Élections: Metternich et Balestre réélus
Début octobre la Fédération Internationale de l'Automobile s'est réunie à Paris pour renouveler son bureau. Sans surprise, le prince Paul von Metternich a été réélu président de la FIA, mais il est désormais flanqué d'un président-délégué qui n'est autre que Jean-Marie Balestre, le président de la FISA. Celui-ci est facilement reconduit à la tête de sa fédération. Il bat son concurrent Basil Tye par 33 voix contre 17. Balestre bénéficie donc d'un nouveau mandat de trois ans pour mener à bien sa mission : restaurer l'autorité du pouvoir sportif.
Quant à Tye, non seulement il est vaincu mais en plus il reçoit un blâme pour le comportement du RAC lors du Grand Prix de Grande-Bretagne, et perd sa place de vice-président de la FISA.
Des Formules 1 sur un parking
Exit le Grand Prix des États-Unis couru sur le champêtre mais vétuste circuit de Watkins-Glen. Place au Grand Prix de Las Vegas, capitale du jeu (et du vice). Cet événement répond au souhait de Bernie Ecclestone d'organiser plusieurs courses aux USA, si possible sur des circuits urbains, afin d'assurer le spectacle et surtout d'obtenir de juteux contrats avec de richissimes annonceurs. Ecclestone aurait voulu organiser cette épreuve dès 1980 mais à l'époque il s'était heurté à l'opposition de l'ACCUS. Cette année les Américains ont accepté en regimbant de voir le président de la FOCA s'installer sur leur territoire. Le célèbre hôtel-casino Caesars Palace s'est lui-même acheté son Grand Prix pour sept millions de dollars. Le PDG du palace Billy Weinberger explique sans ambage pourquoi il s'intéresse à la Formule 1 : « Parce qu'[elle] est le plus haut échelon du sport automobile et qu'elle fait appel au plus grand snobisme et à la plus folle extravagance, deux caractéristiques qui cadrent on ne peut mieux avec notre image de marque. » Les puristes peuvent s'étrangler...
D'autant plus que ce tracé très sinueux et sans grand intérêt se situe sur l'immense parking du Caesars Palace. Les pilotes se plaignent de la poussière et des virages souvent pris en aveugle à cause des hauts blocs de béton montés en bordure. Les commentaires sarcastiques sur cette piste de « go-kart » énervent M. Weinberger. De plus les pilotes tournent dans le sens inverse des aiguilles d'une montre, d'où une grande sollicitation des muscles du cou. La résistance physique sera un facteur déterminant. Le solide Reutemann a ici un net avantage sur le fragile Piquet. A noter que le directeur de course n'est autre que le célèbre acteur et pilote Paul Newman.
Reutemann, Piquet, Laffite, un trio pour une couronne
Avant cette dernière manche, trois pilotes peuvent prétendre au titre mondial. Carlos Reutemann est en tête du classement avec 49 points, soit une unité d'avance sur Nelson Piquet, 48 points. Vainqueur au Canada, Jacques Laffite, avec 43 points, a de faibles chances de sacre et doit impérativement gagner pour être titré. Si Reutemann ne termine pas parmi les six premiers, Piquet n'a besoin que d'inscrire un point pour l'emporter car il a gagné une course de plus que son rival.
Reutemann bénéficie certes d'une excellente machine mais il est en froid avec son équipe et s'y sent esseulé au profit d'Alan Jones. Frank Williams fait mine de se désintéresser de son sort. Le championnat des constructeurs étant acquis à son équipe, plus rien ne semble compter à ses yeux. Aussi Reutemann est sombre. Il ne prête aucune attention aux nombreux supporteurs argentins qui ont fait le déplacement pour l'encourager. Ses rapports avec ses mécaniciens sont glaciaux. Seul son ingénieur Neil Oatley semble avoir sa confiance.
