Décès de José Carlos Pace
Le Grand Prix d'Afrique du Sud a été marqué par la mort tragique de Tom Pryce qui a percuté à haute vitesses un commissaire de piste imprudent.
Le 18 mars 1977, José Carlos Pace est au Brésil pour se ressourcer. Le Pauliste a connu un début de saison difficile et tient à être en pleine forme pour aborder la course de Long Beach. Ce jour-là, il prend l'avion à São Paulo en compagnie du pilote Marivaldo Fernandes, à destination d'Araraquara où se trouve la ferme de ce dernier. Il pleut très fort et la visibilité est faible, mais les deux hommes décident de poursuivre leur voyage. Aux abords de la ville de Mairiporã, le Piper s'écrase dans un arbre au sommet d'une montagne. Les passagers sont tués sur le coup.
Le lendemain, le monde du sport automobile apprend éberlué la mort de Carlos Pace. Tout le Brésil est en deuil. Pace était considéré comme un des pilotes de Formule 1 les plus doués. Bernie Ecclestone avait placé en lui tous ses espoirs d'amener Brabham-Alfa Romeo au titre mondial. Professionnel irréprochable, très bon metteur au point, il était très apprécié des directeurs d'équipe, même si son caractère difficile a pu être source de tensions, notamment avec John Surtees. Pace laisse une veuve et deux enfants, Patrico et Rodrigo. Ce mois de mars 1977 est décidément bien cruel pour la Formule 1 qui a perdu deux de ses meilleurs espoirs.
Présentation de l'épreuve
Deux jours après la mort de Pace s'est déroulée la Course des champions à Brands-Hatch. Les Ferrari en étaient absentes. James Hunt a remporté la victoire devant Jody Scheckter et John Watson. Il apporte son dernier succès à la McLaren M23. Hunt est en effet impatient de piloter enfin la nouvelle M26 en course. Mais il devra pour cela attendre le Grand Prix d'Espagne. Le champion du monde a pourtant besoin de points: s'il a signé trois poles lors des trois premières courses, aucune ne s'est transformée en victoire.
Après ce Grand Prix devait se dérouler le Grand Prix du Japon au Mont Fuji, mais les Nippons ont reporté l'épreuve au mois d'octobre. Cet imprévu a failli mettre l'épreuve de Long Beach sur la paille, car il était prévu que les Japonais et les Américains se partagent les très onéreux frais de transports des équipes générés par ces déplacements lointains.
Finalement Chris Pook a trouvé l'argent nécessaire au maintien de l'épreuve.
La disparition de Pace laisse un très grand vide chez Brabham. L'équipe n'a plus de premier pilote et John Watson semble un peu tendre pour endosser ce rôle. Ne doutant de rien, Bernie Ecclestone propose un million de dollars à James Hunt pour rejoindre sur le champ son équipe. Hunt refuse. En désespoir de cause, Ecclestone fait appel à Hans Joachim Stuck, qui pourtant avait déjà donné son accord pour piloter chez ATS. Le jeune Allemand trouve enfin l'occasion de courir pour une équipe de pointe.
Chez Shadow, il faut aussi pallier à un décès, celui de Tom Pryce. Don Nichols a engagé Alan Jones, sans contrat en F1 depuis fin 76. Le rugueux Australien a pour lui son excellente saison 76 au volant d'une Surtees.
Pour remplacer Stuck, March a recruté Brian Henton, déjà aperçu à quelques reprises en 1975 au volant d'une Lotus. Pour sa première sortie, le jeune Anglais a obtenu la quatrième place lors de la Course des Champions.
Enfin, faisant toujours face à des difficultés techniques insurmontables, BRM n'a pas fait le déplacement Outre-Atlantique.
Ce Grand Prix voit aussi les débuts de l'équipe allemande ATS, fondée par l'entrepreneur Gunther Schmidt. Cet ancien pilote amateur a fait fortune dans la fabrication de jantes. Fin 1976, il rachète à Roger Penske sa voiture, la PC4, et tout son stock de matériel, pour fonder une équipe « nationale » allemande, baptisée ATS du nom de sa société. Le Penske est une excellente voiture qui a gagné une course aux mains de John Watson, mais elle doit être conduite par un pilote chevronné. Schmidt approche tout d'abord Hans Joachim Stuck, mais celui-ci étant parti chez Brabham, il se rabat sur Jean-Pierre Jarier. Après une triste fin de collaboration avec Shadow, le pilote français entend bien se refaire une santé dans cette petite équipe.
