses pieds et ses jambes sont totalement déchiquetés. La situation est extrêmement grave. Paletti est placé sur une civière et évacué par hélicoptère vingt-huit minutes après l'incident, à 16h45. Victime d'une grave hémorragie interne, le malheureux est perdu et décède quarante minutes plus tard à l'hôpital de Montréal. Cette nouvelle ne sera pas rendue publique immédiatement afin de ne pas démoraliser les pilotes. Mais ceux-ci ne sont pas dupes, en particulier Pironi qui a participé aux secours.
Un second départ est prévu pour 18h20. L'équipe Osella et son deuxième pilote Jean-Pierre Jarier se retirent du Grand Prix. Geoff Lees ne peut pas repartir, faute de mulet chez Theodore. Chez Ensign on répare un ponton de la voiture de Guerrero, touchée lors du carambolage. Pironi utilise sa voiture de réserve qui n'est pas équipée de la suspension avant à ressorts tirés. Boesel et Rosberg partent aussi avec leurs mulets.
La course
Deuxième départ: Cette fois-ci aucun incident n'est à signaler. Pironi conserve l'avantage devant les Renault d'Arnoux et de Prost. Suivent Piquet et de Giacomelli.
1er tour: Guerrero est au ralenti suite à des soucis d'embrayage et regagne son stand. Henton sort de la route et s'arrête près d'un mur de pneus. Après avoir voulu faire évacuer sa Tyrrell, il finira par repartir. Watson, Rosberg et de Cesaris doublent Giacomelli qui rencontre des problèmes électriques. Pironi mène devant Arnoux, Prost, Piquet, Watson, Rosberg, de Cesaris, Giacomelli, Cheever et Patrese.
2e: Arnoux déborde Pironi dans la ligne droite de départ et prend le commandement de l'épreuve. Piquet prend la troisième place à Prost. A l'épingle Giacomelli ralentit car il souhaite regagner les stands. Mansell qui suivait l'Italien est surpris. Il escalade l'Alfa Romeo qui part en tête-à-queue. Giacomelli quitte son habitacle mais pas Mansell qui s'est fait mal au poignet gauche.
3e: Piquet dépasse Pironi en début du tour. Le Français se retrouve ensuite sous la menace de Prost qui le déborde dans la ligne droite située à mi-parcours. Plus loin, Rosberg se fait passer par Cheever puis de Cesaris. Les pilotes franchissent l'épingle où se trouve encore l'Alfa de Giacomelli, dans une position dangereuse. Mansell a quitté sa Lotus mais se plaint de sa main.
4e: Arnoux a trois secondes d'avance sur Piquet. Patrese prend la huitième place à Rosberg. L'Alfa de Giacomelli est enfin dégagée dans l'herbe. Salazar s'arrête chez ATS pour changer ses deux pneus avant.
5e : Pironi est en difficulté car son moteur coupe par intermittence. Son boîtier d'injection fait des siennes. Après un tour au ralenti, Guerrero abandonne pour de bon suite à une panne d'embrayage.
6e: Arnoux précède Piquet (1.8s.), Prost (7s.), Pironi (10s.), Watson (10.5s.), Cheever (11s.), de Cesaris (11.6s.) et Patrese (13.4s.).
Une ambulance est amenée en bordure de l'épingle afin de secourir Mansell qui est évacué sur une civière.
7e: Watson se fait doubler successivement par Cheever puis de Cesaris.
8e: Piquet remonte sur Arnoux grâce à sa meilleure vitesse de pointe. Cheever dépasse Pironi. Watson est maintenant menacé par Patrese. Henton revient en course après que sa Tyrrell a été réparée.
9e: Piquet se débarrasse d'Arnoux après la ligne de départ et prend la tête du Grand Prix. De Cesaris double Pironi à l'épingle... alors que les drapeaux jaunes sont encore agités dans le secteur. Patrese dépasse Watson et Daly double Rosberg. Jusqu'ici douzième, Laffite se débat avec une Ligier qui ne cesse de « pomper » et le Français préfère renoncer.
10e: Patrese dépasse Pironi à l'épingle.
11e: Piquet mène devant Arnoux (1.3s.), Prost (5.4s.), Cheever (12.1s.), de Cesaris (13.4s.), Patrese (14.8s.), Pironi (15s.) et Watson (16s.). Viennent ensuite Daly, de Angelis, Rosberg et Lauda.
13e : Arnoux parvient à suivre Piquet malgré un fort pompage sur sa Renault. En revanche Prost est distancé car depuis le départ son moteur coupe par intermittence.
14e: Deux secondes et deux dixièmes entre Piquet et Arnoux. Patrese dépasse de Cesaris et pointe désormais au cinquième rang. Lauda est aux prises avec un embrayage défectueux. Il se fait doubler par Baldi.
16e : Pironi se défend farouchement face à Watson, sous le regard de Rosberg qui se tient à distance. Le Finlandais peine à maîtriser une Williams qui tressaute sur les bosses.