Tout à l'opposé, Nelson Piquet est entièrement soutenu par son patron Bernie Ecclestone et bénéficie d'un climat moral plus favorable que son rival. Sa Brabham BT49C est une machine redoutable. Il a régulièrement repris des points à Reutemann depuis Hockenheim et se montre confiant. Malheureusement le jeudi et le vendredi, Piquet est frappé par de terribles douleurs aux muscles cervicaux. Il engage en catastrophe un kinésithérapeute. Mais le mal est profond : le Brésilien a des plaques de calcium sur certains muscles autour de la colonne vertébrale. Armé de calmants, il se fera violence pour disputer cette ultime épreuve.
De son côté Jacques Laffite feint la décontraction en jouant au tennis et au golf. Il n'a rien à perdre et clame qu'il sera de toute façon champion du monde d'ici deux à trois ans. En fait le Français est très tendu. Il se plaint du tracé et de son mauvais revêtement. Il sait qu'il peut tout à fait coiffer les Sud-Américains sur le poteau, mais psychologiquement paraît perturbé. A 38 ans, « Jacquot » manque encore d'expérience pour ce type d'enjeux.
Transferts: Cheever rejoint Talbot-Ligier
Guy Ligier surprend tout le monde en annonçant le recrutement d'Eddie Cheever qui semblait en partance chez Arrows. Seul maître de la direction sportive de son équipe, il a imposé son choix à Talbot, à Matra et à la Seita. Exit donc Patrick Tambay dont les résultats ont été jugés insuffisants. Il est exact que le Cannois n'a pas inscrit de point pour les Bleus mais il a rarement bénéficié du même matériel que Laffite. En tout cas Ligier semble avoir abandonné son fameux patriotisme. « Je suis sûr qu'on va me jeter Cheever à la figure pendant six mois mais j'en ai rien à f***** ! » affirme-t-il à Patrick Camus d'Auto Hebdo. « Il n'y a plus de pilotes français, la filière est épuisée. Ferté ou Alliot [...] ne sont pas mûrs pour la F1. Cheever fut donc mon seul recours. » Pilote très courtisé, Eddie Cheever a préféré signer comme deuxième pilote chez Ligier pour un salaire modeste alors qu'Arrows lui proposait un pont d'or. Ligier soutient qu'il n'apporte pas d'argent, mais l'Américain a tout de même pour amis personnels Mansour Ojjeh et le comte Zanon, de fameux mécènes...
Une folle rumeur court les salles de presse : Bernie Ecclestone aurait proposé des contrats mirobolants pour 1982 à Jackie Stewart et James Hunt ! Et ce bien que Nelson Piquet et Riccardo Patrese soient déjà engagés. Stewart aurait reçu d'un commanditaire anonyme une offre de trente millions de francs pour revenir à la compétition. Un montant tout aussi astronomique aurait été proposé à Hunt, mais celui-ci affirme se satisfaire de son emploi de commentateur à la BBC. Finalement, aucun des deux anciens champions ne reviendra. Après coup, on se demande si Ecclestone n'a pas bluffé dans un souci publicitaire...
Présentation de l'épreuve
Les Williams utilisent un système de refroidissement par eau des freins arrière. Le même dispositif se trouve sur la Brabham de Nelson Piquet. Mauro Forghieri apporte un nouvel aileron arrière pour les Ferrari 126 CK. René Arnoux teste chez Renault un allumage électronique abandonné pour la course. Chez Lotus, la 87 de Nigel Mansell a été passablement modifiée avec une voie arrière augmentée et un empattement allongé.
Theodore a perdu tous ses sponsors au cours de cette saison. La marque d'huiles Valvoline « dépanne » l'équipe de Teddy Yip pour cette dernière épreuve. Mais sera-t-elle encore là en 1982 ? Rien n'est moins sûr...
Pour cette ultime manche Michelin et Goodyear proposent des gammes de pneumatiques très étendues. Le tracé est en effet inconnu et personne ne sait quel type de pneus sera performant. La chaleur s'installant sur Las Vegas, les équipes chaussées par Goodyear utilisent des pneus A et AA, les plus durs. Pirelli propose pour sa part deux types de pneus qualifications. Enfin Avon offre à ses clients des pneus de qualification dont la durée de vie n'excède pas... un tour !