On voit rôder dans le paddock Gérard Larrousse et Jean-Pierre Jabouille, envoyés par la Régie Renault pour collecter des informations. Il est désormais certain que la marque française va se lancer en Formule 1 en cours de saison, avec dit-on un moteur turbo-compressé révolutionnaire.
Les qualifications
Laffite surprend tout le monde en détenant longtemps la pole position lors des essais du samedi. Suite à un début de saison calamiteux, Ligier a effectué de nombreux essais à Magny-Cours et a placé le V12 Matra de la saison précédente dans la JS7. Celle-ci s'est montrée bien plus rapide et surtout, plus solide.
Mais le Français ne pourra garder longtemps sa première place. C'est Lauda qui obtient le meilleur chrono et donc sa vingt-deuxième pole position. Il précède Andretti dont la Lotus à effet de sol est très performante sur ce tracé. Scheckter et Reutemann sont en deuxième ligne. Laffite est finalement cinquième devant Watson. Fittipaldi obtient une belle septième place au volant de la vieille Copersucar. Hunt est seulement huitième. Il précède Jarier qui démontre que la Penske PC4 est toujours une bonne voiture. Les Tyrrell sont à la traîne: Peterson est dixième et Depailler douzième. Pour sa première course chez Shadow, Jones décroche la quatorzième place. Il précède trois déceptions: Mass, Nilsson et Stuck.
Les March de Lunger et Ribeiro occupent la dernière ligne.
Le Grand Prix
Comme l'année précédente, une foule immense s'est déplacée pour assister à la course qui se déroule sous un très beau soleil. La télévision américaine retransmet la course en direct. Une expérience appelée peut-être à se renouveler...
Départ: Lauda et Andretti partent moyennement. Scheckter surgit sur la droite et les déborde presque immédiatement. Quatrième, Reutemann freine bien trop tard et fonce dans l'échappatoire. Hunt tente de se faufiler entre Laffite et Watson mais il est bien trop optimiste: sa McLaren frotte le muret avant de décoller sur la Brabham et de retomber lourdement. Dans la cohue, Brambilla heurte le mur à droite, tandis que Mass et Peterson retrouvent Reutemann dans l'échappatoire.
1er tour: Scheckter, Lauda et Andretti se sont échappés grâce à ce carambolage. Andretti déborde Lauda à la première épingle. Regazzoni, Peterson, Mass et Reutemann sont repartis. Hunt est poussé par les commissaires et va reprendre la piste. En revanche Brambilla a dû stopper à la sortie de Cook's, suspension avant droite pliée.
Scheckter est en tête devant Andretti, Lauda, Laffite, Watson, Fittipaldi, Jarier, Jones, Depailler et Nilsson. Mass et Hunt passent par les stands pour faire vérifier leurs voitures. Début de course calamiteux pour McLaren.
2e: Les trois leaders sont roues dans roues. Depailler double Jones puis Jarier.
3e: Andretti attaque Scheckter à l'épingle du Gazomet, sans succès. Il dérape alors à l'extérieur et Lauda en profite pour le déborder dans la longue pleine charge qui suit. Mais à la deuxième épingle, Andretti plonge à l'intérieur et récupère la deuxième place. Plus loin Watson parvient à doubler Laffite.
4e: Lauda attaque Andretti à la deuxième épingle mais doit freiner lourdement pour éviter un contact.
5e: Reutemann percute Lunger alors qu'il essayait de remonter. L'Américain doit stopper tandis que l'Argentin continue mais sa voiture est endommagée. Il regagne le stand Ferrari.
6e: Depailler prend la sixième place à Fittipaldi. Reutemann met pied à terre. C'est son premier abandon de la saison.
7e: Scheckter à une demi-seconde d'avance sur Andretti. Lauda est à une seconde et demie et Watson à cinq secondes.
9e: Le trio de tête rattrape déjà Hunt, relégué à un tour.
10e: Hunt laisse passer Scheckter puis Andretti mais gêne un temps Lauda.
11e: Scheckter mène devant Andretti (0.5s.), Lauda (1s.) et Watson (6s.). Laffite est cinquième à plus de dix secondes et précède Depailler, Fittipaldi, Jones, Nilsson et Jarier. Peterson a rattrapé son retard et est onzième après avoir doublé Regazzoni.
13e: Scheckter a pris un tout petit peu de marge: il a une seconde d'avance sur Andretti.
15e: Scheckter a une seconde et demie d'avance sur Andretti et Lauda, roues dans roues. Ribeiro est arrêté à son stand à cause d'une panne de boîte de vitesses. Il repartira pour un tour avant de renoncer.
