Bernie Ecclestone n'en finit pas de cumuler les casquettes. Il a en effet « acheté » le Grand Prix d'Allemagne à l'AvD au nom de la FOCA. L'opération promet d'être juteuse puisqu'en 1977 les bénéfices de l'épreuve se sont élevés à deux millions de francs. Le prince de Metternich, président de la FIA et de l'AvD, a laissé faire l'opération. Les Allemands se contenteront d' « intéressements » aux bénéfices. Cet achat constitue un grave précédent et beaucoup à la FIA réclament une réaction : selon eux, si rien n'est fait, bientôt Ecclestone va racheter le championnat du monde de Formule 1...
Juste avant cette épreuve, Carlo Chiti, directeur d'Autodelta, annonce le retour officiel d'Alfa Romeo en Grand Prix pour la saison 1979. La monoplace sera entièrement conçue par Autodelta et sera équipée d'un moteur V12 et de pneus Pirelli. Vittorio Brambilla est annoncé comme pilote. Bien que ce retour fût un secret de polichinelle depuis plusieurs mois, c'est un camouflet pour l'écurie Brabham, déjà motorisée par Alfa Romeo. Les relations entre Bernie Ecclestone et Chiti n'en sont qu'encore un peu plus détériorées.
Le 26 juillet Jody Scheckter se rend à Maranello pour signer un contrat pour 1979 avec la Scuderia Ferrari. Le montant est de 600 millions de lires (quatre millions de francs français). Le Sud-Africain de 28 ans a décidé de quitter Walter Wolf, estimant que la WR5 est une impasse. Devenu un pilote solide et expérimenté, il sera premier pilote de la Scuderia. Avant de lui faire confiance Enzo Ferrari a contacté sans succès James Hunt, Patrick Depailler et même... Niki Lauda. Il ne sait en revanche pas qui sera l'équipier de Scheckter. Carlos Reutemann et Gilles Villeneuve pourraient quitter l'équipe, et Riccardo Patrese est pressenti pour obtenir le deuxième volant. Villeneuve quant à lui pourrait tout simplement remplacer Scheckter chez Wolf.
Pour cette course, l'écurie Theodore de Teddy Yip refait son apparition, mais cette fois-ci avec une Wolf WR3 privée. La Theodore TR1, jugée trop lourde et mal conçue, est abandonnée. Après trois courses chez ATS, Keke Rosberg fait son retour dans l'équipe. Pour le remplacer, Günther Schmidt fait de nouveau appel à Jean-Pierre Jarier. Celui-ci revient en traînant des pieds, tant l'amateurisme de la petite équipe allemande l'a écœuré au cours des dix-huit derniers mois.
Chez Ensign tous les pilotes sont changés. Harald Ertl s'est trouvé un sponsor, Sachs Sporting, pour disputer le Grand Prix et remplace Geoff Lees. Jacky Ickx devait remplacer Derek Daly mais finalement doit renoncer à ce projet. Du coup, sur la recommandation de son associé Chuck Jones, Mo Nunn fait appel au jeune Brésilien Nelson Piquet Souto Maior, 25 ans, actuel leader du championnat d'Angleterre de F3.
Les qualifications
Le circuit très rapide de Hockenheim convient parfaitement aux Lotus, et sans aucune surprise celles-ci dominent les débats. Andretti signe la pole avec neuf centièmes de seconde d'avance sur Peterson. Lauda est troisième et devance Scheckter dont la Wolf est en bonne forme. Watson est cinquième et précède Jones qui confirme les incessants progrès de la Williams. Laffite et Hunt composent la quatrième ligne. Malgré un moteur turbo souffrant beaucoup de la chaleur, Jabouille se qualifie au neuvième rang devant Fittipaldi. Les Ferrari ne sont pas à la fête: Reutemann a cassé un moteur et n'est est douzième ; Villeneuve est quinzième. Les Tyrrell ne font pas mieux puisque Depailler et Pironi sont respectivement 13ème et 16ème.