Les qualifications
Reutemann assomme la concurrence par un chrono impressionnant réalisé le vendredi et réalise la sixième pole position de sa carrière. Et ce malgré un accrochage avec... Piquet. Son coéquipier Jones l'accompagne en première ligne. La troisième position est occupée par le surprenant Villeneuve qui fait violence à sa Ferrari toujours très instable. Souffrant du cou et du dos, Piquet a serré les dents pour se hisser au quatrième rang. Prost se qualifie en cinquième position tandis que son équipier Arnoux, handicapé par un incendie et un accident, n'est que treizième. Les McLaren tiennent leur rang : Watson est sixième, de Cesaris quatorzième. Touché au moral par son éviction, Tambay se surpasse pourtant et se classe en septième position. Et Laffite ? Se plaignant d'un manque de motricité, il est incapable de trouver les bons réglages et se trouve relégué au douzième rang... Ses chances apparaissent désormais très minces...
La tenue de route des Alfa Romeo s'est améliorée grâce au travail de Gérard Ducarouge. Giacomelli est huitième, Andretti dixième. Mansell est neuvième avec la Lotus. Victime d'ennuis de suspension, de Angelis est repoussé en huitième ligne aux côtés de Rebaque. Patrese utilise de nouveaux pneus Pirelli et obtient une satisfaisante onzième position. Grâce aux pneus Avon ultra-tendres, Alboreto est dix-septième, devant son équipier Cheever, dix-neuvième avec les Goodyear. Les Tyrrell encerclent un Pironi accablé de soucis techniques. Rosberg qualifie la Fittipaldi pour la première fois depuis Silverstone, un vrai exploit ! Jarier, Surer et Salazar sont en fond de grille, aux côtés de Warwick qui parvient pour la première fois à se qualifier avec sa Toleman-Hart, au 22ème rang.
Les éliminés sont Borgudd, Serra, Daly, Henton, Gabbiani et Jacques Villeneuve qui bénéficie d'un matériel bien moins performant que Patrese.
Les Goodyear ont donc dominé les Michelin mais cela s'explique facilement : le manufacturier clermontois n'a pas apporté de gommes hyper-tendres pour les qualifications. Plus embêtant : les pneus français ont tendance à récupérer des débris de caoutchouc et donc à s'encrasser. Pierre Dupasquier craint que la plupart de ses clients doivent changer leurs trains de pneus durant la course.
Le Grand Prix
Le dimanche 17 octobre 1981, il fait beau et très chaud à Las Vegas. Carlos Reutemann apparaît très nerveux. Sa Williams ne lui a pas donné satisfaction lors du warm-up et il demande à ses mécaniciens de vérifier ses suspensions. Aucune anomalie n'est découverte, mais il reste très circonspect, d'autant plus que tout semble aller pour le mieux pour son équipier Jones. Dans sa voiture Reutemann a le masque et ignore le monde autour de lui. Nelson Piquet apparaît plus calme. Contraste saisissant avec son concurrent : Bernie Ecclestone, Herbie Blash, Gordon Murray, Charlie Whiting, Sante Ghedini, bref tout l'état-major de Brabham est aux petits soins pour son champion. Quant à Jacques Laffite, il discute avec un Alan Jones très décontracté qui l'invite à participer à un barbecue dans son ranch australien !
Grille de départ: Troisième, Villeneuve se place très en décalage à gauche par rapport à son emplacement, ce qui va lui être reproché.
Départ: Reutemann s'élance mal et se fait immédiatement dépasser par Jones et Villeneuve. Jones conserve l'avantage sur le Canadien au premier freinage. Derrière, Reutemann se fait aussi passer par Prost. Piquet est lui aussi mal parti et se retrouve septième. Surer a rencontré un problème d'embrayage et s'élance avec retard.