17e: Rien ne semble pouvoir arrêter Patrese qui se débarrasse de Cheever. L'Italo-Américain est désormais sous la menace de de Cesaris.
18e: Piquet devance Arnoux (1.8s.), Prost (9.7s.), Patrese (19.6s.), Cheever (21.8s.), de Cesaris (22.2s.) et Watson (28s.). Seulement treizième, Lauda revient au stand McLaren pour abandonner, son embrayage étant hors d'usage.
19e: De Cesaris est pressant derrière Cheever. Watson dépasse Pironi dont le moteur bafouille. Mass fait changer sa roue arrière droite qui a crevé.
20e: C'est au tour de Daly de doubler Pironi.
22e: Salazar abandonne son ATS dans l'herbe après une panne de moteur. Pironi rejoint les stands pour faire changer ses quatre pneus et remettre de l'essence dans son réservoir.
23e: Piquet conserve deux secondes et demie de marge sur Arnoux. Prost a dix secondes de retard sur le leader. Patrese le rattrape peu à peu.
25e: De Cesaris prend la cinquième place à Cheever. Après qu'Arnoux lui a pris un tour à la dernière chicane, Surer se fait attaquer par Alboreto. Dans sa précipitation l'Italien manque de peu de taper le mur. Il roule sans quatrième rapport depuis le premier tour.
27e: Patrese est revenu derrière Prost qu'il déborde pour s'emparer de la troisième place.
28e : Henton regagne son garage pour faire changer sa jupe droite.
29e: Arnoux perd l'avant de sa Renault dans le virage n°12 et part en tête-à-queue. Bien que sa machine soit toujours sur la piste, il cale et ne peut pas redémarrer. C'est une réédition de sa mésaventure monégasque.
30e : Piquet est maintenant suivi par son équipier Patrese, relégué à vingt-neuf secondes.
31e: Le moteur de Prost explose dans la première portion du circuit. Prost s'arrête dans l'herbe. C'est son sixième score vierge consécutif. Encore une course catastrophique pour Renault.
32e: Piquet mène devant Patrese (26.7s.), de Cesaris (35.2s.), Cheever (37.3s.), Watson (44.2s.) et Daly (46.9s.). Suivent de Angelis, Rosberg, Baldi et Surer. Pironi est de retour à son stand pour faire régler son aileron arrière.
34e: Troisième arrêt de Pironi qui cette fois-ci fait changer son boîtier d'allumage et régler son distributeur d'injection. Mass change une nouvelle fois de pneus.
35e : L'écart se réduit entre Piquet et Patrese. Il est désormais de vingt-deux secondes. Daly ne peut plus menacer Watson car ses freins ont tendance à se bloquer.
37e: Pironi reprend la piste en quinzième position, avec trois tours de retard.
38e : De Cesaris et Cheever sont en bagarre pour la troisième place bien que régulièrement séparés par un intervalle d'une seconde et demie. Cheever est d'ailleurs un temps bloqué par Surer.
40e: Piquet est en tête devant Patrese (21.3s.), de Cesaris (29.2s.), Cheever (32.2s.), Watson (42.8s.), Daly (48.5s.), de Angelis (1m. 05s.) et Rosberg (1m. 11s.).
41e : Maintenant que son injection a été réparée, Pironi est le pilote le plus rapide en piste. Il bat régulièrement le record du tour.
43e: Alboreto s'arrête à l'entrée des stands suite à un problème d'alimentation. Harcelé par Cheever, de Cesaris fait un travers en sortant de l'épingle et manque de peu de s'encastrer dans la Tyrrell abandonnée !
45e : Piquet poursuit sa promenade au commandement avec une une vingtaine de secondes de marge sur Patrese. De Cesaris et Cheever sont séparés par seulement une seconde. Leur duel égaye une course très ennuyeuse.
49e: Le moteur de la March de Boesel explose, obligeant le Brésilien à s'arrêter dans le gazon.
50e: Piquet est en tête devant Patrese (18.9s.), de Cesaris (25.9s.), Cheever (27.3s.), Watson (44.1s.) et Daly (53s.). Viennent ensuite de Angelis, Rosberg, Baldi et Surer. Mass, Pironi et Henton sont très distancés.
52e: Relégué à plus d'un tour après une course anonyme, Rosberg regagne le stand Williams et met pied à terre car sa boîte de vitesse est bloquée.
53e: Patrese est revenu à seize secondes de son coéquipier qui lève le pied puisqu'il n'a plus rien à craindre. De Cesaris a pris une petite marge de sécurité sur Cheever.
54e : Piquet est premier devant Patrese (16.3s.), de Cesaris (21.6s.), Cheever (24s.), Watson (45.9s.), Daly (57.1s.) et de Angelis (1m. 31s.).
55e : De Angelis concède un tour à Piquet.
57e: Surer prend la huitième place à son équipier Baldi.
58e : Piquet précède Patrese (14.9s.), de Cesaris (22.2s.), Cheever (24.4s.), Watson (51.4s.) et Daly (1m. 03s.).