Pour son premier Grand Prix Piquet se qualifie en vingt-et-unième position. Il précède Mass, Ertl et Stuck.
Arnoux et Lunger ont échoué en pré-qualifications. Puis le samedi après-midi ce sont Regazzoni, Keegan, Jarier et Merzario qui restent sur le carreau. Jarier a notamment été victime d'une grosse sortie de piste provoquée par un accélérateur bloqué. Un incident récurrent chez ATS qui pousse le pilote français à quitter l'équipe dès le samedi soir...
Le Grand Prix
Il fait très chaud sur le circuit : la température dans l'atmosphère atteint trente-trois degrés. La chaleur dans les cockpits est étouffante.
Reutemann choisit de disputer la course avec son mulet.
Grille de départ: Le tour de formation s'achève dans la confusion car Scheckter, qui rencontre des problèmes d'injection, tarde à se placer sur la grille. A peine a-t-il rejoint sa position que le starter donne le départ de manière inconséquente, car les dernières voitures ne sont même pas encore arrêtées.
Départ: La confusion est grande au départ. Peterson s'impose au premier virage devant Andretti, Lauda et Jones. Scheckter a eu énormément de mal à démarrer et se fait doubler par tout le peloton. Plusieurs voitures mettent deux roues dans le sable. Plus loin, surpris par le départ, Depailler percute Tambay et Stommelen. Le pilote Tyrrell doit abandonner et en plus s'en tire avec une douleur à l'épaule.
1er tour: Andretti tente de déborder Peterson par l'extérieur avant la première chicane mais celui-ci lui ferme la porte. L'Américain réitère sa tentative à l'Ostkurve mais de nouveau Peterson ne lui laisse aucun espace.
Peterson mène devant Andretti, Lauda, Jones, Watson, Hunt, Reutemann, Laffite, Fittipaldi et Villeneuve. Scheckter est avant-dernier. Stommelen s'arrête aux stands pour faire réparer sa voiture.
2e: Les deux Lotus commencent à prendre du champ sur Lauda et Jones. Fittipaldi se fait passer par Villeneuve et par Jabouille. A l'Ostkurve Mass percute Stuck et les deux Allemands finissent leur course nationale dans le rail. Rosberg est dans les stands pour changer son capot abîmé dans les incidents du départ.
3e: Andretti est collé à l'arrière de la Lotus de Peterson. Jones est décidément très rapide et prend la troisième place à Lauda. Plus loin, Laffite double Reutemann.
4e: Andretti est sur les talons de Peterson. Jones est relégué à trois secondes de ce duo. Jabouille passe Laffite. Reutemann entre dans les stands car son moteur fonctionne mal à cause du phénomène de « vapor lock ». Il va repartir en dix-neuvième position. Scheckter est de son côté déjà remonté au quatorzième rang.
5e: Les Lotus rattrapent l'Arrows de Stommelen. Elles le doublent à l'Ostkurve. Andretti attaque de nouveau Peterson par l'intérieur de l'Onkokurve. Cette fois-ci il parvient à s'imposer et s'empare du commandement. Jabouille est septième après avoir dépassé Laffite.
6e: Après la première chicane Peterson prend l'aspiration derrière Andretti et tente de repasser en tête. Mais son débordement par l'extérieur est voué à l'échec car Andretti aborde en tête l'Ostkurve. Pendant ce temps-là Jabouille voit son moteur turbo partir en fumée. Les segments de son moteur n'ont pas tenu. Il s'arrête dans l'herbe.
7e: Jones se maintient à trois secondes des Lotus et sème Lauda. Watson a perdu l'usage de sa quatrième vitesse et se fait successivement doubler par Hunt, Laffite et Villeneuve. Dans la ligne droite menant vers le Stadium, Pironi est gêné par Watson et met deux roues dans l'herbe à 250km/h. Il parvient tout de même à maîtriser sa Tyrrell.
8e: Andretti et Peterson prennent un tour à Rosberg. Pironi puis Patrese doublent Watson. Scheckter prend la onzième place à Fittipaldi.
9e: Watson se fait passer par Scheckter puis par Fittipaldi.