1er: Reutemann se fait surprendre par Giacomelli. Plus loin, Laffite réalise un superbe début de course, et après avoir déposé Piquet, pointe au septième rang. Le classement est: Jones, Villeneuve, Prost, Giacomelli, Reutemann, Watson, Laffite, Piquet, Mansell, Tambay. Jarier est le premier pilote à abandonner suite à un bris d'arbre de roue.
2e: Jones s'envole en tête. Prost attaque Villeneuve, sans résultat. Décidément bien lent, Reutemann se fait passer par Watson et se retrouve sous la menace de Laffite. De Angelis rentre aux stands pour changer des pneus. Mais ses mécaniciens découvrent une fuite à son système de refroidissement, et le jeune Italien sort de sa machine.
3e: Prost passe Villeneuve et s'empare de la deuxième place. Laffite dépasse Reutemann qui a perdu son quatrième rapport. De Cesaris accroche Tambay et les deux hommes partent en tête-à-queue avant de repartir. Quelques courbes plus loin, au virage n°13, la Ligier refuse de tourner et Tambay percute de face le mur de pneus. L'avant de la voiture est complètement broyé, arraché, les pieds du pilote reposent dans le vide ! Tambay sort heureusement seul de son épave, en boitillant de la jambe gauche certes, mais a eu une chance inouïe.
4e: Jones compte six secondes d'avance sur Prost. Villeneuve se retrouve sous la menace de Giacomelli. Laffite double Watson. Vue sa rapidité, le pilote français apparaît comme le nouveau favori pour le titre, Reutemann et Piquet étant hors des points.
5e : Allongé derrière les glissières, Tambay est placé sur une civière et conduit au centre médical pour des examens. Heureusement il ne souffre que de quelques contusions.
6e : Salazar regagne le stand Ensign au petit trot. Ses mécaniciens remplacent une durite de freins fendue.
7e: Deux groupes se forment derrière Jones et Prost: le premier composé de Villeneuve, Giacomelli, Laffite et Watson, le second de Reutemann, Piquet et Andretti.
8e : Six secondes séparent Jones et Prost. Le Français a chaussé des pneus Michelin tendres et cherche à les ménager.
10e : Villeneuve retient Giacomelli, Laffite et Watson. Pendant ce temps-là, Reutemann a de plus en plus de mal à résister à Piquet et Andretti qui sont sur ses talons.
11e: Seulement dixième, Arnoux revient à son garage et abandonne à cause d'une bougie défaillante sur son moteur. C'est également la fin de la course pour Cheever dont le moteur est à bout de souffle. De Cesaris fait changer ses quatre roues.
12e: Jones mène devant Prost (8s.), Villeneuve (21.3s.), Giacomelli (21.9s.), Laffite (22.7s.), Watson (23.3s.), Reutemann (26s.), Piquet (26.4s.) et Andretti (27.2s.). Suivent Mansell, Patrese, Rebaque et Pironi.
14e : Jones prend un tour à Surer et à Salazar.
15e: Les groupes « Villeneuve » et « Reutemann » font leur jonction. Giacomelli menace Villeneuve et Piquet attaque Reutemann.
16e: Piquet attaque de nouveau Reutemann, sans succès. Pironi arrive au stand Ferrari pour chausser un train de gommes neuves. Comme Dupasquier le craignait, la bande de roulement des Michelin s'encrasse de déchets de gomme.
17e : Jones a neuf secondes d'avance sur Prost. Surer entre aux stands pour changer ses pneus arrière déjà usés.
18e: A l'abord du dernier virage, Reutemann freine très tôt. Piquet saisit l'occasion, plonge à l'intérieur et double son rival. Surer est de retour aux stands et fait changer ses pneus avant. Après un quart d'heure d'immobilisation, Salazar reprend la piste. La situation au championnat est pour l'instant la suivante: Reutemann: 49 pts ; Piquet: 48 pts ; Laffite: 45 pts.