17e: Watson doit s'arrêter à son stand à cause d'une crevaison. Le changement de roue dure longtemps et le pilote nord-irlandais ne repart qu'en seizième position, avec plusieurs tours de retard.
18e: Andretti est revenu juste derrière Scheckter. Lauda est un peu distancé.
20e: Scheckter a une seconde d'avance sur Andretti et trois secondes sur Lauda. Laffite est relégué à plus de vingt secondes. Encore plus loin se trouve Depailler qui précède Fittipaldi, Jones, Nilsson et Jarier. Stuck est arrêté au stand Brabham pour régler un problème de freins.
22e: Jones prend la septième place à Fittipaldi.
23e: Scheckter a de nouveau une seconde d'avance sur Andretti. Lauda est à trois secondes et demie.
24e: Andretti est gêné par Stuck, reparti en dernière position.
25e: Andretti a perdu du temps et se retrouve à deux secondes et demie de Scheckter.
26e: Tête-à-queue de Stuck après Cook's. L'Allemand parvient à se relancer.
28e: Andretti et Lauda se rapprochent à nouveau de Scheckter.
29e: En début de tour, Zorzi s'écarte parfaitement devant les trois leaders, mais ceci fait il ralentit. Il ne parvient plus à sélectionner ses vitesses et va devoir abandonner.
31e: Andretti est revenu à une seconde Scheckter. Lauda est dans le sillage de la Lotus. Laffite est à trente secondes de ce trio.
33e: Une demi-seconde seulement sépare Scheckter et Andretti.
35e: Regazzoni s'arrête au stand Ensign car il souffre d'un problème de boîte de vitesses. Il était jusqu'ici onzième.
36e: Watson s'arrête face au muret des stands. Son interrupteur d'allumage est cassé. Ses mécaniciens enjambent le muret pour réparer le bouton défaillant à même la piste. Regazzoni est reparti en avant-dernière position.
38e: Scheckter est gêné par Mass, relégué à un tour. Il parvient à le dépasser mais l'Allemand gêne ensuite Andretti et Lauda.
39e: Andretti et Lauda doublent Mass juste avant la deuxième épingle, mais ont perdu du temps par rapport à Scheckter. Watson a redémarré. Peterson s'arrête au stand Tyrrell pour changer de pneus et faire vérifier ses freins.
40e: Scheckter mène avec deux secondes d'avance sur Andretti, lequel a une demi-seconde de marge sur Lauda. Laffite est quatrième à une quarantaine de secondes. Il précède nettement Depailler. Jones tenait la sixième place, mais il regagne les stands. Fittipaldi récupère sa position et précède Nilsson, Jarier et Binder.
41e: Jones met pied à terre, boîte de vitesses cassée. Mass renonce aussi à cause de vibrations persistantes au niveau du train arrière.
43e: Andretti et Lauda perdent du temps derrière Stuck.
45e: Scheckter a deux secondes et demie d'avance sur Andretti et Lauda qui se tiennent en quelques dixièmes.
48e: Les écarts sont stables en tête: Scheckter semble désormais contrôler parfaitement la situation.
49e: La direction de course présente le drapeau noir à Binder car ses cloisons d'aileron se détachent. Les mécaniciens de Surtees vont consolider celles-ci avec du fil de fer avant de renvoyer le pilote en piste.
50e: Scheckter mène devant Andretti (2.5s.) et Lauda (3.5s.). Laffite est relégué à une quarantaine de secondes. Il précède Depailler, Fittipaldi, Nilsson, Jarier, Hunt et Henton.
52e: Watson est arrêté au drapeau noir pour avoir fait réparer sa voiture hors des stands. Il roulait avec près de vingt tours de retard...
54e: Andretti est revenu à une seconde et demie du leader.
56e: Les trois leaders rattrapent un groupe composé de Nilsson, Jarier et Peterson, qui n'est pas dans le même tour que les deux précités. Scheckter parvient à doubler Peterson.
57e: Andretti et Lauda perdent du temps derrière Peterson. Henton est aux stands à cause de soucis de boîte de vitesses.
58e: Scheckter double Jarier, mais il est gêné en fin de tour par Henton qui est venu s'intercaler dans le groupe des retardataires.
59e: Scheckter se débarrasse de Henton. Andretti et Lauda ont réussi à se dépêtrer du trafic et n'ont pas perdu beaucoup de temps. Stuck regagne son stand où il renonce, en panne de freins.
60e: Scheckter prend un tour à Nilsson. Il n'y a plus que six voitures à rouler dans le même tour que le premier.
61e: Andretti et Lauda doublent Nilsson.