60e : Quatorze secondes séparent les deux pilotes Brabham, en chemin vers le doublé.
62e : Cheever concède deux secondes à de Cesaris et ne paraît plus en mesure de le menacer.
64e : Piquet escalade violemment un vibreur à la chicane qui jouxte le Saint-Laurent. Il met deux roues dans l'herbe mais évite le tête-à-queue. Un « avertissement sans frais ».
65e: L'écart entre Piquet et Patrese est tombé à moins de dix secondes.
66e : Pironi réalise le meilleur tour de l'après-midi : 1'28''323'''.
67e: Cheever tombe en panne d'essence juste devant les stands et gare sa Talbot-Ligier dans l'herbe. Il semblerait que les mécaniciens français aient sous-estimé la consommation du V12 Matra. Watson récupère la quatrième place et de Angelis entre dans les points.
68e : Piquet a porté son avance sur Patrese à douze secondes.
69e: De Cesaris tombe à son tour en panne sèche et doit s'arrêter. C'est la deuxième fois après Monaco qu'une telle mésaventure lui survient. Quelques instants plus tard, Daly stoppe lui aussi à court d'essence et s'arrête juste à côté de de Cesaris qui ne le regarde même pas. Assis sur le rail, le jeune Italien rumine sa déception. Grâce à ces péripéties, Watson grimpe à la troisième place, suivi par de Angelis et Surer.
70ème et dernier tour: Nelson Piquet remporte la septième victoire de sa carrière, la première du moteur turbo BMW. Avec son V8 Ford-Cosworth, Patrese assure le doublé pour Brabham. Watson obtient une belle troisième place. De Angelis termine quatrième devant Surer qui marque les premiers points de la saison pour Arrows. Malgré son abandon de Cesaris arrache un point. Sont aussi classés Daly, Baldi, Pironi, Cheever et Mass. Henton n'est pas classé. A noter que seuls les trois premiers finissent dans le même tour.
Après la course
Nigel Mansell a été hospitalisé suite à son accrochage avec Bruno Giacomelli. Il souffre d'une fracture au poignet gauche et devrait être éloigné des circuits pendant quelques semaines.
Par sa troisième place Watson consolide sa position de leader au championnat. Il totalise désormais trente points, soit dix de mieux que Pironi. Patrese émerge au troisième rang avec 19 unités. Chez les constructeurs McLaren porte son avance sur Williams et Ferrari à seize points. Faute de moteurs identiques, les points de Brabham sont divisés entre la BT50-BMW et la BT49D-Cosworth.
Cette victoire du turbo BMW tombe à point nommé pour renforcer la collaboration entre Brabham et la marque bavaroise qui battait de l'aile. Paul Rosche est fier de son moteur, victorieux dès sa cinquième sortie. Renault et Ferrari n'ont pas fait mieux. C'est aussi la première fois qu'un constructeur réalise un doublé avec deux moteurs différents. Pour Nelson Piquet, c'est une double revanche. En effet huit jours plus tôt à Détroit il n'avait même pas réussi à se qualifier ! Mais surtout il « venge » sa victoire de Rio de Janeiro perdue sur tapis vert. Néanmoins le cœur n'est pas à la joie sur le podium. La mort de Riccardo Paletti a été officiellement annoncée après le drapeau à damiers. Piquet, Patrese et Watson affichent des mines graves.
Mort de Riccardo Paletti
Le jeune Italien a été transporté à l'hôpital Royal Victoria dans un état désespéré. Lors de l'impact avec la Ferrari de Pironi, la colonne de direction s'est enfoncée dans son tronc. Le pronostic médical est effrayant : multiples fractures des deux jambes, grave hémorragie interne, perforation de l'aorte, rupture du diaphragme etc. Riccardo Paletti meurt une heure après son entrée dans le bloc opératoire. Il allait avoir 24 ans deux jours plus tard. Comble de l'horreur, sa mère l'avait accompagné à Montréal et a assisté depuis les tribunes à la mort de son fils.
Contrairement à Gilles Villeneuve, Riccardo Paletti était un anonyme du grand cirque de la Formule 1. Ce jeune garçon dégingandé, porteur des lunettes, timide mais toujours souriant, n'avait pas encore réussi à se faire un nom. Débarqué dans la catégorie reine après quelques beaux résultats en F2, il ne s'était pas encore bien accoutumé au pilotage d'une F1, et surtout n'avait encore jamais pris un seul départ puisqu'à Imola il s'était élancé depuis les stands. On peut avancer que son accident est dû à un manque d'expérience, qu'il n'a pas assez ralenti face à la cohue survenant devant lui. Quoiqu'il en soit, ce nouvel accident mortel apporte un argument supplémentaire au président Balestre dans son combat pour améliorer la sécurité des monoplaces. Les trains avant doivent être impérativement renforcés. Paletti manquait peut-être de métier, mais il n'est pas normal que la carrosserie de son Osella se soit désintégrée lors d'un choc à moins de 200 km/h.
Tony