19e: Dans la foulée de Piquet, Andretti déborde à son tour Reutemann. L'Argentin semble en grandes difficultés avec sa Williams.
20e: Très rapide, Piquet revient en trombe sur Watson. Surer regagne son stand pour abandonner, suspension cassée.
21e: Jones mène devant Prost (13.4s), Villeneuve (35.7s.), Giacomelli (36.3s.), Laffite (36.4s.), Watson (37.4s.), Piquet (38s.), Reutemann (38.7s.) et Andretti (39.4s.). Rebaque s'arrête dans les graviers. Sa pédale d'accélérateur s'est coincée et il doit abandonner.
22e: Grâce à son turbo qui compense un châssis médiocre, la Ferrari de Villeneuve contient toujours un groupe qui va de Giacomelli à Watson. Ce dernier se fait dépasser par Piquet qui entre ainsi dans les points. Par conséquent, le Brésilien est virtuellement champion du monde, au nombre de victoires: Piquet: 49 pts ; Reutemann: 49 pts ; Laffite: 45 pts.
23e: Laffite attaque Giacomelli par l'intérieur du premier virage et le passe. Le Français est quatrième puis troisième: Villeneuve s'arrête dans les graviers, victime d'un souci d'injection. Il était de toute façon sous la menace d'un drapeau noir pour sa mauvaise position sur la grille et sera disqualifié après la course. Derrière, Andretti sonne la charge et passe dans ce même tour Watson, mais surtout Piquet qui ne peut rien face à l'Alfa Romeo.
24e: La situation est désormais plutôt favorable à Laffite. Le classement virtuel du championnat est le suivant: Piquet: 49 pts ; Reutemann: 49 pts ; Laffite: 47 pts.
25e : Jones devance Prost (15.4s.), Laffite (38.7s.), Giacomelli (40.6s.), Andretti (40.7s.), Piquet (41.2s.), Watson (44s.) et Reutemann (46s.).
26e: Devant Piquet, les deux Alfa se battent pour la quatrième place. Sur la ligne de départ, Giacomelli tente de tasser Andretti qui plonge à l'intérieur, mais l'Italien ferme la porte. Piquet tente d'en profiter pour repasser Andretti, sans résultat. Salazar est au stand Ensign pour faire réparer ses freins défaillants.
27e: Giacomelli commet une erreur et effectue un tête-à-queue. Il parvient à repartir avec l'aide des commissaires en dixième position. De Cesaris est bloqué au stand McLaren à cause d'un souci sur sa boîte de vitesses. Il repartira au bout de plusieurs minutes.
29e: Watson s'arrête à son stand pour changer ses Michelin qui se sont abîmés. Il ressort dixième. Du coup Reutemann entre dans les points et la situation au championnat est la suivante: Piquet: 50 pts ; Reutemann: 50 pts ; Laffite: 47 pts.
30e: Andretti est victime d'une rupture de suspension à l'arrière-droit après avoir frotté un muret. Sa roue brinquebalant, le vétéran américain n'a pas d'autre choix que de s'arrêter sur le bas-côté. Piquet: 51 pts ; Reutemann: 51 pts ; Laffite: 47 pts.
31e: Jones mène devant Prost (20.8s.), Laffite (40s.), Piquet (47.7s.), Reutemann (58.9s.) et Mansell (59.1s.). Suivent Giacomelli, Patrese, Alboreto et Watson.
32e: Les pneus de Prost se sont encrassés. Mansell déborde Reutemann et se retrouve cinquième.
33e: Prost s'arrête pour changer de pneus et repart en sixième position derrière Reutemann. Patrese est aussi aux stands pour chausser des pneus neufs, mais aussi pour réparer sa commande de boîte.
35e: Reutemann se fait « déposer » par Prost, plus rapide que lui grâce à ses pneus neufs. Le classement virtuel est désormais le suivant: Piquet: 52 pts ; Reutemann: 50 pts ; Laffite: 49 pts.
36e: Prost dépasse Mansell sans difficulté. Patrese reprend la piste après avoir perdu trois tours.