62e: Andretti n'est plus qu'à une seconde de Scheckter. A deux secondes et demie du leader, Lauda réalise le meilleur tour en course: 1'22''753'''. Laffite est quatrième à plus d'une minute. Il a une dizaine de secondes d'avance sur Depailler qui lui-même précède aisément Fittipaldi. Regazzoni abandonne, sa boîte de vitesses ne fonctionnant plus.
63e: Andretti est juste derrière Scheckter. Lauda est lui-même revenu derrière l'Américain.
65e: A quinze tours du but, Scheckter, Andretti et Lauda sont roues dans roues comme en début de course. Laffite est relégué à une minute et mène course tranquille pour la première fois de la saison.
66e: Peterson tombe en panne après Bridgestone Bend, à cause de la rupture d'une canalisation d'essence. Il pousse lui-même sa Tyrrell vers une échappatoire.
68e: Le pneu avant droit de Scheckter se dégonfle lentement. La tenue de route de sa Wolf s'en trouve très dégradée et le Sud-Africain a beaucoup de mal à la maintenir dans la trajectoire.
69e: Jarier prend la septième place à Nilsson, à la peine en cette fin de Grand Prix.
70e: A dix tours de la fin, Scheckter a une demi-seconde d'avance sur Andretti et une seconde sur Lauda. Laffite est quatrième à plus d'une minute. Depailler est relégué à une minute quinze secondes. Il a une dizaine de secondes d'avance sur Fittipaldi.
71e: Andretti menace Scheckter avant la première épingle.
72e: Très rapide en cette fin d'épreuve, Hunt s'empare de la huitième place aux dépens de Nilsson.
74e: Scheckter, Andretti et Lauda sont roues dans roues et semblent se préparer à une bagarre finale.
75e: Scheckter a de plus en plus de mal à contrôler sa Wolf. Andretti est dans ses échappements.
76e: De la fumée commence à s'échapper de la voiture de tête. Scheckter rattrape un dérapage en entrant dans Ocean Boulevard.
77e: Le pneu avant droit de Scheckter est à l'agonie. A l'abord de l'épingle de Queen's, le Sud-Africain freine tôt pour éviter la sortie de route. Andretti plonge à l'intérieur et s'empare, après 1h45 d'attente, de la première place.
78e: Scheckter n'a plus qu'à essayer de rallier l'arrivée. Il sort beaucoup trop large de l'épingle du Gazomet et Lauda en profite pour le déborder par l'intérieur. Scheckter reprend brièvement l'avantage mais dans la longue pleine charge suivante, la puissance du Flat 12 Ferrari permet à Lauda de prendre définitivement la deuxième place.
79e: Andretti mène avec deux secondes de marge sur Lauda. Scheckter se maintient dans le sillage de ce dernier. Sur la Ligier de Laffite, le bouton commandant le système électrique tombe en panne. La voiture stoppe net. Laffite doit abandonner alors qu'il tenait ses premiers points de l'année...
80ème et dernier tour: Andretti est gêné par Henton mais cela sera sans conséquence.
Mario Andretti remporte sa troisième victoire en Formule 1, la première d'un Américain dans son pays en Formule 1. Colin Chapman lance sa casquette dans les airs: sa « wing car » remporte son premier succès. Lauda termine deuxième après une course d'attente. Scheckter parvient à terminer troisième malgré un pneu crevé. Il roule au passage sur la casquette de Chapman... Depailler finit quatrième après une course très discrète. Fittipaldi est cinquième et amène la Copersucar dans les points pour la troisième fois en quatre épreuves. Enfin, Jarier inscrit un point pour le premier Grand Prix de l'équipe ATS. Hunt termine septième et précède Nilsson, Henton et Binder.
Après la course
Mario Andretti est triomphalement salué par le public américain. Le champion est une star dans son pays et sa victoire va avoir des retombées financières importantes. Peu après la course, Chris Pook signe avec la chaîne de télévision CBS un contrat de longue durée.
Lauda est aussi content de son week-end: pour la deuxième fois de suite, il a complétement éclipsé Reutemann et s'affirme à nouveau comme le premier pilote Ferrari. Scheckter est bien sûr désolé d'avoir perdu la victoire à quatre tours du but, mais néanmoins sa Wolf a dominé une bonne partie de la course. La création de Harvey Postlethwaite fait décidément des miracles et son pilote est maintenant un prétendant sérieux au titre de champion du monde.
Au classement général, Scheckter et Lauda occupent la première place avec dix-neuf points chacun, c'est-à-dire six de mieux que Reutemann. Chez les constructeurs, Ferrari a neuf longueurs d'avance sur Wolf, quinze sur Lotus et déjà dix-neuf sur McLaren.
Tony