10e: Andretti mène devant Peterson (0.4s.), Jones (4.7s.), Lauda (9.4s.), Hunt (16.4s.) et Laffite (19.2s.). Viennent ensuite Villeneuve, Pironi et Scheckter qui vient de doubler Patrese.
12e: Jones a maintenant un peu plus de cinq secondes de retard sur les Lotus. Peu après avoir franchi la ligne de chronométrage, Lauda stoppe sa Brabham en panne de moteur. Scheckter prend la huitième place à Pironi.
13e: Pironi repasse Scheckter à la deuxième chicane.
14e: Scheckter s'impose pour de bon face à Pironi puis double Villeneuve. En quatorze tours le pilote Wolf est remonté du vingt-deuxième au sixième rang. Ces trois pilotes emmènent un peloton comprenant aussi Fittipaldi, Tambay, Patrese et Rebaque.
15e: Souffrant de vapor lock sur sa Ferrari, Reutemann abandonne. Il n'occupait que le dix-septième rang.
16e: Scheckter est lancé à la poursuite de Laffite. Pironi double Villeneuve à la deuxième chicane..
17e: Tambay part en tête-à-queue à l'Ostkurve. La McLaren finit sa course dans les grillages.
18e: Andretti et Peterson sont séparés par une seconde. Jones est troisième à sept secondes, Hunt quatrième à vingt-et-une secondes. Scheckter rattrape Laffite tandis que Villeneuve est sous la pression de Fittipaldi.
19e: Scheckter prend la cinquième place à Laffite.
20e: Hunt est au ralenti à cause d'une crevaison à l'avant gauche. Il doit parcourir tout le circuit pour regagner les stands.
21e : Colin Chapman observe la tranquille procession de ses bolides, accompagné par Barbro Peterson qui surveille les chronos de son époux.
22e : Andretti mène devant Peterson (0.9s.), Jones (9.5s.), Scheckter (36.8s.), Laffite (37.6s.) et Pironi (41.7s.). Hunt essaie de revenir au stand McLaren, mais fait un tête-à-queue qui l'oblige à rouler en contre-sens pour pouvoir entrer dans les stands. Il fait changer ses pneus puis repart en quinzième position.
23e: Fittipaldi prend la septième place à Villeneuve à la Sachkurve. En poursuivant Patrese, Rebaque part en tête-à-queue à la deuxième chicane. Il parvient à se relancer avec l'aide des commissaires mais chute ainsi du dixième au treizième rang.
25e: Jones est désormais bien plus lent que les deux leaders. Arrêt aux stands de Villeneuve qui fait changer ses pneumatiques. Il repart onzième, entre Watson et Rebaque.
26e: Peterson réalise le meilleur tour en course: 1'55''62'''. Fittipaldi est désormais sur les talons de Pironi. Il va le harceler pendant plus de dix tours. Brambilla tombe en panne d'alimentation et s'immobilise dans la ligne droite avant le Stadium, heureusement hors trajectoire. Il doit être poussé dans l'herbe par les courageux commissaires de piste.
28e: Villeneuve prend la dixième place à Watson.
29e : Andretti mène devant Peterson (0.4s.), Jones (26.5s.), Scheckter (41.3s.), Laffite (43.3s.), Pironi (1m.) et Fittipaldi (1m. 05s.). Suivent Patrese, Ertl, Villeneuve et Watson.
La bataille fait rage entre Pironi et Fittipaldi. Le Brésilien se montre dans les rétroviseurs du Français à chaque freinage.
30e: En proie à des problèmes d'injection (vapor lock), Jones est au ralenti. Il se fait passer par de nombreuses voitures avant de rentrer à son stand. Après avoir fait verser de l'eau dans les radiateurs, Patrick Head décide de renvoyer l'Australien en piste. Mais il n'est plus que treizième.
31e : Andretti et Peterson comptent quarante-cinq secondes d'avance sur Scheckter, lequel précède Laffite d'une seconde. Pironi et Fittipaldi sont en bagarre pour la cinquième place. Ertl est désormais septième devant Villeneuve, Patrese et Watson. Jones revient au stand Williams... et reprend la piste.