39e: Jones mène devant Laffite (43s.), Piquet (55s.), Prost (1m. 02.7s.), Mansell (1m. 08.2s.), Reutemann (1m. 11.1s.) et Giacomelli (1m. 21s.). Piquet semble donc se diriger vers le titre. Second, Laffite pourrait se contenter de cette place pour être sacré, mais il faudrait pour cela que le pilote Brabham soit rejeté hors des points. Quant à Reutemann, vu les difficultés de sa machine, il ne peut qu'espérer finir la course et croiser les doigts.
40e : Laffite est victime du même mal que les autres coureurs chaussés en Michelin : ses pneus s'encrassent. Il commence à perdre du terrain sur Jones mais reste en piste. En effet, si l'Australien rencontrait un problème, il pourrait devenir champion du monde !
42e: Très rapide, Prost revient sur Piquet. En retardant son changement de pneus, Laffite perd du temps sur le pilote Renault dans la lutte pour la seconde place.
43e : Prost déborde Piquet qui n'a guère cherché à résister, tant la Renault est plus véloce que sa Brabham.
44e : Giacomelli n'a pas baissé le rythme après son tête-à-queue et revient dans les échappements de Reutemann.
45e: Jones a quarante-cinq secondes d'avance sur Laffite. Celui-ci tergiverse et ne souhaite toujours pas changer ses pneus. En attendant, Prost le rattrape. Abandon de Warwick, victime d'une panne de freins et d'une transmission défaillante.
46e: Prost dépasse Laffite qui est désormais en grandes difficultés avec ses pneus. Giacomelli prend la sixième place à Reutemann. Le classement virtuel est désormais le suivant: Piquet: 51 pts ; Reutemann: 49 pts ; Laffite: 47 pts.
47e : Pironi est chez Ferrari pour changer ses quatre pneus et sa jupe gauche.
49e: Malgré une course totalement anonyme sur une Ferrari très rétive, Pironi, seulement douzième, signe le meilleur tour en 1'20''156'''.
50e: Jones prend un tour à son équipier Reutemann. Il possède cinquante secondes d'avance sur Prost. Piquet passe Laffite et se retrouve troisième.
51e: Mansell revient sur Laffite désormais très lent. Le Britannique réussit un dépassement osé par l'intérieur dans un virage serré.
52e: Irrésistible, Mansell prend la troisième place à Piquet. De son côté Laffite entre enfin au stand Talbot pour changer de pneus. Mais il est bien trop tard. Le Français revient en piste au huitième rang et a ainsi définitivement perdu ses chances de titre. Piquet: 51 pts ; Reutemann: 50 pts ; Laffite: 43 pts.
53e : Plus rapide encore que Mansell, surgit Giacomelli derrière Piquet. La Brabham produit des vibrations inquiétantes. Pironi reprend un tour de retard sur Jones qui désormais ménage sa mécanique, sa victoire étant presque assurée.
54e: Giacomelli dépasse Piquet au premier virage. Piquet et Reutemann sont désormais à égalité, avec cinquante points chacun, et le pilote brésilien ne l'emporterait qu'au nombre de victoires (trois à deux).
55e : Prost remonte sur Jones : son retard est tombé à 44 secondes. Suivent Mansell (1m.), Giacomelli (1m. 03s.), Piquet (1m. 05s.), Reutemann (-1t.), Watson (-1t.), Laffite (-1t.), Alboreto (-1t.) et Rosberg (-1t.).
56e : Piquet donne des signes d'épuisement et est incapable de suivre le rythme de Mansell et de Giacomelli.
58e: Giacomelli rattrape Mansell, le double et prend ainsi la troisième place. Watson revient derrière Reutemann qui souffre aussi physiquement à cause des suspensions trop dures de sa Williams. Patrese s'arrête aux stands pour changer ses pneus.
59e: Watson prend la sixième position à Reutemann, et rend ainsi indirectement un grand service à Piquet qui compte maintenant un point virtuel d'avance sur l'Argentin.
60e : L'écart se réduit toujours entre Jones et Prost : trente-huit secondes désormais.
61e : Piquet a encore vingt-trois secondes d'avance sur Watson. Mais il perd environ deux secondes par tour.
63e : Jones mène devant Prost (38.8s.), Giacomelli (52.6s.), Mansell (59.2s.), Piquet (1m. 08s.), Watson (-1t.), Reutemann (-1t.) et Laffite (-1t.). Le classement mondial serait le suivant : Piquet: 50 pts ; Reutemann: 49 pts ; Laffite: 43 pts.
65e: La fin de la course de Nelson Piquet est extrêmement pénible à cause de sa frêle constitution. Exténué, il souffre de la fournaise. Son pilotage, très haché, s'en ressent.
67e : Le rythme de Piquet s'effondre : il est moins rapide que celui de l'Ensign de Salazar ! Watson n'est plus qu'à a dix-huit secondes de la Brabham. De son côté Laffite espère encore obtenir un point et menace Reutemann.
68e : Trente-trois secondes séparent Jones et Prost.
69e: Laffite dépasse Reutemann et remonte sur Watson. Abandon d'Alboreto, moteur cassé.
70e : Prost est à trente secondes de Jones, mais tout le monde s'en moque : Watson est désormais à douze secondes de Piquet, et Laffite revient lui aussi à vive allure. Le titre mondial n'est absolument pas acquis à Piquet !
72e : Watson est à dix secondes de Piquet. Laffite est dans le sillage de la McLaren. La tension est à son comble.
73e: Au bord de l'évanouissement, Piquet conduit plus qu'il ne pilote sa Brabham. Watson et Laffite reviennent en trombe derrière lui. S'ils le doublent, il n'inscrira pas de point et Reutemann sera champion du monde !
74e : A l'abord du dernier tour Piquet a encore huit secondes d'avance sur Watson et Laffite. Mais il est très lent...
75ème et dernier tour: Alan Jones remporte sa douzième victoire en F1, suivi par Prost qui a effectué une belle remontée. Giacomelli monte sur son premier podium. Mansell obtient une belle quatrième place. Piquet a perdu beaucoup de temps mais conserve in extremis la cinquième place. Dans le dernier virage, Laffite tente une attaque désespérée sur Watson et parvient à lui subtiliser le dernier point. Reutemann termine son cauchemardesque Grand Prix au huitième rang. Suivent Pironi, Rosberg, Patrese et de Cesaris. Salazar finit non classé.
Après la course: Piquet rescapé, Reutemann crucifié
Nelson Piquet décroche pour un point seulement son premier titre de champion du monde. Lorsqu'il revient dans les stands, il est dans un état lamentable: au bord de l'évanouissement, il a vomi dans son casque. Il est tiré avec difficulté de sa voiture et reprend peu à peu ses esprits. Il pourra apparaître sur le podium aux côtés de son rival Alan Jones, vainqueur pour son dernier Grand Prix et visiblement ravi de l'échec de son équipier. L'Australien et le Brésilien s'embrassent et semblent se réconcilier grâce à l'échec de Reutemann. Image cruelle.
En effet, l'équipe Williams célèbre sans vergogne la victoire de Jones et est indifférente à l'échec de Reutemann. Furieux, l'Argentin déclare avoir dû composer avec des suspensions trop dures et une boîte de vitesses défaillante. Il est vrai que l'écart des performances entre les deux Williams lors de cette course fut impressionnant. Mais Patrick Head balaie ces critiques d'un revers de main: selon lui aucun problème n'affectait la Williams n°2 et son pilote ne peut s'en prendre qu'à lui-même. C'est à partir de cette fin de saison 1981 que se forge ainsi la réputation de l'équipe de Frank Williams. L'important est le succès de la marque, le triomphe personnel des pilotes compte peu. Reutemann est effondré. Il a dominé cette saison 1981 et perd la couronne pour un point seulement. Bien sûr on pourra mettre en avant sa faiblesse psychologique, son effrayante incapacité à se transcender lorsque les événements se coalisent contre lui. Il n'empêche que Reutemann est un grand pilote et qu'il ne méritait sûrement pas un tel traitement de la part de son équipe. Ecœuré, il annonce quelques jours plus tard qu'il prend sa retraite, à 39 ans et demi. Williams doit donc trouver deux nouveaux pilotes pour 1982.