32e : Patrese fait un tête-à-queue dans le Stadium mais parvient à reprendre la piste. Jones revient encore à son garage, cette fois-ci pour mettre pied à terre. Ses efforts ne sont toujours pas récompensés mais la Williams a fait forte impression.
33e: Villeneuve double Ertl. Watson double Patrese. Stommelen est chez Arrows pour faire changer son pneu arrière gauche. Abandon pour Piquet dont le moteur a rendu l'âme vers l'Ostkurve. Le jeune Brésilien était alors douzième.
35e: Plus que dix tours à tenir pour les deux Lotus. Andretti a maintenant trois secondes d'avance sur Peterson. Très rapide aujourd'hui, malgré son tête-à-queue, Rebaque double Patrese.
36e: Peterson ne parvient plus à suivre Andretti : il a six secondes de retard. Fittipaldi menace toujours Pironi qui souffre de problèmes de freins. Hunt reçoit le drapeau noir pour conduite à contre-sens. L'Anglais n'évoluait de toute façon qu'en douzième position et n'avait plus rien à espérer de cette course. Il s'arrête à son stand.
37e: Peu avant le Stadium, Peterson ralentit soudainement. Il n'arrive plus à passer ses vitesses. C'est terminé pour le Suédois. Rebaque passe Watson.
38e: Andretti mène désormais devant Scheckter (21s.) et Laffite (26s.). Fittipaldi dépasse Pironi par surprise à l'Onkokurve : depuis vingt tours, Emmo a attaqué Didier à chaque virage, sauf à celui-ci...
39e: Villeneuve et Ertl s'opposent pour la sixième place. Le Québécois souffre de vapor lock comme Reutemann et devient une proie facile pour l'Autrichien.
40e: Ertl déborde Villeneuve. Le voici en passe d'obtenir son premier point en F1, le premier de l'année pour Ensign.
41e: Andretti mène devant Scheckter (19.6s.), Laffite (27.6s.), Fittipaldi (41.7s.), Pironi (48.2s.), Ertl (1m. 25s.), Villeneuve (1m. 28s.), Rebaque (1m. 32s.) et Watson (1m. 35s.).
42e: C'est la catastrophe pour Ertl, trahi par son moteur à trois tours du but. Il s'arrête dans l'échappatoire à l'entrée du Stadium. Villeneuve récupère la sixième place, mais est très menacé par Rebaque et Watson.
43e: Rebaque puis Watson doublent Villeneuve. Stommelen finit la course avec un extincteur de bord explosé.
45e: Mario Andretti remporte le GP d'Allemagne et obtient sa cinquième victoire de la saison. Après une superbe remontée, Scheckter termine deuxième, son meilleur résultat de l'année. Troisième, Laffite retrouve le podium pour la première fois depuis Jarama. Fittipaldi termine quatrième et Pironi cinquième. Enfin Rebaque obtient à seulement 22 ans son premier point en Formule 1 au volant de sa Lotus 78. Cela lui vaut les chaleureuses félicitations de Colin Chapman. Il devance Watson, Villeneuve, Patrese et Rosberg. Classé onzième, Stommelen est disqualifié pour avoir roulé à contre-sens, comme Hunt.
Après la course
Andretti, Scheckter et Laffite sont accueillis sur le podium par Fritz Huschke von Hanstein, président de la section sportive de l'AvD, devenu par la force des choses le partenaire de Bernie Ecclestone dont il disait autrefois pis que pendre...
Après le beau succès de Michelin en Grande-Bretagne, Goodyear réalise le carton plein en Allemagne : ni les Ferrari ni la Renault ne terminent dans les points.
Grâce à ce succès et à l'abandon de Peterson, Andretti fait un grand pas vers le titre mondial. Il possède maintenant 54 points, soit dix-huit de mieux que son coéquipier. Lauda et Reutemann, qui ont également abandonné, sont à vingt-trois points de l'Américain.
Tony