Chez Talbot-Ligier-Matra, l'ambiance n'est pas non plus à la gaieté. Certes, après un début de saison médiocre, le fait de pouvoir jouer le titre lors de la dernière manche était miraculeux. Mais si Laffite s'était bien qualifié, nul doute qu'il se serait installé solidement parmi les trois premiers, voire aurait pu concurrencer Jones et ainsi inscrire les points lui permettant de devenir le premier champion du monde français de l'histoire. Le « père Guy » est philosophe et affirme être persuadé d'avoir sa revanche l'année suivante.
En revanche on sourit chez Renault. Les « Jaunes » obtiennent la troisième place du championnat des constructeurs avec 54 points, leur meilleur résultat. Surtout Alain Prost a démontré que la Renault pouvait être compétitive à Montréal et à Las Vegas, deux tracés qui de prime abord ne lui convenaient pas du tout. Voilà qui est d'excellents augures pour l'avenir.
Nelson Souto Maior dit Piquet est donc le deuxième Brésilien à coiffer la couronne mondiale. Sa saison ne fut certes pas exemplaire. Il a commis des erreurs qui lui ont fait perdre des points importants à Rio de Janeiro, à Zolder et à Monaco. Après son succès à Hockenheim au mois d'août, il a accumulé les places d'honneur et acquiert le titre pour un point seulement, sans panache, après une course médiocre qui a révélé ses grandes faiblesses physiques. Pour beaucoup, si la course avait duré une boucle de plus, le Brésilien n'aurait pas tenu dans la fournaise, aurait été dépassé par Laffite et Watson... et ne serait pas devenu champion. Quoiqu'il en soit, Piquet a aussi très bien su exploiter l'excellente Brabham BT49C imaginée par Gordon Murray et fait souvent preuve d'un grand sens tactique, digne de son maître Niki Lauda. Sa victoire à Imola en est le plus bel exemple.
Même après une telle victoire, le beau Carioca affecte son habituelle désinvolture : « Je ne ressens rien de particulier vis à vis de moi-même, de mes performances... La seule satisfaction est que ce titre permet de remercier tous ceux qui m'ont aidé. Ma famille, mes sponsors brésiliens... [...] Mon père ne voulait pas que je devienne pilote, mais je pense qu'il est fier. » Estácio Gonçalves Souto Maior, le père de Nelson, ancien ministre de la Santé depuis décédé, s'était en effet opposé à la vocation de son fils, d'où l'emprunt par celui-ci du patronyme maternel, Piquet.
Ultimes perspectives
Le champion du monde n'a pas le temps de se reposer sur ses lauriers. Toute l'équipe Brabham doit désormais préparer l'arrivée du moteur turbo BMW. La saison 1981 a vu les moteurs suralimentés de Renault et de Ferrari menacer toujours plus les équipes anglaises équipées du V8 Ford-Cosworth. Celles n'ont dû leurs succès qu'à une tricherie bénie par la FISA, l'installation de suspensions hydrauliques pour compenser la suppression des jupes coulissantes. Mais à terme, les moteurs turbocompressés vont sans doute imposer leur domination à la Formule 1.
Les Britanniques s'apprêtent donc à suivre l'exemple de Bernie Ecclestone et se lient eux-aussi à des grandes marques qui leur fourniront des turbos. Alfa Romeo, BMW, Hart et Matra fourbissent leurs armes. On commence à s'activer chez Honda et chez Porsche... La Formule 1 arrive à un tournant de son histoire.
Tony